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Chapitre III
La maison de Ménilmontant

Lothario avait alors environ vingt-trois ou vingt-quatre ans. L'enfant rose et blond que nos lecteurs se souviennent peut-être d'avoir vu au commencement de cette histoire, épelant l'alphabet sur les genoux de Christiane, ou admirant avec des tempêtes de joie la prodigieuse Chasse au Porc de Samuel Gelb, était devenu un noble et charmant jeune homme qui avait à la fois dans ses yeux souriants et résolus la vivacité du Français et la douceur de l'Allemand.
à l'empressement avec lequel il avait obéi à la recommandation du comte d'Eberbach, et au signe tout ensemble affectueux et respectueux qu'il lui avait fait en partant, il était facile de voir qu'il y avait entre Julius et Lothario d'autres rapports que ceux d'ambassadeur à secrétaire. On eût dit plutôt un père et un fils.
De fait, ils étaient l'un à l'autre toute leur famille. Quand nous avons fait connaissance avec Lothario, il était déjà orphelin de père et de mère ; puis son grand-père, le pasteur, était mort ; enfin, la mort de sa tante Christiane l'avait laissé absolument seul au monde. La vie de Julius n'était pas moins déserte. Sa femme n'avait pas tardé à rejoindre son petit Wilhelm, et il y avait, en 1829, un an que son père avait rejoint Christiane. Julius n'avait donc plus de parenté qu'en Lothario et Lothario qu'en Julius, et ils se serraient étroitement l'un contre l'autre pour ne pas voir le grand vide que la mort avait fait entre eux.
Ce fut donc avec un soin scrupuleux et comme pour obéir, plus qu'à l'ordre, à la prière d'un supérieur et d'un ami, que Lothario suivit des yeux sans jamais le perdre dans la foule l'homme sur lequel le comte d'Eberbach l'avait chargé de veiller.
Il le vit, après le départ du comte, s'approcher de lord Drummond, et échanger avec lui quelques paroles. Mais Lothario, de loin, ne pouvait et n'eût point voulu, d'ailleurs, les entendre.
L'astrologue disait à lord Drummond :
- Voici le beau moment du bal, celui où l'on oublie ; où l'on oublie même la joie, où l'on oublie même la douleur.
- Race oublieuse et légère ! en effet, murmura lord Drummond d'un ton de mauvaise humeur. Comme dans l'ivresse, ils n'ont même pas conscience du bonheur. Demandez-leur seulement s'ils se souviennent de ce merveilleux chant de tout à l'heure.
- Il vous a frappé aussi ! dit vivement l'astrologue.
Lord Drummond ne répondit à cette exclamation que par un sourire.
- Il a été bien court ! reprit Nostradamus.
- Bien court et bien long ! une extase et une torture ! s'écria lord Drummond. Ah ! si tout autre que Madame eût demandé qu'elle chantât, elle n'aurait point chanté, certes !
L'astrologue était sans doute au fait des excentriques coutumes de son noble ami, car il ne parut point s'étonner de la bizarre contradiction que renfermaient ses paroles. Il demanda seulement :
- Vous connaissez cette cantatrice, milord ?
- Je la connais.
- Oh ! un mot, de grâce. Depuis deux ans, depuis votre séjour dans l'Inde, j'ai perdu de vue Votre Seigneurie. Y a-t-il longtemps que vous connaissez cette femme ? Connaissez-vous sa famille ? De quel pays est-elle ?
Lord Drummond regarda fixement celui qui lui faisait ces questions impatientes et rapides, et répondit lentement :
- Il y a dix-huit mois que je connais la signora Olympia. Mon père a connu son père, un pauvre diable de bohémien. Quant à son origine, je ne vous crois pas assez étranger au monde des arts pour avoir besoin de vous dire qu'Olympia est italienne.
Il eût fallu en effet n'avoir jamais ouvert un journal ou n'avoir jamais causé dans un salon, pour n'avoir pas entendu parler de la célèbre prima donna qui avait fait les beaux jours de la Scala et de San Carlo, et qui avait créé plus d'un rôle dans les plus beaux opéras de Rossini, mais qui, soit patriotisme, soit caprice, n'avait jamais voulu chanter qu'en Italie et sur les théâtres italiens.
- Ah ! c'est la diva Olympia, répéta après lord Drummond le devin en défaut. Voilà qui est vraisemblable en effet.
Il se prit à sourire et dit, comme à lui-même :
- N'importe ! la vie a de singulières hallucinations.
- La fête m'ennuie maintenant dans ce que vous appelez son oubli, reprit lord Drummond. D'ailleurs, il va tout à l'heure faire jour. Je vais rentrer. Restez-vous ?
- Non, dit Nostradamus, je suivrai Votre Seigneurie. Le bal n'a plus pour moi d'intérêt.
Ils se dirigèrent vers le premier salon. Lothario les suivit. Ils firent demander leur voiture par un valet. Lothario rappela le valet pour demander en même temps la sienne.
Dans l'encombrement d'équipages qui obstruait la grande cour des Tuileries, dix minutes se passèrent avant que les deux voitures fussent avancées.
- Si vous le souhaitez, mon ami, dit pendant ce temps lord Drummond à Nostradamus, je vous ferai un de ces jours dîner avec Olympia, mais à une condition.
- Laquelle, mylord ?
- C'est que vous ne me demanderez pas de la prier de chanter.
En ce moment, le valet appela successivement :
- Les gens de lord Drummond.
- Les gens du baron d'Ehrenstein.
Lord Drummond et l'astrologue descendirent ensemble le grand escalier, suivis à dix pas par Lothario. Ils montèrent dans la voiture, après laquelle s'avança celle de Lothario.
Lothario, à l'instant où le valet de pied fermait la portière, lui dit tout bas un mot que le valet de pied alla répéter au cocher.
Sa voiture s'élança derrière celle de lord Drummond.
Il faisait encore nuit ; mais déjà des taches blanchâtres se plaquaient par endroits dans le ciel gris. L'aube commençait à hasarder quelques lueurs pâles. L'air était tiède, et l'on y sentait des bouffées molles qui ressemblaient à des avances du printemps.
Une foule immense, hâve, déguenillée, se pressait aux guichets et aux grilles, criante antithèse de la misère et de la faim devant le plaisir et le superflu. à chaque voiture qui sortait, pleine de dorures, de perles et de sourires, c'étaient des exclamations d'admiration amère et de raillerie envieuse, et la comparaison de ce luxe et de cette splendeur des uns avec le dénuement des autres allait ajouter une rage de plus à la haine sourde de ceux qui n'ont pas de pain sur leur table ni de couverture sur leur grabat.
Chose étrange, que tous les soulèvements populaires viennent à la suite de quelque fête célèbre, et que la révolution d 1830 ait eu pour préface le bal de la duchesse de Berry aux Tuileries, comme la révolution de 1848 a eu pour préface le bal du duc de Montpensier à Vincennes !
La voiture de lord Drummond sortit par la rue de Rivoli, et gagna par la place Vendôme la rue de la Ferme-des-Mathurins.
Dans cette rue, elle s'arrêta devant la porte d'un hôtel d'ample et princière apparence.
Le cocher de Lothario s'était arrêté à distance. Lothario mit la tête à la portière et vit descendre lord Drummond.
Mais l'astrologue ne descendit pas.
La voiture du devin se remit en route, gagna les boulevards, les suivit jusqu'au faubourg Ménilmontant, et s'engagea dans le faubourg. Elle sortit de la barrière, dépassa les premières maisons, et arriva au bas de la rude montée.
Lothario craignit que, dans ce silence des voitures au pas, sa poursuite ne fût remarquée de l'inconnu. Il mit pied à terre, ordonna à son cocher de ne le suivre que de très loin, et, s'enveloppant de son manteau, marcha sur les traces de l'inconnu.
Au haut de la colline, la voiture tourna à gauche et entra dans une ruelle déserte.
Les chevaux reprirent le trot et allèrent jusqu'à une maison isolée dont le jardin était séparé de la rue par une terrasse ombragée d'un berceau de vigne. De là, comme aucune maison en face ne gênait le regard, on pouvait voir, non seulement la rue et les passants, mais cette glorieuse vallée qui s'appelle Paris.
à dix pas du sol, une balustrade en pierre garnie de grands vases à fleurs devait faire l'été de cette terrasse une haie de verdure et de parfums.
Au bruit de la voiture, quelqu'un s'avança précipitamment sur la terrasse, et, à la clarté du matin qui commençait à jaillir de l'horizon, Lothario, qui avait ralenti son pas, vit tout à coup une ravissante tête de jeune fille se pencher à la balustrade.
La vue de cette jeune fille fit à Lothario une impression singulière. Dès qu'il l'eut aperçue, il ne vit plus qu'elle. Il était venu pour l'astrologue ; mais l'astrologue, le bal des Tuileries, l'ambassadeur de Prusse, le monde, en une seconde, rien de tout cela n'exista plus pour lui.
Ce ne fut pas seulement à cause de la beauté de la jeune fille. Si elle était belle ! c'est ce que les mots ne sauraient dire. Seize ans, plus fraîche que la rosée, plus lumineuse que le premier rayon, plus jeune que l'aube, il semblait à Lothario que c'était elle qui éclairait le ciel, et que la nuit l'avait attendue pour effacer ses étoiles. Le beau et fier jeune homme se sentit brusquement au cœur une douleur immense, comme à l'aspect d'un idéal impossible à atteindre et trop haut pour une misérable créature mortelle comme lui.
Mais, en même temps, il éprouva, nous le répétons, une émotion étrange. Cette jeune fille, il ne l'avait jamais vue, il ne l'avait même jamais rêvée ; et cependant il lui semblait qu'il la connaissait, et depuis longtemps, depuis qu'il était au monde.
Ce n'était pourtant pas la révélation visible de ce type antérieur et de ce pressentiment inné que tout grand cœur porte en soi. Ce n'était pas sa chimère jusqu'alors innommée et indistincte, qui se réalisait et qui se faisait vivante par la bonté de Dieu. Non, il y avait plus de réalité que cela dans ses souvenirs ou dans ses pressentiments. Cette jeune fille inconnue, encore une fois, il la reconnaissait ; il y avait plus, il l'avait aimée.
La vision ne dura qu'une seconde, mais, en cette seconde, Lothario vécut plus que dans toute sa vie.
L'astrologue était descendu de voiture. La jeune fille, en le reconnaissant, avait joyeusement et naïvement battu des mains, elle était venue lui ouvrir, tous deux étaient entrés dans la maison, la porte s'était refermée, et la voiture était repartie, que Lothario était encore dans la rue, immobile, les yeux cloués sur la place où la rayonnante enfant lui était apparue, et comme foudroyé par cet éclair de grâce, de lumière, de pureté.
Enfin il s'aperçut qu'elle était partie.
- Oh ! oui, dit-il, je vais noter où il loge.
Et, croyant seulement obéir aux prescriptions du comte d'Eberbach, il écrivit le nom de la rue et le numéro de la maison.
Puis il dit du regard adieu, ou plutôt au revoir à la maison, à la terrasse, à la porte, regagna sa voiture, et reprit le chemin de Paris.
Cependant la jeune fille, qui n'avait pas même aperçu le promeneur matinal, entraînait vivement celui dont Lothario était déjà jaloux dans son cœur vers une petite maison de modeste apparence, mais jolie et coquette. La façade, en briques rouges, que variaient des volets verts foncés, s'égayait d'un lierre touffu.
L'astrologue, précédé de la jeune fille, monta un perron de quelques marches, et, un moment après, elle le faisait asseoir auprès d'un large feu flambant dans un salon très simplement mais très gracieusement arrangé.
- Chauffez-vous bien, ami, dit-elle, pendant que je vais vous regarder à mon aise. Que vous êtes bon d'avoir cédé à mon caprice d'enfant, et d'être venu dans votre costume pour que je puisse le voir ! Il est sévère et superbe. Il vous sied à merveille. Levez-vous donc un peu.
L'astrologue se leva en souriant.
- Merci, dit-elle. Ce costume semble fait pour votre haute taille. Cette grande barbe blanche et ces cheveux d'argent donnent à votre gravité, dont j'ai un peu peur parfois, je ne sais quelle douceur. Vous ressemblez ainsi à l'image que je me fais d'un père.
- Je ne veux pas ! s'écria l'astrologue.
Le regard ravi dont il couvait l'enfant s'éteignit brusquement en un pli sombre qui lui courut sur le front, et, d'un geste prompt et presque violent, il arracha sa barbe et ses cheveux postiches.
La jeune fille avait raison : ses cheveux noirs le faisaient plus jeune, mais le faisaient plus dur, et il y avait dans le visage de cet homme quelque chose d'impérieux et d'implacable qui pouvait effaroucher plus qu'une enfant.
La jeune fille secoua gentiment la tête.
- Pourquoi voulez-vous ne pas être mon père ? dit-elle. Vous ne voulez donc pas que j'en aie un ? Voulez-vous que je sois toute ma vie orpheline et sans père ni mère ? Et vous, vous ne voulez pas que je vous aime ?
- Moi ! ne pas vouloir que vous m'aimiez ! s'écria l'astrologue, dont les yeux prirent une étrange expression de tendresse passionnée.
- Eh bien ! si vous voulez que je vous aime, comment vous aimerais-je mieux qu'étant votre fille ? Est-ce qu'il existe au monde une affection plus entière et plus douce que la reconnaissance filiale ? Moi, je ne rêve rien au delà.
- Vous êtes une pure et sublime créature, Frédérique ! Et vous m'aimez, n'est-ce pas ?
- De tout mon cœur, répondit-elle avec effusion.
Mais elle ne s'élança pas vers lui, et lui n'effleura même pas son front de ses lèvres.
Il se rassit devant le feu, et elle prit place à côté de lui sur un tabouret.
- Avez-vous faim ? demanda-t-elle.
Il fit signe que non. Elle reprit :
- Vous devez plutôt être fatigué ! Voulez-vous dormir ? Voulez-vous que j'appelle Mme Trichter, si vous avez besoin de quelque chose ? Maintenant que je vous ai vu, n'allez-vous pas vous débarrasser de ce costume ? C'était magnifique cette fête, hein ?
- Vous auriez voulu y venir, peut-être, Frédérique ?
- Peut-être, dit-elle ; j'ai encore si peu vu ! Mais je sais bien que c'était impossible. Et j'en ai très bien pris mon parti, soyez tranquille.
- C'est vrai, pauvre enfant, que vous n'avez guère eu, jusqu'ici, de fêtes et de plaisirs ! Voyons, Frédérique, ajouta-t-il en la regardant fixement, parlez-moi en toute sincérité ; ne désirez-vous rien ?
- Mon Dieu, répondit-elle, rien et tout. Je voudrais avoir une famille, pour aimer plus ; être riche, pour donner plus ! être savante, pour comprendre plus. Mais, orpheline, pauvre et simple comme je suis, je suis heureuse.
- Frédérique, dit l'astrologue, je veux, moi, que vous ne désiriez rien ; je veux qu'il n'y ait rien et personne au-dessus de vous, et cela sera, je vous en réponds. Oh ! pour satisfaire le moindre de vos vœux, je remuerai le monde. Vous êtes ma croyance, ma force, ma vertu. Vous êtes la seule créature humaine que j'aie jamais respectée. Vous avez développé en moi, qui n'avais que la grandeur du mépris, quelque chose d'étrange et de supérieur. Je vous aime et je crois en vous comme d'autres croient en Dieu.
- Oh ! ne me parlez pas ainsi de Dieu ! dit-elle avec une geste de prière.
- Pourquoi ? reprit-il. Parce qu'au lieu de l'adorer comme les prêtres, dans le vide ou dans de puérils symboles, je l'adore dans son expression la plus précieuse ? Parce qu'en voyant une âme qui est la perfection et l'idéal même, je n'aspire à rien au-dessus ? Parce que partout où je vois beauté, pureté, amour, j'y crois voir Dieu ?
- Pardonnez-moi, ami, dit Frédérique. Mais ce n'est pas de cette façon qu'on m'a enseigné la religion.
- C'est-à-dire, reprit l'astrologue avec un accent qui avait un peu d'amertume, qu'entre la croyance d'une vieille gouvernante superstitieuse comme Mme Trichter et celle d'un homme qui a passé sa vie à penser et à chercher, vous choisissez la foi de la croyante stupide.
- Je ne choisis pas, répliqua-t-elle simplement. J'obéis aux instincts que Dieu m'envoie. Vous êtes forts, vous n'avez pas peur de croire au génie et à la liberté de l'homme. Mais moi, humble cœur que je suis, comment me passerais-je de Dieu ?
L'astrologue se leva.
- Mon enfant, dit-il avec douceur, vous êtes libre, croyez ce que vous voudrez ; je vous prends à témoin que je ne vous ai jamais imposé ni une croyance ni un sentiment. Mais, sachez-le bien aussi, s'écria-t-il avec énergie, tant que je serai là, vous n'aurez besoin de personne ni au monde ni au ciel. Vous m'aurez.
Et, comme elle le regardait, sans doute étonnée d'un blasphème dont elle ne comprenait ni l'impiété ni la grandeur :
- Enfant, reprit-il, vous voyez un homme qui, avant d'être chargé de votre destinée, a déjà fait et entrepris bien des choses ; mais à présent qu'il ne s'agit plus de moi seulement, je sens mon énergie centuplée. Oh ! oui, je veux que vous soyez heureuse. Et quand j'ai un but, je marche jusqu'à ce que j'y arrive. J'ai l'air d'avoir perdu ma vie puisque, à près de quarante ans, je n'ai ni fortune ni position. Mais rassurez-vous, les fondements sont jetés, l'édifice va bientôt surgir de terre. J'ai amassé des trésors dont je vous enrichirai. J'ai bien travaillé, allez ! Pour vous, je ferai tout. Vous verrez ce que c'est que d'avoir pour soi une souveraine volonté qui croit à la souveraineté de l'homme. Je n'ai jamais eu de petits scrupules, mais autrefois j'avais encore de misérables susceptibilités d'amour-propre, une vanité puérile, une raideur inepte ! Pour vous, je sacrifierai tout, à commencer par mon orgueil. Je ramperai s'il le faut, oui, moi ! et je me sens capable de ramasser votre bonheur dans ma honte.
- Oh ! dit Frédérique, presque effrayée de ce dévouement.
- Aujourd'hui même, poursuivit-il, je poserai la pierre angulaire de votre fortune. J'attends la désignation d'un rendez-vous décisif...
Il contempla un moment Frédérique avec une expression de tendresse inexprimable.
- Oh ! vous aurez tout, dit-il.
Puis, comme s'il craignait d'en trop dire :
- Mais j'ai besoin de prendre quelques instants de repos. Madame Dorothée ! appela-t-il.
Une femme d'une cinquantaine d'années, à l'air simple, doux et digne, entra.
- Madame Trichter, lui dit-il, un étranger se présentera dans la journée et demandera à parler au maître de la maison. Vous viendrez sur-le-champ m'avertir. à bientôt, Frédérique.
Il serra la main de la jeune fille et sortit, la laissant rêveuse.
Vers midi, Mme Trichter vint frapper à la porte de sa chambre et le prévenir que quelqu'un demandait en effet le maître de la maison.
Il se hâta de descendre au salon, où l'on avait fait entrer le visiteur ; mais, à la vue de celui qui l'attendait, il eut un mouvement de désappointement.
Il ne le reconnaissait pas.
C'était Lothario.
Lothario, qui reconnut, lui, l'astrologue, s'inclina et lui remit une lettre en silence. Pendant qu'il la lisait, Lothario fixait les yeux sur la porte, espérant à chaque instant que l'apparition matinale allait de nouveau luire à ses yeux. Mais il attendit en vain. Son espérance ne fut pas réalisée.
Cependant l'astrologue de la nuit achevait de lire.
- C'est bien, monsieur, dit-il à Lothario avec un indéfinissable sourire. Demain matin, à l'ambassade de Prusse ; j'y serai.
Lothario, selon ses instructions, salua et sortit.
Une heure après, un autre visiteur se présenta.
- Ah ! enfin, s'écria le maître de la maison, reconnaissant cette fois celui qu'il attendait.
L'homme lui dit seulement ces mots :
- C'est pour ce soir à onze heures. On compte sur vous, Samuel Gelb.

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