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Chapitre XXVI
Les deux blessés

Luisa ne comprenait rien à la scène qui venait de se passer. Elle devinait qu'elle avait sauvé la vie d'une personne qui était chère à Cirillo, voilà tout.

Seulement, voyant le bon docteur pâlir sous le poids de l'émotion qu'il venait d'éprouver, elle lui versa un verre d'eau fraîche, qu'elle lui offrit et qu'il but à moitié.

– Et maintenant, dit Cirillo en se levant vivement, ne perdons pas une minute. Où est-il ?

– Là, dit Luisa en montrant l'extrémité du corridor.

Cirillo fit un mouvement dans la direction indiquée ; Luisa le retint.

– Mais..., dit-elle en hésitant.

– Mais ? répéta Cirillo.

– écoutez-moi, et surtout excusez-moi, mon ami, lui dit-elle de sa voix caressante, et en lui posant les deux mains sur les deux épaules.

– J'écoute, dit en souriant Cirillo ; il n'est point à l'agonie, n'est-ce pas ?

– Non, Dieu merci ! il est même, je le crois, aussi bien qu'il peut l'être dans sa position ; du moins, il était ainsi quand je l'ai quitté, il y a deux heures. Voilà donc ce que je voulais vous dire et ce qu'il était important que vous sussiez avant que de le voir. Je n'osais pas vous envoyer chercher, parce que vous êtes l'ami de mon mari, et qu'instinctivement je sentais que mon mari ne devait rien savoir de tout cela. Je ne voulais pas confier à un médecin dont je ne fusse pas sûre un secret important, car il y a quelque secret important là-dessous, n'est-ce pas, mon ami ?

– Un secret terrible, Luisa !

– Un secret royal, n'est-ce pas ? reprit celle-ci.

– Silence ! Qui vous a dit cela ?

– Le nom même de l'assassin.

– Vous le saviez ?

– Michele, mon frère de lait, a reconnu Pasquale de Simone... Mais laissez-moi achever. Je voulais donc vous dire que, n'osant vous envoyer chercher, ne voulant pas envoyer chercher un autre médecin que vous, j'ai prié une personne qui se trouvait là par hasard de donner les premiers soins au blessé...

– Cette personne appartient-elle à la science ? demanda Cirillo.

– Non ; mais elle a prétendu avoir des secrets pour guérir.

– Quelque charlatan, alors.

– Non ; mais excusez-moi, cher docteur, je suis si troublée, que ma pauvre tête se perd ; mon frère de lait, Michele, celui qu'on appelle Michele il Pazzo, vous le connaissez, je crois ?

– Oui, et, par parenthèse, je vous dirai même : défiez-vous de lui ! c'est un royaliste enragé devant lequel je n'oserais point passer si j'avais des cheveux taillés à la Titus, et si je portais des pantalons au lieu de porter des culottes : il ne parle que de brûler et de pendre les jacobins.

– Oui ; mais il est incapable de trahir un secret dans lequel je serais pour quelque chose.

– C'est possible ; nos hommes du peuple sont un composé de bon et de mauvais ; seulement, chez la plupart d'entre eux, le mauvais l'emporte sur le bon. Vous disiez donc que votre frère de lait Michele... ?

– Sous prétexte de me faire dire ma bonne aventure, – Je vous jure, mon ami, que c'est lui qui a eu cette idée et non pas moi, – m'avait amené une sorcière albanaise. Elle m'avait prédit toute sorte de choses folles, et elle était là enfin quand j'ai recueilli ce malheureux jeune homme, et c'est elle qui, avec des herbes dont elle prétend connaître la puissance, a arrêté le sang et posé le premier appareil.

– Hum ! fit Cirillo avec inquiétude.

– Quoi ?

– Elle n'avait point de raison d'en vouloir au blessé, n'est-ce pas ?

– Aucune : elle ne le connaît pas, et, au contraire, elle a paru prendre un grand intérêt à sa situation.

– Alors, vous n'avez point la crainte que, dans un but de vengeance quelconque, elle n'ait employé des herbes vénéneuses.

– Bon Dieu ! s'écria Luisa en pâlissant, vous m'y faites penser ; mais non, c'est impossible. Le blessé, à part une grande faiblesse, a paru soulagé dès que l'appareil a été posé.

– Ces femmes, dit Cirillo comme s'il se parlait à lui-même, ont, en effets, quelquefois des secrets excellents. Au moyen âge, avant que la science nous fût venue de la Perse, avec les Avicenne, et de l'Espagne, avec les AverrhoĆ«s, elles furent les confidentes de la nature, et, si la médecine était moins fière, elle avouerait qu'elle leur doit quelques-unes de ses meilleures découvertes. Seulement, ma chère Luisa, continua-t-il en revenant à la jeune femme, ces sortes de créatures sont sauvages et jalouses, et il y aurait danger pour le malade que votre sorcière sût qu'un autre médecin qu'elle lui donne des soins. Tâchez donc de l'éloigner afin que je voie le blessé seul.

– Eh bien, c'est ce que j'avais pensé, mon ami, et ce dont je voulais vous avertir, dit Luisa. Maintenant que vous savez tout et que vous-même avez été au-devant de mes craintes, venez ! vous entrerez dans une chambre voisine ; j'éloignerai Nanno sous un prétexte quelconque, et, alors, alors, ô cher docteur, dit Luisa en joignant les mains comme elle eût fait devant Dieu, alors, vous le sauverez, n'est-ce pas ?

– C'est la nature qui sauve, mon enfant, et non pas nous autres, répondit Cirillo. Nous l'aidons, voilà tout ; et j'espère qu'elle aura déjà fait pour notre cher blessé tout ce qu'elle pouvait faire. Mais ne perdons point de temps : dans ces sortes d'accidents, la promptitude des soins est pour beaucoup dans la guérison. S'il faut se fier à la nature, il ne faut pas non plus lui laisser tout à faire.

– Venez donc, alors, dit Luisa.

Elle marcha la première, le docteur la suivit.

On traversa la longue file d'appartements qui faisaient partie de la maison San-Felice, puis on ouvrit la porte de communication donnant dans la maison voisine.

– Ah ! dit Cirillo remarquant cette combinaison du hasard qui avait si bien servi l'événement, voilà qui est excellent ! Je comprends, je comprends... Il n'est pas chez vous ; il est chez la duchesse Fusco. Il y a une Providence, mon enfant !

Et, d'un regard levé au ciel, Cirillo remercia cette Providence à laquelle, en général, les médecins ont si peu de foi.

– Ainsi, n'est-ce pas, dit Luisa, il faut qu'il soit caché ?...

Cirillo comprit ce que Luisa voulait dire.

– à tout le monde, sans exception aucune, vous entendez ? Sa présence connue dans cette maison, quoiqu'elle ne soit pas la vôtre, compromettrait cruellement votre mari d'abord.

– Alors, s'écria joyeusement Luisa, je ne m'étais pas trompée, et j'ai bien fait de garder mon secret pour moi seule ?

– Oui, vous avez bien fait, et je n'ajouterai qu'un mot pour vous enlever tout scrupule. Si ce jeune homme était reconnu et arrêté, non-seulement sa vie serait en danger, mais encore la vôtre, celle de votre mari, la mienne et celle de beaucoup d'autres qui valent mieux que moi.

– Oh ! nul ne vaut mieux que vous, mon ami, et nul mieux que moi ne sait ce que vous valez. Mais nous sommes à la porte, docteur ; voulez-vous rester dehors et me laisser entrer ?

– Faites, dit Cirillo en s'effaçant.

Luisa posa la main sur la clef et, sans le moindre grincement, fit tourner la porte sur ses gonds.

Sans doute les précautions avaient été prises pour qu'elle s'ouvrît ainsi sans bruit.

Au grand étonnement de la jeune femme, elle trouva le blessé seul avec Nina, qui, une petite éponge à la main, lui pressait cette petite éponge sur la poitrine et y faisait couler goutte à goutte, au moyen de cette pression, le jus des herbes cueillies par la sorcière.

– Où est Nanno ? où est Michele ? demanda Luisa.

– Nanno est partie, madame, en disant que tout allait bien et qu'elle n'avait plus rien à faire ici pour le moment, tandis qu'elle avait beaucoup à faire ailleurs.

– Et Michele ?

– Michele a dit qu'à la suite des événements de cette nuit, il y aurait probablement du bruit au Vieux-Marché, et, comme il est un des chefs de son quartier, il a ajouté que, s'il y avait du bruit, il voulait en être.

– Ainsi, tu es seule ?

– Absolument seule, madame.

– Entrez, entrez, docteur, dit Luisa, le champ est libre.

Le docteur entra.

Le malade était couché sur un lit dont le chevet était appuyé à la muraille. Il avait la poitrine complétement nue, à l'exception d'une bande de toile, qui, disposée en croix et passant derrière ses épaules, maintenait l'appareil sur sa blessure. C'était à l'endroit précis de cette blessure que Nina, en passant l'éponge, exprimait le suc des herbes.

Salvato était immobile et sans mouvement, tenant ses yeux fermés au moment où Luisa avait ouvert la porte. En même temps que la porte, ses yeux s'étaient ouverts, et sa figure avait pris une expression de bonheur qui avait presque fait disparaître celle de la souffrance.

Invité par la jeune femme à entrer, Cirillo apparut à son tour ; le blessé le regarda d'abord avec inquiétude. Quel était cet homme ? Un père, probablement ; un mari, peut-être.

Tout à coup, il le reconnut, fit un mouvement pour se soulever, murmura le nom de Cirillo et lui tendit la main.

Puis il retomba sur les oreillers, épuisé par le léger effort qu'il venait de faire.

Cirillo, en portant un doigt à sa bouche, lui fit signe de ne parler ni remuer.

Il s'approcha du blessé, leva la bande qui lui serrait la poitrine, et, maintenant l'appareil, examina avec attention les débris des herbes broyées par Michele, goûta du bout des lèvres la liqueur qui en était tirée, et sourit en reconnaissant la triple combinaison astringente de la fumeterre, du plantain et de l'artémise.

– C'est bien, dit-il à Luisa, sur laquelle s'étaient arrêtés de nouveau le regard et le sourire du malade, vous pouvez continuer les remèdes de la sorcière ; je n'eusse peut-être pas ordonné cela, mais je n'eusse rien ordonné de mieux.

Puis, revenant au blessé, il l'examina avec la plus grande attention.

Grâce aux herbes astringentes formant l'appareil, grâce au suc des herbes dont on avait constamment baigné la blessure, les lèvres de la plaie s'étaient rapprochées ; elles étaient roses et du meilleur aspect, et il était probable qu'il n'y avait pas eu d'hémorrhagie intérieure, ou que, s'il y en avait eu un commencement, elle avait été interrompue par ce que les chirurgiens nomment le caillot, œuvre admirable de la nature qui combat pour les êtres créés par elle avec une intelligence à laquelle la science n'atteindra jamais.

Le pouls était faible mais bon. Restait à savoir dans quel état était la voix. Cirillo commença par appuyer son oreille sur la poitrine du malade et écouter sa respiration. Sans doute en fut-il content, car il se releva en rassurant par un sourire Luisa, qui suivait des yeux tous ses mouvements.

– Comment vous sentez-vous, mon cher Salvato ? demanda-t-il au blessé.

– Faible, mais très-bien, répondit-il ; je voudrais toujours rester ainsi.

– Bravo ! dit Cirillo, la voix est meilleure que je ne l'espérais. Nanno a fait une magnifique cure, et je pense que, sans trop vous fatiguer, vous allez pouvoir répondre à quelques questions, dont vous sentirez vous-même l'importance.

– Je comprends, dit le malade.

Et, en effet, dans toute autre circonstance, Cirillo eût remis au lendemain l'espèce d'interrogatoire qu'il allait faire subir à Salvato ; mais la situation était si grave, qu'il n'avait pas un instant à perdre pour prendre les mesures qu'elle nécessitait.

– Dès que vous vous sentirez fatigué, arrêtez-vous, dit-il au blessé, et, quand Luisa pourra répondre aux questions que je vous adresserai, je la prie de vous épargner la peine d'y répondre vous-même.

– Vous vous nommez Luisa ? dit Salvato. C'était un des noms de ma mère. Dieu n'a fait qu'un seul et même nom pour la femme qui m'a donné la vie et pour celle qui me l'a sauvée. Je remercie Dieu.

– Mon ami, dit Cirillo, soyez avare de vos paroles ; je me reproche chaque mot que je vous force de prononcer. Ne prononcez donc pas un seul mot inutile.

Salvato fit un léger mouvement de la tête en signe d'obéissance.

– à quelle heure, demanda Cirillo s'adressant moitié à Salvato, moitié à Luisa, à quelle heure le blessé a-t-il repris connaissance ?

Luisa se hâta de répondre pour Salvato :

– à cinq heures du matin, mon ami, et juste au moment où l'aube se levait.

Le blessé sourit ; c'était aux premiers rayons de cette aube qu'il avait entrevu Luisa.

– Qu'avez-vous pensé en vous trouvant dans cette chambre et en voyant près de vous une personne inconnue ?

– Ma première idée fut que j'étais mort et qu'un ange du Seigneur venait me chercher pour m'enlever au ciel.

Luisa fit un mouvement pour s'effacer derrière Cirillo : mais Salvato allongea vers elle la main d'un mouvement si brusque, que Cirillo arrêta la jeune femme et la ramena en vue du blessé.

– Il vous a pris pour l'ange de la mort, lui dit Cirillo ; prouvez-lui qu'il se trompait et que vous êtes, au contraire, l'ange de la vie.

Luisa poussa un soupir, appuya la main sur son cœur, sans doute pour en comprimer les battements, et, cédant, sans avoir la force de résister, à la contrainte que lui imposait Cirillo, elle se rapprocha du blessé.

Les regards des deux beaux jeunes gens se croisèrent alors et ne se détachèrent plus l'un de l'autre.

– Soupçonnez-vous quels étaient vos assassins ? demanda Cirillo.

– Je les connais, dit vivement Luisa, et je vous les ai nommés ; ce sont des hommes à la reine.

Suivant la recommandation de Cirillo de laisser Luisa répondre pour lui, Salvato se contenta de faire un signe affirmatif.

– Et vous doutez-vous dans quel but ils ont tenté de vous assassiner ?

– Ils me l'ont dit eux-mêmes, fit Salvato : c'était pour m'enlever les papiers dont j'étais porteur.

– Ces papiers, où étaient-ils ?

– Dans la poche de la houppelande que m'avait prêtée Nicolino.

– Et ces papiers ?

– Au moment où je me suis évanoui, j'ai cru sentir qu'on me les enlevait.

– M'autorisez-vous à visiter votre habit ?

Le blessé fit un signe de tête ; mais Luisa intervint.

– Je vais vous le donner si vous voulez, dit-elle ; mais ce sera bien inutile, les poches sont vides.

Et, comme Cirillo lui demandait des yeux : « Comment le savez-vous ? »

– Notre premier soin, répondit Luisa à cette interrogation muette, a été de chercher, là où il pouvait se trouver, un renseignement qui put nous aider à établir l'identité du blessé. S'il eût eu une mère ou une sœur à Naples, mon premier devoir, au risque de ce qui pouvait arriver, était de les prévenir. Nous n'avons rien trouvé, n'est-ce pas, Nina ?

– Absolument rien, madame.

– Et quels étaient ces papiers qui sont à cette heure entre les mains de vos ennemis ? vous le rappelez-vous, Salvato ?

– Il n'y en avait qu'un seul, la lettre du général Championnet, recommandant à l'ambassadeur de France de maintenir autant que possible la bonne intelligence entre les deux états, attendu qu'il n'était point encore en mesure de faire la guerre.

– Lui parlait-il des patriotes qui se sont mis en communication avec lui ?

– Oui, pour lui dire de les calmer.

– Les nommait-il ?

– Non.

– Vous en êtes sûr ?

– J'en suis sûr.

Fatigué de l'effort qu'il venait de faire pour répondre jusqu'au bout à Cirillo, le blessé ferma les yeux et pâlit.

Luisa jeta un cri ; elle crut qu'il s'évanouissait.

à ce cri, les yeux de Salvato se rouvrirent, et un sourire – était-il de reconnaissance ou d'amour ? – reparut sur ses lèvres.

– Ce n'est rien, madame, dit-il, ce n'est rien.

– N'importe, dit Cirillo ; pas un mot de plus. Je sais ce que je voulais savoir. Si ma vie seule eut été en jeu, je vous eusse recommandé le silence le plus absolu ; mais vous savez que je ne suis pas seul, et vous me pardonnez.

Salvato prit la main que lui offrait le docteur et la serra avec une force qui prouvait que son énergie ne l'avait pas abandonné.

– Et maintenant, dit Cirillo, taisez-vous et calmez-vous ; le mal est moins grand que je ne le craignais et qu'il pouvait être.

– Mais le général ! dit le blessé malgré l'ordre qui lui était donné de se taire, il faut qu'il sache à quoi s'en tenir.

– Le général, répondit Cirillo, recevra avant trois jours un messager ou un message qui le rassurera sur votre sort. Il saura que vous êtes dangereusement, mais non mortellement blessé. Il saura que vous êtes hors des atteintes de la police napolitaine, si habile qu'elle soit ; il saura que vous avez près de vous une garde-malade que vous avez prise pour un ange du ciel avant de savoir que c'était une simple sœur de charité ; il saura enfin, mon cher Salvato, que tout blessé voudrait être à votre place, ne demanderait qu'une chose à son médecin : c'est de ne pas le guérir trop vite.

Cirillo se leva, alla à une table où se trouvaient une plume, de l'encre et du papier, et, tandis qu'il écrivait une ordonnance, Salvato cherchait et trouvait la main de Luisa, que celle-ci lui abandonnait en rougissant.

L'ordonnance écrite, Cirillo la remit à Nina, qui sortit aussitôt pour la faire exécuter.

Alors, appelant à lui la jeune femme et lui parlant assez bas pour que le blessé ne pût pas l'entendre :

– Soignez ce jeune homme, lui dit-il, comme une sœur soignerait son frère ; ce n'est point assez, comme une mère soignerait son enfant. Que personne, pas même San-Felice, ne sache sa présence ici. La Providence a choisi vos douces et chastes mains pour lui confier la précieuse vie de l'un de ses élus. Vous en devrez compte à la Providence.

Luisa baissa la tête avec un soupir. Hélas ! la recommandation était inutile, et la voix de son cœur lui recommandait le blessé, non moins tendrement que celle de Cirillo, si puissante qu'elle fût.

– Je reviendrai après-demain, continua Cirillo ; à moins d'accidents, ne m'envoyez pas chercher ; car, après tout ce qui s'est passé cette nuit, la police aura les yeux sur moi. Il n'y a rien à faire de plus que ce qui a été fait. Veillez à ce que le blessé n'éprouve aucune secousse matérielle ou morale ; pour tout le monde et même pour San-Felice, c'est vous qui êtes souffrante ; et c'est vous que je viens voir.

– Mais, cependant, murmura la jeune femme, si mon mari savait...

– Dans ce cas, je prends tout sur moi, répondit Cirillo.

Luisa leva les yeux au ciel et respira plus librement.

En ce moment, Nina rentra, rapportant l'ordonnance.

Aidé de la jeune fille, Cirillo plaça des herbes fraîchement triturées sur la poitrine du blessé, raffermit la bande, lui recommanda le repos, et, à peu près rassuré sur sa vie, il prit congé de Luisa en lui promettant de revenir le surlendemain.

Au moment où Nina refermait sur lui la porte de la rue, un carrozzello descendait du Pausilippe.

Cirillo lui fit signe de venir à lui et y monta.

– Où faut-il conduire Votre Excellence ? demanda le cocher.

– à Portici, mon ami, et voilà une piastre pour ta course, si nous y sommes dans une heure.

Et il lui montra la piastre, mais sans la lui donner.

– Viva san Gennaro ! cria le cocher.

Et il fouetta son cheval, qui partit au galop.

En marchant de cette allure, Cirillo, en moins d'une heure, eût atteint le but de sa course ; mais, en arrivant à la rue Neuve-de-la-Marine, il trouva le quai encombré par un immense attroupement qui lui coupa entièrement le passage.

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