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Scène 1

                              ACTE CINQUIEME

                              Monaldeschi
La chambre de Monaldeschi. Une grande porta latérale qui donne dans lagaleries aux Cerfs ; une porte au fond.

                              SCENE PREMIERE

                              Monaldeschi, seul, appuyé sur une table, la tête dans ses deux mains, se relevant tout à coup.
Je me trompais encore ; – non, non ; l'on ne vient pas,
Et de mes deux gardiens je n'entends que les pas.
          Allant à la porte et écoutant.
Ils parlent à voix basse, et je les entends rire ;
Ils partagent de l'or... Cet or, que veut-il dire ?
De l'or à des soldats !... J'ai de l'or aussi moi...
Par son attrait puissant ai-je tentais leur foi !
Oui ; mais, s'ils refusaient, par eux repoussée
Si je voyais soudain mon offre dénoncée !...
Ils diraient que j'ai peur ; et toujours l'innocent
Doit, même lorsqu'il craint, cacher ce qu'il ressent.
          Souriant.
Par sa sérénité, je veux que mon visage
De l'innocence aussi porte le témoignage !
Je sais le composer.
Avec l'expression de la plus grande terreur.
                    Grand Dieu ! qu'ai-je entendu ?
          Ecoutant.
« La reine veut sa mort ; le marquis est perdu !...
Perdu !... ma mort ! 0 ciel ! où fuir ?... Cette fenêtre...
Le sol est à vingt pieds... Je me tuerai peut-être...
Mais c'est la seule issue ouvert à mon départ ;
Je suis de ces côtés gardé de toute part :
Cette cour isolée est toujours solitaire ;
Je suis sauvé dès lors que je touche la terre !
Mais je dois craindre tout d'un pouvoir odieux.
          Allant à la fenêtre.
Eh bien, en m'élançant, je fermerai les yeux.
          Il ouvre la fenêtre.
Quelle que soit ma mort, puisqu'elle est décidée...
Ah ! malédiction ! la fenêtre est gardée.
Oh ! que faire, mon Dieu ?... Mon Dieu ! secourez-moi !
Je sens à chaque instant redoubler mon effroi...
Mon Dieu ! que devenir ? Si mes voeux, mes prières
Ecartent de mon sein leurs armes meurtrières,
          Tombant à genoux.
Mon Dieu, je fais ici le serment solennel
De vouer tous mes biens au culte de l'autel,
De passer désormais toute mon existence
Dans le recueillement et dans la pénitence !...
          Se relevant.
Du moins, si, maîtrisant mon esprit agité,
J'y pouvais ramener quelque tranquillité !
Peut-être parviendrais-je à trouver une issue
Par laquelle, à leurs yeux, ma fuite inaperçue...
Allant à la porte de la galerie aux Cerfs.
Celle-ci !... Fermée... Oh ! je ne le pourrai pas,
Et j'entends une voix qui me dit : « Tu mourras ! »
Mourir ! je vois déjà tout ce peuple barbare,
Avide du spectacle affreux qu'on lui prépare,
Qui vient, de ses apprêts accusant la lenteur,
Au front de la victime épier la pâleur ;
Spectateur coutumier de ces hideuses fêtes,
Jeter son cri de joie à la chute des têtes ;
Et, toujours ramené par son attrait puissant,
Chercher sous l'échafaud la volupté du sang !
Retombant dans son fauteuil.
Mais non ; – rassurons-nous, car celle qui m'accuse
Comprend trop qu'à ma mort il faudrait une excuse ;
Que Charle apprendrait tout !... Mais un prudent regard
Où manque l'échafaud voit luire le poignard...
Je puis dans cette chambre obscure et retirée
Mourir, et que de tous ma mort soit ignorée.
La nuit, seul en ce lieu, sans défense surpris,
Il détache de la muraille une cotte de mailles, et la revêt sous son pourpoint.
Ma mort serait alors plus cruelle et plus sûre...
Je me souviens du mal que fait une blessure !
Dans un duel, un jour, un spadassin adroit
Me frappa de son fer... Ce fer entra si froid !...
Et je serais promis à ce supplice horrible !
Je sentirais vingt fois... – Oh ! non, c'est impossible !
Non... Christine ne peut me garder ce trépas ;
D'ailleurs, je l'ai prévu...
Prenant son stylet et frappant sur sa cotte de mailles.
                              Bien ! ils n'entreront pas..
Puissé-je retarder ainsi l'heure fatale !
Me voilà plus tranquille.
          Regardant dans une glace.
                              Oh ! Dieu ! que je suis pâle !...
C'est qu'il fait froid aussi. – Prompt à se consumer,
Ce feu qui s'est éteint ne peut se rallumer.
          Allant à la fenêtre.
Le jour est ténébreux, et son soleil d'automne
Epanche sans chaleur sa clarté monotone.
Ce sol, que le printemps vit naguère si beau.
Semble comme un mourant s'approcher du tombeau.
La terre, comme nous, a son heure mortelle ;
Et son linceul de neige est froid aussi pour elle.
Paula entre sans que Monaldeschi la voie.
Champs paternels, villa qu'habitaient mes aïeux,
Je vous revois encore quand je ferme les yeux ;
Oh ! pourquoi, dans l'espoir d'un brillant esclavage,
Doux fleuve de l'Arno, quittai-je ton rivage ?
Sons mes lambris dorés, oui, je te regrettais !
          Apercevant Paula.
Dieu !... – Que faisiez-vous là ?

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