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Eau-de-vie


C'est le produit de la distillation du vin opérée à feu moins vif que pour la fabrication de l'alcool. Tandis que tous les trois-six poussés à leur plus haut degré de sublimation se ressemblent, les eaux-de-vie témoignent de goûts fort différents suivant le climat, le sol et le cépage. Les eaux-de-vie fines ont du bouquet et de la sève ; les eaux-de-vie moyennes ont de la sève seulement ; les eaux-de-vie communes ont du terroir ou de l'empyreume, mais toutes ont conservé des principes extractifs des vins dont elles émanent. Parmi les eaux- de-vie fines on doit placer en première ligne la grande champagne, obtenue d'un vin récolté sur une partie du territoire du département de la Charente. La petite champagne succède, les borderies viennent en troisième ligne, les fins bois suivent de près, les bons bois et les bois clôturent cet ordre de mérite des eaux-de-vie des deux Charentes. Celles de Surgères, d'Aigrefeuille et de La Rochelle ont leur valeur, mais elles sont inférieures en finesse et en qualité aux précédentes.
Ce n'est pas sans motif que nous avons établi entre les eaux-de-vie des Charentes une sorte de démarcation. En effet, le consommateur ne connaît, comme tout l'univers au reste, des eaux-de-vie à qualités si diverses de ce pays, que le vocable typique de Cognac.
Il n'est pas hors de propos de dire ici que cette petite ville a acquis, par les eaux-de-vie de son territoire, une renommée qui atteint, si même elle ne dépasse, celle des plus importantes capitales du monde.
Cependant, au terme cognac, employé comme désignation d'eau-de-vie excellente, ne répond pas l'idée d'un produit issu nativement du cru. Cognac est un mot générique usité depuis de longues années pour indiquer un type d'eau-de-vie composé des deux, trois, quatre, cinq et même six crus ci-dessus indiqués. C'est dans la proportion employée de ces divers crus, dans le bon choix des premières sortes, dans leur heureuse combinaison qu'il faut chercher le secret de la haute faveur dont jouissent certaines marques. La coloration bien maniée, le judicieux emploi du sirop, la limpidité sont des conditions qui rehaussent le mérite intrinsèque du cognac.
Donc cognac ne signifie pas eau-de-vie absolument naturelle, bien que préférée par certains amateurs aux fines et directes provenances des Charentes. A l'exposition du Havre, nous avons eu l'occasion, en suivant les travaux du jury, de faire cette différence entre le cru réel et les diverses hybridations. L'heureux et méritant lauréat de l'unique médaille d'or, à cette exposition, M. Léonin Arnaud, de Cognac, avait mis à notre disposition les Grands Champagnes et fins bois Borderies, qui venaient de lui valoir cette distinction. Il est véritablement impossible de n'être pas frappé de ce goût exquis, de ce parfum suave ; tout cela franc, correct, tonique et réchauffant, sans cette âcre chaleur des spiritueux. Le meilleur cognac, goûté comparativement, paraissait édulcoré et dépourvu de cette essence originelle qui caractérise les produits immaculés de haute race.
Les eaux-de-vie d'Armagnac ont une réputation méritée ; elles sont fines, plus déliées que celles des Charentes ; leur bouquet est tout différent de celui de ces dernières, et, il faut bien le dire, il plaît généralement moins. Ces eaux-de- vie se fabriquent dans le département du Gers. Condom et Eauze sont les plus importants marchés de l'Armagnac.
Dans la Gironde et le Lot-et-Garonne, à Marmande principalement, on fabrique des eaux-de-vie un peu communes qui se vendent sous le nom d'eaux-de-vie de pays. Elles ont de la sève et en vieillissant elles acquièrent un certain degré de finesse.
Les eaux-de-vie de Montpellier, qu'on fabriquait sous le nom de preuve de Hollande, n'étaient pas dépourvues de mérite. On réduit plutôt les trois-six de vin de ce pays aujourd'hui, qu'on ne distille des eaux-de-vie de consommation à 52 degrés centigrades comme autrefois.
En Bourgogne, on fabrique, avec les résidus des cuves, des eaux-de-vie de marc, à goût plus ou moins prononcé d'empyreume, qui ont de très zélés partisans.
Enfin un peu partout on prépare des eaux-de-vie avec des alcools d'industrie, réduits au degré potable et parfumés avec des bouquets factices.

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