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Oie


Les oies furent longtemps sacrées à Rome, parce que, pendant que les chiens dormaient, une oie, qui était restée éveillée, l'histoire ne dit pas pourquoi, entendit le bruit que faisaient les Gaulois en escaladant le Capitole. Elle réveilla ses amies, qui, tout effarées, se mirent à crier si haut et si bien, qu'à leur tour elles éveillèrent Manlius. Lafosse, qui a fait une tragédie du Capitole sauvé, a eu l'ingratitude de ne pas dire un mot des oies dans les deux mille alexandrins qui composent cette tragédie.
Qui n'a pas vu et entendu Talma dire ces deux vers :

          C'est moi qui, détruisant leur attente frivole,
          Renversai les Gaulois du haut du Capitole,

n'a point idée des hauteurs où peut tonner la parole d'un tragédien.
Mais au moment où Jules César eut conquis les Gaules, on commença de manger des oies dans l'armée romaine, à l'exemple des Gaulois, qui n'avaient aucune raison de respecter les alliés de Manlius, cause de leur défaite.
Bientôt le bruit se répandit, même à Rome, que les oies de Picardie étaient un délicieux manger, et l'on vit dès lors le Picard, né naturellement commerçant, conduire pédestrement à Rome des troupeaux d'oies qui dévoraient tout sur leur route.
Les anciens Egyptiens regardaient l'oie comme un mets des plus délicats. Le roi de Lycie, Rhadamante, leur portait tant d'estime, qu'il ordonna que partout, dans ses Etats, on cessât de jurer par les dieux, pour jurer par les oies. C'était aussi le serment habituel en Angleterre, lorsque Jules César en fit la conquête.
C'est un consul romain, nommé Metellus Scipion, qui inventa, selon Pline, l'art d'engraisser les oies et de rendre leur foie délicat.
Le médecin Jules César Scaliger, célèbre érudit, a pour les oies une tendresse toute particulière : il les admire non seulement au physique, mais encore au moral.
Nous ne pouvons mieux faire que de copier ce qu'il dit de l'oie :
« L'oie, dit-il, est le plus bel emblème de la prudence ; les oies baissent la tête pour passer sous un pont, si élevées que soient ses arches ; elles sont pudiques et raisonnables à ce point, qu'elles se purgent elles-mêmes sans médecin lorsqu'elles sont malades.
« Elles sont si prévoyantes que, lorsqu'elles passent sur le mont Taurus, qui est rempli d'aigles, elles ont soin, connaissant leur humeur bavarde, de prendre chacune une pierre dans leur bec, pour éviter, en se gênant ainsi, de former des sons qui les feraient découvrir de leurs ennemis. »
Les oies sont susceptibles d'une certaine éducation. Le chimiste Mémery a vu une oie tournant une broche où rôtissait un dindon. Elle tenait l'extrémité de la broche par le bec, et son cou, en s'allongeant et en se rétrécissant, faisait l'effet d'un bras. De temps en temps seulement on avait soin de lui donner à boire.

Oie à la chipolata.
Prenez un bel oison d'une graisse bien blanche, videz-le, retournez-lui les pattes en dedans, flambez-le légèrement, épluchez-le, bridez-le, bardez et ficelez-le ; foncez une braisière de bardes de lard, mettez dans le fond une mirepoix et quelques débris de viande de boucherie, deux lames de jambon, les abatis de votre oison, un bouquet de persil et ciboules, trois carottes tournées, deux ou trois oignons, dont un piqué de clous de girofle ; une gousse d'ail, du thym, du laurier, un peu de basilic et du sel. Posez votre oie sur ce fond, mouillez-la avec un bon verre de vin de Madère, une bouteille de vin blanc, cognac, une cuillerée à pot de bon consommé de volaille. Mettez-la sur le fourneau, faites suer la braise de votre oie, faites-la cuire environ une heure, égouttez-la, dressez-la et masquez-la avec une chipolata voir Chipolata, et servez.

Oie rôtie de la Saint-Martin.
Désossez et farcissez une belle oie grasse de Normandie avec une purée d'oignons cuits à la graisse de lèchefrite, ajoutez à cette farce d'oignons le foie de votre volaille haché, douze chipolatas et quarante ou cinquante marrons grillés ou rôtis, bien épluchés et assaisonnés de sel et de quatre épices ; servez-la sur une longue et large rôtie, bien imbibée de son rôtissage et légèrement assaisonnée de gros poivre et de citron.

Oison à la broche.
Ayez un oison dont la graisse soit bien blanche et la chair bien tendre, supprimez-en les ailes, épluchez-le, flambez-le, refaites-lui les pattes et coupez-lui les ongles, essuyez-les avec un linge blanc, bridez votre oison, laissez-lui les pattes en long, mettez-le à la broche ; faites-le cuire vert, de façon à ce que le jus en sorte en le piquant ; citronnez autour et servez. Avec le canard, jamais de cresson.

Oie à l'anglaise.
Préparez un oison comme ci-dessus, hachez-en le foie, épluchez trois gros oignons, coupez-les en petits dés, faites-les cuire à blond dans du beurre, ajoutez-y une pincée de sauge hachée, ainsi que le foie de l'oison, du sel et du poivre fin. Mêlez bien le tout et emplissez-en l'oie ; cousez-la, embrochez-la et faites-la cuire comme ci-dessus et servez-la avec un jus de viande.
M. Vuillemot fait judicieusement observer que les viandes creuses doivent être citronnées sortant de la broche.

Oie à la choucroute.
Vous faites cuire une oie à la broche, vous lavez la quantité de choucroute nécessaire, que vous faites cuire dans une casserole avec des tranches de petit lard, du cervelas et des saucisses, mouillez avec du bouillon et la graisse de l'oie ; faites cuire à petit feu pendant deux heures, dressez la choucroute bien égouttée autour de l'oie avec les saucisses et le cervelas dépouillé de sa peau et coupé par lames, et glacez avec une glace de viande.

Ailes et cuisses d'oie à la façon de Bayonne.
Levez les ailes et les cuisses de plusieurs oies, désossez ces cuisses, frottez- les, ainsi que les ailes, de sel mêlé avec 15 grammes de salpêtre pilé. Rangez toutes vos ailes et vos cuisses dans une terrine. Interposez laurier, thym, basilic, couvrez-les d'un linge blanc, macérez-les vingt-quatre heures dans leur assaisonnement, retirez-les, laissez-les égoutter, dégraissez entièrement, faites-les cuire à un feu modéré. Lorsque vos membres sont cuits, vous les égouttez, les laissez refroidir et les arrangez aussi serrés que possible dans des pots ; vous y coulez votre saindoux aux trois quarts refroidi, et, au bout d'un jour, vous couvrez hermétiquement les pots avec du papier ou du parchemin ; vous les mettez dans un endroit frais, mais non humide, et vous vous en servez au besoin.

Cuisses ou quartiers d'oie à la lyonnaise.
Faites chauffer et un peu frire, dans leur saindoux, quatre quartiers d'oie, coupez six gros oignons en anneaux, faites-les frire dans une partie du saindoux, dans lequel auront chauffé ces cuisses ; quand ils sont cuits et de belle couleur, égouttez-les, ainsi que les quartiers d'oie, dressez-les, mettez vos oignons frits par-dessus et servez avec une sauce quelconque.

Cuisses d'oie à la purée
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C'est une entrée. Vous préparez et faites chauffer ces cuisses comme les précédentes, puis vous les dressez et les masquez d'une purée de pois verts ou de marrons que vous aurez finie avec un pain de beurre.

Oie sauvage.
Les oies sauvages s'accommodent de la même manière que les albrans, les canardeaux et les canards sauvages. On peut aussi en faire des boudins, des civets à l'ancienne mode et des escalopes au sang.
Leur passage dure environ deux mois, à moins que l'hiver ne soit très doux, et dans ce cas elles prolongent leur séjour jusqu'à trois mois.

Aiguillettes d'oie sauvage.
Vous faites cuire trois oies à la broche. Au moment de servir, vous levez en filets, vous faites réduire de l'espagnole jusqu'à ce qu'elle soit très épaisse, et vous y versez le jus des oies ; ajoutez un peu de zeste de citron ou d'orange, et un peu de gros poivre sur la sauce chaude, non en ébullition.

Petite oie.
Faites cuire en hoche-pot.

Foie gras
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Nous avons parlé des pâtés de foie gras à l'article Foie. Nous y renvoyons nos lecteurs.

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