Henri III et sa cour Vous êtes ici : Accueil > Accueil > Bibliothèque
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Scène 1

                              ACTE DEUXIEME
Une salle du Louvre. – A gauche, deux fauteuils et quelques tabourets préparés pour le roi, la reine mère et les courtisans. Joyeuse est couché dans l'un de ces fauteuils, et Saint-Mégrin, debout, appuyé sur le dossier de l'autre. Du côté opposé, d'Epernon est assis à une table sur laquelle est posé, un échiquier. Au fond, Saint-Luc fait des armes avec du Halde. Chacun d'eux a près de lui un page à ses couleurs.

                              SCENE PREMIERE
Joyeuse, Saint-Mégrin, d'Epernon, Saint-Luc, du Halde, pages.

                              D’Epernon.
Messieurs, qui de vous fait ma partie d'échecs, en attendant le retour du roi ? Saint-Mégrin, ta revanche ?

                              Saint-Mégrin.
Non, je suis distrait aujourd'hui.

                              Joyeuse.
Oh ! décidément, c'est la prédiction de l'astrologue... Vrai Dieu ! c'est un véritable sorcier. Sais-tu bien qu'il avait prédit à Dugast qu'il n'avait plus que quelques jours à vivre, quand la reine Marguerite l'a fait assassiner ? Je parie que c'est un horoscope du même genre qui occupe Saint-Mégrin, et que quelque grande dame dont il est amoureux...

                              Saint-Mégrin, l'interrompant vivement.
Mais, toi-même, Joyeuse, que ne fais-tu la partie de d'Epernon ?

                              Joyeuse.
Non, merci.

                              D’Epernon.
Est-ce que tu veux réfléchir aussi, toi ?

                              Joyeuse.
C'est, au contraire, pour ne pas être obligé de réfléchir.

                              Saint-Luc.
Eh bien, veux-tu faire des armes avec moi, vicomte ?

                              Joyeuse.
C'est trop fatigant, et puis tu n'es pas de ma force. Fais une oeuvre charitable, tire d'Epernon d'embarras...

                              Saint-Luc.
Soit.

                              Joyeuse, tirant un bilboquet de son escarcelle.
Vive Dieu ! messieurs, voilà un jeu...Celui-là ne fatigue ni le corps ni l'esprit... Sais-tu bien que cette nouvelle invention a eu un succès prodigieux chez la présidente ? A propos, tu n'y étais pas, Saint-Luc ; qu'es-tu donc devenu ?...

                              Saint-Luc.
J'ai été voir les Gelosi ; tu sais, ces comédiens, italiens qui ont obtenu la permission de représenter des mystères à l'hôtel de Bourbon.

                              Joyeuse.
Ah ! oui,... moyennant quatre sous par personne.

                              Saint-Luc.
Et puis, en passant...Un instant, d'Epernon, je n'ai pas joué.

                              Joyeuse.
Et puis, en passant ?...

                              Saint-Luc.
Où ?

                              Joyeuse.
En passant, disais-tu ?

                              Saint-Luc.
Oui... Je me suis arrêté en face de Nesle, pour y voir poser la première pierre d'un pont qu'on appellera le pont Neuf.

                              D'Epernon.
C'est Ducerceau qui l'a entrepris... On dit que le roi va lui accorder des lettres de noblesse.

                              Joyeuse.
Et justice sera faite... Sais-tu bien qu'il m'épargnera au moins six cents pas, toutes les fois que je voudrai aller à l'Ecole Saint-Germain ? Il laisse tomber son bilboquet, et appelle son page, qui est à l'autre bout de la salle. Bertrand, mon bilboquet...

                              Saint-Luc.
Messieurs, grande réforme ! Ce matin, madame de Sauves m'a dit en confidence que le roi avait abandonné les fraises goudronnées pour prendre les collets renversés à l'italienne.

                              D’Epernon.
Eh ! que ne nous disais-tu pas cela !.. Nous serons en retard d'un jour... Tiens, Saint-Mégrin le savait, lui... A son page. Que je trouve demain un collet renversé au lieu de cette fraise...

                              Saint-Luc, riant.
Ah ! ah !... tu te souviens que le roi t'a exilé quinze jours, parce qu'il manquait un bouton à ton pourpoint...

                              Joyeuse.
Eh bien, moi, je vais te rendre nouvelle pour nouvelle. Antraguet rentre aujourd'hui en grâce.

                              Saint-Luc.
Vrai ?...

                              Joyeuse.
Oui, il est décidément guisard... C'est le Balafré qui a exigé du roi qu'il lui rendît son commandement... Depuis quelque temps, le roi fait tout ce qu'il veut...

                              D'Epernon.
C'est qu'il a besoin de lui... Il paraît que le Béarnais est en campagne, le harnais sur le dos...

                              Joyeuse.
Vous verrez que ce damné d'hérétique nous fera battre pendant l'été... Mettez- vous donc en campagne de cette chaleur-là,... avec cent cinquante livres de fer sur le corps !... pour revenir hâlé comme un Andalou...
                              Saint-Luc.
Ce serait un mauvais tour à te faire, Joyeuse...

                              Joyeuse.
Je l'avoue ; j'ai plus peur d'un coup de soleil que d'un coup d'épée... et, si je le pouvais, je me battrais toujours, comme Bussy d'Amboise l'a fait dans son dernier duel, au clair de la lune...

                              Saint-Luc.
Quelqu'un a-t-il de ses nouvelles ?

                              D'Epernon.
Il est toujours dans l'Anjou, près de Monsieur... C'est encore un ennemi de moins pour le guisard.

                              Joyeuse.
A propos de guisard, Saint-Mégrin, sais-tu ce qu'en dit la maréchale de Retz ? Elle dit qu'auprès du duc de Guise, tous les princes paraissent peuple.


                              Saint-Mégrin.
Guise !... toujours Guise !...Vive Dieu !... que l'occasion s'en présente tirant son poignard et coupant son gant en morceaux, et, de par saint Paul de Bordeaux ! je veux hacher tous ces petits princes lorrains comme ce gant.

                              Joyeuse.
Bravo, Saint-Mégrin !... Vrai Dieu ! je le hais autant que toi.

                              Saint-Mégrin.
Autant que moi ! Malédiction ! si cela est possible ; je donnerais mon titre de comte pour sentir, cinq minutes seulement, son épée contre la mienne... Cela viendra peut-être...

                              Du Halde.
Messieurs, messieurs, voilà Bussy...

                              Saint-Mégrin.
Comment ! Bussy d'Amboise ?...

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