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Rôti


Viande cuite à la broche et au four. Le rôti, dans les repas réglés, se sert au second service. Le gros rôti est la grosse viande rôtie, telle que boeuf, veau, gigot de mouton, etc. ; le petit rôti est la volaille, le gibier et les petits pieds.
Quelques personnes regardent les viandes rôties comme moins saines et moins nourrissantes que celles qui sont bouillies. « Le feu, disent-ils, venant à agir d'une manière immédiate sur les viandes que l'on rôtit, en dissipe toute l'humidité qui les rendait si saines, il en dessèche les fibres et, concentrant ce qui n'a pu se dissiper du suc de ces viandes, il le fermente et l'exalte au point d'en développer tous les sels et d'en former un suc salin et spiritueux, propre à fermenter le sang et à exalter la bile.
« Les viandes bouillies, au contraire, toujours suivant ces mêmes personnes, ne reçoivent l'action du feu qu'au travers de l'eau, qui la modère et la corrige ; c'est une sorte de bain-marie ; ce n'est plus un feu sec et ardent qui brûle, c'est une chaleur douce et modérée qui cuit sans durcir et pénètre sans dessécher. Or rien ne ressemble si bien aux digestions qui se font dans le corps et n'y dispose mieux les nourritures qu'on lui prépare.
« Enfin, le rôti donne peut-être plus de vigueur parce qu'il remue davantage les esprits et qu'il affecte plus agréablement la langue, mais il fournit moins de suc nourricier, parce que l'ardeur immédiate du feu lui en a enlevé davantage. »
C'est une erreur : rien n'est plus capable, au contraire, de dépouiller la viande de son suc que l'eau. L'eau est le plus puissant dissolvant ; il vide les pores de la viande, la rend propre à se charger de toutes sortes de sels et à se remplir de ce qu'il y a soit de plus spiritueux, soit de plus huileux, soit de plus terrestre dans le corps. On dissout plus de mixtes et on tire plus de sucs par les dissolvants aqueux que par les autres. Comment donc la viande, lorsqu'elle sera longtemps dans l'eau bouillante, n'y perdrait-elle pas la meilleure partie de son suc ? Elle l'y perd si bien, que le bouillon en tire toute la gelée : c'est donc une erreur, nous le répétons, de prétendre que la viande bouillie est plus nourrissante, et si le rôti a plus de goût que le bouilli, c'est, comme a dit un savant médecin du dernier siècle, parce qu'il a encore tout son suc, au lieu que la viande bouillie a perdu une partie du sien par le moyen de l'eau. Les viandes que l'on fait rôtir ne doivent pas être saisies trop brusquement par le feu, pas plus qu'elles ne doivent languir. Les viandes noires doivent rester rouges afin de conserver tout leur jus, mais les viandes blanches exigent une cuisson plus égale, et la moindre teinte rosée doit avoir disparu. Quant à fixer une règle bien certaine à l'égard de la cuisson des viandes rôties, c'est assez difficile ; car cela dépend toujours de la qualité et de la quantité des viandes que l'on fait rôtir ; il y a cependant deux choses essentielles à considérer dans les procédés qu'on doit suivre pour bien faire rôtir : d'abord la manière d'établir et de conduire le feu, ensuite la qualité des viandes, qu'il faut traiter différemment suivant qu'elles sont blanches ou noires.
Nous empruntons à M. A. Goque, auteur de la Cuisine française, la manière de rôtir les viandes noires et les viandes blanches.

Manière de rôtir les viandes noires et les viandes blanches.
Les viandes noires telles que le boeuf et le mouton demandent à être vivement saisies. Il faut pour ces viandes un feu clair, principalement établi aux deux bouts de la broche. Ne hâtez pas trop cependant la cuisson, mais conduisez votre feu de manière à diminuer graduellement la chaleur. Une grosse pièce, par exemple un rôti de boeuf ou de mouton pesant trois ou quatre kilogrammes, exigera une heure ou une heure et demie de cuisson. Les signes auxquels on reconnaît que la cuisson est arrivée au point convenable sont : 1 une certaine résistance que la viande oppose au doigt qui la touche ; 2 une petite fumée qui s'en échappe ; 3 quelques gouttelettes de sang qu'elle commence à laisser tomber. Les viandes noires s'arrosent d'elles-mêmes, c'est- à-dire avec leur propre jus. Ne jamais les arroser. Le contraire des viandes blanches.
Les viandes blanches, telles que le veau, l'agneau, la dinde et les autres volailles se traitent d'une manière toute différente. Elles veulent aussi être arrosées de temps en temps de beurre, parce qu'elles ne rendent pas autant de jus que les viandes noires et qu'elles se dessécheraient facilement. On reconnaît que les viandes blanches sont arrivées à point parfait de cuisson, lorsqu'elles deviennent tendres sous le doigt qui les interroge et qu'elles laissent échapper une petite fumée. Du reste, il suffit d'avoir acquis un peu d'expérience pour savoir faire rôtir convenablement les viandes blanches ; à cet égard une cuisinière, d'abord inexpérimentée, peut devenir, après quelques mois de pratique, aussi habile que le cuisinier qui a déjà vieilli dans l'exercice de sa profession. Mais il n'en est pas de même des viandes noires. Le vrai talent du rôtisseur se décèle dans la manière de bien cuire ces viandes, qui doivent conserver tout leur jus jusqu'au moment où elles paraissent sur la table et se séparer sous le tranchant du couteau en morceaux tendres et succulents.

Temps qu'exigent les divers rôtis.
En traitant des viandes de boucherie boeuf, mouton, veau, etc., de la volaille et du gibier, nous avons eu l'occasion de donner quelques conseils qui s'appliquaient plus particulièrement à chacune de ces viandes, et nous avons indiqué aussi exactement que possible pour chacune d'elles le temps qu'exigeait leur cuisson, en admettant toujours qu'on se serve d'une broche et qu'on ait un feu bien soutenu. Avec l'appareil appelé cuisinière et placée devant le feu, il faut moins de temps ; avec le même appareil et une coquille qui renferme le feu, il faut moins de temps encore. Dans certaines cuisines on a adopté la broche et le feu dans une coquille convenablement disposée à cet effet, c'est peut-être le meilleur système.

Pièces à rôtir...Temps de la cuisson.

Pièce de boeuf de 2 kilogrammes J           1 heure J.
Pièce de boeuf de 5 kilogrammes          2 heures J.
Pièce de veau de 2 kilogrammes          1 heure.
Pièce de mouton gigot ou épaule de 2 kg          1 heure.
Pièce de mouton gigot ou épaule de 3 kg          1 heure J.
Pièce d'agneau, gros quartier          1 heure.
Pièce d'agneau, petit quartier          3 quarts d'heure.
Pièce de porc frais de 2 kg          2 heures.
Cochon de lait          2 heures J.
Chapon ou poularde          1 heure.
Poulet          3 quarts d'heure.
Dinde          1 heure J.
Pigeon          1 demi-heure.
Canard          3 quarts d'heure.
Caneton          1 demi-heure.
Oie grasse          1 heure K..
Faisan          3 quarts d'heure.
Perdreau          1 demi-heure.
Bécasse          1 demi-heure.
Alouettes bardées          20 minutes.
Chevreuil, gros quartier          3 heures.
Lièvre          1 heure J.
Levraut          1 demi-heure.
Lapereau          1 demi-heure.

Rôti à l'impératrice.
Le cochon à la troyenne, à l'intérieur duquel on fait entrer des bec-figues, des huîtres, des grives, le tout en quantité et arrosé de bon vin et de jus exquis et que le Sénat romain fut obligé de défendre par une loi somptuaire à cause de sa cherté, doit cependant céder le pas à ce plantureux rôti dont la recette suit :
On ôte le noyau d'une olive, on le remplace par un filet d'anchois ; le fruit ainsi beurré se met dans une mauviette, laquelle à son tour entre dans une caille que renfermera une perdrix qui devra se cacher dans les flancs d'un faisan. Le faisan disparaîtra à son tour dans le sein d'une vaste dinde, dont un cochon de lait deviendra la retraite ; on fera rôtir le tout, et le tout bien rôti vous offrira pour résultat la quintessence de l'art culinaire, le chef-d'oeuvre de l'art gastronomique. Ne croyez pas cependant que ce mets doive servir en entier : les gourmands ne mangent que l'olive et le filet d'anchois, et cette olive ne revient pas à moins de 500 francs.

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1998-2010
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