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Chapitre CXLII


Alphonse Karr. – Le cuirassier. – La médaille de sauvetage et la croix de la Légion d'honneur. – Le domicile de Karr à Montmartre. – Sous les tilleuls et la critique. – Prise d'Alger. – M. Dupin aîné. – Pourquoi il n'écrit pas ses Mémoires. – Signature des ordonnances de Juillet. – Ce qui m'empêche de partir pour Alger.

L'événement que nous venons de raconter nous a conduits au 2 juin. En regardant le ciel, tout étoilé, du haut de la terrasse du duc d'Orléans, Charles X avait dit :
- Voilà un beau temps pour ma flotte d'Alger !
Il se trompait : presque au sortir du port, la flotte avait été dispersée par une tempête, et, à l'heure où il parlait, elle se ralliait à grand-peine à Palma.
Au reste, l'opposition allait son train ; grands et petits journaux frappaient sur le gouvernement, les uns avec des massues, les autres avec des verges. Nous avons dit comment le Journal des Débats avait traité le ministère Polignac à son avènement.
Si nous avions les petits journaux sous les yeux, peut-être prouverions-nous que les railleries des nains n'ont pas fait moins de mal que les injures des géants.
Au nombre des petits journaux qui, à cette époque, faisaient au gouvernement une guerre de tirailleurs, Le Figaro, sous la direction de Bohain, et rédigé, comme on sait par Janin, Romieu, Nestor Roqueplan, Brucker, Vaulabelle, Michel Masson et Alphonse Karr, marchait au premier rang.
Karr, le plus inconnu peut-être, alors, de toute cette pléiade de combattants, et devenu depuis un de nos artistes littéraires les plus distingués – remarquez que je dis artistes littéraires, et non pas littérateurs ou hommes de lettres – Karr faisait ses premières armes.
Il avait assisté à la lecture d'Henri III chez Nestor Roqueplan. C'est là que je l'ai connu.
Selon notre habitude, et comme nous avons fait et comptons faire encore pour tous les hommes remarquables de notre époque, prenons à ses débuts cet esprit singulier, qui a le privilège de donner à la vérité le charme du paradoxe. Cette vérité, toute nue et toute déguenillée chez les autres, est toujours, en sortant des mains d'Alphonse Karr, couverte de voiles d'or.
Alphonse Karr est certainement l'homme qui, depuis 1830 et sous les divers gouvernements qui se sont succédé, a dit à ces gouvernements, à ceux qui les flattaient ou à ceux qui les attaquaient, le plus de vérités – si vraies, que, tout au contraire des vérités des autres, les vérités d'Alphonse Karr sont incontestables, et que plus on les creuse, plus elles sont vraies.
C'était, alors, un beau garçon de vingt-deux à vingt-trois ans, aux traits fermes et arrêtés dans un encadrement de cheveux noirs ; ayant, dès ce temps-là, adopté une excentricité de costume qu'il a conservée depuis ; extrêmement bien pris de taille, extrêmement vigoureux de corps, extrêmement adroit et fort à tous les exercices gymnastiques et particulièrement à la natation et à l'escrime.
Pendant l'été de 1829, en se baignant dans la Marne, il avait sauvé un cuirassier qui se noyait. Le cuirassier était lourd, presque aussi vigoureux que Karr ; de sorte qu'il s'en était fallu de bien peu qu'au lieu que ce fût Karr qui sauvât le cuirassier, ce ne fût le cuirassier qui noyât Karr.
Le fait eut assez d'éclat pour que Karr reçut du gouvernement une médaille que je lui ai vu porter quelquefois. Cette médaille fut pour les railleurs la source d'une foule de nazzi que la réputation de bravoure bien connue de Karr maintint toujours, il est vrai, dans les bornes du convenable, mais qui ne s'épuisa jamais. Pour la fameuse médaille, il n'y a point prescription, et je ne sais ce que je lisais encore hier à ce propos dans une petite feuille politico-littéraire.
Un jour, à un grand dîner auquel j'assistais et où se trouvaient une foule de gens décorés, non pas d'une médaille quelconque, mais de la croix de la Légion d'honneur, bien autrement répandue, bien autrement prodiguée aujourd'hui que toutes les médailles du monde, ces plaisanteries contre Karr, qui était un de nos convives, se renouvelèrent. Karr, avec son calme ou plutôt son flegme habituel, appela le garçon, demanda une plume, de l'encre et du papier, découpa le papier en autant de fragments arrondis qu'il y avait de décorés à table, écrivit sur chaque fragment la cause pour laquelle chacun avait été décoré, et fit passer chaque fragment à son adresse.
Cela calma les rieurs.
Karr est né en Allemagne, en décembre 1808 et, depuis 1848 seulement, il est naturalisé Français. Son père était un des cinq ou six musiciens allemands qui, du clavecin, ont fait le piano. Trois de ses oncles sont morts capitaines au service de la France. Il était, en outre, neveu du baron Heurteloup et cousin d'Habeneck.
A cette époque, Karr ne faisait aucun article politique dans Le Figaro. Plus d'une fois il m'a dit très sérieusement avoir vu passer devant lui la révolution de juillet, et même celle de février, sans savoir de quoi il s'agissait. Depuis, il a fort étudié et fort compris les révolutions ; car, en 1848, et à propos d'elles, il écrivait : « Plus cela change ; plus c'est la même chose ! »
En 1829, il était professeur au collège Bourbon, et faisait des vers ; il en envoya au Figaro ; ce fut Bohain qui les reçut. – Bohain était un de ces hommes francs qui professent un majestueux dédain pour la poésie.
Il répondit à Karr :
« Mon cher monsieur, vos vers sont charmants ; mais envoyez-moi de la prose. J'aimerais mieux me pendre que de mettre un seul vers dans mon journal ! »
Karr n'insista point. Les hommes d'esprit sont rares : il ne voulut pas que Bohain se pendît, il lui envoya de la prose.
C'était une grande humiliation dévorée par le jeune poète !
Tous les articles un peu bucoliques que publia Le Figaro, à cette époque, sont d'Alphonse Karr.
Karr s'était fait un domicile des plus fantastiques. Il avait loué à Montmartre l'ancien Tivoli, à moitié tombé dans les carrières ; il en restait un petit bois et le bureau des cannes. La nuit, il couchait dans le bureau des cannes, le jour, il se promenait dans le petit bois.
Ce fut là qu'il commença son premier roman : Sous les tilleuls – Il le finit rue de la Ferme-des-Mathurins, dans l'atelier des deux Johannot, qu'il prit après eux.
De Montmartre, Alphonse Karr ne venait pas à Paris deux fois par mois ; il avait un canot à Saint-Ouen, et passait dans son canot tout le temps qu'il ne passait point dans son bois ou dans son bureau des cannes.
Sous les tilleuls parut en 1831, je crois. L'ouvrage était remarquable et fut remarqué. Cela veut dire qu'on l'attaqua avec acharnement, comme on attaque en France tout ce qui apparaît dans des conditions de force ou d'originalité.
On accusa d'abord l'auteur d'avoir imité un livre de Nodier qui avait paru quinze jours après le sien ; malheureusement la date était là : il fallut abandonner l'accusation.
Alors, on lui reprocha d'avoir tout simplement traduit son livre de l'allemand ; on alla même jusqu'à donner le titre du livre allemand : Unter den Linden sous les tilleuls ; mais il fut reconnu qu'il n'y avait, dans toute la littérature allemande, aucun livre portant ce titre ; seulement, dans presque toutes les grandes villes – ce que, du reste, ne niait pas Alphonse Karr –, il y a une promenade publique appelée ainsi.
L'auteur avait mis pour épigraphes, en tête des chapitres ou des lettres, des vers de lui, sans doute ceux qu'avait refusés Bohain mais il avait cru devoir les décorer des noms de Schiller, de Goethe, d'Uhland ; la critique y fut prise : elle exalta les vers aux dépens de la prose ! Prose et vers étaient d'Alphonse Karr ! Bien plus : une grande partie des lettres que renferme le roman avaient été, en réalité, écrites à une jeune fille dont Karr avait été très amoureux.
Karr ne fut décoré qu'en 1845 ou 1846. Un jour, il fut averti par Cavé qu'il était question de donner la croix à son père ou à lui.
La croix avait été promise à son père par Marie-Louise, et son père l'attendait encore en 1840.
Karr alla trouver M. Duchâtel, et, s'étant assuré que Cavé lui avait dit vrai :
- Monsieur, dit-il au ministre, quand un fils et un père se trouvent dans les conditions de la croix, le fils ne l'accepte pas avant son père.
M. Duchâtel se contenta de décorer le père : il fallait décorer le père et le fils.
Son père mort, Karr fut décoré à son tour ; il prit à la boutonnière de l'habit du mort le dernier ruban qu'il avait porté, et le mit à la sienne.
Au commencement du mois de juillet 1830 je rencontrai dans la rue Alphonse Karr donnant le bras à Brucker – Brucker, peintre sur porcelaine, était un des esprits les plus originaux du journalisme de 1830 – ; je rencontrai, dis-je, Karr au bras de Brucker, juste au moment où l'on tirait le premier des cent coups de canon qui annonçaient la prise d'Alger.
- Tiens ! demanda Karr, qu'est-ce que cela ? on dirait le canon.
- C'est sans doute Alger qui est prise, répondis-je.
- Bah ! on l'assiégeait donc ? reprit Karr.
Alger était prise, en effet ; son surnom de La Guerrière ne lui avait servi à rien.
Ce nid de vautours, mal tué par Duquesne, comme avait dit Hugo, était, enfin, écrasé par M. de Bourmont.
Aussitôt la grande nouvelle reçue, le ministre de la marine, M. le baron d'Haussez, avait couru chez le roi.
En entendant annoncer son ministre, Charles X s'était élancé vers lui les bras ouverts ; M. d'Haussez avait voulu lui baiser la main ; mais Charles X, l'attirant sur sa poitrine :
- Dans mes bras ! dans mes bras ! avait-il dit ; aujourd'hui, tout le monde s'embrasse.
Et le roi et le ministre s'étaient embrassés.
Cependant, à travers ces faveurs apparentes dont la Providence semblait combler le chef de la branche aînée, les hommes aux yeux clairvoyants apercevaient un abîme.
- Prenez garde ! s'écriait M. Beugnot, pareil à un pilote effrayé, prenez garde ! La monarchie sa sombrer sous voiles, comme un vaisseau tout armé !
- Je serais beaucoup moins inquiet si M. de Polignac l'était davantage ! disait M. de Metternich à M. de Rayneval, notre ambassadeur à Vienne.
Il est vrai que l'opposition elle-même, qui n'avait pas la vue aussi longue que M. Beugnot et que M. de Metternich, se chargeait de rassurer la royauté, au cas où la royauté eût été inquiète.
En effet, comment craindre quelque chose quand M. Dupin aîné, un des chefs de l'opposition, disait pendant la discussion de l'adresse :
« La base fondamentale de l'adresse est un profond respect pour la personne du roi ; elle exprime au plus haut degré la vénération pour cette race antique des Bourbons ; elle représente la légitimité, non seulement comme une vérité légale, mais encore comme une nécessité sociale qui est aujourd'hui, dans tous les bons esprits, le résultat de l'expérience et de la conviction. »
O cher monsieur Dupin ! esprit ferme, juge intègre, lumière pure du barreau, législateur sans crainte et sans reproche ; vous qui, en revoyant le procès de Jésus, avez écrit sur Ponce Pilate ces lignes sublimes :
« Pilate, voyant qu'il ne pouvait rien gagner sur l'esprit de cette multitude, mais que le tumulte s'excitait de plus en plus, Pilate fit apporter de l'eau, et, lavant ses mains devant le peuple, il leur dit : "Je suis innocent du sang de ce juste, et ce sera à vous d'en répondre" Matth., XXVII, 24. Et il accorda ce qu'ils demandaient Luc, XXIII, 24, et il le remit entre leurs mains pour être crucifié Matth., XXVII, 26.
"Lave tes mains, Pilate ! elles sont teintes du sang innocent ! Tu l'as octroyé par faiblesse, tu n'es pas moins coupable que si tu l'avais sacrifié par méchanceté" ; les générations ont redit jusqu'à nous : "Le juste a souffert sous Ponce Pilate passus est sub Pontio Pilato."
« Ton nom est resté dans l'histoire pour servir d'enseignement à tous les hommes publics, à tous les juges pusillanimes, pour leur révéler la honte qu'il y a de céder contre sa propre conviction !... La populace en fureur criait au pied de ton tribunal ; peut-être toi-même n'étais-tu pas en sûreté sur ton siège ; qu'importe ! ton devoir parlait, et, en pareil cas, mieux vaut recevoir la mort que la donner ! »
O cher monsieur Dupin ! avocat de Jésus-Christ et de Béranger sous la Restauration, président de la Chambre et procureur général sous Louis- Philippe ; président de l'Assemblée nationale et procureur général sous la République, pourquoi n'écrivez-vous pas vos Mémoires, comme je fais des miens ? pourquoi, tout à l'encontre de ce lâche Ponce Pilate, qui a eu peur, ne vous montrez-vous pas, vous, inamovible dans vos convictions, inébranlable dans vos devoirs, tenace dans vos sympathies, immobile sur votre banc de procureur général, calme sur votre fauteuil de président, impassible sur votre chaise curule de législateur ?... Quel enseignement le monde eût pu tirer des Mémoires d'un homme qui, comme vous, eut tant d'occasions de donner des preuves de sa fidélité aux Bourbons de la branche aînée le 29 juillet 1830, de sa fidélité aux Bourbons de la branche cadette, le 24 février 1848 ; et enfin, de sa fidélité à la République, le 2 décembre 1851 !
Mais vous êtes modeste, cher monsieur Dupin ! La modestie est, avec le courage civil et la conscience politique, une de vos grandes qualités, et, par modestie, vous n'osez dire vous-même ce que vous pensez de vous !
Soyez tranquille : toutes les fois que l'occasion s'en présentera, j'aurai l'honneur de vous suppléer dans cette honorable tâche – regrettant seulement de ne pas en savoir plus que je n'en sais, pour en dire davantage, et vous traiter selon vos mérites...
Comment craindre, avons-nous dit, quand la société Aide-toi le ciel t'aidera, dans un banquet, aux Vendanges de Bourgogne, déclare que le roi est le premier pouvoir de l'Etat, et boit à la santé de Charles X ?
Comment craindre, enfin, quand M. Odilon Barrot, dans un autre banquet donné par six cents électeurs, et décoré de deux cent vingt et une couronnes symboliques, confond dans un même toast le roi et la loi ?
O grands hommes d'Etat, fossoyeurs de rois, ensevelisseurs de monarchies, quand donc les peuples, las de votre fausse science, vous frotteront-ils, une bonne fois pour toutes, le visage dans les événements que vous faites, et que vous ne voyez pas ?
Aussi, complètement rassuré, le 24 juillet, Charles X tint-il conseil. A ce conseil, les destinées de la monarchie furent pesées de nouveau, et la signature des ordonnances fut décidée.
Seul M. d'Haussez fit au président du conseil cette observation, que M. de Bourmont lui avait fait promettre de ne rien risquer en son absence.
- Bah ! répondit le prince de Polignac, quel besoin avons-nous de lui ? Ne suis-je pas ministre de la guerre par intérim ?
- Mais, lui demanda M. d'Haussez, sur combien d'hommes pouvez-vous compter à Paris ? En avez-vous au moins vingt-huit ou trente mille ?
- Oh ! mieux que cela : j'en ai quarante-deux mille.
M. d'Haussez secoua la tête d'un air de doute.
- Tenez, dit le président du Conseil en lui jetant d'un côté à l'autre de la table un papier roulé, voyez plutôt vous-même.
M. d'Haussez déroula le papier, et, additionnant les chiffres :
- Mais, dit-il, je ne vois ici que treize mille hommes, et treize mille hommes sur le papier, cela veut dire à peine sept à huit mille hommes sur le champ de bataille... Et où prenez-vous les vingt-neuf mille qu'il vous faut encore pour compléter votre total de quarante-deux mille ?
- Soyez tranquille, répondit M. de Polignac, ils sont répandus autour de Paris, et, au bout de quelques heures, s'il le faut, ils seront sur la place de la Concorde.
Les ordonnances furent signées le lendemain.
Au moment de cette signature, le roi avait le dauphin à sa droite et M. de Polignac à sa gauche. Les autres ministres complétaient le cercle et entouraient la table verte.
Chacun signa à son tour.
M. d'Haussez reproduisit ses observations de la veille.
- Monsieur, lui dit Charles X, refusez-vous votre concours à vos collègues ?
- Sire, répondit M. d'Haussez, qu'il me soit permis d'adresser une question au roi.
- Laquelle, monsieur ?
- Le roi est-il décidé à passer outre, dans le cas où l'un de ses ministres ou plusieurs d'entre eux se retireraient ?
- Oui, monsieur, répondit Charles X avec fermeté.
- Alors, dit le ministre de la marine, je signe.
Et il signa.
Cinq minutes après, tout le monde était debout, et Charles X, passant près de M. d'Haussez, qui regardait avec attention les murailles, lui demandait :
- Mais que regardez-vous donc ainsi, monsieur d'Haussez ?
- Sire, répondit le ministre de la marine, je cherche s'il n'y a pas ici, par hasard, quelque portrait du comte de Strafford.
Le roi sourit et passa.
Nous avons su, depuis, tous ces détails ; mais, alors, ils étaient tenus dans un profond secret.
Deux ou trois hommes seulement furent prévenus. Ainsi, Casimir Perier, profondément dévoué, à cette époque, comme M. Dupin, comme M. Barrot et comme tant d'autres, aux Bourbons de la branche aînée – nous le verrons bien, d'ailleurs, tout à l'heure, dans un instant, quand va éclater la révolution de juillet, et qu'il fera tout ce qu'il pourra pour s'opposer au mouvement –, Casimir Perier, en train de dîner à sa maison de campagne, au bois de Boulogne, reçut une petite lettre pliée triangulairement. Il l'ouvrit, la lut, et, pâle, plus que pâle, livide, il laissa tomber ses bras avec désespoir.
On lui annonçait – qui ? nul n'en a jamais rien su – que les ordonnances seraient signées le jour même.
Dans la nuit du 25 au 26, M. de Rothschild, qui jouait à la hausse, reçut ce simple petit mot de M. de Talleyrand : « J'arrive de Saint-Cloud ; jouez à la baisse. »
Mais, moi qui n'étais pas M. Casimir Perier, moi qui n'étais pas M. de Rothschild, moi qui n'étais pas l'ami de M. de Talleyrand, moi qui ne jouais ni à la hausse ni à la baisse, je ne savais absolument rien de ce qui se passait, et j'allais partir pour Alger.
Alger, en effet, devait être une chose splendide à voir dans les premiers jours de la conquête.
J'avais retenu ma place à la malle-poste de Marseille ; j'avais fait mes malles ; j'avais changé trois mille francs d'argent pour trois mille francs d'or ; je partais le lundi 26, à cinq heures du soir, quand, le lundi matin à huit heures, Achille Comte entra dans ma chambre en disant :
- Savez-vous la grande nouvelle ?
- Non.
- Les ordonnances sont dans Le Moniteur... Partez-vous toujours pour Alger ?
- Pas si niais ! Ce que nous allons voir ici sera encore plus curieux que ce que je verrais là-bas !
Puis, appelant mon domestique :
- Joseph, lui dis-je, allez chez mon armurier ; rapportez-en mon fusil à deux coups et deux cents balles du calibre vingt !

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