Le grand dictionnaire de cuisine Vous êtes ici : Accueil > Accueil > Bibliothèque
Page précédente | Imprimer

Thé


C'est en 1666, en plein règne de Louis XIV, que le thé, après une opposition non moins vive que celle qu'avait éprouvée le café, s'est introduit en France.
Aujourd'hui il s'en consomme, rien qu'en Angleterre et en France, pour plus de vingt millions de livres sterling. Il y a sept ou huit espèces de thé, mais nous n'en consommons guère que trois espèces : le thé perlé, dont la feuille est parfaitement roulée sur elle-même ; le thé souchong, dont les feuilles sont d'un vert sombre, un peu noirâtre et bien roulées ; enfin, le pékao, en pointes blanches, celui dont l'odeur est la plus aromatique et la plus agréable.
Le thé perd facilement son odeur ou en contracte non moins facilement une désagréable. Il est donc important pour la conservation des thés qu'ils soient enfermés dans des boîtes de porcelaine.
Il y a en outre cinq ou six autres espèces de thés : il y a le thé jaune, qui vaut en Russie jusqu'à trente à quarante francs la livre ; on en prend d'habitude une seule tasse après dîner comme on prend du café. Il y a encore le thé camphon, qui veut dire thé de feuilles choisies : il est en effet composé des meilleures feuilles du thé bonni, tendres et de bonne grandeur ; il est de beaucoup préférable à d'autres, mais il est très rare.
Le meilleur thé se boit à Pétersbourg, et en général par toute la Russie : la Chine y confinant par la Sibérie, le thé n'a pas besoin de traverser la mer pour venir à Moscou ou à Pétersbourg, et les voyages par mer nuisent beaucoup au thé.
Le thé vert est rarement usité en France ; il est légèrement pourvu d'une propriété plus ou moins enivrante, qu'il manifeste par son action sur les nerfs quand on le prend trop fort et en trop grande quantité. Le thé se fait par infusion : on en mêle à dose convenable dans une théière, et on verse par- dessus une demi-tasse d'eau bouillante ; on attend que les feuilles soient développées, et alors on achève de remplir la théière. Par le fait d'une habitude particulière à la Russie, et qui ne laisse pas au premier abord de choquer singulièrement les étrangers, les hommes boivent le thé dans des verres, et les femmes dans des tasses de Chine.
Voici la légende qui se rattache à cette habitude :
Les premières tasses à thé furent faites à Cronstadt. Or il arrivait souvent que, par économie, les cafetiers mettaient dans la théière une quantité moindre de thé qu'il n'eût fallu. Alors, comme le fond de la tasse représentait une vue de Cronstadt, que la transparence de la liqueur laissait voir trop clairement, le consommateur appelant le marchand et lui montrant le fond de sa tasse :
« On voit Cronstadt », lui disait-il.
Et comme le marchand ne pouvait nier qu'on vît Cronstadt, et comme il fallait, si le thé était suffisamment fort, qu'on ne vît pas Cronstadt, le marchand était pris en flagrant délit de fraude.
Ce que voyant, le marchand eut l'idée de substituer des verres au fond desquels on ne voyait rien, aux tasses où l'on voyait Cronstadt.
C'est la maîtresse de la maison qui met le thé dans la théière, qui le sucre, qui y ajoute un nuage de crème, une tranche de citron ou une goutte de Cognac, et à qui appartient la responsabilité du thé qu'elle offre à ses convives.

Recette précédente | Recette suivante

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
Haut de page
Page précédente