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Chapitre 6
Un fait personnel

Parlons d'une lettre de moi qui a fait beaucoup plus de bruit que je ne désirais qu'elle en fit, et surtout qu'elle n'était appelée à en faire.
Un jour, un de mes amis vint me dire, tout indigné, que mademoiselle Augustine Brohan, correspondante du Figaro, sous le nom de Suzanne, venait sinon d'insulter, du moins d'attaquer Victor Hugo.
Je voudrais qu'une fois pour toutes on comprît bien le triple sentiment qui m'attache à Victor Hugo.
Je le connais depuis la soirée de Henri III, c'est-à-dire depuis le 11 février 1828; depuis ce jour, il est mon ami; depuis longtemps, j'étais son admirateur: je le suis toujours.
Seulement, aujourd'hui à ces deux sentiments s'en joint un troisième, pour lequel je cherche inutilement un nom. C'est au coeur de le comprendre; mais la langue ne peut l'exprimer.
Victor Hugo est proscrit.
Qu'éprouve de plus, pour un homme proscrit, celui qui déjà l'aime et l'admire?
Quelque chose comme une religion.
Eh bien, c'était contre cette religion que, à mon avis, venait d'être commis un acte qui ressemblait à un sacrilège, surtout de la part d'une artiste dramatique, surtout de la part d'une actrice qui a joué dans les pièces de Hugo, surtout de la part d'une femme!
Le coup qui ne pouvait atteindre Hugo me frappa profondément.
Je pris la plumé, et, sans intention aucune de publicité, j'écrivis à M. le directeur du Théâtre-Français la lettre suivante:
«Monsieur,
» J'apprends que le courrier du Figaro, signé Suzanne, est de mademoiselle Augustine Brohan.
» J'ai pour M. Victor Hugo une telle amitié et une telle admiration, que je désire que la personne qui l'attaque au fond de son exil ne joue plus dans mes pièces.
» Je vous serai, en conséquence, obligé de retirer du répertoire Mademoiselle de Belle-Isle et les Demoiselles de Saint-Cyr, si vous n'aimez mieux distribuer à qui vous voudrez les deux rôles qu'y joue mademoiselle Brohan.
» Veuillez agréer, etc.
» ALEX. DUMAS.»
Je savais parfaitement que je n'avais pas le droit de retirer mes pièces du répertoire; je savais parfaitement que je n'avais pas le droit de retirer mes rôles à mademoiselle Brohan.
Je protestais, voilà tout.
Si j'eusse eu le droit de retirer pièces ou rôles, je les eusse retirés par huissier, et n'eusse point écrit au directeur.
Je crus, en effet, un instant, que l'on avait accédé à ma prière. On joua les Demoiselles de Saint-Cyr, et mademoiselle Fix avait repris le rôle de mademoiselle Brohan.
Mais on joua Mademoiselle de Belle-Isle, et mademoiselle Brohan avait conservé son rôle.
C'est alors seulement que je crus que ma lettre devait être publiée, et que je la publiai.
Cette lettre fit un effet auquel j'étais loin de m'attendre. Je n'y avais vu qu'un acte d'amitié: on y vit un acte, — à peine oserai-je le dire — un acte de courage.
De courage, bon Dieu! on est courageux à bon marché, par le temps qui court!
La lettre eut un écho rapide dans un grand nombre de coeurs.
Je reçus cinquante cartes, je reçus vingt lettres.
Je me contenterai de citer trois de ces lettres.
«Monsieur Alexandre Dumas,
» Ce sont d'obscurs citoyens inconnus de vous, inconnus de M. Victor Hugo, qui, au nom de la gloire et de l'infortune insultées par une femme, viennent, dans toute l'effusion de leur coeur, vous remercier de votre noble lettre à M. Empis.
» Général TRAVAILLAUD; AUGUSTE OLLIER; SALVADOR BER; J. GAUDARD.»
«Cher Dumas,
» Du fond de notre chartreuse, où votre souvenir est vivant comme
partout où nous vivons, je vous embrasse avec la plus vive
tendresse; c'est un élan de soeur qui vous remercie de vous
ressembler toujours, fidèle ami du malheur. Pauline a bondi pour
m'apprendre cette sublime et simple protestation qui soude ensemble
les deux plus grands coeurs du monde et nos deux plus chères
gloires: la sienne s'appelle Souffrance et la vôtre Bonté,
» Merci pour nous tous de la part du bon Dieu.
» MARCELINE [Note bas de page: Madame Desbordes-Valmere.].»
«Cher Dumas,
» Les journaux belges m'apportent, avec tous les commentaires glorieux que vous méritez, la lettre que vous venez d'écrire au directeur du Théâtre-Français.
» Les grands coeurs sont comme les grands astres: ils ont leur lumière et leur chaleur en eux; vous n'avez donc pas besoin de louanges; vous n'avez donc pas même besoin de remerciements; mais j'ai besoin de vous dire, moi, que je vous aime tous les jours davantage, non-seulement parce que vous êtes un des éblouissements de mon siècle, mais aussi parce que vous êtes une de ses consolations.
» Je vous remercie.
» Mais venez donc à Guernesey; vous me l'avez promis, vous savez. Venez y chercher le serrement de main de tous ceux qui m'entourent, et qui ne se presseront pas moins filialement autour de vous qu'autour de moi.
» Votre frère,
» VICTOR HUGO.»

N'est-ce pas trop, en vérité, de trois lettres pareilles, en récompense d'avoir accompli un simple devoir, cédé à un premier mouvement de coeur?
Ah! monsieur de Talleyrand, vous avez proféré un grand blasphème,
quand vous avez dit: «Ne cédez pas à votre premier mouvement, car
c'est le bon.»
Mais, comme vous vous êtes enlevé une grande joie en le mettant en pratique, j'espère que Dieu ne vous a pas imposé d'autre punition en l'autre monde que celle que vous vous étiez faite à vous-même en celui-ci.
Le choeur de désapprobation qui s'était élevé contre mademoiselle Augustine Brohan était tel, qu'elle crut devoir me répondre.
Un matin, on m'apporta le Constitutionnel, et j'y lus cette lettre:
«Monsieur le Rédacteur,
» J'ai lu, dans l'Indépendance belge, une lettre par laquelle M. Alexandre Dumas père invite M. l'administrateur général de la Comédie-Française à retirer du répertoire les pièces de Mademoiselle de Belle-Isle et des Demoiselles de Saint-Cyr, ou à distribuer à une autre artiste les rôles dont je suis chargée dans ces ouvrages.
» M. Dumas sait très-bien qu'il n'a le droit, ni de retirer les pièces du répertoire, ni d'en changer la distribution.
» Il doit savoir également que, depuis plus d'un an, j'ai spontanément renoncé, en faveur de mademoiselle Fix, au rôle, un peu trop jeune pour moi, de la pensionnaire de Saint-Cyr.
» Ce qu'il ignore, peut-être, c'est que je n'ai joué le rôle secondaire de la marquise de Prie dans Mademoiselle de Belle-Isle, pour les débuts de mademoiselle Stella Colas, qu'à regret et sur les instances réitérées de M. Empis.
» J'y renoncerai avec empressement, le jour où le jugera convenable M. l'administrateur du Théâtre-Français, à qui j'ai été heureuse de prouver en cette occasion mon désir de lui plaire.
» Quant à la leçon que M. Dumas prétend me donner, je ne saurais l'accepter. J'ai pu, dans un moment inopportun peut-être, porter un jugement consciencieux sur des actes et des écrits que leur auteur lui-même livrait au public; je ne blessais ni d'anciennes amitiés, ni même d'anciennes admirations. Mais, dans ces questions délicates, moins qu'à personne il appartient de prendre la parole à l'homme qui n'a pas su respecter dans ses anciens bienfaiteurs un exil doublement sacré.
» Agréez, etc.,
» A. BROHAN.»

Nous ne sommes de l'avis de mademoiselle Brohan, ni sur le rôle de mademoiselle Mauclerc, ni sur celui de madame de Prie.
Mademoiselle Augustine Brohan, âgée de trente-sept ans à peine, et toujours jolie, pouvait parfaitement jouer la pensionnaire de Saint-Cyr, puisque mademoiselle Mars, à cinquante, jouait celui de la duchesse de Guise, et, à cinquante-huit, celui de mademoiselle de Belle-Isle.
Quant au rôle secondaire de madame de Prie, qu'elle a joué par complaisance, dit-elle, peut-être est-il devenu un rôle secondaire aujourd'hui; mais, du temps de mademoiselle Mante, c'était un premier rôle; j'en appelle à tous ceux qui l'ont vu jouer à cette éminente actrice.
Passons à mon ingratitude envers mes bienfaiteurs.
Je ne discuterai pas avec mademoiselle Brohan la signification multiple de ce mot bienfaiteur. Je le prends dans son sens ordinaire et moral. Donc, quant à mon ingratitude envers mes bienfaiteurs, je remercie mademoiselle Augustine Brohan de me placer sur ce terrain. Je vois que, malgré ma lettre, elle est toujours restée mon amie.
Attaqué, je dois répondre.
Ceux qui ont lu mes Mémoires savent qu'entré dans les bureaux du duc d'Orléans, en 1823, sur la recommandation du général Foy, j'y restai sept ans:
Une année, comme expéditionnaire, à 1,200 francs;
Trois ans, comme employé au secrétariat, à 1,500 francs;
Deux ans, comme commis d'ordre, à 2,000 francs;
Deux ans, comme bibliothécaire adjoint, à 1,200 francs.
Là se sont bornés à mon égard les bienfaits du duc d'Orléans (Louis-Philippe), bienfaits en échange desquels je lui consacrais neuf heures de mon temps par jour.
En 1830, je donnai ma démission de bibliothécaire adjoint, afin d'avoir le droit non-seulement d'avoir une opinion, mais encore de la dire tout haut.
Je perdis immédiatement la protection de mon bienfaiteur couronné, et jamais depuis je ne la reconquis, ni n'essayait de la reconquérir.
Mais, en compensation, je conservai une amitié bien précieuse: celle du prince royal.
Ah! celui-là fut mon véritable bienfaiteur.
J'obtins de lui la grâce d'un homme condamné aux galères.
J'obtins de lui la vie d'un homme condamné à mort.
Aussi, envers celui-là, ma reconnaissance ne s'est point démentie: je l'ai aimé et respecté vivant; mort, je le vénère.
Racontons en deux mots comment se nouèrent plus tard les relations que j'eus l'honneur d'avoir avec M. le duc de Montpensier.
C'était à la première représentation des Mousquetaires, à l'Ambigu, le 27 octobre 1845.
La pièce en était au huitième ou dixième tableau, et était en train de conquérir le succès qui se traduisit par cent cinquante ou cent soixante représentations consécutives.
Le duc de Montpensier assistait à la représentation.
Pasquier, son chirurgien, vint frapper à ma loge.
— Le duc de Montpensier te demande, me dit-il.
— Pour quoi faire?
— Mais pour te faire ses compliments.
— Je ne le connais pas.
— Vous ferez connaissance.
— Je suis en redingote et en cravate noire.
— Un jour de triomphe, on n'y regarde pas de si près.

Je suivis Pasquier.
Trois mois après, la direction du Théâtre-Historique était accordée à M. Hostein.
Un an plus tard, le Théâtre-Historique jouait la Reine Margot, comme pièce d'ouverture.
Je paye aujourd'hui deux cent mille francs ce bienfait de M. le duc de Montpensier; mais je ne lui en suis pas moins reconnaissant.
Et la preuve, c'est que, le 4 mars 1848, c'est-à-dire sept jours après la révolution de février, au milieu de l'effervescence républicaine qui remplissait les rues de bruit et de clameurs, j'écrivis cette lettre dans le journal la Presse:
à monseigneur le duc de Montpensier.
«Prince,
» Si je savais où trouver Votre Altesse, ce serait de vive voix, ce serait en personne que j'irais lui offrir l'expression de ma douleur pour la grande catastrophe qui l'atteint personnellement.
» Je n'oublierai jamais que, pendant trois ans, en dehors de tout sentiment politique et contrairement aux désirs du roi, qui connaissait mes opinions, vous avez bien voulu me recevoir et me traiter presque en ami.
» Ce titre d'ami, monseigneur, quand vous habitiez les Tuileries, je m'en vantais; aujourd'hui que vous avez quitté la France, je le réclame.
» Au reste, monseigneur, Votre Altesse, j'en suis certain, n'avait point besoin de cette lettre pour savoir que mon coeur est un de ceux qui lui sont acquis.
» Dieu me garde de ne pas conserver dans toute sa pureté la religion de la tombe et le culte de l'exil.
» J'ai l'honneur d'être avec respect,
» Monseigneur, de Votre Altesse royale,
» Le très-humble et très-obéissant
serviteur,
» ALEX. DUMAS.»
à cette époque, et pendant le moment d'effervescence où l'on se trouvait, il y avait quelque danger à écrire une pareille lettre.
Et vous allez le voir, chers lecteurs.
Le lendemain ou le surlendemain du jour où cette lettre parut, il y avait, à la Bastille, inhumation des citoyens tués pendant les trois jours de 1848.
Ils allaient rejoindre les patriotes de 1789 et de 1830.
J'assistai à cette fête, avec mon costume de commandant de la garde nationale de Saint-Germain.
Je revenais de la Bastille.
Depuis quelque temps, j'entendais une rumeur grossissante derrière moi.
à l'entrée de la rue de la Grange-Batelière, je crus m'apercevoir que j'étais l'objet de cette rumeur, et je me retournai.
En effet, un homme avait ameuté une cinquantaine d'individus et me suivait avec eux.
En voyant que je me retournais, cet homme vînt à moi.
— C'est donc toi, citoyen Alexandre Dumas, me dit-il, qui appelle Montpensier monseigneur?
— Monsieur, lui répondis-je avec ma politesse accoutumée, j'appelle toujours un exilé monseigneur; c'est une mauvaise habitude peut-être; mais, que voulez-vous! elle est prise ainsi.
— Eh bien, tiens, continua le citoyen X..., voilà pour ta peine.

Et, à ce mot, il tira un pistolet de dessous son paletot, et me le mit sur la poitrine.
Un jeune homme que je ne connaissais pas, M. émile Mayer, qui demeure aujourd'hui rue de Buffaut, n° 17, releva avec son bras le pistolet du citoyen X...
Le pistolet partit en l'air.
J'avais tiré mon sabre du fourreau; je pouvais le passer au travers du corps du citoyen X...; je jugeai la reprêsaille inutile; je rentrai chez moi.
L'événement se passa en plein jour et devant deux cents personnes; il est donc incontestable, et, s'il était contesté, vingt témoins seraient là pour affirmer ce que je raconte.
Le bruit n'en est pas venu jusqu'à mademoiselle Brohan.
Cela n'a rien d'étonnant; on faisait tant de bruit à cette époque, surtout au Théâtre-Français, où mademoiselle Rachel chantait la Marseillaise.
Mais le bruit en vint jusqu'à M. le prince de Joinville.
Lorsqu'il fut question de former l'Assemblée constituante, un de ses aides de camp vint me trouver de sa part.
C'était un capitaine de frégate.
— Monsieur Dumas, me dit-il, le prince de Joinville désire se mettre sur les rangs pour la députation.

Je m'inclinai, attendant la suite de l'ouverture.
Le capitaine continua.
— Il me charge de vous demander votre avis sur la façon dont doit être rédigée sa profession de foi.
— Ah! répondis-je, monsieur, c'est bien simple! Et je pris une feuille de papier, et j'écrivis:

«Saint-Jean d'Ulloa. — Tanger. — Mogador.
» Retour des cendres de Sainte-Hélène.
» JOINVILLE.»
— Voilà, dis-je en remettant la feuille de papier au capitaine, la meilleure profession de foi que, à mon avis, puisse faire M. le prince de Joinville.

Le prince de Joinville adopta une autre rédaction.
Je crois qu'il eut tort.
L'Assemblée nationale réunie, on discuta la loi d'exil.
J'avais alors un traité avec le journal la Liberté. J'y étais entré au mois de mars, lorsqu'il tirait à douze ou treize mille exemplaires.
Au 15 mai suivant, il tirait à quatre-vingt-quatre mille.
La Liberté était devenue une puissance.
C'était un M. Lepoitevin Saint-Alme qui en était rédacteur en chef.
Je crus devoir protester contre la loi d'exil, qui frappait tous les membres de la famille d'Orléans.
J'apportai ma protestation à M. Lepoitevin Saint-Alme, qui refusa de l'insérer.
Je rompis mon traité avec la Liberté.
Puis j'allai porter ma protestation de journal en journal.
Tous refusèrent.
J'allai à la Commune de Paris, c'est-à-dire dans la gueule du lion.
J'attaquais tous les jours Sobrier et Blanqui.
La Commune de Paris fit ce qu'aucun journal n'avait osé faire, elle inséra ma protestation.
Ce n'est pas tout.
Lorsque le prince Louis-Napoléon fut nommé président de la République, je lui adressai, le 19 décembre 1848, une lettre sur le même sujet, et qui fut publiée par le Journal l'événement.
étrange coïncidence, l'événement, dans lequel je demandais le rappel de tous les exilés, était le journal de Victor Hugo!
Ceux qui désireront lire cette lettre la trouveront à la date du 19 décembre.
Enfin, lorsque le roi Louis-Philippe mourut, je fis le voyage de Paris à Claremont pour assister à son convoi, comme, dix ans auparavant, j'avais fait le voyage de Florence à Dreux pour assister à celui du duc d'Orléans.
Selon toute probabilité, ces différents faits ne sont point parvenus à la connaissance de mademoiselle Augustine Brohan.
Il n'y a rien là d'étonnant; à cette époque, mademoiselle Augustine Brohan n'était pas encore journaliste.
Une dernière anecdote.
On se rappelle que c'est sous l'influence du duc de Montpensier que le Théâtre-Historique s'était ouvert.
Le duc de Montpensier avait sa loge au Théâtre-Historique.
La révolution de février terminée, le duc de Montpensier parti, sa loge, dont il n'avait pas renouvelé la location, se trouvait vacante.
J'allai trouver M. Hostein et le priai de ne louer cette loge à personne, la prenant pour mon compte.
M. Hostein y consentit.
Pendant près d'un an, la loge du duc de Montpensier resta vide, et éclairée aux premières représentions, comme si elle l'attendait.
Il y a plus: le duc de Montpensier, à chaque première représentation, recevait, avec une lettre de moi, son coupon de loge à Seville.
Au bout d'un an, son secrétaire intime, M. Latour, vint faire un voyage à Paris.
à peine arrivé, il accourut chez moi.
Il venait me faire des compliments de la part du prince.
Après avoir causé de beaucoup de choses, — les sujets de conversation ne manquaient point à cette époque, — nous en arrivâmes au Théâtre-Historique.
— à propos, me dit-il, ai-je encore mes entrées?
— Où cela?
— Au Théâtre-Historique.
— Parbleu!
— Je veux dire mes entrées sur la scène.
— Avez-vous toujours votre clef de communication?
— Oui.
— Eh bien, cher ami, servez-vous-en ce soir; les révolutions changent les gouvernements, mais elles ne changent pas les serrures. Seulement, à mon tour. — à propos...
— Quoi?
— Le prince reçoit ses coupons de loge, n'est-ce pas?
— Certainement.
— Qu'a-t-il dit quand il a reçu le premier?
— Il s'est mis à rire en disant: «Ce farceur de Dumas!»
— Tiens, c'est singulier, répondis-je; à sa place, je me serais mis à pleurer.

J'allai à mon bureau.
— Vous écrivez? me demanda Latour.
— Oh! rien, un mot.

J'écrivais, en effet.
J'écrivais à M. Hostein:
«Mon cher Hostein,
» Vous pouvez, à partir de demain, disposer de l'avant-scène de M. le duc de Montpensier. Je trouve que c'est un peu trop cher, de payer une loge à l'année pour faire rire un prince.
» Tout à vous,
» ALEX. DUMAS.

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