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Troisième partie - Chapitre I
1558-1559

Un an s'était écoulé depuis que le roi Philippe II, en se retirant de Cambrai à Bruxelles et en déclarant la campagne de 1557 terminée, avait fait pousser à vingt-cinq millions d'hommes ce cri de joie : « La France est sauvée ! »
Nous avons dit quelles misérables considérations l'avaient, selon toute probabilité, empêché de poursuivre ses conquêtes ; nous ne tarderons pas à trouver à la cour du roi Henri II un pendant fatal à cette égoïste détermination qui avait, nous l'avons vu, si fort affligé Emmanuel Philibert.
Le chagrin qu'avait éprouvé le duc de Savoie, en se voyant ainsi arrêté sur la rive droite de la Somme, avait été d'autant plus grand, qu'il ne lui avait point été difficile de soupçonner la cause de cette étrange décision, restée aussi inexplicable pour quelques historiens modernes que le fut, pour les historiens antiques, la fameuse halte d'Annibal à Capoue.
Au reste, de grands événements, au courant desquels nous sommes forcé de mettre le lecteur, s'étaient écoulés pendant cette année.
Le plus considérable, sans contredit, de ces événements avait été la reprise de Calais sur les Anglais par le duc François de Guise.
Après cette fatale bataille de Crécy, qui avait mis la France presque aussi près de sa perte que celle de Saint-Quentin, édouard III était venu attaquer Calais par mer et par terre : par mer avec une flotte de quatre-vingts voiles, et par terre avec une armée de trente mille hommes. Quoique défendue par une garnison peu nombreuse mais placée sous les ordres de Jean de Vienne, un des plus braves capitaines de son temps, Calais ne s'était rendue qu'après un an de siège et lorsque ses habitants avaient eu mangé jusqu'au dernier morceau de cuir qui se trouvait dans la ville.
Depuis ce temps, c'est-à-dire depuis deux cent dix ans, les Anglais, comme ils font aujourd'hui de Gibraltar, ne s'étaient préoccupés que d'une chose : c'était de rendre Calais imprenable, et ils croyaient y avoir si bien réussi, qu'ils avaient, vers la fin de l'autre siècle, fait graver au-dessus de la principale porte de la ville une inscription qui pouvait se traduire par les quatre vers suivants :

Calais, après trois cent quatre-vingts jours de siège,
Fut, sur Valois vaincu, prise par les Anglais.
Quand le plomb nagera sur l'eau comme le liège,
Les Valois reprendront sur les Anglais Calais !

Or, cette ville que les Anglais avaient mis trois cent quatre-vingts jours à prendre sur Philippe de Valois, et que les successeurs du vainqueur de Cassel et du vaincu de Crécy ne devaient reprendre que lorsque le plomb nagerait sur l'eau comme du liège, le duc de Guise l'avait – non pas même par un siège en règle, mais par une espèce de coup de main –, emportée en huit jours.
Puis, après Calais, le duc de Guise avait repris Guines et Ham, tandis que le duc de Nevers reprenait Herbemont ; et, dans ces quatre places, Calais comprise, les Anglais et les Espagnols avaient laissé trois cents canons de fonte et deux cent quatre-vingt-dix canons de fer.
Peut-être nos lecteurs, quand nous parlons de tous ces vaillants qui combattaient de leur mieux pour réparer les échecs de l'année précédente, s'étonneront-ils de ne point entendre prononcer, nous ne dirons pas les noms du connétable et de Coligny – on sait que tous deux étaient prisonniers –, mais celui de Dandelot, non moins illustre, non moins français surtout.
Le nom de Dandelot était le seul en effet qui pût porter ombrage à celui du duc de Guise, en rivalisant de génie et de courage avec le sien.
C'était ce qu'avait compris le cardinal de Lorraine, si préoccupé de la fortune de sa famille reposant tout entière en ce moment sur la tête de son frère, qu'il était capable de tout, même d'un crime, pour écarter un homme pouvant mettre obstacle à cette fortune.
Or, partager l'amitié du roi et la reconnaissance de la France avec le duc de Guise, c'était, selon le cardinal de Lorraine, mettre obstacle à la fortune de la hautaine maison dont les représentants allaient bientôt avoir la prétention de marcher les égaux des rois de France, et qui peut-être ne se fussent pas même contentés de cette égalité, si, trente ans plus tard, Henri III n'avait fait, sous le poignard des Quarante-Cinq, crouler cette fortune imprudemment élevée par Henri II.
Le connétable et l'amiral prisonniers, un seul homme, nous l'avons dit, inquiétait donc le cardinal de Lorraine : cet homme, c'était Dandelot ; dès lors, Dandelot devait disparaître.
Dandelot appartenait à la religion réformée ; et, comme il voulait attirer son frère, encore chancelant, à cette opinion, il lui avait envoyé à Anvers, où le roi d'Espagne le retenait prisonnier, quelques livres de Genève avec une lettre où il le pressait d'abandonner l'hérésie papale pour la lumière de Calvin.
Cette lettre de Dandelot tomba par malheur aux mains du cardinal de Lorraine.
C'était l'époque où Henri II sévissait avec la plus grande sévérité contre les protestants. Plusieurs fois déjà on lui avait dénoncé Dandelot comme entaché d'hérésie ; mais il n'avait pas cru à cette accusation ou avait feint de n'y pas croire, tant il lui en coûtait d'éloigner de lui un homme élevé dans sa maison depuis l'âge de sept ans et qui venait de payer par de si grands et de si réels services l'amitié que lui portait son roi.
Mais, à cette preuve d'hérésie, il n'y avait plus moyen de faire semblant de douter.
Cependant, Henri déclara que, sur ce point, aucune preuve, fût-elle de l'écriture de Dandelot, ne serait convaincante pour lui et qu'il ne se rapporterait qu'aux aveux mêmes de l ‘accusé.
En conséquence, il résolut d'interroger, en présence de toute la cour, Dandelot sur sa nouvelle croyance.
Mais, ne voulant point le prendre par surprise, il invita le cardinal de Châtillon, son frère, et François de Montmorency, son cousin, à faire venir Dandelot à la maison de plaisance de la reine, qu'il habitait alors près de Meaux, en le disposant à répondre de manière à se disculper publiquement.
Dandelot fut, en conséquence, invité par François de Montmorency et le cardinal de Châtillon à se rendre à Monceaux – c'était le nom de cette maison de campagne de la reine – et à préparer sa défense s'il ne jugeait point au-dessous de sa dignité de se défendre.
Le roi était à dîner lorsqu'on lui annonça que Dandelot venait d'arriver.
Le roi le reçut à merveille, commençant par l'assurer qu'il n'oublierait jamais les signalés services qu'il venait de lui rendre ; ensuite, abordant la question des bruits qui couraient sur son compte, il lui dit qu'il était accusé, non seulement de penser, mais encore de parler mal des saints mystères de notre religion. Puis, formulant encore plus nettement sa pensée :
- Dandelot, lui dit-il, je vous ordonne de dire ici votre opinion sur le saint sacrifice de la messe.
Dandelot savait d'avance quelle douleur il allait causer au roi ; et comme il avait pour Henri un grand respect, en même temps qu'une amitié profonde :
- Sire, dit-il humblement, ne pourriez-vous dispenser un sujet aussi profondément dévoué à son roi que je le suis de répondre à une question de pure croyance devant laquelle, si grand et si puissant que vous soyez, vous n'êtes qu'un homme de la taille et de la force des autres hommes ?
Mais Henri II n'en était point venu où il en était pour reculer ; il ordonna donc à Dandelot de répondre catégoriquement.
Alors, voyant qu'il n'y avait pas moyen d'éluder la question :
- Sire, répondit Dandelot, pénétré des sentiments de la plus vive reconnaissance pour tous les bienfaits dont il a plu à Votre Majesté de me combler, je suis prêt à exposer ma vie et à sacrifier mes biens pour son service ; mais, puisque vous me forcez de vous en faire l'aveu, Sire, en matière de religion, je ne reconnais d'autre maître que Dieu, et ma conscience ne me permet pas de vous déguiser mes sentiments. En conséquence, Sire, je ne crains pas de proclamer que la messe est, non seulement une chose qui n'est recommandée ni par notre Seigneur Jésus, ni par ses apôtres, mais encore une détestable invention des hommes.
à cet horrible blasphème que les huguenots rigides regardaient comme une vérité que l'on ne pouvait confesser trop haut, le roi tressaillit d'étonnement et, passant de l'étonnement à la colère :
- Dandelot ! s'écria-t-il, jusqu'à présent je vous ai défendu contre ceux qui vous attaquaient ; mais, après une si abominable hérésie, je vous ordonne de sortir de ma présence, vous déclarant que, si vous n'étiez en quelque sorte mon élève, je vous passerais mon épée au travers du corps !
Dandelot demeura parfaitement calme, salua respectueusement sans répondre à cette terrible apostrophe du roi et se retira.
Mais Henri II n'avait pas conservé le même sang-froid. à peine la tapisserie qui pendait à la porte de la salle à manger fut-elle retombée derrière Dandelot, qu'il donna ordre à son maître de la garde-robe, la Bordaisière, d'arrêter le coupable et de le conduire prisonnier à Meaux.
L'ordre fut exécuté ; mais cela ne suffisait point au cardinal de Lorraine : il exigea du roi que la charge de colonel-général de l'infanterie française, qui était à Dandelot, lui fût ôtée et fût donnée à Blaise de Montluc, lequel était tout dévoué à la maison de Guise, ayant été page de René II, duc de Lorraine.
Telle fut la récompense de Dandelot pour les immenses services qu'il venait de rendre au roi et que le roi avait promis de ne jamais oublier !
On sait celle qui attendait plus tard son frère l'amiral de Coligny.
Voilà pourquoi le nom de Dandelot n'était point prononcé au milieu de tous ces noms qui éclataient à chaque instant, éclairés par la lueur de quelque victoire.
De son côté, Emmanuel Philibert n'était point resté dans l'inaction et il avait vigoureusement lutté contre ce suprême effort de la France.
La bataille de Gravelines, gagnée sur le maréchal de Termes par le comte Lamoral d'Egmont, avait été une de ces journées que la France devait inscrire au nombre de ses jours malheureux.
Puis, comme dans ces combats singuliers où, après avoir lutté à armes égales, deux adversaires dignes l'un de l'autre, sans s'être rien dit mais se sentant épuisés d'une égale fatigue, font un pas en arrière et, sans se perdre de vue, se reposent appuyés sur la garde de leur épée, la France et l'Espagne, Guise et Emmanuel Philibert reprenaient haleine : le duc de Guise à Thionville, Emmanuel Philibert à Bruxelles.
Quant au roi Philippe II, il commandait en personne l'armée des Pays-Bas, forte de trente-cinq mille hommes de pied et de quatorze mille chevaux, campée sur la rivière d'Anthée. Ce fut là qu'il apprit la mort de la reine d'Angleterre, sa femme, qui venait de trépasser d'une hydropisie qu'elle s'était obstinée à prendre pour une grossesse.
Quant à l'armée principale de France, elle était, de son côté, retranchée derrière la Somme et, comme l'armée espagnole et ses chefs, se tenait momentanément inactive. Elle se composait, outre seize mille Français, de dix-huit mille reîtres, de vingt-six mille fantassins allemands, et de six mille Suisses ; rangée en bataille – c'est ce que nous apprend Montluc –, elle tenait une lieue et demie de terrain et il fallait trois heures pour en faire le tour.
Enfin, Charles Quint, comme nous l'avons dit dans la première partie de cet ouvrage, était mort le 21 septembre 1558 au monastère de Saint-Just dans les bras de l'archevêque de Tolède.
Et, comme les événements de la terre ne sont qu'un enchaînement de contrastes, la jeune reine Marie Stuart, âgée de quinze ans, venait d'épouser le dauphin François, âgé de dix-sept.
Voilà où en étaient les affaires politiques et privées de la France, de l'Espagne, de l'Angleterre et, par conséquent, du monde, lorsque, par une matinée du mois d'octobre 1558, Emmanuel – qui, vêtu de ce deuil dont parle Hamlet, lequel deuil s'étend des habits au cœur, donnait quelques ordres militaires à Scianca-Ferro, entièrement guéri de sa blessure et qu'il s'apprêtait à envoyer en courrier au roi Philippe – vit entrer dans son cabinet Leona, toujours belle et souriante sous son costume habituel, mais ne pouvant voiler une teinte profonde de mélancolie perçant sous son sourire.
Au milieu de la terrible campagne de France qui s'était accomplie l'année précédente, nous avons vu disparaître la belle jeune fille. En effet, pour ne point l'exposer aux fatigues des camps, des batailles et des sièges, Emmanuel Philibert avait exigé qu'elle restât à Cambrai ; puis, la campagne achevée, avec un bonheur plus grand, avec un amour plus profond que jamais, les deux amants s'étaient retrouvés, et comme, soit par lassitude, soit par dégoût, Emmanuel Philibert avait pris peu de part à la campagne de 1558, dont il avait dirigé les opérations de Bruxelles, les deux amants ne s'étaient plus quittés.
Habitués à lire jusqu'aux plus secrètes pensées du cœur de Leona sur son visage, Emmanuel Philibert fut frappé de cette teinte de mélancolie qui éteignait le sourire presque forcé de la jeune fille.
Quant à Scianca-Ferro, moins habile que son ami à surprendre les mystérieux secrets du cœur, il ne vit dans l'entrée de Leona que son apparition quotidienne dans le cabinet du prince et, après avoir échangé avec le beau page, dont le sexe n'était plus depuis longtemps un secret pour lui, une poignée de main, moitié respectueuse, moitié amicale, il prit des mains d'Emmanuel Philibert la dépêche préparée et s'éloigna en fredonnant insoucieusement une chanson picarde et en faisant sonner bruyamment ses éperons.
Emmanuel Philibert le suivit des yeux jusqu'à la porte et, quand le jeune homme eut disparu, il reporta son regard inquiet sur Leona.
Leona souriait toujours ; elle était debout mais appuyée à un fauteuil, comme si, sans appui, ses jambes faiblissantes eussent refusé de la porter. Ses joues étaient pâles et son œil brillait d'une dernière larme mal essuyée.
- Qu'a donc, ce matin, mon enfant bien-aimé ? demanda Emmanuel Philibert avec ce ton de tendre paternité que donne à l'amour le passage, chez l'homme, du jeune âge à l'âge viril.
En effet, le 8 juillet 1668, Emmanuel Philibert venait d'accomplir sa trentième année.
Protégé par le malheur, qui l'avait forcé de devenir un grand homme, ce qu'il n'eût peut-être pas été s'il eût tranquillement hérité des états du duc son père et régné sans conteste, Emmanuel Philibert avait, à cet âge si peu avancé de trente ans, acquis une réputation militaire qui rivalisait avec les premières de l'époque, c'est-à-dire avec celle du connétable, du duc de Guise, de l'amiral et du vieux maréchal de Trozzi qui venait de mourir si glorieusement au siège de Thionville.
- J'ai, dit Leona de sa voix harmonieuse, tout à la fois un souvenir à te rappeler et une demande à te faire.
- Leona sait que, si ma mémoire est ingrate, mon cœur est fidèle. Voyons le souvenir d'abord, puis nous verrons la demande.
Et, en même temps qu'il sonnait pour donner à un huissier l'ordre de ne laisser entrer personne, il faisait signe à Leona de venir prendre place sur une pile de coussins entassés près de lui et qui étaient le siège ordinaire de la jeune fille dans ses tête-à-tête avec son amant.
Leona vint prendre sa place accoutumée et, appuyant ses deux coudes sur la cuisse d'Emmanuel et sa tête sur ses deux mains, elle plongea dans ses yeux un regard d'une douceur infinie où l'on pouvait lire un amour, mieux que cela encore, un dévouement sans bornes.
- Eh bien ? demanda le duc avec un sourire qui, de son côté, trahissait une inquiétude, comme celui de Leona trahissait sa mélancolie.
- Dans quel jour du mois sommes-nous aujourd'hui, Emmanuel ? demanda Leona.
- Le 17 novembre, si je ne me trompe, répondit le duc.
- Cette date ne rappelle-t-elle à mon bien-aimé prince aucun anniversaire qui mérite d'être fêté ?
Emmanuel sourit plus franchement que la première fois ; car sa mémoire, meilleure qu'il ne l'avait faite, venait de se reporter en arrière et de lui représenter dans tous ses détails l'événement auquel Leona faisait allusion.
- Il y a aujourd'hui vingt-quatre ans, dit-il, à l'heure à peu près où nous sommes, qu'emporté par mon cheval, effrayé à la vue d'un taureau furieux, je trouvai, à quelques pas du village d'Oleggio, au bord d'un ruisseau affluent du Tessin, une femme morte et un enfant presque mort. Cet enfant que j'ai eu le bonheur de rendre à la vie, c'était ma bien-aimée Leona !
- As-tu un instant, depuis ce jour, Emmanuel, eu l'occasion de regretter cette rencontre ?
- J'ai, au contraire, béni le ciel chaque fois que le souvenir de cet événement s'est présenté à ma mémoire, répondit le prince ; car cet enfant est devenu l'ange gardien de mon bonheur !
- Et si, dans ce jour solennel, pour la première fois de ma vie, je te demandais de me faire une promesse, Emmanuel, trouverais-tu que je suis trop exigeante et me refuserais-tu ma demande ?
- Tu m'inquiètes, Leona ! dit Emmanuel. Quelle demande peux-tu avoir à me faire, que tu ne sois pas sûre d'obtenir à l'instant même ?
Leona pâlit et, d'une voix tremblante en même temps qu'elle paraissait prêter l'oreille à un bruit lointain :
- Par la gloire de ton nom, Emmanuel ; par la devise de ta famille : Dieu reste à qui tout manque ; par les promesses solennelles faites à ton père mourant, jure-moi, Emmanuel, de m'accorder ce que je vais te demander !
Le duc de Savoie secoua la tête en homme qui sent qu'il s'engage à accomplir quelque grand sacrifice inconnu, mais qui, en même temps, est convaincu que ce sacrifice sera fait au profit de son bonheur et de sa fortune.
Levant donc solennellement la main :
- Tout ce que tu me demanderas, Leona, dit-il, excepté de ne plus te voir, je te l'accorderai.
- Oh ! murmura Leona, je me doutais que tu ne jurerais pas sans restriction. Merci, Emmanuel ! Maintenant, ce que je demande, ce que j'exige même, en vertu du serment que tu viens de faire, c'est que tu ne mettes aucune opposition personnelle à la paix entre la France et l'Espagne, dont mon frère vient, au nom du roi Philippe et du roi Henri, te soumettre les propositions.
- La paix ! Ton frère !... Comment sais-tu ce que j'ignore, Leona ?
- Un puissant prince a cru qu'il avait besoin près de toi de son humble servante, Emmanuel ; et voilà comment je sais ce que tu ne connais pas encore, mais ce que tu vas savoir.
Alors, comme un grand bruit de chevaux se faisait sur la place de l'hôtel de ville, et sous la fenêtre même du cabinet du prince, Leona se leva et alla, au nom du duc de Savoie, donner l'ordre à l'huissier de laisser entrer le chef de la cavalcade.
Un instant après, tandis qu'Emmanuel Philibert retenait par le bras Leona qui voulait s'éloigner, l'huissier annonçait :
- Son Excellence le comte Odoardo de Maraviglia, envoyé de Leurs Majestés les rois d'Espagne et de France.
- Qu'il entre, répondit Emmanuel Philibert d'une voix presque aussi tremblante que l'était un instant auparavant celle de Leona.

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