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Tortue


A l'article Potage de tortue nous avons dit tout ce que nous avions à dire sur les différentes manières d'apprêter cet animal. Nous recevons cependant de M. Duglerez, ancien chef de bouche de la maison Rothschild, quelques recettes sur le même sujet, et nous nous empressons de les indiquer à nos lecteurs amateurs de tortue.
Dans plusieurs contrées de l'Amérique, dit M. Duglerez, la tortue se trouve communément et se débite parmi le peuple comme poisson, à très bon marché.
Elle se prépare dans ces pays sans condiments recherchés et sans autres assaisonnements que des stimulants.
En Angleterre, où la tortue est très estimée, il s'en fait une très grande consommation, quoiqu'elle ne soit généralement employée que pour les potages ; cela tient, paraît-il, à l'ignorance des raffinements de l'art culinaire dans ce pays.
En France, la tortue est plus honorablement représentée et tout peut être employé en cuisine.
Les parties les plus délicates sont les parties gélatineuses, telles que le plastron et la carapace, de même que les quatre nageoires et les graisses, qui sont d'une exquise délicatesse.


Préparation de la tortue.
Fixez votre tortue à une échelle, attachez-lui au cou un poids de 25 kilogrammes, et à l'aide d'un fort couteau coupez-lui la tête et laissez saigner pendant cinq à six heures. Posez-la ensuite sur la table, couchée sur le dos, détachez le plastron de la carapace, enlevez tous les intestins, puis détachez aussi les nageoires avec leur peau en appuyant votre couteau sur la carapace, ramassez avec soin la graisse en raison de sa délicatesse ; coupez le plastron et la carapace en quatre ou six morceaux, mettez-les dans un grand chaudron d'eau chaude et laissez cuire vingt à vingt-cinq minutes, c'est-à-dire jusqu'au moment où la peau se détache des os ; retirez ensuite les morceaux du feu et plongez-les dans l'eau froide, puis égouttez-les sur des serviettes. Les morceaux de chair maigre que vous avez retirés de l'eau chaude sont très peu délicats, c'est une chair longue, filandreuse et fade ; les forts morceaux ressemblent à des noix de veau ; on peut les piquer et les servir de même, en les montant d'un haut goût. Tout est possible dans l'art culinaire.

Potage à la tortue.
Pour le potage à la tortue, vous mettez toutes vos chairs maigres dans une marmite, puis vous ajoutez 10 kilogrammes de tranches de boeuf, deux jarrets de veau, trois vieilles poules ; vous mouillez de trois grandes cuillerées de bon bouillon et laissez tomber à grand feu le fond à demi-glace ; remplissez ensuite votre marmite d'un grand bouillon, vous la garnissez de quatre oignons piqués de clous de girofle, un bouquet de basilic et romarin, puis vous laissez cuire le tout à petit feu pendant six heures. Quand tout sera préparé comme on vient de le dire, vous prenez les peaux que vous avez retirées du plastron et de la carapace et vous les coupez en morceaux de trois centimètres carrés ainsi que les nageoires, à moins que vous n'ayez l'intention de servir ces dernières comme relevé ; puis vous mettez ces morceaux dans une casserole foncée de bardes de lard, avec une bouteille de vieux madère, et vous finissez de mouiller avec le consommé préparé et passé. Laissez cuire le tout ensemble en vous assurant de temps en temps, en sondant, si la cuisson est arrivée à point ; elle doit conserver un ferment pareil à la tête de veau qui ne demande que peu de cuisson.
On sert ce potage de deux manières, clair ou lié, et on le termine par une infusion de menthe, basilic, romarin, serpolet, le tout mouillé d'un grand verre de vin de Madère sec que l'on fait réduire à un quart ; ajoutez-y une pointe de Cayenne et finissez-le. Goûtez avant de servir s'il est de bon goût ; il doit avoir une saveur agréable et être monté de ton. Ce qui fait la qualité du potage à la tortue, en Angleterre, c'est que nos voisins d'outre-mer possèdent en tout temps des plantes fraîches dont ils se servent comme purée pour finir leur potage.

Nageoires de tortue à la Régence.
Mettez dans une braisière foncée de bardes de lard quelques tranches de jambon de Bayonne fumé, quatre oignons piqués de clous de girofle et aromates indiens, placez-y vos nageoires, saupoudrez d'une pincée d'épices fines, recouvrez de bardes de lard et de quelques tranches de veau, arrosez d'une bouteille de vieux madère et d'un riche consommé ; couvrez le tout d'un papier et par-dessus votre couvercle fermant hermétiquement avec du feu dessus. Laissez cuire deux heures et assurez-vous de la cuisson : pour que ce soit bien cuit il faut que le fond soit réduit de trois quarts. Au moment de servir, égouttez les nageoires, dressez-les sur un plat en les appuyant sur une forte croustade que vous aurez placée au milieu du plat ; ornez ce relevé d'une riche garniture de petites croustades, de truffes, crêtes, rognons, quenelles, etc. Passez ensuite le fond de la cuisson au tamis, laissez-le reposer, puis dégraissez-le bien ; mettez-le dans un grand plat à réduire en y ajoutant trois grandes cuillerées d'espagnole, travaillez le tout à grand feu en y ajoutant une pincée de poivre de Cayenne, posez ensuite cette sauce dans un bain-marie et faites en sorte qu'elle soit très succulente et un peu montée.

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