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Chapitre VIII


Première brouille de mon père avec Bonaparte. – Mon père est envoyé au corps d'armée de Masséna. – Il partage le commandement de Joubert dans le Tyrol – Joubert. – Campagne du Tyrol.

Ce qui avait exaspéré mon père, c'est qu'il était impossible que, même avec la meilleure volonté du monde, Bonaparte eût cru un instant à cette note, observation, puisque c'était en vertu des ordres mêmes qu'il avait reçus de lui que mon père avait fait cette héroïque défense du 27, dans laquelle, avec des troupes trois fois inférieures en nombre à celles du maréchal, il le repoussa dans Mantoue.
Voici les ordres que Bonaparte dictait à Berthier au moment même où, après l'avoir quitté chez lui au presbytère de Saint-Antoine, mon père, à la tête d'une poignée de dragons, repoussait la sortie nocturne de Wurmser.

Etat-major général.

« Au quartier général de Roverbella, le 26 nivôse, à huit heures du soir.
Le général en chef ordonne, général, que vous vous portiez sur-le-champ avec deux pièces d'artillerie légère et toute la cavalerie que vous pourrez réunir, et particulièrement les cent dragons qu'il a envoyés ce soir, pour reconnaître la position de l'ennemi, observer ses mouvements et être tout prêt à l'attaquer avec succès dès l'instant que le général Dallemagne, auquel le général en chef envoie l'ordre, aura fait son mouvement pour tomber également sur l'ennemi.
Les troupes arrivées ce soir à Roverbella sont excédées de fatigue et ont besoin de deux heures de repos ; après lequel temps, elles seront prêtes à agir ; elles recevront les ordres du général en chef pour les mouvements qu'elles doivent faire d'après la reconnaissance que vous allez faire et que vous lui enverrez, et d'après les rapports qu'il attend incessamment sur les reconnaissances qu'il a ordonnées sur les différents points de la Molinella.
Quelque chose qui arrive, vous devez jeter dans Saint-Georges les vivres et le monde nécessaires pour que ce poste puisse se défendre quarante-huit heures. Le général en chef vous a déjà fait donner l'ordre par le général Serrurier de réunir un corps de quinze cents hommes, composé de l'élite de votre division, lequel sera à portée de l'endroit où l'ennemi a établi sa communication avec la garnison de Mantoue, pour pouvoir, si l'occasion s'en présente favorable, commencer l'attaque, ou au premier ordre que vous recevrez ; vous ne devez pas craindre de dégarnir Saint-Antoine, c'est par là que passeront les renforts qui vous seront envoyés.
Rendez compte au général en chef de votre reconnaissance et de toutes les dispositions que vous aurez faites. »
                    Alex. Berthier.

Ce fut, en effet, par Saint-Antoine que Bonaparte, voyant mon père entouré de forces quadruples, lui envoya, pour le dégager la fameuse 57e demi- brigade, qui le trouva à moitié enterré dans le même trou où son cheval était enterré tout à fait.
Masséna connaissait la cause de cette disgrâce momentanée, aussi reçut-il mon père, non seulement comme un camarade, mais encore comme un homme dont il appréciait les qualités militaires.
En conséquence, il lui donna le commandement de son avant-garde.
Ce fut à la tête de cette avant-garde que mon père se trouva au combat de Saint-Michel, entra dans Vicence et assista à la bataille de Bassano.
En six mois, comme le disait lui-même Bonaparte dans sa proclamation de guerre au pape, l'armée d'Italie avait fait cent mille prisonniers, pris quatre cents pièces de canon et détruit cinq armées.
On comprend que cette guerre pontificale fut une plaisanterie. Le 16 pluviôse, nous étions maîtres de la Romagne, du duché d'Urbin, de la marche d'Ancône, de l'Ombrie et des districts de Perugia et de Camerino.
Enfin le 30 pluviôse 19 février, la République française et le souverain pontife signaient le traité de Tolentino en exécution duquel le Saint-Père cédait à la France Avignon et le comtat Venaissin, renonçait aux légations de Ferrare et de Bologne, ainsi qu'à la Romagne, et consentait à l'occupation de la ville, citadelle et territoire d'Ancône. Il s'obligeait, en outre, à verser à l'instant même trente millions dans la caisse de l'armée d'Italie, à désavouer solennellement le meurtre de Basseville et à payer trois cent mille francs à titre de dédommagements à ceux qui avaient pu souffrir de ce meurtre.
Enfin le pape s'obligeait à remettre les objets d'art et les manuscrits mentionnés dans l'armistice de Bologne, et à rendre, sans dégradation, à la république française, dont il était la propriété, le palais de l'Ecole des arts.
Le traité de Tolentino termina cette première campagne d'Italie, qui avait vu renouveler les prodiges d'Annibal avec la fortune d'Alexandre.
Pendant que la république française, représentée par Bonaparte, signait avec le pape le traité de Tolentino, les Autrichiens rassemblaient dans les montagnes du Tyrol une sixième armée dont l'empereur donnait le commandement au prince Charles, auquel sa campagne sur le Rhin venait de faire une réputation.
Le prince Charles prit le commandement de cette armée dans le courant de février 1797 pluviôse an V.
A la fin de février, c'est-à-dire vers le 8 ou 9 ventôse, l'armée ennemie tenait les positions suivantes :
Son corps principal était sur le Tagliamento. Son aile droite, sous les ordres du général Kerpen et du général Laudon, était placée derrière la Lavis et la Nos, et défendait l'entrée du Tyrol. Le prince Lusignan, si bien battu à Rivoli, occupait avec sa brigade l'intervalle existant entre les deux branches principales, et avait pris position aux environs de Feltre ; enfin l'avant garde, sous les ordres du général Hohenzollern, se tenait sur la Piave.
De son côté, Bonaparte, qui attendait dix-huit mille hommes de renfort de l'armée du Rhin, avait réuni dans la marche Trévisane quatre divisions de son armée. Masséna était à Bassano ; le général Guyeux occupait Trévise ; Bernadotte, qui commençait à arriver, devait occuper Padoue ; Joubert, avec sa division et celles des généraux Baraguey-d'Hilliers et Delmas, était opposé à Kerpen et à Laudon. Enfin, Victor et sept mille cinq cents hommes restaient dans la marche d'Ancône, tandis que Kilmaine, avec six mille hommes, à peu près, gardait la Lombardie et les frontières du Piémont et de Gênes.
Tout cela formait, pour les Autrichiens, un total de trente-cinq mille hommes et, pour les Français, de trente-six à trente-sept mille.
Vers le milieu de ventôse, mon père reçut l'ordre de quitter le corps d'armée de Masséna pour celui de Joubert et d'abandonner Bassano et Trente.
Joubert, auprès duquel il était envoyé, fut un des hommes les plus remarquables de cette époque si fertile en hommes remarquables. C'était un de ces beaux, jeunes et purs républicains de l'école de Marceau, de Hoche, et je puis dire de mon père. Comme Marceau, comme Hoche et comme mon père, il mourut jeune. Seulement, Marceau et Joubert eurent le bonheur de mourir chacun d'une balle tyrolienne, tandis que Hoche et mon père moururent empoisonnés.
Joubert était un des héros de Rivoli. Comme mon père à la Favorite, il avait eu son cheval tué sous lui, et, s'emparant du fusil d'un grenadier, il avait combattu à pied pendant le reste de la journée. Cette journée, dans laquelle il avait pris plusieurs pièces de canon et culbuté l'ennemi dans l'Adige, lui avait valu le grade de général de division.
Nous avons dit qu'il était à la tête d'une vingtaine de mille hommes dans le Tyrol, lorsque mon père lui fut adjoint pour commander la cavalerie.
Joubert reçut mon père de la façon la plus affectueuse.
- Mon cher Dumas, lui dit-il, si je vous laissais le commandement qu'on vous a donné, vous occuperiez un poste illusoire, car vous n'auriez sous vos ordres que deux régiments de dragons fort incomplets, le 5e et le 8e, qui en forment à peine un à eux deux. Aussi n'est-ce pas cela, j'en suis bien certain, que celui qui vous envoie à moi a compris. J'ai vingt mille hommes, je vous en donne dix mille à commander, ou plutôt nous commanderons le tout à nous deux.
Mon père remercia Joubert. L'injustice de Bonaparte était si flagrante vis-à- vis de lui, que Joubert, comme Masséna, n'avait eu en le recevant qu'une préoccupation, celle de la lui faire oublier.
Les deux généraux logèrent ensemble ; puis, comme il s'agissait de commencer les hostilités, ensemble, toujours, ils visitèrent les avant-postes, et il fut décidé qu'on attaquerait le lendemain.
Ce lendemain était le 21 mars 1797 30 ventôse an V.
Le même jour, mon père reçut officiellement de Joubert les instructions suivantes, arrêtées à l'avance entre eux :

                    Liberté-Egalité

« Au quartier général de Trente, le 29 nivôse an V de la République française ; huit heures du matin.

Le général de division Joubert au général divisionnaire Dumas.
Vous partirez dans le jour, général, pour prendre à Segonzano le commandement des brigades du général Belliard, qui a sous ses ordres la 22e légère et la 85e de ligne, et du général Pelletier, qui a sous les siens la 14e de bataille.
Vous ordonnerez au général Belliard de partir, à la tombée de la nuit, des positions qu'il occupe avec la 85e pour se rendre à Segonzano. Le général Pelletier se rendra aussi au même endroit dès que l'ennemi ne pourra plus juger ses mouvements, c'est-à-dire aussi à la tombée de la nuit. Vous ferez le rassemblement de toutes ces troupes de manière à pouvoir exécuter, deux ou trois heures avant le jour, le passage de la Weiss et l'attaque de Faver et de Limbra.
Vous mettrez en tête de vos colonnes tous les carabiniers et tous les grenadiers.
D'après ce que nous sommes convenus, dans la reconnaissance que nous fîmes de ce point, vous formerez deux colonnes pour passer la Weiss sur la droite de Faver et aller faire votre rassemblement sur le chemin et à la tête du ravin qui se trouve à un petit quart d'heure à droite du village, afin de pouvoir le dominer ensuite en faisant faire nos colonnes d'attaque dans le bois vert qui se trouve au-dessus du village, et tourner ainsi tous les ouvrages des ennemis. Faver enlevé, vous vous porterez sur Limbra et en formerez l'attaque en prenant à sa naissance, avec votre infanterie légère, le ravin qui le sépare de Faver.
Votre attention sera aussi de tourner par la montagne les ouvrages que les ennemis ont sur ce point, et de les jeter dans la plaine ou dans le village, où vous les attaquerez vivement avec vos carabiniers et vos grenadiers en colonnes serrées, votre infanterie légère en tirailleurs soutenus de près par la 85e et par la 14e : il est inutile de dire que vous aurez une réserve sur le chemin qui va de Faver à Limbra en face du ravin.
Pour masquer la véritable attaque depuis Albian jusqu'à Segonzano, vous donnerez l'ordre aux généraux Pelletier et Belliard de faire faire à la même heure qu'à Segonzano, par les postes, de fausses attaques sur toute la ligne, en tâchant même dans quelques endroits de passer le torrent pour s'avancer sous le feu des ennemis.
Le général Baraguey-d'Hilliers vous donnera, pour l'attaque seulement, la 5e de bataille. Il fera votre réserve avec les deux autres demi-brigades, et occupera à la nuit, par un bataillon, la Weiss et Sevignano ; le reste à Segonzano.
Je lui fais encore porter un bataillon et des compagnies de carabiniers à Bedol pour faire une fausse attaque sur Sovero. Communiquez cela au général Belliard, à qui j'ordonne de laisser tous les renseignements nécessaires, ainsi que les guides pour cette marche.
Dans le cas que vous vous empareriez de Limbra – comme c'est à présumer – avant que les colonnes qui partent de la Weiss y soient, vous vous dirigerez de manière à prendre l'ennemi en queue. Vous aurez aussi attention de prendre garde aux renforts qui pourraient venir de Salurn par la montagne.
Il y aura trois pièces de canon à Segonzano, sous le feu desquelles vous pourriez passer le torrent le jour, si vous n'aviez pas réussi la nuit. Il doit aussi y avoir là soixante mille cartouches. Vos troupes auront trois jours de vivres et deux rations d'eau-de-vie à leur départ.
Opiniâtreté dans vos attaques ; attention à tenir le soldat rallié ; défenses sévères de pillage ; désarmement des Tyroliens ; telles sont, vous le savez, puisque je vous les ai lues, les instructions du général en chef.
Vous répandrez et ferez afficher les imprimés de la proclamation que je vous envoie.
Salut. »
                    « Joubert. »

Conformément aux instructions de Joubert, mon père partit d'Albion le 30 nivôse, à deux heures du matin, et se posta, avec les 5e, 14e et 85e demi- brigades de bataille et la 22e légère, sous le château de Segonzano pour passer la rivière la Weiss. A peine les premiers hommes qui essayèrent de franchir le torrent eurent-ils mis le pied dans l'eau, qu'ils s'aperçurent, à la rapidité du courant, combien le passage serait difficile. On n'avait de l'eau que jusqu'à la ceinture. Mais le courant était si fort, qu'au tiers du gué cinq ou six hommes avaient déjà perdu pied, et, emportés comme par une cataracte, étaient allés se briser contre les rochers qui barrent la rivière.
Mon père eut alors l'idée de se servir de ces rochers pour établir une chaîne ; il prit les plus forts parmi ses hommes, les plaça sous la direction de Dermoncourt, et l'on parvint à barrer entièrement le cours du fleuve. Dès lors il n'y eut plus de danger ; les hommes emportés par la rapidité du courant étaient arrêtés par cette chaîne vivante ; et bientôt l'avant-garde, composée, comme l'avait recommandé Joubert, des grenadiers de la demi brigade, ayant mon père et Belliard à leur tête, atteignit l'autre bord.
Bientôt mon père fut maître de toutes les redoutes que l'ennemi avait sur le front de Segonzano. Parvenu sur les hauteurs qui dominent Faver, il attaqua ce village, qui, après une vigoureuse résistance, fut enlevé de vive force.
Faver pris, on marcha aussitôt sur Limbra, où l'ennemi était retranché avec deux pièces de canon. Mon père avait eu le soin, en partant, de faire filer une colonne sur les montagnes qui dominent ces deux villages.
L'ennemi se défendit vigoureusement ; mais la colonne des montagnes étant arrivée, et ayant donné à son tour, l'ennemi fut contraint de se jeter dans la plaine. Aussitôt, mon père fit battre le pas de charge, et un dernier effort décida de la victoire : les retranchements furent enlevés les deux pièces de canon prises, et deux mille hommes tombèrent entre nos mains. Mon père, signala, comme s'étant particulièrement distingués à cette attaque le général Belliard et les adjudants généraux Valentin et Liébaut.
Un chef de bataillon, Martin appartenant à la 25e de bataille avait, avec vingt-cinq hommes, chargé et fait prisonniers deux cents ennemis. Mon père demanda de l'avancement pour cet officier, ainsi que pour les deux aides de camp Dermoncourt et Lambert, et l'adjoint Milienk.
Faver et Limbra prises, mon père ordonna au général Belliard de marcher à la tête de sa colonne sur Lesignano, où l'ennemi occupait une forte position ; il devait le prendre en queue, tandis que mon père se porterait sur Salurn, afin de protéger le mouvement que devait faire de son côté Joubert.
Le lendemain, mon père marcha avec sa colonne sur Castello, et fit une centaine de prisonniers. Le soir il se concerta avec le général Baraguey- d'Hilliers, et il fut convenu que, le lendemain, on attaquerait les villages de Coran, d'Altrivo, de Castello et de Cavaleze.
Les troupes bivouaquèrent.
Le 2 germinal, à deux heures du matin, les troupes se portèrent sur les quatre villages désignés à leurs attaques ; mais l'ennemi les avait déjà évacués. Le général Pigeon, jeté sur ses traces par le général Baraguey- d'Hilliers, le poursuivit vivement jusqu'au village de Tesaro ; après quoi, conformément aux instructions du 30 nivôse, on descendit à Neumarkt. On avait alors sur la rive droite de l'Adige le général autrichien Laudon, qui tenait les villages de Mote et de Caldera, et qui se retirait sur Bolzano.
Vers deux heures de l'après-midi, mon père apprit par un chef de bataillon du génie que l'ennemi se portait sur le pont de Neumarkt, par lequel on pouvait l'inquiéter dans sa retraite. Ce pont nous était aussi important pour l'attaque qu'il l'était à lui pour la défense. Mon père ordonna au général Belliard de marcher sur ce pont avec la 85e demi-brigade qu'il commandait : arrivé au pont, il culbuta l'ennemi et s'avança sur le village de Mote, qu'il emporta de vive force.

« Moi-même, dit mon père, à la tête du 5e régiment de dragons, je chargeai la cavalerie ennemie, qui s'était avancée sur moi ; elle fut mise en déroute, quoique supérieure en nombre. Je coupai la figure du commandant et le cou à un de ses cavaliers. Le régiment que je commandais a pris, tué ou blessé, une centaine de cavaliers autrichiens. L'adjudant général Blondeau s'est particulièrement distingué dans cette affaire.. »

On voit avec quelle simplicité mon père rendait compte des faits qui lui étaient personnels. Cette charge du 5e régiment de dragons avait été, à ce qu'il paraît, une chose magnifique. Joubert, dans son rapport à Bonaparte, dit que mon père est devenu la terreur de la cavalerie autrichienne, et Dermoncourt, de son côté, raconte ainsi cet engagement :

« Le général Dumas, s'étant mis à la tête de la cavalerie, traversa le pont, chargea quelques escadrons ennemis, tua de sa main le commandant et un soldat qui, le voyant en mauvaise passe, accourait à son secours, accula l'infanterie dans les vignes, et, continuant de poursuivre la cavalerie à bride abattue avec une centaine d'hommes seulement, il nous chargea de ramasser tout ce qu'il laissait d'Autrichiens derrière lui. Nous prîmes dix-neuf cents hommes. »

Cette brillante affaire terminée, on se mit en marche sur Bolzano, toujours chassant l'ennemi, qui se tenait à distance respectueuse ; on entra dans la ville sans coup férir. Mon père chargea l'adjudant général Blondeau de pousser des reconnaissances jusqu'au village de Colman ; il laissa Delmas en position à Bolzano pour observer les troupes de Laudon, et, le 4 germinal, à deux heures du matin, il se mit lui-même en marche, suivant la route de Brixen, par laquelle s'était retiré l'ennemi.
Voyons comment mon père raconte cette brillante affaire, qui lui valut le titre d'Horatius Coclès du Tyrol ; nous verrons ensuite comment la raconte Dermoncourt, son aide de camp.
« J'ai trouvé l'ennemi en force, occupant la position presque inexpugnable de Clausen ; il a été attaqué avec vigueur et forcé d'abandonner la ville ; nos troupes y sont entrées et ont été chargées par la cavalerie ennemie, mais sans succès.
A la tête du 5e régiment de dragons, que j'ai fait avancer promptement, j'ai chargé la cavalerie autrichienne et l'ai mise en pleine déroute, laissant beaucoup de morts et de blessés. 1500 de leurs fantassins ont été fait prisonniers, le reste a été poursuivi jusqu'auprès de Brixen. L'ennemi qui restait rangé en bataille paraissait vouloir nous y attendre ; je ralliai mon avant-garde et je me disposais à l'en chasser, mais il se sauva à notre approche ; je l'ai conduit avec ma cavalerie à plus d'une lieue au-delà de Brixen.
Dans ces différentes charges, j'ai reçu trois coups de sabre ; mon aide de camp Dermoncourt a été blessé à mes côtés. »

Des 5 et 6 germinal.

Les troupes se reposèrent le 5.
Vous aviez chargé le général Baraguey-d'Hilliers d'attaquer l'ennemi le 6, en avant de Michalbach, où il restait retranché, et je dus partager ce mouvement avec la cavalerie. Vous savez, général, vous y étant trouvé vous-même, comment les deux régiments de dragons que je commandais s'y sont comportés, et ont contribué au succès de cette journée.
Vous savez aussi, général, que j'ai eu mon cheval tué sous moi, et que j'ai perdu mes équipages et des pistolets d'une rare bonté. Mon aide de camp Lambert a fait des merveilles.
Je vous adresserai aujourd'hui les rapports des généraux de brigade, qui ne me sont pas encore parvenus.
Fait à Brixen, le 7 germinal an V républicain.
                    Alex. Dumas.

P.-S. – Il faut que je te donne mon manteau ; je crois qu'il est enchanté : il a été troué par sept balles dont pas une ne m'a touché. Il te portera bonheur. »

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