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Chapitre CCXXVI


Clément Boulanger.

Le murmure éteint, l'ombre disparut. Une autre ombre sortit de terre, et s'avança silencieusement comme la première, mais d'un pas plus rapide. On sentait que, chez celle-là, la vie avait été en quelque sorte plus vivante, et que la mort avait tout à coup pris cette existence entre ses bras décharnés, sans s'annoncer longtemps à l'avance, comme elle l'avait fait pour ce pauvre Alfred.
Cette ombre, c'était celle de l'auteur de la Mort d'Henri II et de la Procession du Corpus Domini.
Cheveux courts et châtains, front un peu étroit mais intelligent, yeux bleus, nez long, moustaches et barbe blondes, teint frais et clair, lèvres mortes souriant à la vie comme, vivantes, elles avaient souri à la mort.
C'était l'ombre de Clément Boulanger.
Il inclina vers moi sa grande taille, et je sentis son souffle effleurer mon front, ainsi que fait le baiser d'un ami après un long voyage. De retour de la mort, il m'embrassait.
Pauvre Clément ! Il était si gai, si spirituel, quand il peignait à larges couches cette scène de la Tour de Nesle représentant Buridan « jeté en Seine » comme dit Villon, et empruntée à l'Ecolier de Cluny, de Roger de Beauvoir.
- Ami, lui dis-je, je connais peu ta vie, et encore moins ta mort. Tu as vécu, et tu es mort loin de moi. Tu reposes là-bas, sous les cyprès de Scutari, avec le ciel du Bosphore étendu au-dessus de ta tête, avec la mer de Marmara déferlant à tes pieds ; les tourterelles bleues entrent par les fenêtres entrouvertes de ta chapelle, et viennent voltiger sur ta tombe comme des âmes amies ! Dis-moi ce que je ne sais pas, afin que je le raconte à la génération qui ne t'a point connu.
Je crus voir comme une étincelle s'allumer dans les yeux caves du fantôme, et une sorte de sourire passer sur ses lèvres pâles. C'est une si bonne chose que la vie, quoi qu'on en dise, que les morts tressaillent toutes les fois que la parole des vivants arrive jusqu'à eux prononçant leur nom.
Il parla, et je tressaillis à mon tour, étonné d'entendre des paroles gaies sortir de la bouche d'un fantôme.
C'est qu'il est mort, lui, sans savoir qu'il allait mourir, c'est que sa dernière convulsion a été un rire, que ses dernières paroles ont été un chant.
Clément Boulanger était né en 1812. Sa mère, pendant qu'elle était grosse, fut possédée d'une singulière envie : elle voulut à toute force prendre des leçons de peinture. On lui fit venir un maître, et elle se donna le plaisir de barbouiller cinq ou six toiles.
Quoique l'envie eût été satisfaite, l'enfant en fut marqué, comme on dit en termes de sage-femme : aussitôt qu'il put parler, il demanda un crayon ; à l'âge de quatre ans, tout posait déjà pour lui, chats, chiens, perroquets, ramoneurs, commissionnaires, porteurs d'eau.
A huit ans, on le mit au séminaire. – Dès lors, tout ce qui est costume lui plaît, tout ce qui est pompe ecclésiastique le ravit ; il est enfant de choeur, et, en servant et desservant l'autel, il croque sur un livre de messe, avec un crayon qu'il cache dans le creux de sa main, le bedeau, le chantre, le desservant.
Sa première idée est de ne pas quitter le séminaire, de se faire en même temps prêtre et peintre ; sa mère, jugeant peu compatibles avec les devoirs du prêtre les études que sera obligé de faire le peintre, le retire du séminaire.
L'enfant demande alors à aller dans un atelier. A ce désir, sa mère s'épouvante : on apprend tant de choses dans un atelier que la peinture est quelquefois la dernière chose qu'on y apprend, et cependant,. son orgueil maternel la sollicite : avec ces dispositions, l'enfant ne peut manquer d'être un grand artiste.
En attendant qu'il grandisse, où le mettre ? – Bon ! la chose est trouvée ! – Chez un chimiste ; c'est un terme moyen : il y apprendra la composition des couleurs.
Bientôt, il a chez sa mère un laboratoire et un atelier de mécanique. Dans le laboratoire, il fait de la chimie : dans l'atelier, des machines hydrauliques : il a en lui les dispositions d'Agrippa, gendre d'Auguste.
Une nuit, sa mère entend un bruit faible, mais étrange, dans sa chambre : quelque chose comme un murmure, comme une plainte, comme un gazouillement.
Elle se lève, marche devant elle, et, à mesure qu'elle avance vers le centre de sa chambre, se sent mouiller par une pluie fine ; elle recule, allume une bougie, et, après avoir senti l'effet, découvre la cause.
L'enfant a fait des expériences sur cette vérité physique, que l'eau tend à reprendre son niveau ; il a établi un bassin au milieu de la chambre de sa mère et un réservoir dans la sienne. Le réservoir est de six pieds plus haut que le bassin ; un tuyau de fer-blanc, parfaitement soudé, et terminé par un bec d'arrosoir, sert de communication entre le réservoir et le bassin. Pendant la nuit, la soupape se dérange, et le jet d'eau fonctionne dans la chambre de madame Boulanger !
Au reste, pas de spectacle, pas d'argent : l'argent donne des tentations, le spectacle fait naître des désirs. Tous les dimanches, à vêpres et à la messe ! Voilà l'ordinaire de l'enfant, qui, de même qu'il a dessiné tout seul, et fait de la mécanique tout seul, commence à faire de la peinture tout seul.
A quatorze ans, il est atteint de la petite vérole, et, malade dangereusement, reste, pendant sa convalescence, enfermé près d'un mois dans sa chambre.
Pour se distraire, il peint sa cour, avec la concierge balayant. Le tableau existe : il est charmant ; on dirait un petit Van Ostade.
Un peu plus tard, il retrouve, en se jouant, les secrets de la peinture sur verre.
Après avoir hésité entre tous les peintres célèbres de Paris, sa mère se décida pour M. Ingres ; la moralité de tous les autres lui paraissait insuffisante ou suspecte.
A dix-neuf ans, il voit sa cousine, Marie-Elisabeth Monchablon, et en devient amoureux sur le coup. Elle avait quinze ans.
Le jour même où il la voit, il prie sa mère de la lui laisser épouser.
La mère ne demandait pas mieux ; seulement, elle trouvait aux deux enfants l'âge de deux fiancés, et non celui d'un mari et d'une femme.
Elle impose à Clément deux ans de noviciat.
Maria Monchablon peignait de son côté. – Vous connaissez les ravissantes aquarelles de madame Clément Boulanger ? Vous connaissez le beau travail fait par madame Cavé sur la peinture sans maître ? Madame Clément Boulanger et madame Cavé, c'est la même charmante femme, c'est la même spirituelle artiste, c'est Marie Monchablon.
Les enfants faisaient de la peinture ensemble. Marie avait commencé par être le maître de Clément ; Clément finit par être celui de Marie.
Pendant ce temps, grand progrès chez Ingres, et grande amitié d'Ingres pour son élève, qui gagne ses vingt et un ans, et peut enfin épouser sa cousine.
Le lendemain de leur mariage, les deux enfants se sauvent en Hollande.
Ils avaient hâte d'être libres, et surtout de se convaincre qu'ils étaient libres. Pendant trois mois, on ignora ce qu'ils étaient devenus.
Au bout de trois mois, ils reparurent. Les tourtereaux revenaient d'eux- mêmes à leur volière. Clément avait gagné, dans cette escapade, la rage du travail. Le jour même de son retour, il esquisse une Suzanne au bain qu'il termine en trois semaines. La couleur en est pâle et un peu monotone peut être, mais la composition est pittoresque.
Clément a deux admirations bien opposées : Ingres et Delacroix.
Il fait voir son tableau aux deux maîtres.
Chose extraordinaire ! tous deux donnent des éloges à l'auteur. La couleur plaît à M. Ingres ; seulement, il blâme le côté échevelé de la composition. Le côté échevelé de la composition plaît à Delacroix : seulement, il blâme la couleur. En somme, chacun d'eux dit au jeune homme : « Tu seras peintre ! »
Sur cette double promesse, Clément ne s'endort point : il envoie chercher une toile de quatorze pieds, et trace sur cette toile, en figures de grandeur naturelle, le Martyre des Macchabées. Cette fois, il s'inquiète peu de ce que dira M. Ingres ; c'est à Delacroix surtout qu'il veut plaire ; car, en admirant peut-être les deux peintres à un degré égal, c'est vers Delacroix que penche sa sympathie. Le tableau vient, flamboyant de couleur.
Sept mois suffisent à son exécution. Comme pour la Suzanne, le tableau fini, on convoque les deux maîtres.
Cette fois, c'est Delacroix qui arrive le premier. Delacroix est enchanté ; il n'a aucune observation à faire au jeune homme, et le comble de félicitations.
Le lendemain, M. Ingres arrive à son tour, pousse une espèce de grognement, recule comme si la réverbération d'une glace venait de frapper dans ses yeux, peu à peu son grognement se change en reproches : c'est de l'ingratitude, c'est de l'hérésie, c'est de l'apostasie !
Et M. Ingres sort furieux, en maudissant le renégat.
Sous le poids de cette malédiction, Clément s'apprête à partir pour Rome.
C'était, depuis bien longtemps, l'ambition des deux jeunes époux ; mais les grands-parents ne consentiront jamais à laisser voyager vingt et un ans avec dix-sept, trente-huit ans en deux personnes, et, sans les grands-parents, qui tiennent les cordons de la bourse, comment voyager ? - Il y a un dieu pour les voyageurs !
Un amateur visite l'atelier de Clément. Comme à Delacroix, le côté pittoresque de la Suzanne lui plaît ; il veut mettre la Suzanne dans son alcôve.
Mais Clément, qui n'ose pas demander six mille francs de la Suzanne, déclare qu'il ne veut pas vendre ce tableau tout seul et qu'il demande quatre mille cinq cents francs des Macchabées, quinze cents francs de la Suzanne.
L'amateur préférerait acheter la Suzanne seule ; mais Clément lui signifie que les tableaux sont inséparables. L'amateur ne comprend pas la cause de ce lien indissoluble qui attache la Suzanne aux Macchabées : il offre deux mille francs de la Suzanne seule.
Clément est inflexible ; la seule diminution qu'il puisse faire est de donner les deux tableaux pour cinq mille francs. L'amateur achète les Macchabées pour avoir la Suzanne, met la Suzanne dans son alcôve les Macchabées dans son grenier ; et voilà les deux jeunes gens à la tête d'une somme immense : cinq mille francs ! on fait cinq fois le tour du monde avec cela ! Alors, ils se sauvent en Italie comme ils se sont sauvés en Hollande, prennent un voiturin à Lyon, traversent le mont Cenis, et vont en vingt et un jours à Rome.
En partant pour l'Italie, Clément, avec son imagination dévorante, voulait tout voir. Sa femme ne désirait voir que trois choses : madame Laetitia, qu'on appelait alors Madame mère ; le Vésuve en éruption, et Venise en carnaval.
Les deux derniers désirs s'expliquent par la curiosité ; le premier, par le sentiment : Marie Monchablon était cousine du général Leclerc premier mari de la princesse Borghèse.
Il y avait donc parenté avec la famille Napoléon, parenté bien éloignée comme on voit ; mais on est parent de bien plus loin en Corse !
Horace Vernet était directeur de l'école de peinture à Rome.
La première visite des deux artistes devait naturellement être pour Horace Vernet ; mais, en sortant de chez Horace Vernet, on n'avait que le Monte- Pincio à traverser, la porte del Popolo à franchir, et l'on était dans la villa Borghèse.
Or, dans la villa Borghèse habitait Madame mère, que désirait tant voir madame Clément Boulanger.
Le hasard servit la jeune enthousiaste : Madame mère, dans sa promenade, passa devant elle.
Madame Clément avait bonne envie de se jeter à ses genoux – je conçois cela, car c'est ce que j'ai fait, moi qui ne suis pas un fanatique quand j'ai eu l'honneur d'être reçu, à Rome, par madame Laetitia, et qu'elle m'a donné sa main à baiser.
Oh ! c'est qu'on ne peut imaginer quelles proportions antiques l'exil donnait à cette femme ! Il me semblait voir la mère d'Alexandre, de César ou de Charlemagne.
Madame Laetitia avait regardé les deux jeunes gens, et leur avait souri comme la vieillesse sourit à la jeunesse, comme le couchant sourit à l'orient, comme la bonté sourit à la beauté.
Madame Clément revint chez elle ivre de joie.
Le soir, elle était invitée au palais Ruspoli, chez madame Lacroix ; toute joyeuse encore, et sans savoir qu'elle parlait devant le secrétaire de Madame mère :
- Ah ! dit-elle, je puis quitter Rome, ce soir.
- Comment cela ? Vous êtes arrivée ce matin !
- J'ai vu ce que je voulais voir.
- Ah !... Que vouliez-vous voir ?
- Madame mère.
Et, alors, elle raconta ce triple désir qui l'amenait en Italie : voir Madame mère, une éruption du Vésuve, et le carnaval de Venise.
Le secrétaire écouta ce grand enthousiasme sans rien dire ; mais, le même soir, il raconta ce qu'il avait entendu à la mère de César.
Celle-ci sourit, se rappela les deux beaux enfants qu'elle avait salués dans le jardin de la villa Borghèse, et demanda qu'ils lui fussent présentés le lendemain.
Le lendemain, tous deux étaient introduits dans la chambre à coucher de Madame mère ; c'était là que l'illustre aïeule se tenait habituellement.
- Venez ici, mon enfant, dit madame Laetitia en faisant signe à la jeune femme d'approcher, et dites-moi pourquoi vous désiriez tant de me voir.
- Mais parce qu'on dit que les fils ressemblent à leur mère.
Madame Laetitia sourit à cette charmante flatterie, plus charmante encore dans une bouche de dix-sept ans.
- Alors, répondit-elle, je vous souhaite un fils, madame !
- Mauvais souhait, princesse : j'aime mieux une fille.
- Et pourquoi cela ?
- Que voulez-vous qu'on fasse d'un garçon, depuis que l'empereur n'est plus là pour lui mettre un sabre ou une épée au côté ?
- Ayez toujours un fils, et il y aura peut-être un Napoléon sur le trône, au moment où ce fils sera en état de servir.
Etrange prédiction réalisée ! Madame Clément Boulanger a eu un fils ; ce fils a aujourd'hui vingt-deux ans, et est employé, sous un Napoléon, au ministère d'Etat.
Quelques jours après, invitée aux soirées de la reine Hortense, madame Clément Boulanger valsa pour la première fois – jeune fille, elle n'en avait jamais eu la permission ; jeune femme, elle n'avait pas encore eu le temps de le faire – madame Boulanger, disons-nous, valsa, pour la première fois, avec le prince Louis.
Puis on commença de se mettre sérieusement à la besogne.
Madame Clément Boulanger avait vu tout ce qu'elle désirait voir en voyant Madame mère, mais elle eût été bien désespérée qu'on l'empêchât de voir le reste !
Quand à Clément, il avait achevé une toile double de celle des Macchabées, et avait esquissé le tournoi des Tournelles : le sujet était Henri II tué, à travers sa visière, par l'éclat de lance de Grabriel de Montgomery. Ce tableau figurait à l'exposition de 1831, et est aujourd'hui au château de Saint-Germain.
De Rome, les deux amoureux partirent pour Naples. Madame Clément était enceinte, et pour lui faire une grossesse heureuse, la Providence lui ménagea l'éruption de 1832. De Naples, on revint à Florence. Là, Clément acheva et exposa dans une église son tableau du Corpus Domini.
Le tableau eut un grand succès, si grand, que les contadini des environs de Florence, qui venaient voir ce tableau en procession, entendant dire sans cesse que c'était le tableau du Corpus Domini, crurent, ne sachant pas ce que Corpus Domini voulait dire, que c'était le nom de son auteur, et appelaient bravement Clément Boulanger et sa femme M. et madame Corpus-Domini.
Pendant ce temps, les deux jeunes gens faisaient force courses dans la campagne, et, comme les parents ne voulaient pas quitter le petit Albert, on le mettait dans une corbeille qu'un homme portait sur sa tête.
C'était le fils de Corpus-Domini, et, à ce titre, il n'y avait chevrière qui ne lui donnât de son lait.
Dans ses moments perdus, Clément se souvenait de ses études de chimiste : il avait inventé un papier qui supprimait l'encre.
Il suffisait de tremper la plume dans la carafe, le ruisseau, la rivière ou tout simplement dans sa bouche, d'écrire avec de l'eau ou de la salive, et l'écriture noircissait au fur et à mesure que le bec de la plume traçait les caractères.
L'invention était si merveilleuse, que l'on résolut de monter une fabrique de papier sous un illustre patronage.
Ce patronage accordé, l'on apporta une feuille de papier chimique à madame Clément. Malheureusement ou heureusement, madame Clément était enrhumée ; elle éternua : le papier mouillé noircit aussitôt à tous les endroits où il était mouillé.
Cela donna fort à penser aux spéculateurs. Le papier devenait impossible pour les jours de pluie, et les jours de rhume !
On renonça à la fabrique.
Clément Boulanger était revenu à Paris au mois de février 1832, et, du 10 au 15 mars de la même année, autant que je puis me le rappeler, il couvrait chez moi de sa peinture large et facile un panneau de douze pieds de long sur dix de haut.
En 1840, Clément Boulanger partit pour Constantinople.
Depuis un an et demi, il était à Toulouse, où il peignait la Procession qui est aujourd'hui à Saint-Etienne-du-Mont. Ce travail en province l'avait fatigué : il voulait le grand air, le changement de lieux, la vie mouvementée enfin, au lieu de la vie sédentaire.
Il accepta la proposition que lui fit le voyageur Tessier, qui allait faire des fouilles dans l'Asie Mineure ; et, chargé par le département des beaux-arts de peindre un tableau représentant ces fouilles, Clément comme nous l'avons dit, partit en 1840
On arriva à Magnésie de Méandre, et l'on commença de creuser la terre.
Ce premier travail parut à Clément celui qui, étant le plus animé devait être surtout reproduit par lui.
Il fit son esquisse en pleine chaleur de midi, et attrapa, pendant son travail, un de ces coups de soleil si dangereux en orient.
Une fièvre cérébrale s'ensuivit. On était loin de tout secours : on n'avait autour de soi que de mauvais médecins grecs, dans le genre de ceux qui tuèrent Byron.
On suspendit un hamac dans une mosquée, et l'on y mit le pauvre malade.
Le troisième jour, le délire le prit ; le cinquième, il mourut en riant et en chantant, sans se douter qu'il mourait.
Tout le clergé grec de Constantinople vint chercher le corps du pauvre voyageur, qui était mort à vingt-huit ans, loin de ses amis, de sa famille, de son pays ! – à vingt-huit ans, comprenez-vous ? Comparez cet âge avec ce qu'il a fait !
Le corps fut transporté à dos de dromadaire.
Là-bas, comme ici, tout le monde l'aimait. Des gens de tous les pays et de tous les costumes suivaient le cortège.
Tous les bâtiments français en rade portaient les vergues croisées et le pavillon de deuil.
L'ambassade tout entière vint le recevoir à la porte de Constantinople, et un cortège de plus de trois mille personnes l'accompagna jusqu'à l'église française.
C'est là qu'il est couché, endormi, comme Ophélia, dans son rire et dans sa chanson !

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