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Chapitre LXXX
Où Courtin touche enfin du bout du doigt à ses cinquante mille francs

La lettre de Petit-Pierre à Bertha n'avait rien appris à Courtin, sinon que Petit-Pierre était à Nantes et qu'il y attendait Bertha ; mais du lieu qu'il habitait, mais des moyens de parvenir jusqu'à lui, il n'en était aucunement question.

Seulement, Courtin possédait un renseignement grave : c'était celui qui concernait la maison aux deux issues dont il avait découvert le secret.

Un moment, il eut la pensée de continuer son rôle d'espionnage, de suivre Bertha lorsque, obéissant aux injonctions de Petit-Pierre, elle se rendrait à Nantes, d'escompter à son profit le trouble que jetterait dans la raison de la jeune fille la nouvelle du dénouement qu'allaient avoir les amours de Mary et de Michel, dénouement qu'il se réservait de lui faire pressentir suivant son intérêt ; mais le métayer en était arrivé à douter de l'efficacité des moyens qu'il avait employés jusqu'alors ; il comprenait qu'il aurait perdu sans ressource sa dernière chance de succès si le hasard ou la vigilance de ceux qu'il allait épier déjouaient une fois de plus sa sagacité et sa ruse, et il se décida à essayer d'un autre moyen et à user d'initiative.

La maison qui donnait, d'un côté, sur la ruelle sans nom dans laquelle nous avons déjà plusieurs fois conduit le lecteur, et, de l'autre côté, sur la rue du Marché, était-elle habitée ? quelle était la personne qui l'habitait ? par cette personne, n'était-il pas possible d'arriver jusqu'à Petit-Pierre ? Voilà les premières questions qu'à la suite de ses réflexions se posa le maire de la Logerie.

Pour les résoudre, il fallait rester à Nantes, et maître Courtin n'y eut pas plutôt songé, qu'il renonça à retourner à sa métairie, où, d'ailleurs, il était très probable que Bertha s'était déjà rendue pour rejoindre Michel, et où il avait la presque certitude qu'elle l'attendait.

Il prit donc bravement son parti.

Le lendemain, à dix heures du matin, il frappait à la porte de la maison mystérieuse ; seulement, au lieu de se présenter par la porte de la ruelle où il avait fait une marque, il se présentait par la rue du Marché.

C'est ainsi qu'il avait vu faire à Michel, et, en se présentant par l'autre porte, il avait pour but de s'assurer que les deux portes donnaient entrée dans la même maison.

Lorsque, à l'aide d'un petit guichet grillé, celui qu'avait attiré le retentissement du marteau se fut bien assuré que le visiteur était seul, il ouvrit ou plutôt entrouvrit la porte.

Les deux têtes se trouvèrent nez à nez.

– D'où venez-vous ? demanda celle de l'intérieur.

Abasourdi par la brusquerie avec laquelle cette question lui était faite :

– Pardieu ! répondit Courtin, de Touvois.

– Nous n'attendons personne de ce côté-là, repartit l'homme de l'intérieur.

Et il repoussa la porte.

Mais ce n'était pas chose facile que de la fermer : Courtin s'y cramponnait.

Un trait de lumière frappa le métayer de la Logerie.

Il se rappela les paroles dont Michel s'était servi pour se faire donner les deux chevaux à l'hôtel du Point du Jour ; il devina alors que ces paroles, auxquelles il n'avait rien compris, étaient un mot d'ordre.

L'homme continuait de pousser ; mais Courtin s'arc-bouta contre la porte.

– Attendez donc, attendez donc, dit-il : quand j'ai prétendu que je venais de Touvois, c'était pour m'assurer que vous étiez dans la confidence : on ne peut pas prendre trop de précautions, que diable ! Eh bien, non, là, je ne viens pas de Touvois ; je viens du Sud.

– Et vous allez où ? continua son interlocuteur sans livrer une ligne de plus du passage demandé.

– Et où voulez-vous que j'aille, venant du Sud, si ce n'est à Rosny ?

– à la bonne heure, répondit le domestique. C'est que, voyez-vous, mon bel ami, on n'entre pas ici sans montrer patte blanche.

– à ceux chez lesquels tout est blanc, ce n'est pas chose difficile, dit Courtin.

– Hum ! tant mieux, répliqua l'homme, espèce de bas Breton qui, tout en parlant, égrenait entre ses doigts les grains d'un chapelet enroulé autour de sa main.

Mais, comme Courtin avait répondu selon la consigne aux demandes faites, malgré la répugnance qu'il semblait éprouver à remplir cet office, le bas Breton l'introduisit dans une petite pièce, et, lui montrant une chaise :

– Monsieur est en affaire, dit-il ; je vous introduirai auprès de lui aussitôt qu'il aura fini avec la personne qui est dans son cabinet. Asseyez-vous donc ; à moins que vous n'ayez le moyen de passer le temps d'une façon plus utile.

Courtin se voyait lancé en avant plus loin qu'il n'avait compté.

Il avait espéré que la maison serait occupée par quelque agent subalterne, de qui il comptait tirer soit par la ruse, soit par la corruption, les indices dont il avait besoin. En entendant l'homme qui lui avait ouvert la porte, parler de l'introduire près de son maître, il comprit que la partie devenait plus sérieuse et qu'il fallait préparer une fable pour faire face aux nécessités de la situation.

Il renonça en même temps à interroger le domestique, dont la physionomie sombre et sévère indiquait un de ces fanatiques endurcis, comme il s'en trouve encore dans la péninsule celtique.

Aussi Courtin comprit-il à l'instant même le rôle qu'il avait à jouer.

– Oui, dit-il en se donnant à la fois une contenance humble et édifiante, j'attendrai que Monsieur ait fini en sanctifiant l'attente par la prière. Me permettez-vous de prendre une de ces heures ? ajouta-t-il en indiquant un des livres qui se trouvaient sur la table.

– Ne touchez point à ces livres si vos intentions sont telles que vous le dites, répondit le Breton ; car ces livres sont, non pas des heures, mais des livres profanes. Je vais vous prêter mon paroissien, continua le paysan en prenant dans la poche de sa veste brodée un petit livre dont le temps et l'usage avaient complètement noirci la couverture et la tranche.

Et, dans le geste qu'il fit pour porter sa main à sa poche, le paysan découvrit la crosse luisante de deux pistolets cachés dans sa large ceinture, et Courtin s'applaudit d'autant plus de n'avoir risqué aucune tentative sur la fidélité du Breton, qui lui sembla homme à y répondre par quelque mauvais coup.

– Merci, dit-il en recevant le petit livre et en s'agenouillant avec tant de componction, que le Breton, édifié, ôta le chapeau qui couvrait ses longs cheveux, fit le signe de la croix et ferma la porte fort doucement pour ne point troubler un si saint homme dans sa méditation.

Aussitôt qu'il se sentit seul, le métayer éprouva le besoin d'examiner en détail l'appartement dans lequel il se trouvait ; mais il n'était point homme à faire une pareille faute : il songea qu'on pouvait l'observer par le trou de la serrure. Il se contint donc et resta comme absorbé dans sa prière.

Cependant, et tout en marmottant à demi-voix ses patenôtres, Courtin regardait en dessous tout autour de lui. Il était dans une petite pièce d'une douzaine de pieds carrés, séparée d'une autre chambre par une cloison dans laquelle s'ouvrait une seconde porte ; cette petite chambre était garnie de modestes meubles en noyer, éclairée par une fenêtre qui donnait sur la cour, et dont les carreaux intérieurs étaient munis d'un treillage très fin en fil de fer peint en vert, qui empêchait que, de l'extérieur, on ne pût voir la personne qui se trouvait dans cette partie de la maison.

Il écouta s'il n'entendrait aucun bruit de voix venir à lui ; mais sans doute les précautions avaient été bien prises ; car, quoique maître Courtin tendît tour à tour son oreille du côté de la porte de communication et dans la cheminée, près de laquelle il s'était agenouillé, il ne parvint à percevoir aucun son.

Mais, en s'inclinant sous cette cheminée pour écouter, maître Courtin aperçut dans le foyer, au milieu des cendres et des débris, quelques papiers chiffonnés, amoncelés en tas et disposés à être brûlés. Ces papiers le tentèrent : il laissa pendre son bras, l'allongea insensiblement en appuyant sa tête contre le chambranle, ramassa tous ces papiers un à un, les ouvrit sans quitter sa position, certain qu'il était que la table placée au milieu de l'appartement suffisait pour masquer complètement, aux yeux de ceux qui l'observaient, tous les mouvements qu'il faisait.

Il avait examiné et rejeté plusieurs de ces papiers comme n'offrant aucun intérêt, lorsque, au revers de l'un d'eux qui ne contenait que des notes insignifiantes et qu'il allait, comme les autres, rouler le long de sa jambe avant de le rendre à la cheminée, il aperçut quelques lignes d'une écriture fine et élégante qui le frappa, et il lut ces quelques mots :

Si l'on vous inquiète, venez tout de suite. Notre ami m'a chargé de vous dire qu'il reste, dans notre asile, une chambre dont vous pouvez disposer.

Le billet était signé : M. de S.

C'était évidemment, comme l'indiquaient ces initiales, Mary de Souday qui l'avait écrit.

Maître Courtin le serra précieusement dans sa poche ; en un instant, sa profonde rouerie de paysan avait deviné tout le parti qu'on pouvait tirer de ce renseignement.

Le billet serré, il continua ses investigations, qui lui apprirent encore, par des comptes assez considérables, que le propriétaire ou le locataire de cette maison devait être chargé de régler les dépenses de Petit-Pierre.

En ce moment, on entendit un bruit de voix et de pas dans le corridor.

Courtin se releva brusquement et s'approcha de la fenêtre.

à travers l'entrebâillement du vitrage, il aperçut un homme que le domestique conduisait vers la porte ; cet homme tenait à la main un large sac à argent, vide, et, avant de sortir, il plia ce sac et l'enfonça dans la poche de son habit.

Jusque-là, maître Courtin n'avait pu voir que le dos du visiteur ; mais, au moment où celui-ci passa devant le domestique pour franchir la porte du jardin, le métayer reconnut maître Loriot.

– Ah ! ah ! dit-il, celui-là aussi, celui-là en est ! et il leur apporte de l'argent ! décidément, j'ai eu une fière idée de venir ici.

Et Courtin reprit sa place devant la cheminée ; car il se doutait que son heure d'audience était arrivée.

Au moment où le paysan rouvrit la porte, il était ou semblait être si absorbé dans ses oraisons, qu'il ne bougea point.

Le paysan vint à lui, lui toucha doucement l'épaule et lui dit de le suivre. Courtin obéit après avoir terminé sa prière comme il l'avait commencée, par un signe de croix auquel le Breton s'associa dévotement.

On fit entrer le métayer dans la pièce où maître Pascal avait reçu Michel le premier soir ; seulement, cette fois, maître Pascal était plus sérieusement occupé que la première. Devant lui était une table chargée de papiers, et il sembla à Courtin avoir vu reluire des pièces d'or sous un tas de lettres ouvertes qui lui paraissaient amoncelées à dessein pour cacher cet or.

Maître pascal surprit ce regard du métayer ; il n'en conçut d'abord aucun ombrage, l'attribuant à ce sentiment d'étonnement curieux avec lequel les paysans considèrent toujours les valeurs d'or ou d'argent ; cependant il ne voulut pas que cette curiosité allât plus loin, et, faisant semblant d'avoir à fouiller dans un tiroir, il retroussa le tapis de serge verte qui couvrait la table et pendait jusqu'à terre, et le rejeta sur ses papiers.

Puis, se retournant vers le visiteur :

– Que voulez-vous ? demanda brutalement maître Pascal.

– M'acquitter d'une commission, répondit Courtin.

– Qui vous envoie ?

– M. de la Logerie.

– Ah ! vous appartenez à notre jeune homme ?

– Je suis son métayer, son homme de confiance.

– Parlez donc, alors.

– Mais, à mon tour, je ne sais si je puis le faire, répliqua Courtin avec assurance.

– Comment cela ?

– Ce n'est point à vous que M. de la Logerie m'envoie.

– à qui donc, mon brave homme ? répliqua maître Pascal dont les sourcils se froncèrent avec inquiétude.

– à une autre personne vers laquelle vous devez me conduire.

– Je ne sais pas ce que vous voulez dire, repartit maître Pascal sans pouvoir déguiser le mouvement d'impatience que provoquait en lui ce qu'il considérait comme une impardonnable étourderie commise par Michel.

Courtin, qui remarqua sa gêne, comprit qu'il avait été trop vite ; mais il était à présent dangereux de faire une brusque retraite.

– Voyons, dit Pascal, voulez-vous, oui ou non, me dire ce dont vous êtes chargé ? Je n'ai point de temps à perdre.

– Dame, moi, je ne sais pas, mon bon monsieur, fit Courtin ; j'aime mon maître à me jeter dans le feu pour lui ; quand il me dit : « Fais ceci, fais cela », je tiens à exécuter ses ordres, à mériter sa confiance ; et ce n'est point à vous qu'il a dit que je devais parler.

– Comment vous nommez-vous, mon brave homme ?

– Courtin, pour vous servir.

– De quelle paroisse êtes-vous ?

– De la Logerie, pardieu !

Maître Pascal prit son agenda, le feuilleta pendant quelques instants ; puis il attacha sur le métayer un regard investigateur et défiant.

– Vous êtes maire ? lui demanda-t-il.

– Oui, depuis 1830.

Mais, remarquant la froideur croissante de maître Pascal :

– C'est ma maîtresse, c'est Mme la baronne qui m'a fait nommer, ajouta-t-il.

– M. de la Logerie ne vous a donné qu'une commission verbale pour la personne vers laquelle il vous a envoyé ?

– Oui ; j'ai bien là un bout de lettre, mais ce n'est pas pour celle-là.

– Peut-on voir votre bout de lettre ?

– Sans doute ; il n'y a pas de secret puisqu'il n'est pas cacheté.

Et Courtin tendit à maître Pascal le papier que lui avait remis Michel pour Bertha et par lequel Petit-Pierre priait celle-ci de se rendre à Nantes.

– Comment se fait-il que ce papier soit encore dans vos mains ? demanda maître Pascal. Il me semble qu'il a plus de vingt-quatre heures de date.

– Parce qu'on ne peut pas tout faire à la fois, et que ce n'est que tantôt que je retournerai chez nous, où je dois rencontrer la personne à laquelle je suis chargé de remettre ce billet.

Les yeux de maître Pascal, depuis qu'il n'avait point trouvé le nom de Courtin parmi ceux qui s'étaient signalés par leur royalisme, ne quittaient pas le maire de la Logerie ; celui-ci affectait l'idiotisme qui lui avait si bien réussi avec le capitaine du Jeune-Charles.

– Voyons, mon bonhomme, dit-il au métayer, il m'est impossible de vous indiquer d'autre que moi pour recevoir la confidence que vous avez à me faire. Parlez si vous le jugez à propos ; sinon, retournez auprès de votre maître et dites-lui qu'il vienne lui-même.

– Je ne ferai point cela, mon cher monsieur, répondit Courtin : mon maître est condamné à mort, et je ne me soucie point de le ramener à Nantes ; il est mieux chez nous. Je vais tout vous dire : vous en ferez votre affaire, et, si Monsieur n'est pas content, il me grondera, j'aime mieux cela.

Cet élan naïf de dévouement raccommoda un peu maître Pascal avec le métayer, dont la première réponse l'avait sérieusement alarmé.

– Parlez donc, mon brave homme, et je vous réponds que votre maître ne vous grondera pas.

– ça sera bientôt fait. M. Michel m'a donc chargé de vous dire, ou plutôt de dire à M. Petit-Pierre – car c'est ainsi que se nomme la personne vers laquelle il m'envoie...

– Bien, dit en souriant maître Pascal.

– Qu'il avait découvert celui qui avait fait partir le navire quelques instants avant que Petit-Pierre, mademoiselle Mary et lui arrivassent au rendez-vous.

– Et quel est celui-là ?

– C'est un nommé Joseph Picaut, qui était dernièrement garçon d'écurie au Point du Jour.

– Au fait, cet homme que nous avions placé là a disparu depuis hier matin ! s'écria maître Pascal. Continuez, mon brave Courtin.

– Que l'on ait à se méfier de ce Picaut dans la ville, et qu'il allait le faire surveiller dans le Bocage et dans la plaine. Et puis c'est tout.

– Bien ; vous remercierez M. de la Logerie de son renseignement. Et, à présent que je l'ai reçu, je puis vous certifier qu'il a été à son adresse.

– Je n'en demande pas davantage, répliqua Courtin en se levant.

Maître Pascal reconduisit le métayer avec infiniment de politesse et de courtoisie, et fit pour lui ce que ce dernier ne lui avait point vu faire pour maître Loriot lui-même, en l'accompagnant, lui, Courtin, jusqu'à la porte de la rue.

Courtin était trop madré pour se méprendre à ces façons et ce fut sans surprise aucune qu'il entendit, lorsqu'il eut fait vingt pas, la petite porte de la maison de maître Pascal se rouvrir et se refermer derrière lui. Il ne se retourna pas ; mais, certain qu'on le suivait, il marcha lentement en homme inoccupé, s'arrêtant avec une badauderie étonnée devant toutes les boutiques, lisant toutes les affiches, évitant soigneusement tout ce qui pouvait confirmer les soupçons qu'il n'avait pu achever de détruire dans l'esprit de maître Pascal.

Cette contrainte lui coûtait peu ; il était enchanté de sa matinée et se voyait décidément sur le point de recueillir le fruit de ses peines.

Au moment où il arrivait en face de l'Hôtel des Colonies, il aperçut maître Loriot qui causait sous le portail avec un étranger.

Courtin, affectant un étonnement profond, alla droit au notaire, et lui demanda comment il se faisait qu'il se trouvât à Nantes, un jour où il n'y avait point de marché.

Puis Courtin pria maître Loriot de lui donner une place dans son cabriolet ; ce à quoi celui-ci accéda de grand cœur, en le prévenant, toutefois, que, quelques courses lui restant à faire, il demeurerait encore quatre ou cinq heures à Nantes, l'invitant à entrer, pour l'attendre, dans quelque café.

Le café était un luxe que le métayer ne se permettait en aucune circonstance et qu'il se fût permis ce jour-là moins que jamais ; dans sa ferveur religieuse, il ne se concéda même point le cabaret : il se rendit dévotement à l'église, où il assista aux vêpres que l'on disait pour les chanoines ; enfin, il revint à l'hôtel de maître Loriot, s'assit sur la borne, et s'endormit, ou fit semblant de s'endormir, à l'ombre de l'un des deux ifs qui faisaient pyramide à la porte, de ce sommeil calme et paisible qui est l'apanage des consciences pures.

Deux heure ; après, le notaire était de retour ; il annonça à Courtin qu'il était forcé de prolonger son séjour à Nantes, et que ce ne serait, par conséquent, que vers les dix heures du soir qu'il retournerait à Légé.

Cela ne faisait plus l'affaire du métayer, qui devait, le soir même, de sept à huit heures, rencontrer M. Hyacinthe – c'était ainsi que se faisait appeler l'homme d'Aigrefeuille – à Saint-Philbert-de-Grand-Lieu.

Il annonça donc à M. Loriot qu'il renonçait à l'honneur de faire route en sa compagnie, et il se mit à cheminer à pied ; car le soleil commençait à baisser, et il voulait être rendu à Saint-Philbert avant la nuit.

Courtin, qui, en rouvrant les yeux sur sa borne, avait vu le serviteur breton qui l'épiait, ne fit pas semblant de le voir encore au moment où il sortait de l'hôtel, pour s'acheminer vers son rendez-vous ; le domestique le suivit jusqu'au-delà de la Loire sans que le maire de la Logerie témoignât une seule fois, en se retournant, cette inquiétude si naturelle aux gens dont la conscience n'est pas tranquille ; de sorte que le Breton revint sur ses pas et dit à son maître que c'était bien à tort qu'on avait soupçonné le digne paysan, lequel ne s'occupait dans ses loisirs qu'aux distractions les plus innocentes, et aux pratiques les plus saintes ; si bien que maître Pascal, à son tour, commença de trouver Michel moins coupable d'avoir accordé toute sa confiance à un si loyal serviteur.

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