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Chapitre LIX
Clarté du cœur

Le lendemain du jour où Julius, Christiane et Frédérique s'étaient rencontrés tous trois ensemble dans la maison secrète du Marais, Frédérique, seule et rêveuse, se promenait dans son jardin d'Enghien.
Sans savoir pourquoi, elle se sentait tout inquiète.
L'entrevue de la veille lui revenait à l'esprit.
Pourquoi son père, devant les seuls êtres qu'il aimât, avait-il été pour la première fois si grave et si triste ?
Elle avait refusé de lui dire adieu afin de l'empêcher de partir sans la revoir au moins une fois encore. Mais si son départ était une nécessité, s'il était forcé de s'en aller tout de suite, elle n'aurait fait que lui ajouter une souffrance.
Quand elle avait refusé d'embrasser son père, il avait souri, mais il lui semblait maintenant que c'était plutôt un rire contraint, et qu'il avait envie de pleurer.
Que pouvait être ce voyage ?
Il fallait que ce fût quelque chose de bien sérieux. Le comte devait avoir un bien impérieux motif de quitter Paris, lui si faible et si fatigué. Où allait-il ? Et pourquoi cette chose si simple, après tout, un voyage, le remplissait-elle de cette tristesse ? Pourquoi cette solennité dans les recommandations qu'il avait faites à sa fille ?
C'était plus qu'un adieu, c'était presque un testament.
Frédérique marcha et songea ainsi toute la journée.
Le soir, elle n'y tint plus. Elle fit mettre les chevaux à la voiture, et courut à Paris.
Arrivée à l'hôtel, elle monta rapidement à l'appartement du comte.
- M. le comte ? demanda-t-elle au premier domestique qu'elle rencontra.
- M. le comte n'est pas ici, répondit le domestique.
- Quand est-il sorti ?
- Ce matin, madame.
- Mon Dieu ! et il n'a pas dit à quelle heure il rentrerait ?
- Il a dit qu'il allait faire un tour hors de Paris, et qu'il ne rentrerait peut-être que demain.
- Il n'a rien laissé pour moi ?
- M. le comte a laissé pour madame la comtesse une lettre qui est sur son bureau.
- Vite ! dit Frédérique.
Et elle s'élança dans la chambre du comte.
Elle trouva sur le secrétaire un papier à son adresse.
Elle décacheta l'enveloppe, dans laquelle il y avait deux lettres, l'une pour elle, l'autre pour sa mère.
Elle ouvrit la lettre et lut :
Pardonne-moi, ma chère Frédérique, si je pars sans t'embrasser. Mais c'est pour toi, mon enfant. Dans trois jours, rien ne s'opposera plus à ton bonheur.
Adieu, ma fille chérie. Ta mère t'en dira davantage. Sois heureuse. Je te bénis.
Oublie-moi, et pense à Lothario,
Ton père dévoué,
Julius d'E.
- Qu'est-ce que cela veut dire ? s'écria Frédérique, les yeux pleins de larmes. Ah ! fit-elle en relisant une phrase de la lettre : « Ta mère t'en dira davantage. » Ma mère sait tout sans doute. Allons chez elle.
Et, descendant à la hâte, elle se fit conduire chez Christiane, emportant la lettre à l'adresse de sa mère.
Christiane fut toute stupéfaite d'entendre annoncer la comtesse d'Eberbach ; car la vie de ces deux pauvres créatures était telle, que c'était pour la mère et la fille une audace et presque une faute de se voir.
Mais l'émotion de Christiane fut bien plus grande encore quand elle vit entrer Frédérique.
- Qu'y a-t-il donc ? demanda-t-elle, frappée de l'anxiété visible sur la figure de sa fille.
- Il y a, dit Frédérique, que mon père est parti.
- Parti !
- Lisez.
Et Frédérique tendit à sa mère les deux lettres.
La lettre adressée à Christiane ne disait rien de plus que celle de Frédérique.
Julius annonçait seulement à sa femme qu'il partait, et qu'aussitôt arrivé au terme de son voyage, il lui écrirait tout ce qu'il était allé faire et tout ce qui se passerait.
Il l'engageait donc à ne pas s'inquiéter, à rassurer Frédérique, et à attendre.
- Tout, excepté attendre ! s'écria Christiane. Ma fille, nous allons partir !
- Qu'avez-vous, ma mère ? Vous êtes toute bouleversée.
- Un grand péril est sur ton père.
- Quel péril ?
- Ah ! je ne puis te le dire. Mais je me souviens de ce qu'il m'a dit une fois. Vite.
Elle courut à la sonnette. Un domestique vint.
- Mon frère est-il là ?
- Oui, madame.
- Dites-lui qu'il me faut des chevaux de poste tout de suite.
Le domestique sortit.
- Oh ! mon Dieu ! dit Christiane, mais où aller ? Ces deux lettres ne nous apprennent seulement pas où est ton père ? On ne te l'a pas dit à l'hôtel ?
- Non, en partant il a dit qu'il allait faire un tour hors de Paris.
- Oh ! il sera allé loin. Il aura mis plus de distance que cela entre son projet et nous. Où peut-il être allé ? Malheureuses que nous sommes ! Nous ne pouvons pas le deviner, pourtant !
Elle réfléchit une minute, mais reprit aussitôt avec plus d'énergie :
- N'importe, nous le chercherons partout. à Eberbach d'abord. Oui, il a dû choisir pour le châtiment le lieu où le crime s'est accompli. C'est cela. Il va au château d'Eberbach, j'en suis sûre maintenant. Merci, mon Dieu ! pourvu que nous n'arrivions pas trop tard !
Elle prit ce qu'il fallait d'argent pour la route, et enveloppa Frédérique de châles pour la nuit.
Elles étaient prêtes lorsque Gamba vint annoncer que la voiture était en bas.
- Est-ce que je pars aussi ? demanda-t-il.
- Oui, es-tu prêt ?
- Toujours, quand il s'agit de courir sur les routes.
- Eh bien ! viens.
Une minute après, la chaise de poste roulait au galop sur le pavé de Paris.
Au premier relais, Christiane parla au maître de poste :
- Vous n'avez pas fourni de chevaux ce matin à deux voyageurs venant de Paris ?
- Pourquoi deux ? demanda Frédérique.
- écoute.
- J'en ai fourni à plus de deux, répondit le maître de poste.
- Oui, mais deux qui étaient ensemble ?
- Comment sont-ils ?
- Quarante ans à peu près ? Mais l'un a l'air plus vieux que l'autre.
- Ah ! attendez. Je crois que oui. L'un se renfonçait dans l'angle de la voiture, comme s'il était ennuyé et souffrant.
- Et l'autre devait avoir une figure dure et hautaine ?
- Justement. C'est celui-là qui donnait les ordres. J'ai même dit à Jean : « En voilà un qui n'a pas une bonne physionomie. » Jean m'a dit : « Ah ! c'est son droit, il paye bien. » Oui, madame, je les ai vus.
- Merci.
Les chevaux étaient changés. La voiture repartit.
Frédérique questionna sa mère :
- Comment savez-vous que mon père ne voyage pas seul ?
- As-tu oublié qu'il nous a dit hier qu'un ami l'accompagnerait.
- C'est vrai, mais il n'a pas dit quel était cet ami.
- Oh ! je le devine ! répondit Christiane.
- Qui est-ce donc ?
- C'est M. Samuel Gelb.
Le voyage fut morne et silencieux. La nuit passa, et le jour aussi, et encore une nuit, et encore un jour.
La mère et la fille ne s'arrêtaient que le temps de changer de chevaux. Deux fois seulement dans les quarante-huit heures, elles descendirent pour manger une bouchée.
Et puis elles repartaient, payant double pour doubler la vitesse du postillon.
Ce voyage, commencé la nuit, s'acheva la nuit.
Il était près de onze heures du soir, quand la chaise de poste entra dans la cour du château d'Eberbach.
- M. le comte est-il ici ? demanda Frédérique au portier, qu'il fallut réveiller.
- Oui, madame.
- Dieu soit loué ! s'écria Christiane. Nous arrivons à temps.
La voiture s'arrêta au perron.
Gamba frappa de manière à réveiller toute la maison.
Hans passa la tête à une lucarne.
- Qui est là ? cria-t-il, tout à fait maussade et grognant.
- C'est Mme la comtesse, répondit Gamba.
- Je descends, bougonna Hans.
Un instant après, la porte s'ouvrit.
- M. le comte ? demanda Frédérique.
- Il est couché.
Frédérique regarda Christiane.
- Oh ! pas un moment à perdre, répondit Christiane au regard de sa fille. Il s'agit de choses trop graves pour retarder notre entrevue d'une seconde. Montons, et frappons à la porte de sa chambre.
Elles montèrent aussitôt et frappèrent, doucement d'abord, puis plus fort.
Mais elles eurent beau frapper, personne ne répondit.
- Attendez, dit Gamba, vous frappez comme des femmes. Je vais vous montrer comment cela se pratique.
Et il se mit à exécuter sur la porte tous les carillons d'Anvers.
Personne ne répondit ni ne bougea dans la chambre.
- C'est singulier, dit Christiane, qui commença à pâlir.
Elle se tourna vers Hans.
- Vous êtes bien sûr que M. le comte est dans sa chambre ?
- Bien sûr, puisque c'est moi qui l'y ai accompagné il y a deux heures pour allumer ses bougies.
- Oh ! deux heures ! répéta Christiane épouvantée.
- D'ailleurs, reprit Hans, s'il n'y était pas, la clef serait en dehors, et vous voyez bien qu'elle est en dedans.
- Monsieur le comte ! cria Christiane, ouvrez, c'est nous, Frédérique et moi ! Au nom du ciel, ouvrez !
Aucune réponse encore.
- Qu'est-ce que tout cela signifie ? dit Frédérique. ô mon Dieu ! j'ai peur.
- Une idée ! s'écria Christiane. M. Samuel Gelb doit être au château ?
- Oui, madame, répondit Hans.
- Eh bien ! allons le réveiller, mon ami. Il dormira peut-être moins profondément que M. le comte.
Hans les conduisit à la chambre de Samuel.
Christiane frappa. Personne ne répondit.
La clef était sur la porte.
- Ouvre, Gamba, dit Christiane, et entre.
Gamba entra.
- Vous pouvez entrer, dit-il, il n'y a personne.
Christiane et Frédérique se précipitèrent.
La chambre, en effet, était vide. Le lit n'était pas défait.
- Vous êtes bien certain, dit Christiane à Hans, que ces messieurs ne sont pas sortis ?
- Très certain. à neuf heures et demie, ces messieurs ont dit qu'ils allaient se coucher. Je les ai vus monter et j'ai fermé les portes. Ils n'auraient pas pu descendre et sortir sans me demander les clefs.
- Alors vite ! s'écria Christiane. Un marteau, une barre de fer, n'importe quoi ! Il s'agit d'enfoncer la porte de la chambre de M. le comte.
Gamba et Hans coururent.
Ils revinrent presque aussitôt, armés d'une pince de fer.
En une minute, la porte céda.
Tous quatre entrèrent dans la chambre du comte.
Elle était vide comme l'autre.
Mais le premier objet sur lequel tombèrent les yeux de Frédérique, ce fut une lettre posée sur un prie-dieu, qui était au chevet du lit.
L'adresse était : « à Mme Olympia, rue du Luxembourg, à Paris. »
- Donne, dit Christiane.
Elle arracha l'enveloppe et lut :
Quand tu liras cette lettre, ma pauvre aimée, je serait mort...
Elle poussa un cri et parcourut rapidement le reste.
Julius ne donnait aucun détail. Il disait seulement qu'il mourait pour que Frédérique pût épouser Lothario, que Frédérique n'aurait plus rien à craindre de Samuel, qu'elle ne s'affligeât pas, qu'il était trop heureux de pouvoir faire quelque chose pour elle ; qu'elle ne lui devait rien, que c'était à lui au contraire à lui être reconnaissance de ce que, grâce à elle, après une vie si inutile, il avait au moins une mort dévouée.
Et puis toutes sortes de choses tendres et affectueuses. Mais Christiane n'acheva pas.
- Oh ! quelle misère ! s'écria-t-elle en se tordant les mains. Nous sommes arrivées deux heures trop tard. Dans ce moment sans doute, il meurt. Et ne pas même savoir où !
- Ah ! cherchons partout, au moins, dit Frédérique.
- Cependant, reprit Christiane, puisque les portes extérieures sont fermées, ils doivent être dans le château. Fouillons toutes les chambres.
Mais toutes les recherches furent vaines.
- Ils ne sont certainement pas sortis, répéta Hans.
- Mon Dieu ! je devrais deviner, trouver, savoir, dit Christiane, mais il me semble que la folie me gagne.
Elle serra son front entre ses deux mains, comme pour concentrer toute sa raison et toute son intelligence.
- Ah ! attendez, s'écria-t-elle tout à coup.
Et, se parlant à elle-même :
- Oui, c'est cela ! C'est une inspiration du ciel.
Elle revint en courant à la chambre de Julius, puis passa, suivie de Frédérique et des deux hommes, dans le petit salon qui séparait la chambre du comte de celle qu'elle avait occupée elle-même autrefois.
Elle désigna vivement la bibliothèque.
- Mes amis, dit-elle à Gamba et à Hans, écartez vite ce meuble, et frappez-moi dans cette boiserie à grands coups de pince.
Hans et Gamba dérangèrent la bibliothèque, prirent leur barre de fer, et se mirent à démolir le panneau consciencieusement.
Les premiers coups ne produisirent pas grand effet.
Mais soudain, à un effort que fit Gamba, le panneau fit un soubresaut, comme si un ressort avait joué, et s'écarta si violemment, que le vent faillit éteindre les bougies.
Le panneau masquait un escalier profond et sombre.
- Une lampe, dit Christiane. Nous allons descendre par là.
Hans alluma une des lampes qui étaient sur la cheminée.
- Maintenant, en avant ! s'écria Gamba.
Et il s'élança en tête.
Hans, Christiane, Frédérique le suivirent.
« Oui, pensait Christiane, c'est par là que le misérable est venu dans cette nuit fatale. »
Ils descendirent ainsi pendant dix minutes.
Tout à coup, une voix les arrêta.
- Qui va là ?
- Des femmes, répondit Christiane.
- N'avancez pas, cria la voix. Hommes ou femmes, si vous faites un pas, c'est la mort.
Et on entendit des fusils qu'on armait.
- Qu'est-ce que tout ceci ? murmura Frédérique.
- Silence ! dit Christiane. Reculez-vous tous trois dans cet enfoncement où l'escalier tourne, et éteignez la lampe. Et restez là quoi qu'il advienne !
Et, passant devant Hans et Gamba, elle s'élança en courant.
Au moment même, une décharge retentit, et Christiane entendit siffler les balles à son oreille.
L'ombre avait sauvé Christiane. Elle n'avait pas été atteinte.
- Je ne suis pas touchée ; ne bougez pas, sur votre vie ! cria-t-elle impérieuse à Frédérique et à Gamba, qui déjà s'élançaient.
Elle fit quelques pas encore, se trouva parmi une douzaine d'hommes qu'elle entrevoyait vaguement dans les ténèbres, à la lueur éloignée d'une torche.
Elle crut voir aussi luire des larmes de poignards.
- Au nom de vos femmes et de vos filles, cria-t-elle en se jetant à genoux, qui que vous soyez, ayez pitié de deux pauvres malheureuses créatures qui vont perdre leur mari et leur père, si vous ne venez pas à leur secours.
Les poignards étaient déjà levés.
Mais un de ces hommes dit un mot :
- Nous sommes douze hommes contre une femme, dit-il. Laissons-la s'expliquer.
- Merci, s'écria la pauvre femme. Vous allez comprendre. Voilà ce que c'est. Dans cet instant, le comte d'Eberbach est là quelque part en train de se tuer. Eh bien ! il y a ici la comtesse d'Eberbach qui le sait, et qui cherche son mari pour lui arrêter la main. Vous comprenez cela, n'est-ce pas, messieurs ? Vous n'empêcherez pas une femme de sauver la vie à son mari ? Au contraire, vous l'aiderez plutôt. Où est-il ? Vous devez le savoir puisque vous êtes là. Je vous en prie, menez-nous où il est.
- Nous ne connaissons pas le comte d'Eberbach, madame, répondit celui qui avait contenu les autres, et qui paraissait être leur chef.
- Mais vous êtes chez lui. Vous ne pouvez y être que par son consentement.
- Tenez, madame, dit le chef, nous sommes des jeunes gens, et nous n'avons pas l'habitude de mentir. Nous sommes ici pour une raison qu'il nous est interdit de révéler, et notre honneur nous commande de frapper tous ceux qui pourraient surprendre notre secret. On ne discute pas avec une consigne. Il nous est enjoint de tirer sur quiconque essayera de passer sans le mot d'ordre.
- Oh ! mais, c'est le comte d'Eberbach qui vous a commandé cela, n'est-ce pas ?
- Que ce soit lui ou un autre, madame, qu'importe ?
- Oh ! c'est lui. Et savez-vous pourquoi il vous a dit de ne laisser passer personne ? C'est pour que personne ne puisse l'empêcher de se tuer. Tenez, j'ai là sur moi une lettre où il me le dit. Vous pouvez la lire. On va vous apporter de la lumière. Tenez, voici la lettre. Je vous en prie, monsieur, lisez.
- à quoi bon ? reprit l'homme. Nous n'avons pas à chercher la cause des ordres qu'on nous donne, nous n'avons qu'à obéir.
- Mais cependant, s'il vous est prouvé qu'un homme se tue dans ce moment, là, sous vos yeux, vous êtes des jeunes gens, dites-vous, il est impossible que vous laissiez un suicide s'accomplir sans faire un pas. Quand d'un geste vous pouvez sauver une existence ! quand une malheureuse femme est là qui se traîne à vos pieds ! Je vous en supplie. Pensez que c'est votre père qui se tue, et que c'est votre mère qui vous prie !
- Pourtant, dit un des jeunes gens, si elle dit vrai ?
- De fait, ajouta un autre, nous serions les complices du suicide du comte.
- Oh ! que vous êtes bons ! s'écria la pauvre femme.
- Madame, dit le chef, vous êtes bien la comtesse d'Eberbach ?
- Non, messieurs, répondit Christiane, je ne veux pas vous tromper. Ce n'est pas moi. Mais elle est là. Elle va venir. Frédérique ! Nous étions là, avec deux amis sûrs. Mais des hommes pourraient vous offusquer. Je vais leur dire de remonter. Nous irons seulement les femmes.
La vaillante créature alla chercher Frédérique et renvoya Gamba et Hans.
Elle revint avec la lampe, qu'elle venait de faire rallumer à Gamba.
- Tenez, dit-elle, vous voyez que je ne vous mens pas, que voilà bien une lettre où le comte parle de son suicide, et que nous sommes bien deux femmes qui pleurent.
Elle tendit la lettre.
Le chef y jeta un coup d'œil.
- C'est vrai, dit-il. Oh ! le comte d'Eberbach ne nous a confié que la moitié de son dessein !
- Maintenant, messieurs, s'écria Christiane, ne perdons pas une seconde, conduisez-nous.
- Venez, madame, dit le chef.
Et il se mit à marcher rapidement.
Malgré la nuit, les deux femmes le suivaient sans trébucher dans un escalier inconnu, comme elles eussent fait en plein jour dans la rue. On aurait dit que leur cœur les éclairait.
Après avoir ouvert plusieurs portes et descendu bien des marches, le jeune homme s'arrêta.
- C'est ici, dit-il.
- Ah ! Dieu ! murmura Christiane, pourvu qu'il soit encore temps !
Le jeune homme ouvrit une dernière porte.

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