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Chapitre XCIII
Le jugement

Quand Olympe revint à elle, il était tard; tout avait disparu, deux femmes seulement la gardaient, l'ayant adossée à un banc sous un arbre, en lui disant de douces paroles, car les femmes, entre elles, comprennent et savent consoler les malheurs.
Elle se rappela, elle poussa un cri, elle demanda où elle était et ce
que l'on avait fait de Bannière.
Ces femmes ne comprenaient pas bien ce qui s'était passé; elles racontèrent que les dragons, sur l'ordre du commandant, avaient dispersé la foule, tandis que d'autres emmenaient dans l'intérieur de la caserne un homme vêtu d'un habit de velours noir.
Olympe sentit qu'un drame terrible allait commencer pour elle, que peut-être on priverait Bannière de sa liberté, que pour faire un exemple ou pour satisfaire quelque rancune, on sévirait contre le pauvre garçon. Elle démêla promptement une perfidie de l'abbé d'Hoirac.
A qui s'adresser? où trouver l'appui, le crédit nécessaire pour entamer des négociations?
Quel homme en cette ville allait prêter son bras désintéressé à la pauvre femme?
Olympe n'hésita pas. Elle se rappela ce que Champmeslé avait dit de sa visite aux jésuites, de la nuit qu'il y passerait.
Elle devait trouver un protecteur dans Champmeslé.
Se redressant au milieu des femmes, à qui elle rendit mille grâces, elle se fit sur-le-champ indiquer la maison des jésuites, et on l'y conduisit. Champmeslé, après avoir satisfait aux formalités prescrites par l'ordre, venait de recevoir l'autorisation de souper et de se coucher dans une petite cellule.
Il mangeait la maigre pitance que les jésuites offraient aux sujets peu chéris des supérieurs, et se consolait de ses misères en songeant au bien qu'il avait fait, lorsque la cloche, agitée par Olympe, le fit tressaillir.
Sa pensée était trop bien liée à ceux qu'il venait de quitter, pour que, sans transition aucune, il pût attribuer ce nouveau bruit à quelque chose venant d'eux.
On vint l'avertir qu'une femme voulait à tout prix lui parler pour une confession.
C'était le moyen dont s'était servi Olympe, avec sa présence d'esprit ordinaire, pour pénétrer jusqu'à Champmeslé.
Surpris au dernier point, il se hâta d'accourir et reçut Olympe, en larmes et presque évanouie, dans ses bras.
- Oh! s'écria-t-elle, au secours!
- Qu'y a-t-il, chère madame?
- Ils me l'ont enlevé!
-Qui?
- Mon mari.
- Qui vous l'a enlevé?
- Les dragons.
- Est-elle folle? se demanda Champmeslé, qui, en même temps, sur cette hypothèse, demanda simplement à Olympe si Bannière ne l'avait pas accompagnée.
- Mais, s'écria-t-elle douloureusement, je vous dis qu'ils m'ont séparée de lui. Il s'était engagé sur mon conseil, afin d'échapper aux poursuites de l'official ; M. de Mailly l'avait dans son régiment; Bannière s'est évadé; on l'a trouvé, on le reprend.
- Oh! oh! fit Champmeslé sérieux, c'est un cas grave.
- Mon Dieu!
- Ne vous effrayez pas trop, le cas n'est pas désespéré peut-être.
- Que faut-il faire?
- Mais, je ne sais trop, moi.
Il perdait la tête, le brave homme. Il avait été comédien, il était prêtre, mais il n'avait jamais été soldat.
- Voyons, insista Olympe, le temps presse.
- C'est vrai. Mais que faire? Voyons, contez-moi un peu les détails.
Olympe raconta tout ce que le lecteur vient d'apprendre.
- En effet, murmura Champmeslé, cet abbé musqué m'aborda en me disant: «Ne connaissez-vous pas cette dame ?"
- Et vous m'avez nommée?
- Assurément.
- Oh! mon Dieu! C'est moi qui ai perdu mon mari.
- Non, non; tenez j'ai envie de demander conseil au recteur d'ici.
- Gardez-vous-en! Bannière a été novice; en cette qualité, il doit avoir laissé de mauvais souvenirs chez les jésuites; ils lui en veulent peut-être.
- Eh bien! qu'ils lui en veuillent! mais au moins ils ne le tueront pas.
- Que voulez-vous dire? s'écria Olympe avec épouvante. Quel mot avez-vous prononcé là! Ils ne le tueront pas. Mais les autres le tueront donc!
- Je n'ai pas dit cela.
- Expliquez-vous, au nom du ciel! Que peut-on vouloir faire à Bannière?
- Ah! mon amie, fit Champmeslé, très aflligé d'avoir parlé si imprudemment; je ne sais pas, mais, en allant à la caserne, nous le saurons.
- Allons à la caserne! allons!
Et elle saisit le bras de Champmeslé, qu'elle entraîna comme une folle vers la porte.
- Un moment, madame, dit-il; je ne suis pas libre ici; pour sortir, il faut que j'aille demander mon exeat!.
- Qu'est-ce?
- Un papier signé du recteur, une passe, ce que vous voudrez, mais qui est indispensable pour que le portier me laisse sortir.
En effet, il fallut aller demander l'exeat et raconter l'affaire au recteur, lequel, avec ce flegme mauvais des despotes de troisième ordre, dit à Champmeslé:
- En vérité, mon frère, vous avez des relations bien mondaines; voilà une heure à peine que vous êtes parmi nous, et déjà vous avez à sortir avec une femme.
- Eh ! mon père, l'humanité! dit Champmeslé.
- Mon frère, l'humanité n'est pas toujours une raison d'enfreindre la règle.
- Mais le temps presse!
- Mon frère, sortez, mais réfléchissez que nous sommes dégagés de toute famille et de toute amitié sur la terre, précisément pour n'avoir pas à faire les choses que vous faites ce soir.
Champmeslé n'écouta rien de plus; il fondit sur l'exeat demandé, fit sortir devant lui Olympe, qui commençait à se ronger les poings d'impatience, et la conduisit à la caserne.
Ce furent là d'autres négociations bien plus difficiles.
Pour sortir des jésuites, il fallait lever une consigne avec un exeat; pour entrer chez les dragons, il fallait forcer une consigne avec des prières.
Le dragon de garde fut inflexible.
Olympe, tandis que Champmeslé parlementait et secouait le factionnaire avec sa logique, se glissa sous la carabine du cavalier, et courut comme une folle vers les logements qu'elle voyait éclairés à l'intérieur.
Une grande clarté resplendissait dans une salle haute que beaucoup de dragons encombraient depuis l'escalier jusqu'aux portes.
Nul ne la laissa passer; d'ailleurs le factionnaire avait donné l'alarme. On la saisit, on la retint prisonnière.
Elle voulut parler au commandant, on lui dit qu'il était en affaires. Elle voulut crier, se révolter, on la prévint qu'elle serait garrottée, ou bâillonnée, ou jetée dehors.
La brutalité l'effraya moins que l'exclusion. Cependant elle revint à Champmeslé, qui, enfin, d'officier en officier, avait fini par se frayer un chemin.
Olympe eut une inspiration. Elle se rappela que plusieurs des officiers, parmi lesquels le commandant lui-même, avaient soupé avec elle à Avignon, lors du premier départ de M. de Mailly pour Paris avant son mariage.
Elle demanda une plume, de l'encre, se fit aider de Champmeslé, et écrivit au commandant une lettre touchante dans laquelle elle contait toutes ses aventures et s'avouait la maîtresse de M. de Mailly. La lettre eut le résultat qu'elle attendait: le commandant voulut bien se rendre à la recevoir.
Aux premiers mots qu'elle dit:
- Ah! madame, s'écria-t-il, c'est donc vous, vous que j'ai vue si heureuse!
- Je serai heureuse encore, dit-elle, monsieur, si vous me rendez mon mari.
- Votre mari! Bannière est réellement votre mari?
- Voici, monsieur, le digne ecclésiastique par qui nous avons été mariés.
- Ah! mon Dieu! murmura le commandant, qui cacha son visage dans ses mains.
- Monsieur, monsieur, dit Olympe, mais qu'avez-vous donc? Qu'y a-t-il? Ne me cachez rien.
- Hélas!
- Je ne suis pas une femmelette; j'aime tant Bannière que l'incertitude à son égard me serait un coup mortel, que l'ignorance de sa situation serait la torture avant la mort.
- Vous avez du courage, reprit l'officier, mais ce ne peut être assez du courage pour supporter tout ce que vous allez avoir à souffrir. Olympe pâlit. Elle se rapprocha de Champmeslé, comme pour prendre sur son bras l'appui dont elle allait avoir besoin.
- Madame, continua le commandant, suivez mon conseil; ne forcez pas la nature à plus de résolution et de fermeté qu'elle n'en a. Acceptez la main de monsieur l'abbé et quittez-nous.
- Vous quitter! Et Bannière?
Ces mots furent prononcés avec un accent qui n'admettait pas de réplique ou de discussion; l'officier vit luire un tel éclair dans ses yeux, que rien ne pouvait éteindre ou arrêter l'explosion.
- Monsieur, continua Olympe enhardie et remise à la fois par le silence de l'officier, rappelez-vous bien une chose: c'est que j'ai été liée à Bannière pour la vie; pour la vie, entendez-vous bien? Jusqu'à la mort, et pas une seconde, les hommes n'ont le droit de séparer ce que Dieu vient d'unir. Au nom de ce Dieu qui nous entend, je vous adjure de me réunir à mon mari.
- Demandez-moi toute autre chose, madame, mais pour celle-là ...
- Comment! mais Bannière a-t-il commis un crime? Bannière est-il hors de la société humaine!
- Bannière, madame, est un déserteur.
- Eh bien, les déserteurs, que leur fait-on?
- Ah! Madame...
- Enfin, parlez ! .
- Non, madame, non!
- Ah! s'écria Olympe avec un désespoir qui touchait au délire, mon mari! je veux voir mon mari!
L'officier allait encore refuser.
Champmeslé s'approcha de l'officier.
- Monsieur, dit-il, je connais le caractère de cette pauvre femme; vous l'allez exaspérer: une fois qu'elle aura perdu l'empire qu'elle exerce d'ordinaire sur sa raison, vous serez effrayé de ses violences. Accordez-lui ce qu'elle vous demande.
L'officier prit Olympe par la main et la: fit entrer dans le bâtiment. Ils marchèrent environ deux minutes, traversèrent des salles, et montèrent des degrés jusqu'à ce qu'enfin ils fussent arrivés à une grande cour pleine de soldats fort affairés et attendant.
Le commandant, tenant toujours Olympe par la main, s'adressa à l'un de ces soldats.
- Le conseil est-il assemblé?
- Oui, mon commandant.
- Monsieur, dit l'officier à Champmeslé, je mets madame sous votre garde. Vous, ajouta-t-il en désignant trois dragons, je vous confie ces deux personnes. Conduisez-les dans la salle attenante à la salle du conseil.
- Voit-on là mon mari? demanda Olympe.
- Non, madame, pas en ce moment; mais après vous le verrez.
- Après! s'écria Olympe. Après quoi? Oh! ces hommes m'épouvantent avec leurs réticences sinistres! C'est tout de suite que je veux le voir.
- Monsieur! dit Champmeslé suppliant parce qu'il prévoyait une crise douloureuse.
- Dragons, dit le commandant, conduisez ces deux personnes dans la petite tribune, et gardez-les à vue.
- Madame, ajouta-t-il en s'inclinant devant Olympe, encore une fois, c'est vous qui l'avez voulu. Souvenez-vous que j'ai résisté. Souvenez-vous qu'en accomplissant votre souhait, j'ai cédé à la crainte de vous faire plus de mal par mon refus que mon consentement ne va vous en causer tout à l'heure.
Et il sortit précipitamment.
Les dragons conduisirent Olympe, tremblante, pâle et glacée, avec Champmeslé tout frissonnant, dans la salle même du conseil.
Alors commença pour ces malheureux le spectacle le plus sinistre qu'il soit donné à des cœurs aimants de subir en ce monde.
La salle, vieux vaisseau à pilastres de la Renaissance brisés par l'usage et la mutilation volontaire, renfermait, sur une estrade, une vingtaine d'officiers à peu près, vêtus de rouge, et paraissant, à la lueur de quelques flambeaux tenus par des soldats.
Le commandant vint prendre place à la longue table, placée sur cette estrade, et que présidait le major, faisant fonction de lieutenant-colonel ou du colonel absent.
L'obscurité emplissait les coins de cette salle et semblait tomber en noires vapeurs du haut des voûtes raboteuses.
Le major fit l'appel des officiers et inscrivit le nombre des présents. Puis, d'une voix lugubre:
- Amenez le coupable, dit-il.
Une porte s'ouvrit à la gauche de l'estrade; deux dragons, le sabre au poing, amenèrent Bannière vêtu de noir et pâle comme une statue de cire.
- Accusé, dit le major, vous vous nommez Bannière?
- Oui, monsieur.
- Appelez-moi major. Je ne suis pas monsieur pour vous, je suis votre major.
Bannière se tut.
- Vous reconnaissez votre signature au bas de cet engagement volontaire?
- Oui.
- Vous reconnaissez avoir reçu de deux sous-officiers que voici: 1 ° Un cheval?
- Oui.
- 2° Un habit d'uniforme?
- Oui.
- 3° Un sabre et un pistolet dans les fontes?
- Je crois que oui.
- Ces objets, vous les avez vendus?
- Je les ai échangés pour des habits civils.
- Pourquoi vous êtes-vous enfui?
- Je n'ai jamais pensé que je fusse soldat du roi. Mon engagement avait été signé pour me tirer des prisons de l'official, où l'on me retenait comme échappé du noviciat des jésuites.
- C'était une raison de plus pour respecter les clauses de votre engagement. Quoi qu'il en soit, vous vous êtes enfui. Le fait est constaté par votre absence matérielle.
Bannière se tut.
- Messieurs, dit le major en s'adressant aux officiers, la constatation est-elle satisfaisante pour vous, et l'identité vous paraît-elle acquise?
-Oui, répondirent les officiers d'une seule voix.
- Eh bien! reprit le major, nous appliquons au fugitif Bannière, dragon du régiment de Mailly, la peine portée en l'article 6 de l'ordonnance royale, et ordonnons que cette peine soit exécutoire sur le moment même.
à ces mots il se leva; les officiers l'imitèrent; un grand tumulte se fit dans cette vaste salle, qui sembla engloutir dans les ténèbres officiers, soldats et condamné.
Champmeslé demeura cloué sur la barre qui lui servait d'appui. Olympe, raidie comme si elle eût déjà été morte, demanda d'une voix sépulcrale :
- Eh bien! la peine ... quelle peine?
- Pardieu! ... dit un des dragons, à qui le bon Champmeslé marcha sur la botte d'une façon tellement significative, que celui-ci arrêta sa phrase commencée.
Le commandant arriva sur ces entrefaites, et voyant Olympe encore debout :
- Allons, madame, dit-il avec douceur, si vous voulez dire quelques mots au pauvre Bannière, venez.
Elle marcha ou plutôt elle vola sur les pas de l'officier, jusqu'à ce qu'il l'eût conduite dans cette petite salle, voisine de la grande, où le condamné, seul avec un dragon, attendait, les mains jointes et le regard perdu, comme un homme en délire, ou comme un rêveur plongé dans la contemplation.
Olympe fondit sur cette chère proie, l'enveloppa de ses bras et réchauffa son mari sur son cœur.
- Ah! fit celui-ci, Olympe! chère Olympe! oui! oui!
Et il demeura dans cette même immobilité, bien autrement effrayante que la douleur.
Elle fut elle-même saisie d'effroi.
- Quoi! dit-elle, où est le courage?
- Du courage ... murmura-t-il, pourquoi du courage?
- Ne suis-je pas là?
- Pour combien de temps es-tu là? dit-il.
- Mais pour toujours. Oh! l'on ne nous séparera pas!
- Me voilà bien avancé! répliqua l'infortuné, comme si ces paroles sortaient d'une bouche de marbre; tu mourras avec moi, la belle fortune! Et il accentua cette phrase terrible d'un rire strident et convulsif.
- Mourir ! dit-elle, mourir! toi? moi, mourir?
- Sans doute.
Elle regarda Champmeslé, qui tenait ses deux mains sur les épaules de Bannière.
- Est-ce qu'on meurt pour avoir déserté, monsieur Champmeslé?
- Pardieu ! fit Bannière du même ton que le dragon avait commencé à le dire quand Champmeslé l'avait arrêté.
Olympe passa une main sur son front et rassembla toutes ses idées.
- M. de Mailly te sauvera, dit-elle; n'est-ce pas le colonel de ce régiment? Tu es sauvé!
Elle frappa rudement à la porte, qui s'ouvrit. Dans le couloir était l'officier, son protecteur, avec quelques autres; elle n'eut pas besoin de l'aborder, il courut à elle.
- Monsieur, dit-elle, à présent, je sais tout; faites-moi parler au major.
- Volontiers, madame; je viens de lui conter votre douloureuse histoire; il fait rédiger au greffier le procès-verbal de cette séance. Entrez ici.
Olympe aperçut en effet dans son cabinet le major debout et dictant. Elle se mit à deux genoux avec une telle promptitude, que ce gentilhomme fut surpris et troublé.
- Monsieur, dit-elle, la vérité! où est M. de Mailly? Est-ceM. de Mailly qui a fait faire ce que vous avez fait?
- Madame, répondit le major, voici la lettre qui est arrivée hier ici de la part de M. le comte de Mailly, notre colonel.
Il tendit à Olympe un papier dont elle reconnut bien vite l'écriture.
«Monsieur, lut-elle, je pars pour Vienne; mon ambassade durera peut-être un ou deux ans; soignez mon régiment plus que jamais, complétez les cadres du service, et recevez les officiers nouveaux que j'envoie; veillez à ce que tous les déserteurs soient saisis et exécutés immédiatement, selon l'ordre du roi. Je vous rends responsable de la moindre infraction à mes ordres, du moindre retard apporté à leur exécution.
«Signé: Comte de MAILLY.»
- Vous voyez, madame, dit le major.
- Où est monsieur le comte?
- Parti pour Vienne.
- Oh! je saurai bien ...
Elle s'arrêta.
- Vous voyez, madame, tout est impossible. Olympe se tut.
- M. de Mailly a daté cette lettre du 30, nous sommes le 31; il est à Vienne en ce moment.
- J'irai à Vienne.
- Hélas! madame, vous n'irez pas à Vienne en deux heures.
- Non, mais j'irai en huit jours.
- Mais nous n'avons que quatre heures à vous donner.
- Impossible! s'écria-t-elle, vous n'assassinerez pas Bannière sans délai!
- Madame, voici l'ordre écrit de notre colonel.
- Monsieur, au nom de l'humanité!
- La consigne, madame.
- Monsieur, je vous en supplie à genoux; je me traîne à vos pieds!
- Madame, vous me déchirez le cœur par l'impuissance où je suis de vous exaucer.
- Monsieur, le temps que je parle au roi! Monsieur, le temps que j'écrive au roi!
- Madame, nous n'avons que quatre heures, répliqua sourdement le major, qui déjà reculait devant une prolongation de cette horrible scène.
Olympe regarda autour d'elle avec égarement, et se frappa la poitrine comme pour en faire jaillir quelques accents plus persuasifs. Le major s'inclina et sortit.
Olympe demeura seule avec l'officier, qui cachait son visage dans ses mains.
- Vite, dit-elle; vite, allons voir mon mari.
Et elle retourna, murmurant je ne sais quelles prières que Dieu lui-même n'entendait pas.

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