Le grand dictionnaire de cuisine Vous êtes ici : Accueil > Accueil > Bibliothèque
Page précédente | Imprimer

Agneau


C'est du mois de décembre au mois d'avril que la chair d'agneau est bonne ; il faut que l'agneau ait au moins cinq mois et qu'il n'ait été nourri que de lait.
On donne au nom de cette charmante petite bête une origine toute poétique : selon les étymologistes bucoliques, il viendrait du verbe agnoscere, reconnaître, parce que, tout petit, il reconnaît sa mère.
En effet, à peine peut-il marcher qu'il la suit en chancelant et en bêlant. Inutile de dire que c'est le petit de la brebis et du bélier.
L'agneau, de toute antiquité et aujourd'hui encore, a été et est le mets le plus recherché d'orient. Les Grecs l'estimaient fort et ils donnaient peu de festins sans qu'un agneau rôti en fût le plat le plus important. L'abus de cette chair était l'un des excès gourmands qu'un prophète reprocha aux Samaritains. Sa chair est blanche, mais muqueuse, et dans la suite cette chair fut détendue aux Athéniens.
Dans les temps primitifs, alors que les échanges commerciaux servaient souvent de monnaie, Abraham donna sept agneaux au roi Abimeleck, en témoigne de son alliance. Jacob, pour un champ qu'il acheta aux enfants d'Hémor, leur en donna deux cents.

Agneau à la hongroise.
Coupez une douzaine de gros oignons d'Espagne en rouelles, joignez-y un morceau de beurre en rapport avec la masse des oignons ; faites un roux avec un peu de farine, votre beurre et vos oignons. Ayez soin que les oignons roussissent, mais ne brûlent pas ; mettez-y un bouquet assorti, salez et poivrez, ajoutez-y une bonne pincée de poivre rouge hongrois, à défaut duquel vous mettrez quelques atomes de poivre de Cayenne ; pendant ce temps vous avez taillé votre poitrine d'agneau en morceaux grands comme des tablettes de chocolat et vous l'avez fait revenir dans du beurre frais. Quand vous le jugez bien revenu, vous versez sur votre agneau et sur votre beurre frais le contenu de la casserole où vous avez fait votre roux d'oignons avec votre bouquet assorti. Puis, comme les oignons ne cuisent que mouillés d'eau ou de bouillon et que, dans le beurre, ne feraient que rissoler, vous versez, de quart d'heure en quart d'heure, un quart de verre à boire de bon consommé ; laissez mijoter cinq quarts d'heure et servez.
C'est un des meilleurs plats que j'aie mangés en Hongrie.

Pascaline d'agneau à la royale.
L'habitude de servir un agneau entier le jour de Pâques s'est conservée en France jusque sous Louis XIV et même sous Louis XV. Voici comment on confectionnait ce plat qui nous venait directement des agapes des premiers chrétiens.
On désossait le collet d'un agneau de six mois. On brisait la poitrine dans laquelle on ajustait les épaules bridées avec des ficelles ; on brisait les deux manches des gigots qu'on assujettissait de même. On le remplissait d'une farce composée de chair d'agneau pilée, de jaunes d'oeufs durs, de mie de pain rassis et de fines herbes hachées et assaisonnées des quatre épices. On lardait finement la chair de l'agneau, on le faisait rôtir à grand feu et on le servait tout entier pour gros plat, en relevé de potage, soit sur une sauce verte avec des pistaches, soit sur un ragoût de truffes, au coulis de jambon. L'usage de servir cet ancien plat pour les dîners royaux du jour de Pâques s'est, comme nous l'avons dit, perpétué longtemps à la cour de France et est encore suivi dans les grandes maisons qui ont conservé les traditions aristocratiques et religieuses du XVIIIe siècle.

Grosse pièce d'agneau aux tomates farcies.
Prenez la moitié d'un agneau, la partie inférieure, retroussez-la, et enveloppez- la de papier beurré, faites rôtir à point, décrochez, dressez et glacez, mettez des papillotes au manche du gigot, garnissez votre moitié d'agneau de tomates farcies et servez à part une sauce à la Uxelles.
Ce qui a valu à M. le maréchal d'Uxelles l'honneur de donner son nom à une sauce, ce n'est pas d'avoir perdu la bataille de Rosbach comme M. de Soubise, ou d'avoir gagné la bataille de Fontenoy comme M. de Richelieu, c'est tout simplement une anecdote racontée je crois par Saint-Simon.
Mlle Choin, maîtresse du grand Dauphin, avait un petit chien qu'elle adorait, et qui estimait tout particulièrement les têtes de lapins rôties ; tous les jours Mlle Choin recevait de M. le maréchal d'Uxelles une visite, à la fin de laquelle il tirait de sa poche un mouchoir de batiste d'une blancheur éclatante dans lequel étaient renfermées deux têtes de lapins rôties.
La bonne Mlle Choin était on ne peut plus sensible à cette marque d'attention, et elle n'avait pas peu servi à remettre M. le maréchal d'Uxelles en faveur, après la reddition de la ville de Mayence.
Un beau jour, le grand Dauphin mourut ; le lendemain, le surlendemain et les jours suivants, elle attendit vainement le maréchal : elle ne revit jamais ni le marquis d'Uxelles, ni ses mouchoirs de batiste, ni ses têtes de lapin. Ce n'était point au chien de Mlle Choin qu'il les apportait, mais au grand Dauphin.
Agneau entier, sauce poivrade.
Troussez un agneau entier, embrochez-le, enveloppez-le de feuilles de papier beurré, quelques instants avant de servir retirez le papier pour lui laisser prendre une jolie couleur, débrochez-le, dressez-le sur son plat, et mettez deux papillotes au manche du gigot.

Epigramme d'agneau aux pointes d'asperges.
Achetez un quartier de devant d'agneau, détachez-en l'épaule que vous ferez rôtir. Lorsqu'elle sera cuite, faites cuire la poitrine dans une braise, puis mettez-la à la presse entre deux couvercles de casserole avec un poids pour l'aplatir, retirez tous les os et réservez seulement ceux qui vous seront nécessaires pour faire des manches à vos côtelettes, taillez les côtelettes et parez-les ; disposez les dans un sautoir, saupoudrez-les d'un peu de sel, saucez les légèrement avec du beurre fondu ou, ce qui vaudrait mieux, avec de l'allemande réduite. Votre poitrine d'agneau découpée de manière à imiter des côtelettes, trempez-les dans une panure composée de mie de pain, d'huile et de pain rassis que vous aurez passé à travers le tamis de laiton, assaisonnez.
Passez les côtelettes dans le beurre clarifié, rangez-les dans le plat à sauter, faites frire les poitrines et égouttez-les. Mettez dans chaque bout de poitrine la moitié d'un os taillé en pointe, de manière à former un manche à vos fausses côtelettes.
Dressez autour d'une croustade poitrine frite et côtelettes sautées en alternant, garnissez la croustade de pointes d'asperges et servez à part une légère béchamel.
Vous pouvez, en suivant le même procédé et en servant toujours votre béchamel ou votre demi-glace ou enfin votre sauce à part, garnir la croustade de petits pois, d'une macédoine de légumes, de haricots verts, d'une purée de cardons, etc.
Veloutez à part le tout réduit avec essence de champignons ou, enfin, avec une garniture de concombres.
L'allemande doit être servie à part.

Selle d'agneau rôtie à l'anglaise.
Les doubles filets réunis sont la meilleure partie de l'agneau. On la rôtit, on la sert en relevé de potage ou en flanc de table. On l'accompagne d'une sauce à l'anglaise très goûtée de ceux des gourmets parisiens à qui nos deux cent dix- sept ans de guerre avec l'Angleterre n'ont point inspiré une horreur invincible pour tout ce qui vient de l'autre côté de la Manche.
Mettez un quart de litre de consommé dans une casserole, avec une pincée de sauge verte hachée, faites bouillir cinq minutes, ajoutez-y deux échalotes pilées, deux ou trois cuillerées de vinaigre d'Orléans, 60 grammes de sucre et un peu de poivre noir ; salez, passez à l'étamine et servez à part dans une saucière.
L'auteur des Mémoires de la marquise de Créqui, de qui nous tenons cette recette, saisit cette occasion de tomber sur ces gourmands exclusifs qui, par patriotisme, ne veulent pas sur la table française l'introduction des cuisines étrangères. « On trouve encore, dit-il dans un mouvement d'indignation, de prétendus gourmets qui déclament contre l'emploi du sucre en mélange avec des acides ou des chairs salées, mélange infiniment agréable en certains cas. Rien n'est encore aussi commun que de rencontrer des retardataires obstinés dans la marche du progrès culinaire, tandis que ce progrès ne pourrait s'établir que si chaque peuple abjurait ses préjugés nationaux dans un sentiment de cosmopolitisme. »
Après cette invitation à l'éclectisme, l'auteur des Mémoires de Mme la marquise de Créqui, en véritable gastronome aristocrate qu'il est, s'indigne contre le préfet du palais, M. le comte de Bausset, qui fait servir, au château des Tuileries, pour le dîner de l'empereur, un gigot d'agneau comme plat de rôti au second service.
« Tout le monde a vu, dit-il avec surprise, dans la première édition des Mémoires de M. le comte de Bausset, préfet du palais et chambellan de l'empereur Napoléon, deux tableaux d'un menu, d'où il résulte que ce fonctionnaire impérial faisait servir aux Tuileries, pour le dîner de son maître, un gigot d'agneau au second service et comme plat de rôti. Voilà ce qu'un maître d'hôtel du troisième ordre n'aurait eu garde de souffrir de l'autre côté de la rivière de Seine ou dans le faubourg Saint-Honoré, qui n'est pas moins bien habité que le quartier Saint-Germain. Il est à noter que le reste et l'ensemble de cet étrange menu publié par M. le comte de Bausset est tellement vulgaire et si dépourvu d'aucun usage du beau monde, que les habitudes de cette famille impériale et le savoir-vivre de ses principaux officiers en ont beaucoup souffert dans l'estime et la considération publique. La divulgation, très indiscrète et tout à fait inutile, avait produit un étonnement si général et eut un effet tellement fâcheux, que M. le préfet du palais impérial a cru devoir retrancher ce document dans la dernière édition de ses Mémoires, et c'est en vérité ce qu'il y avait de mieux à faire pour la réputation d'un si grand homme, ainsi que pour l'honneur de ses employés du palais. »
Courchamps était un homme de l'ancienne cour qui ne plaisantait avec aucune étiquette et surtout l'étiquette culinaire.

Quartier d'agneau rôti à la maître d'hôtel.
Tirez votre quartier d'agneau de la broche, soulevez-en les côtes et introduisez dans la gerçure une boule froide du mélange appelé maître d'hôtel, dont voici, à ce que nous croyons, la meilleure recette :
Prenez 125 grammes d'excellent beurre, ajoutez-y du sel en quantité suffisante, une demi-pincée de muscade râpée, trois fortes pincées de fines herbes, savoir : un quart de cerfeuil, une moitié de persil, un quart de cresson alénois, un quart de pimprenelle et deux ou trois feuilles d'estragon. Mettez toutes ces herbes finement hachées avec le beurre froid, en les triturant et en les mélangeant avec le jus d'un fort citron et le jaune cru d'un oeuf frais. Tenez cette sauce froide en réserve, à la cave, et servez-vous en selon vos besoins.

Gigot d'agneau.
Faites rôtir, et présentez en entrée de broche sur une purée d'oseille, sur une sauce aux tomates ou sur une ravigote verte, appelée communément sauce au vert-pré.

Issue d'agneau.
Depuis que chaque partie des abatis d'agneau a été annexée aux principales portions de la tête, on les a reconnues susceptibles de recevoir un assaisonnement spécial et un apprêt particulier ; cependant, comme certains gourmets ont une religion particulière pour les plats de nos aïeux, l'issue d'agneau se composait autrefois de la tête, du coeur, du mou, des ris, du foie et des pieds de l'agneau que l'on faisait étuver, ensemble, dans un blanc, et que l'on servait avec une liaison de jaunes d'oeufs crus et de jus de citron dans le même pot à oille, en façon de potage et quelquefois d'entrée. C'était un ancien ragoût très salutaire dans certains cas d'inflammation des entrailles et de l'estomac.

Poitrine d'agneau aux groseilles vertes.
Prenez deux poitrines d'agneau que vous braisez avec quelques tranches de maigre de veau et de jambon cru ; au bout d'une heure et demie de cuisson, vous les retirez, vous les déficelez, vous les mettez refroidir entre deux couvercles, puis vous les trempez dans du beurre tiède et vous les pannez. Vous les faites griller à petit feu et les colorez à l'aide d'un four de campagne ; puis vous servez cette entrée sur un ragoût de groseilles vertes, assaisonné de muscat et de verjus. Recette de Chevriot, cuisinier du roi Stanislas Leckzinski.

Galantine d'agneau.
Désossez un agneau entier, prenez une partie des chairs de gigot, autant de panne de cochon, de la mie de pain trempée dans du lait et bien égouttée ; hachez et pilez le tout pour en faire une farce, dans laquelle vous mettrez deux oeufs, poivre, sel, un peu de quatre épices. La galantine d'agneau demande au moins une bonne heure pour la cuisson.


Tendrons d'agneau aux pointes d'asperges.
Coupez et parez les tendrons de deux poitrines d'agneau, couchez-les dans un sautoir, avec un peu de consommé, faites-les mijoter jusqu'à ce qu'ils se glacent ; ayez des asperges aux petits pois les plus tendres, blanchissez-les à l'eau bouillante, légèrement salée, écumez, laissez bouillir un quart d'heure, mettez dans l'eau froide, égouttez-les sur un tamis, apprêtez à la poulette ou au consommé lié de jaunes d'oeufs, où vous ferez fondre une demi-cuillerée de sucre ; vous verserez ce ragoût d'asperges au milieu du plat et vous dresserez à l'entour les tendrons glaces au feu.

Tendrons d'agneau aux petits pois.
Opérez comme ci-dessus, mais ne blanchissez ni ne rafraîchissez. Vous ajouterez à ce ragoût quelques feuilles de sarriette, dont le goût s'allie bien à celui des pois verts.

Filets d'agneau à la Condé.
Parez des filets d'agneau depuis les carrés jusqu'au collet, après les avoir piqués d'anchois, de truffes et de cornichons ; faites-les mariner dans du beurre mêlé de bonne huile, et assaisonnez avec champignons, ciboule, échalotes, câpres, hachez le plus fin possible, ajoutez-y sel, poivre, quatre épices basilic en poudre, chapelure, deux jaunes d'oeufs durs. Des morceaux de crépine vous serviront à envelopper les morceaux de filets sous une couche de cette farce. Mettez les à la broche avec des attelles, et enveloppés d'un papier huile. Lorsqu'ils seront cuits, retirez-les, passez-les et versez sur le tout une sauce au blond de veau avec tranches de citron et muscade râpée. Cette sauce devra prendre sur le feu une consistance suffisante.

Tranches d'agneau à la Landgrave.
Coupez un filet d'agneau par tranches, salez, mettez des quatre épices et un peu de paprika, faites-les frire, puis maintenez-les chaudes, versez dans une casserole 125 grammes de bouillon où vous avez jeté une demi-cuillerée de farine de seigle, ajoutez-y un peu de saumure de noix et un peu de catchup, essence de champignons, joignez-y 30 grammes de beurre frais, faites bouillir le tout en remuant avec assiduité, mettez-y alors vos tranches d'agneau que vous servirez après avoir passé la sauce.

Cromesquis d'agneau ragoût polonais.
Parez de la chair d'agneau à moitié rôtie et refroidie, coupez-la par petits morceaux carrés, coupez de la même manière des champignons cuits au blanc et de la tétine de veau, mettez dans une casserole gros comme un oeuf de pigeon de glace de viande avec un peu de consommé, faites chauffer, ajoutez- y gingembre et gros poivre, liez avec des jaunes d'oeufs et puis mettez dedans la tétine ainsi que les champignons et la chair d'agneau, le tout étant refroidi, divisez par petites parties, moulées comme pour des croquettes ; après quoi vous enveloppez chacune de ces petites parties dans des bardes de tétine de veau ; trempez-les dans une pâte croquante et jetez-les dans la poêle ; quand elles seront bien colorées, vous les servirez sur une sauce piquante ou avec persil frit.

Recette précédente | Recette suivante

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
Haut de page
Page précédente