Henri III et sa cour Vous êtes ici : Accueil > Accueil > Bibliothèque
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Scène 6

                              SCENE VI
Les mêmes, le duc de Guise.

                              Henri.
Entrez, mon beau cousin, entrez. Nous avions songé d'abord à faire dresser, nous-même, l'acte de reconnaissance que nous avions promis ; mais nous avons pensé, depuis, que celui que M. d'Humières a fait signer aux nobles de Péronne et de la Picardie serait ce qu'il y aurait de mieux. Quant à celui de nomination du chef, un article au bas du premier suffira, et déjà vous avez sans doute quelques idées pour sa rédaction ?

                              Le duc de Guise.
Oui, sire, je m'en suis occupé. J'ai voulu épargner à Votre Majesté la peine... l'ennui...

                              Henri.
Vous êtes bien aimable, mon cousin ; veuillez donner cet acte à M. le baron d'Epernon : lisez-le-nous à haute et intelligible voix, baron. Or, écoutez, messieurs.

                              D'Epernon, lisant.
« Association faite entre les princes, seigneurs, gentilshommes et autres, tant de l'état ecclésiastique que de la noblesse du pays de Picardie. Premièrement... »

                              Henri.
Attends, d'Epernon. Messieurs, nous connaissons tous cet acte, dont je vous ai montré copie ; il est donc inutile de lire les dix-huit articles dont il se compose ; passez à la fin ; et vous, monsieur le duc, approchez et dictez vous- même. Réfléchissez qu'il s'agit de nommer un chef à une grande association ! Il faut donc que ce chef ait de grands pouvoirs... Enfin, mon beau cousin, faites comme pour vous.

                              Le duc de Guise.
Je vous remercie de votre confiance, sire, vous serez content.

                              Saint-Mégrin.
Que faites-vous, sire ?...


                              Henri.
Laisse-moi.

                              Le duc de Guise, dictant.
« 1 L'homme que Sa Majesté honorera de son choix devra être issu d'une maison souveraine, digne de l'amour et de la confiance des Français par sa conduite passée et sa foi à la religion catholique. 2 Le titre de lieutenant général du royaume de France lui sera octroyé, et les troupes seront mises à sa disposition. 3 Comme ses actions auront pour but le plus grand bien de la cause, il ne devra en rendre compte qu'à Dieu et à sa conscience. »

                              Henri.
Très bien.

                              Saint-Mégrin.
Bien !... Et vous pouvez approuver de semblables conditions, sire !... revêtir un homme d'une pareille puissance !

                              Henri.
Silence !
                              Joyeuse.
Mais, sire...

                              Henri.
Silence, messieurs ! nous désirons, entendez-vous, nous désirons positivement que, quel que soit le choix que nous allons faire, il vous soit agréable. Mon cousin, donnez-leur donc, en bon et loyal sujet, un exemple de soumission. Vous êtes le premier de mon royaume après moi, mon beau cousin, et, dans ce cas surtout, vous êtes intéressé à ce qu'on m'obéisse...

                              Le duc de Guise.
Sire ? je reconnais d'avance pour chef de la Sainte-Union celui que vous allez désigner, et je regarderai comme rebelle quiconque osera braver ses ordres.

                              Henri.
C'est bien, monsieur le duc. Ecris, d'Epernon. Se levant devant son trône. « Nous, Henri de Valois, par la grâce de Dieu, roi de France et de Pologne, approuvons, par le présent acte rédigé par notre féal et amé cousin Henri de Lorraine, duc de Guise, l'association connue sous le nom de la Sainte-Union... et, de notre autorité, nous nous en déclarons le chef. »
                              Le duc de Guise.
Comment !...

                              Henri.
« En foi de quoi, nous l'avons fait revêtir de notre sceau royal descendant du trône et prenant la plume, et l'avons signé de notre main. Henri de Valois. » Passant la plume au duc de Guise. A vous, mon cousin ; à vous qui êtes le premier du royaume, après moi... Eh bien, vous hésitez ? Croyez-vous que le nom de Henri de Valois et les trois fleurs de lis de France ne figurent pas aussi dignement au bas de cet acte que le nom de Henri de Guise et les trois merlettes de Lorraine ? Par la mort-Dieu ! vous vouliez un homme qui possédât l'amour des Français... Est-ce que nous ne sommes pas aimé, monsieur le duc ? Répondez d'après votre coeur. Vous vouliez un homme d'une haute noblesse ; je me crois aussi bon gentilhomme que qui que ce soit ici. Signez donc, monsieur le duc, signez ; car vous avez dit vous-même que quiconque ne signerait pas, serait un rebelle.

                              Le duc de Guise, à Catherine, à part.
O Catherine, Catherine !

                              Henri, indiquant la place où Guise doit signer.
Là, monsieur le duc, au-dessous de moi.

                              Joyeuse.
Vive Dieu ! je ne m'attendais pas à celle-là. Tendant la main pour prendre la plume. Après vous, monsieur de Guise.

                              Henri.
Oui, messieurs, signez, signez tous. D'Epernon, tu veilleras à ce que des copies de cet acte soient envoyées dans toutes les provinces de notre royaume.

                              D'Epernon.
Oui, sire.

                              Saint-Paul, à demi-voix, au duc de Guise.
Nous n'avons pas été heureux, monsieur le duc, dans notre première entreprise.

                              Le duc de Guise, de même, à Saint-Paul.
La fortune nous doit un dédommagement ; la seconde réussira. Mayenne est arrivé. Vous prendrez ses ordres.

                              Henri.
Messieurs, nous vous demandons bien pardon de cette longue séance ; cela n'a pas été tout à fait aussi amusant qu'un bal masqué ; mais prenez-vous-en à notre beau cousin de Guise ; c'est lui qui nous y a forcé. Adieu, monsieur le duc, adieu. Veillez toujours sur les besoins de l'Etat, en bon et fidèle sujet, comme vous venez de le faire, et n'oubliez pas que quiconque n'obéira pas au chef que j'ai nommé, sera déclaré coupable de haute trahison. Sur ce, je vous abandonne à la garde de Dieu, messieurs. Reste, Saint-Mégrin... Etes-vous contente de moi, ma mère ?

                              Catherine.
Oui, mon fils ; mais n'oubliez pas que c'est moi...

                              Henri.
Non, non, ma mère ; d'ailleurs, vous vous chargeriez de m'en faire souvenir,... n'est-ce pas ?


                              Saint-Mégrin, à part.
Elle m'attend, et le roi m'a dit de rester.
                                                                                 Tous sortent.

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