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Chapitre LII
Comment Jean Oullier prouva que, lorsque le vin est tiré, il n'y a rien de mieux à faire que de le boire

Quelques instants après, Gaspard, Louis Renaud et le marquis de Souday entrèrent dans la pièce.

En apercevant Petit-Pierre, qui restait abîmé dans sa méditation et dans sa prière, ils s'arrêtèrent sur le seuil, et le marquis de Souday, qui, comme au bon temps, avait cru à propos de saluer la diane par une chanson, s'interrompit respectueusement.

Mais Petit-Pierre avait entendu ouvrir la porte ; il se releva, et, s'adressant aux nouveaux venus :

– Approchez, messieurs, et pardonnez-moi d'avoir interrompu votre sommeil ; mais j'avais à vous communiquer des déterminations importantes.

– C'est nous qui avons à demander pardon à Votre Altesse royale de n'avoir pas prévenu sa volonté, d'avoir dormi lorsque nous pouvions lui être utile, dit Louis Renaud.

– Trêve de compliments, mon ami, interrompit Petit-Pierre ; cet apanage de la royauté triomphante est mal venu au moment où elle s'abîme pour la seconde fois.

– Que voulez-vous dire ?

– Je veux dire, mes bons et chers amis, reprit Petit-Pierre en tournant le dos à la cheminée, tandis que les Vendéens faisaient cercle autour de lui, je veux dire que je vous ai appelés pour vous rendre votre parole et vous faire mes adieux.

– Nous rendre notre parole ! nous faire vos adieux ! s'écrièrent les jeunes partisans étonnés. Votre Altesse royale songerait-elle à nous quitter ?

Puis ; tous ensemble, se regardant :

– Mais c'est impossible ! dirent-ils.

– Il le faut cependant.

– Pourquoi cela ?

– Parce qu'on me le conseille, parce qu'on fait plus, parce qu'on m'en conjure.

– Mais qui ?

– Des gens dont je ne puis suspecter ni la pénétration, ni l'intelligence, ni le dévouement, ni la fidélité.

– Mais sous quel prétexte ? pour quelles raisons ?

– Il paraît que la cause royaliste est désespérée même en Vendée ; que le drapeau blanc n'est plus qu'un haillon que la France répudie ; que l'on ne trouverait pas dans Paris douze cents hommes qui, pour quelques écus, fissent, en notre nom, du bruit dans la rue ; qu'il est faux que nous ayons des sympathies dans l'armée, faux qu'il nous reste des intelligences dans l'administration, faux que le Bocage soit une seconde fois prêt à se lever comme un seul homme pour défendre les droits d'Henri V !

– Mais, encore une fois, interrompit le noble Vendéen qui avait momentanément changé un nom illustré dans la première guerre contre celui de Gaspard, et qui se sentait incapable de se contenir plus longtemps, de qui viennent ces avis ? qui parle de la Vendée avec cette assurance ? qui mesure notre dévouement de la sorte en disant : « Il ira jusque-là et pas plus loin ? »

– Différents comités royalistes que je n'ai point à vous nommer, mais de l'opinion desquels nous avons à tenir compte.

– Les comités royalistes ! s'écria le marquis de Souday. Ah ! parbleu ! je connais cela, et, si Madame veut m'en croire, nous ferons de leur avis ce que feu M. le marquis de Charette faisait de l'avis des comités royalistes de son temps.

– Et qu'en faisait-il, mon brave Souday ? demanda Petit-Pierre.

– Le respect que je porte à Votre Altesse royale, répondit le marquis avec un magnifique sang-froid, ne me permet malheureusement pas de préciser davantage.

Petit-Pierre ne put s'empêcher de sourire.

– Oui, dit-il ; mais nous ne vivons plus dans ce bon temps, mon pauvre marquis. M. de Charette était un souverain absolu dans son camp, et la régente Marie-Caroline ne sera jamais qu'une régente très-constitutionnelle. Le mouvement projeté ne doit réussir qu'à la condition d'une entente complète entre tous ceux qui peuvent souhaiter son succès ; or, cette entente existe-t-elle, je vous le demande, lorsque, la veille du combat, on vient prévenir le général que les trois quarts de ceux sur lesquels il croyait pouvoir compter ne se trouveront point au rendez-vous ?

– Eh ! qu'importe ! s'écria le marquis de Souday ; moins nous serons à ce rendez-vous, plus la gloire sera grande pour ceux qui s'y trouveront.

– Madame, dit gravement Gaspard à Petit-Pierre, on a été à vous, et l'on vous a dit, quand peut-être vous ne pensiez pas à rentrer en France : « Les hommes qui ont renversé le roi Charles X sont éloignés par le nouveau gouvernement, et réduits à l'impuissance ; le ministère est composé de telle sorte, que vous n'aurez que peu ou point de modifications à y faire ; le clergé, puissance inamovible et stationnaire, appuiera de toute son influence le rétablissement de la royauté de droit divin ; les tribunaux sont encore peuplés d'hommes qui doivent tout à la Restauration ; l'armée, essentiellement obéissante, est sous les ordres d'un chef qui a dit qu'en politique il fallait avoir plus d'un drapeau ; le peuple, proclamé souverain en 1830, est tombé sous le joug de la plus stupide et de la plus inepte des aristocraties... « Venez donc ! a-t-on ajouté ; votre entrée en France sera un véritable retour de l'île d'Elbe ; les populations s'empresseront autour de vous pour saluer le rejeton de nos rois, que le pays demande à acclamer ! » Sur la foi de ces paroles, vous êtes venue, madame ; et, lorsque vous avez paru au milieu de nous, nous nous sommes levés. Maintenant, je tiens que ce serait un malheur pour notre cause et une honte pour nous que cette retraite, qui accuserait à la fois votre intelligence politique et notre impuissance personnelle.

– Oui, dit Petit-Pierre, qui, par un singulier revirement, se trouvait défendre une opinion qui lui brisait le cœur, oui, tout ce que vous venez de dire est vrai ; oui, l'on m'a promis tout cela ; mais ce ne sera ni votre faute ni la mienne, mes braves amis, si des insensés ont pris de folles espérances pour la réalité ; l'histoire impartiale dira que, le jour où l'on m'a accusée d'être mauvaise mère, – et on l'a fait, – j'ai répondu comme je devais répondre, en disant : « Me voilà prête au sacrifice ! » Elle dira que vous, mes fidèles, plus ma cause vous a semblé abandonnée, moins vous m'avez marchandé votre dévouement ; mais c'est une question d'honneur pour moi de ne pas le mettre inutilement à l'épreuve. Parlons raison, mes amis ; faisons des chiffres, c'est ce qu'il y a de plus positif. De combien d'hommes croyez-vous que nous puissions disposer en ce moment ?

– De dix mille au premier signal.

– Hélas ! dit Petit-Pierre, c'est beaucoup et ce n'est point assez : le roi Louis-Philippe, outre la garde nationale, dispose de quatre cent quatre-vingt mille hommes de troupes inoccupés !

– Mais les défections, mais les officiers démissionnaires, objecta le marquis.

– Eh bien, reprit Petit-Pierre en se tournant vers Gaspard, je mets entre vos mains mes destinées et celles de mon fils. Dites-moi, assurez-moi, et cela sur votre honneur de gentilhomme, que, contre dix chances contraires, nous en avons deux favorables, et, loin de vous ordonner de déposer les armes, je reste au milieu de vous pour partager vos périls et votre sort.

à cet appel direct, non plus à ses sentiments, mais à sa conviction, Gaspard courba la tête et resta muet.

– Vous le voyez, reprit Petit-Pierre, votre raison n'est point d'accord avec votre cœur, et ce serait presque un crime de profiter d'une chevalerie que le bon sens condamne. Ne discutons donc plus de ce qui a été décidé, et peut-être bien décidé ; prions Dieu pour qu'il me renvoie près de vous dans un temps et dans des conditions meilleurs, et ne pensons plus qu'au départ.

Sans doute, les gentilshommes reconnaissaient la nécessité de cette résolution, quoiqu'elle s'accordât si peu avec leurs sentiments ; car, voyant que la duchesse semblait s'y être arrêtée, ils ne répondirent rien, se contentant de se détourner pour cacher leurs larmes.

Le marquis de Souday se promenait seul dans la chambre avec une impatience qu'il ne se donnait pas la peine de dissimuler.

– Oui, continua Petit-Pierre après un silence et avec amertume, oui, les uns ont dit comme Pilate : « Je m'en lave les mains, » et mon cœur, si fort contre le danger, si fort contre la mort, a plié ; car il ne saurait envisager de sang-froid la responsabilité de l'insuccès et le sang inutilement versé qu'ils rejettent d'avance sur ma tête ; les autres...

– Le sang qui coule pour la foi ne sera jamais du sang perdu ! fit une voix qui partait de l'angle de la cheminée. C'est Dieu qui l'a dit, et, si humble que soit celui qui parle, il ne craint point de le répéter après Dieu : tout homme qui croit et qui meurt est un martyr ; son sang féconde la terre qui le reçoit et hâte le jour de la moisson.

– Qui a dit cela ? s'écria vivement Petit-Pierre en se haussant sur la pointe du pied.

– Moi, dit simplement Jean Oullier se levant de l'escabeau sur lequel il se tenait accroupi et entrant dans le cercle des nobles et des chefs.

– Toi, mon brave ? s'écria Petit-Pierre enchanté de trouver ce renfort au moment où il se croyait abandonné de tous. Alors, tu n'es pas de l'avis de ces messieurs de Paris ? Voyons, approche et parle. Au temps où nous vivons, Jacques Bonhomme ne saurait être déplacé, même dans un conseil de rois.

– Je suis si peu de l'avis de vous voir quitter la France, reprit Jean Oullier, que, si j'avais l'honneur d'être un gentilhomme comme ces messieurs, j'aurais déjà fermé la porte, et, me mettant en travers de votre passage, je vous aurais déjà dit : « Vous ne sortirez pas ! »

– Et tes raisons ? J'ai hâte de les entendre. Parle, parle, mon Jean !

– Mes raisons ! c'est que vous êtes notre drapeau, et que, tant qu'un soldat est debout, fût-il le dernier de l'armée, il a droit de le tenir haut et ferme jusqu'à ce que la mort le lui donne pour linceul.

– Après, après, Jean Oullier ? Parle ! tu parles bien.

– Mes raisons ! c'est que vous êtes la première de votre race qui soit venue combattre au milieu de ceux qui combattaient pour elle, et qu'il sera mauvais que vous vous retiriez avant d'avoir sorti l'épée.

– Va, va, toujours, Jacques Bonhomme ! dit Petit-Pierre en se frottant les mains.

– Mes raisons, enfin, continua Jean Oullier, c'est que votre retraite avant le combat ressemble à une fuite, et que nous ne pouvons pas vous laisser fuir.

– Mais, interrompit Louis Renaud alarmé par l'attention avec laquelle Petit-Pierre écoutait Jean Oullier, mais les défections que l'on vient de nous signaler ôteront au mouvement toute son importance ; ce ne sera plus qu'une échauffourée.

– Non, non, cet homme a raison ! s'écria Gaspard, qui n'avait cédé qu'à son grand regret aux raisons de Petit-Pierre. Une échauffourée vaut mieux que le néant dans lequel nous allons retomber ; une échauffourée, c'est une date : elle témoigne dans l'histoire, et le jour vient où le peuple a tout oublié, excepté le courage de ceux qui l'ont conduite ; si elle ne laisse pas sa trace sur le trône, elle laisse sa trace dans les souvenirs. Qui se rappellerait le nom de Charles-édouard sans ses échauffourées de Preston et de Culloden ? Ah ! madame, j'ai grande envie, je vous l'avoue, de faire ce que nous a conseillé ce brave paysan.

– Et vous aurez d'autant plus raison, monsieur le comte, reprit Jean Oullier avec une assurance qui prouvait que ces questions, tout au-dessus de lui qu'elles semblaient être, lui étaient néanmoins familières ; vous aurez d'autant plus raison que le but principal de Son Altesse royale, celui auquel elle veut sacrifier l'avenir de la monarchie confiée à sa tutelle, sera manqué.

– Comment cela ? demanda Petit-Pierre.

– Dès que Madame sera retirée, aussitôt que le gouvernement la saura loin de nos côtes, les persécutions commenceront, et elles seront d'autant plus vives, d'autant plus violentes, que nous nous serons montrés moins redoutables. Vous êtes riches, vous, messieurs ; vous pourrez encore y échapper par la fuite : vous aurez des vaisseaux qui vous attendront à l'embouchure de la Loire et de la Charente ; votre patrie est un peu partout, à vous autres ; mais nous, pauvres paysans, nous sommes, comme la chèvre, attachés au sol qui nous nourrit, et nous préférons la mort à l'exil.

– Et la conclusion de tout cela, mon brave Oullier ?

– Ma conclusion, monsieur Petit-Pierre, répondit le Vendéen, est que, quand le vin est tiré, il faut le boire ; que nous avons pris les armes, et que, du moment où nous les avons prises, il faut nous battre sans perdre de temps à nous compter.

– Battons-nous donc ! s'écria Petit-Pierre avec exaltation. La voix du peuple est la voix de Dieu ! j'ai foi dans celle de Jean Oullier.

– Battons-nous ! répéta le marquis.

– Battons-nous ! dit Louis Renaud.

– Eh bien, demanda Petit-Pierre, à quel jour fixons-nous la prise d'armes ?

– Mais, fit Gaspard, n'a-t-il pas été décidé qu'elle aurait lieu le 24 ?

– Oui ; mais ces messieurs ont envoyé un contre-ordre.

– Quels messieurs ?

– Ces messieurs de Paris.

– Sans vous en prévenir ? s'écria le marquis. Savez-vous que l'on en fusille pour moins que cela ?

– J'ai pardonné, dit Petit-Pierre en étendant la main. D'ailleurs, ceux qui ont fait cela ne sont pas des gens de guerre.

– Oh ! cette remise est un bien grand malheur ! dit Gaspard à demi-voix, et, si je l'eusse connue...

– Eh bien ? demanda Petit-Pierre.

– Peut-être n'eussé-je point été de l'avis du paysan.

– Bah ! bah ! dit Petit-Pierre, vous l'avez entendu, mon cher Gaspard : le vin est tiré, il faut le boire ! Buvons-le donc gaiement, messieurs, quand même ce devrait être celui dont le sire de Beaumanoir se rafraîchissait au combat des Trente. Allons, marquis de Souday, tâchez de me trouver une plume, de l'encre et du papier, dans la métairie où votre futur gendre a bien voulu m'offrir l'hospitalité.

Le marquis s'empressa de chercher ce que Petit-Pierre venait de lui demander ; mais, tout en furetant dans les tiroirs de l'armoire et de la commode ; tout en soulevant les hardes et le linge du métayer, il ne put se défendre de serrer la main de Jean Oullier et de lui dire :

– Sais-tu que tu parles d'or, mon brave gars, et que jamais une de tes fanfares ne m'a si fort réjoui le cœur que le boute-selle que tu viens de nous sonner ?

Puis, ayant trouvé ce qu'il cherchait, il se hâta de le porter devant Petit-Pierre.

Celui-ci trempa un tronçon de plume dans la bouteille à l'encre, et, de son écriture large, ferme et hardie, il écrivit ce qui suit :

« Mon cher maréchal,

» Je reste parmi vous !

» Veuillez vous rendre auprès de moi.

» Je reste, attendu que ma présence a compromis un grand nombre de mes fidèles serviteurs ; il y aurait donc, en pareille circonstance, lâcheté à moi de les abandonner. D'ailleurs, j'espère que, malgré ce malheureux contre-ordre, Dieu nous donnera la victoire.

» Adieu, monsieur le maréchal ; ne donnez pas votre démission, puisque Petit-Pierre ne donne pas la sienne.

» Petit-Pierre. »

– Et maintenant, continua Petit-Pierre tout en pliant la lettre, quel jour fixons-nous pour le soulèvement ?

– Le jeudi 31 mai, dit le marquis de Souday pensant que le terme le plus rapproché était le meilleur, – si cela vous convient toutefois.

– Non, non, dit Gaspard. Excusez, monsieur le marquis, mais il me semble que mieux vaut choisir la nuit du dimanche au lundi 4 juin. Le dimanche, après la grand'messe, dans toutes les paroisses, les paysans se rassembleront sous le porche des églises, et les capitaines, sans éveiller les soupçons, auront le loisir de leur communiquer l'ordre de la prise d'armes.

– Votre connaissance des mœurs du pays vous sert à merveille, mon ami, dit Petit-Pierre, et je me rallie à votre avis.

Va donc pour la nuit du 3 au 4 juin.

Et, immédiatement, il se mit à rédiger l'ordre du jour suivant :

« Ayant pris la résolution de ne pas quitter les provinces de l'Ouest, et de me confier à leur fidélité si longtemps éprouvée, je compte sur vous, Monsieur, pour prendre toutes les mesures nécessaires à la prise d'armes qui aura lieu dans la nuit du 3 au 4 juin.

» J'appelle à moi tous les gens de cœur. Dieu nous aidera à sauver notre patrie ; aucun danger, aucune fatigue ne me découragera ; on me verra paraître au premier rassemblement.

Et, cette fois, Petit-Pierre signa : « Marie-Caroline, régente de France. »

– Allons, le sort en est jeté ! s'écria Petit-Pierre. Maintenant, il faut vaincre ou mourir !

– Maintenant, répéta le marquis, quand même vingt contre-ordres me viendraient, le 4 juin, je fais sonner le tocsin, et, par ma foi... eh bien, après nous le déluge !

– Oui, mais il s'agit d'une chose, dit Petit-Pierre en montrant son ordre : c'est que ceci arrive sûrement et immédiatement aux divisionnaires, afin de neutraliser le mauvais effet qu'auront produit les injonctions venues de Nantes.

– Hélas ! dit Gaspard, Dieu veuille que ce malheureux contre-ordre ait fait la diligence que nous allons faire nous-mêmes ! Dieu veuille qu'il soit parvenu dans les campagnes à temps pour paralyser le premier mouvement et laisser toute sa force au second ! J'ai peur du contraire, je crains que bien des braves ne soient victimes de leur courage et de leur isolement.

– C'est pour cela qu'il ne faut pas perdre une minute, messieurs, dit Petit-Pierre, et se servir des jambes en attendant que l'on se serve des bras. Vous, Gaspard, chargez-vous de prévenir les divisionnaires du haut et du bas Poitou. M. le marquis de Souday en fera autant dans le pays de Retz et de Mauges. Vous, mon cher Louis Renaud, entendez-vous de cela avec vos Bretons. Ah ! mais qui va se charger maintenant de porter ma dépêche au maréchal ? Il est à Nantes, et vos visages y sont un peu trop connus, messieurs, pour que j'expose aucun de vous à cette mission.

– Moi, dit Bertha, qui, de l'alcôve où elle reposait avec sa sœur, avait entendu le bruit des voix et s'était levée ; n'est-ce point là un des privilèges de mes fonctions d'aide de camp ?

– Oui, certes ; mais votre costume, ma chère enfant, répondit Petit-Pierre, ne sera peut-être pas du goût de MM. les Nantais, tout charmant que je le trouve.

– Aussi n'est-ce point ma sœur qui ira à Nantes, madame, dit Mary en s'avançant à son tour ; ce sera moi, si vous voulez bien le permettre. Je prendrai des habits de paysanne et je laisserai à Votre Altesse royale son premier aide de camp.

Bertha voulut insister ; mais Petit-Pierre, se penchant à son oreille, lui dit tout bas :

– Restez, ma chère Bertha ! nous parlerons de M. le baron Michel, et nous ferons ensemble de beaux projets qu'il ne contredira pas, j'en suis sûr.

Bertha rougit, baissa la tête et laissa sa sœur s'emparer de la lettre destinée au maréchal.

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