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Chapitre XI
La politique de M. de Mazarin

Au lieu de l’hésitation avec laquelle il avait un quart d’heure auparavant abordé le cardinal, on pouvait lire alors dans les yeux du jeune roi cette volonté contre laquelle on peut lutter, qu’on brisera peut-être par sa propre impuissance, mais qui au moins gardera, comme une plaie au fond du coeur, le souvenir de sa défaite.
- Cette fois, monsieur le cardinal, il s’agit d’une chose plus facile à trouver qu’un million.
- Vous croyez cela, Sire ? dit Mazarin en regardant le roi de cet oeil rusé qui lisait au plus profond des coeurs.
- Oui, je le crois, et lorsque vous connaîtrez l’objet de ma demande...
- Et croyez-vous donc que je ne le connaisse pas, Sire ?
- Vous savez ce qui me reste à vous dire ?
- Ecoutez, Sire, voilà les propres paroles du roi Charles...
- Oh ! par exemple !
- Ecoutez. Et si cet avare, ce pleutre d’Italien, a-t-il dit...
- Monsieur le cardinal !...
- Voilà le sens, sinon les paroles. Eh ! mon Dieu ! je ne lui en veux pas pour cela, Sire ; chacun voit avec ses passions. Il a donc dit : Et si ce pleutre d’Italien vous refuse le million que nous lui demandons, Sire ; si nous sommes forcés, faute d’argent, de renoncer à la diplomatie, eh bien ! nous lui demanderons cinq cents gentilshommes...
Le roi tressaillit, car le cardinal ne s’était trompé que sur le chiffre.
- N’est-ce pas, Sire, que c’est cela ? s’écria le ministre avec un accent triomphateur ; puis il a ajouté de belles paroles, il a dit : J’ai des amis de l’autre côté du détroit ; à ces amis il manque seulement un chef et une bannière. Quand ils me verront, quand ils verront la bannière de France, ils se rallieront à moi, car ils comprendront que j’ai votre appui. Les couleurs de l’uniforme français vaudront près de moi le million que M. de Mazarin nous aura refusé. Car il savait bien que je le refuserais, ce million. Je vaincrai avec ces cinq cents gentilshommes, Sire, et tout l’honneur en sera pour vous. Voilà ce qu’il a dit, ou à peu près, n’est-ce pas ? en entourant ces paroles de métaphores brillantes, d’images pompeuses, car ils sont bavards dans la famille ! Le père a parlé jusque sur l’échafaud.
La sueur de la honte coulait au front de Louis. Il sentait qu’il n’était pas de sa dignité d’entendre ainsi insulter son frère, mais il ne savait pas encore comment on voulait, surtout en face de celui devant qui il avait vu tout plier, même sa mère. Enfin il fit un effort.
- Mais, dit-il, monsieur le cardinal, ce n’est pas cinq cents hommes, c’est deux cents.
- Vous voyez bien que j’avais deviné ce qu’il demandait.
- Je n’ai jamais nié, monsieur, que vous n’eussiez un oeil profond, et c’est pour cela que j’ai pensé que vous ne refuseriez pas à mon frère Charles une chose aussi simple et aussi facile à accorder que celle que je vous demande en son nom, monsieur le cardinal, ou plutôt au mien.
- Sire, dit Mazarin, voilà trente ans que je fais de la politique. J’en ai fait d’abord avec M. le cardinal de Richelieu, puis tout seul. Cette politique n’a pas toujours été très honnête, il faut l’avouer ; mais elle n’a jamais été maladroite. Or, celle que l’on propose en ce moment à Votre Majesté est malhonnête et maladroite à la fois.
- Malhonnête, monsieur !
- Sire, vous avez fait un traité avec M. Cromwell.
- Oui ; et dans ce traité même M. Cromwell a signé au-dessus de moi.
- Pourquoi avez-vous signé si bas, Sire ? M. Cromwell a trouvé une bonne place, il l’a prise ; c’était assez son habitude. J’en reviens donc à M. Cromwell. Vous avez fait un traité avec lui, c’est-à-dire avec l’Angleterre, puisque quand vous avez signé ce traité M. Cromwell était l’Angleterre.
- M. Cromwell est mort.
- Vous croyez cela, Sire ?
- Mais sans doute, puisque son fils Richard lui a succédé et a abdiqué même.
- Eh bien ! voilà justement ! Richard a hérité à la mort de Cromwell, et l’Angleterre à l’abdication de Richard. Le traité faisait partie de l’héritage, qu’il fût entre les mains de M. Richard ou entre les mains de l’Angleterre. Le traité est donc bon toujours, valable autant que jamais. Pourquoi l’éluderiez-vous, Sire ? Qu’y a-t-il de changé ? Charles II veut aujourd’hui ce que nous n’avons pas voulu il y a dix ans ; mais c’est un cas prévu. Vous êtes l’allié de l’Angleterre, Sire, et non celui de Charles II. C’est malhonnête sans doute, au point de vue de la famille, d’avoir signé un traité avec un homme qui a fait couper la tête au beau-frère du roi votre père, et d’avoir contracté une alliance avec un Parlement qu’on appelle là-bas un Parlement Croupion ; c’est malhonnête, j’en conviens, mais ce n’était pas maladroit au point de vue de la politique, puisque, grâce à ce traité, j’ai sauvé à Votre Majesté, mineure encore, les tracas d’une guerre extérieure, que la Fronde... vous vous rappelez la Fronde, Sire le jeune roi baissa la tête, que la Fronde eût fatalement compliqués. Et voilà comme quoi je prouve à Votre Majesté que changer de route maintenant sans prévenir nos alliés serait à la fois maladroit et malhonnête. Nous ferions la guerre en mettant les torts de notre côté ; nous la ferions, méritant qu’on nous la fît, et nous aurions l’air de la craindre, tout en la provoquant ; car une permission à cinq cents hommes, à deux cents hommes, à cinquante hommes, à dix hommes, c’est toujours une permission Un Français, c’est la nation ; un uniforme, c’est l’armée. Supposez, par exemple, Sire, que vous avez la guerre avec la Hollande, ce qui tôt ou tard arrivera certainement, ou avec l’Espagne, ce qui arrivera peut-être si votre mariage manque Mazarin regarda profondément le roi, et il y a mille causes qui peuvent faire manquer votre mariage ; eh bien ! approuveriez-vous l’Angleterre d’envoyer aux Provinces-Unies ou à l’infante un régiment, une compagnie, une escouade même de gentilshommes anglais ? Trouveriez-vous qu’elle se renferme honnêtement dans les limites de son traité d’alliance ?
Louis écoutait ; il lui semblait étrange que Mazarin invoquât la bonne foi, lui l’auteur de tant de supercheries politiques qu’on appelait des mazarinades.
- Mais enfin, dit le roi, sans autorisation manifeste, je ne puis empêcher des gentilshommes de mon Etat de passer en Angleterre si tel est leur bon plaisir.
- Vous devez les contraindre à revenir, Sire, ou tout au moins protester contre leur présence en ennemis dans un pays allié.
- Mais enfin, voyons, vous, monsieur le cardinal, vous un génie si profond, cherchons un moyen d’aider ce pauvre roi sans nous compromettre.
- Et voilà justement ce que je ne veux pas, mon cher Sire, dit Mazarin. L’Angleterre agirait d’après mes désirs qu’elle n’agirait pas mieux ; je dirigerais d’ici la politique d’Angleterre que je ne la dirigerais pas autrement. Gouvernée ainsi qu’on la gouverne, l’Angleterre est pour l’Europe un nid éternel à procès. La Hollande protège Charles II : laissez faire la Hollande ; ils se fâcheront, ils se battront ; ce sont les deux seules puissances maritimes ; laissez-les détruire leurs marines l’une par l’autre ; nous construirons la nôtre avec les débris de leurs vaisseaux, et encore quand nous aurons de l’argent pour acheter des clous.
- Oh ! que tout ce que vous me dites là est pauvre et mesquin, monsieur le cardinal !
- Oui, mais comme c’est vrai, Sire, avouez-le. Il y a plus : j’admets un moment la possibilité de manquer à votre parole et d’éluder le traité ; cela se voit souvent, qu’on manque à sa parole et qu’on élude un traité, mais c’est quand on a quelque grand intérêt à le faire ou quand on se trouve par trop gêné par le contrat ; eh bien ! vous autoriseriez l’engagement qu’on vous demande ; la France, sa bannière, ce qui est la même chose, passera le détroit et combattra ; la France sera vaincue.
- Pourquoi cela ?
- Voilà ma foi un habile général, que Sa Majesté Charles II, et Worcester nous donne de belles garanties !
- Il n’aura plus affaire à Cromwell, monsieur.
- Oui, mais il aura affaire à Monck, qui est bien autrement dangereux. Ce brave marchand de bière dont nous parlons était un illuminé, il avait des moments d’exaltation, d’épanouissement, de gonflement, pendant lesquels il se fendait comme un tonneau trop plein ; par les fentes alors s’échappaient toujours quelques gouttes de sa pensée, et à l’échantillon on connaissait la pensée tout entière. Cromwell nous a ainsi, plus de dix fois, laissé pénétrer dans son âme, quand on croyait cette âme enveloppée d’un triple airain, comme dit Horace. Mais Monck ! Ah ! Sire, Dieu vous garde de faire jamais de la politique avec M. Monck ! C’est lui qui m’a fait depuis un an tous les cheveux gris que j’ai ! Monck n’est pas un illuminé, lui, malheureusement, c’est un politique ; il ne se fend pas, il se resserre. Depuis dix ans il a les yeux fixés sur un but, et nul n’a pu encore deviner lequel. Tous les matins, comme le conseillait Louis XI, il brûle son bonnet de la nuit. Aussi, le jour où ce plan lentement et solitairement mûri éclatera, il éclatera avec toutes les conditions de succès qui accompagnent toujours l’imprévu.
« Voilà Monck, Sire, dont vous n’aviez peut-être jamais entendu parler, dont vous ne connaissiez peut-être pas même le nom, avant que votre frère Charles II, qui sait ce qu’il est, lui, le prononçât devant vous, c’est-à-dire une merveille de profondeur et de ténacité, les deux seules choses contre lesquelles l’esprit et l’ardeur s’émoussent. Sire, j’ai eu de l’ardeur quand j’étais jeune, j’ai eu de l’esprit toujours. Je puis m’en vanter, puisqu’on me le reproche. J’ai fait un beau chemin avec ces deux qualités, puisque de fils d’un pêcheur de Piscina, je suis devenu Premier ministre du roi de France, et que dans cette qualité, Votre Majesté veut bien le reconnaître, j’ai rendu quelques services au trône de Votre Majesté. Eh bien ! Sire, si j’eusse rencontré Monck sur ma route, au lieu d’y trouver M. de Beaufort, M. de Retz, ou M. le prince, eh bien, nous étions perdus. Engagez-vous à la légère, Sire, et vous tomberez dans les griffes de ce soldat politique. Le casque de Monck, Sire, est un coffre de fer au fond duquel il enferme ses pensées, et dont personne n’a la clef. Aussi, près de lui, ou plutôt devant lui, je m’incline, Sire, moi qui n’ai qu’une barrette de velours.
- Que pensez-vous donc que veuille Monck, alors ?
- Eh ! si je le savais, Sire, je ne vous dirais pas de vous défier de lui, car je serais plus fort que lui ; mais avec lui j’ai peur de deviner ; de deviner ! vous comprenez mon mot ? car si je crois avoir deviné, je m’arrêterai à une idée, et, malgré moi, je poursuivrai cette idée. Depuis que cet homme est au pouvoir là-bas, je suis comme ces damnés de Dante à qui Satan a tordu le cou, qui marchent en avant et qui regardent en arrière : je vais du côté de Madrid, mais je ne perds pas de vue Londres. Deviner, avec ce diable d’homme, c’est se tromper, et se tromper, c’est se perdre. Dieu me garde de jamais chercher à deviner ce qu’il désire ; je me borne, et c’est bien assez, à espionner ce qu’il fait ; or, je crois – vous comprenez la portée du mot je crois ? je crois, relativement à Monck, n’engage à rien –, je crois qu’il a tout bonnement envie de succéder à Cromwell. Votre Charles II lui a déjà fait faire des propositions par dix personnes ; il s’est contenté de chasser les dix entremetteurs sans rien leur dire autre chose que : « Allez-vous-en, ou je vous fais pendre ! » C’est un sépulcre que cet homme ! Dans ce moment-ci, Monck fait du dévouement au Parlement Croupion ; de ce dévouement, par exemple, je ne suis pas dupe : Monck ne veut pas être assassiné. Un assassinat l’arrêterait au milieu de son oeuvre, et il faut que son oeuvre s’accomplisse ; aussi je crois, mais ne croyez pas ce que je crois, je dis je crois par habitude ; je crois que Monck ménage le Parlement jusqu’au moment où il le brisera. On vous demande des épées, mais c’est pour se battre contre Monck. Dieu nous garde de nous battre contre Monck, Sire, car Monck nous battra, et battu par Monck, je ne m’en consolerais de ma vie ! Cette victoire, je me dirais que Monck la prévoyait depuis dix ans. Pour Dieu ! Sire, par amitié pour vous, si ce n’est par considération pour lui, que Charles II se tienne tranquille ; Votre Majesté lui fera ici un petit revenu ; elle lui donnera un de ses châteaux. Eh ! eh ! attendez donc ! mais je me rappelle le traité, ce fameux traité dont nous parlions tout à l’heure ! Votre Majesté n’en a pas même le droit, de lui donner un château !
- Comment cela ?
- Oui, oui, Sa Majesté s’est engagée à ne pas donner l’hospitalité au roi Charles, à le faire sortir de France même. C’est pour cela que vous ferez comprendre à votre frère qu’il ne peut rester chez nous, que c’est impossible, qu’il nous compromet, ou moi-même...
- Assez, monsieur ! dit Louis XIV en se levant. Que vous me refusiez un million, vous en avez le droit : vos millions sont à vous ; que vous me refusiez deux cents gentilshommes, vous en avez le droit encore, car vous êtes Premier ministre, et vous avez, aux yeux de la France, la responsabilité de la paix et de la guerre ; mais que vous prétendiez m’empêcher, moi le roi, de donner l’hospitalité au petit-fils de Henri IV, à mon cousin germain, au compagnon de mon enfance ! là s’arrête votre pouvoir, là commence ma volonté.
- Sire, dit Mazarin, enchanté d’en être quitte à si bon marché, et qui n’avait d’ailleurs si chaudement combattu que pour en arriver là ; Sire, je me courberai toujours devant la volonté de mon roi ; que mon roi garde donc près de lui ou dans un de ses châteaux le roi d’Angleterre, que Mazarin le sache, mais que le ministre ne le sache pas.
- Bonne nuit, monsieur, dit Louis XIV, je m’en vais désespéré.
- Mais convaincu, c’est tout ce qu’il me faut, Sire, répliqua Mazarin.
Le roi ne répondit pas, et se retira tout pensif, convaincu, non pas de tout ce que lui avait dit Mazarin, mais d’une chose au contraire qu’il s’était bien gardé de lui dire, c’était de la nécessité d’étudier sérieusement ses affaires et celles de l’Europe, car il les voyait difficiles et obscures.
Louis retrouva le roi d’Angleterre assis à la même place où il l’avait laissé.
En l’apercevant, le prince anglais se leva ; mais du premier coup d’oeil il vit le découragement écrit en lettres sombres sur le front de son cousin.
Alors, prenant la parole le premier, comme pour faciliter à Louis l’aveu pénible qu’il avait à lui faire :
- Quoi qu’il en soit, dit-il, je n’oublierai jamais toute la bonté, toute l’amitié dont vous avez fait preuve à mon égard.
- Hélas ! répliqua sourdement Louis XIV, bonne volonté stérile, mon frère !
Charles II devint extrêmement pâle, passa une main froide sur son front, et lutta quelques instants contre un éblouissement qui le fit chanceler.
- Je comprends, dit-il enfin, plus d’espoir !
Louis saisit la main de Charles II.
- Attendez, mon frère, dit-il, ne précipitez rien, tout peut changer ; ce sont les résolutions extrêmes qui ruinent les causes ; ajoutez, je vous en supplie, une année d’épreuve encore aux années que vous avez déjà subies. Il n’y a, pour vous décider à agir en ce moment plutôt qu’en un autre, ni occasion ni opportunité ; venez avec moi, mon frère, je vous donnerai une de mes résidences, celle qu’il vous plaira d’habiter ; j’aurai l’oeil avec vous sur les événements, nous les préparerons ensemble ; allons, mon frère, du courage !
Charles II dégagea sa main de celle du roi, et se reculant pour le saluer avec plus de cérémonie :
- De tout mon coeur, merci, répliqua-t-il, Sire, mais j’ai prié sans résultat le plus grand roi de la terre, maintenant je vais demander un miracle à Dieu.
Et il sortit sans vouloir en entendre davantage, le front haut, la main frémissante, avec une contraction douloureuse de son noble visage, et cette sombre profondeur du regard qui, ne trouvant plus d’espoir dans le monde des hommes, semble aller au-delà en demander à des mondes inconnus.
L’officier des mousquetaires, en le voyant ainsi passer livide, s’inclina presque à genoux pour le saluer.
Il prit ensuite un flambeau, appela deux mousquetaires et descendit avec le malheureux roi l’escalier désert, tenant à la main gauche son chapeau, dont la plume balayait les degrés.
Arrivé à la porte, l’officier demanda au roi de quel côté il se dirigeait, afin d’y envoyer les mousquetaires.
- Monsieur, répondit Charles II à demi-voix, vous qui avez connu mon père, dites-vous, peut-être avez-vous prié pour lui ? Si cela est ainsi, ne m’oubliez pas non plus dans vos prières. Maintenant je m’en vais seul, et vous prie de ne point m’accompagner ni de me faire accompagner plus loin.
L’officier s’inclina et renvoya ses mousquetaires dans l’intérieur du palais.
Mais lui demeura un instant sous le porche pour voir Charles II s’éloigner et se perdre dans l’ombre de la rue tournante.
- A celui-là, comme autrefois à son père, murmura-t-il, Athos, s’il était là, dirait avec raison : « Salut à la Majesté tombée ! »
Puis, montant les escaliers :
- Ah ! le vilain service que je fais ! dit-il à chaque marche. Ah ! le piteux maître ! La vie ainsi faite n’est plus tolérable, et il est temps enfin que je prenne mon parti !... Plus de générosité, plus d’énergie ! continua-t-il. Allons, le maître a réussi, l’élève est atrophié pour toujours. Mordioux ! je n’y résisterai pas. Allons, vous autres, continua-t-il en entrant dans l’antichambre, que faites-vous là à me regarder ainsi ? Eteignez ces flambeaux et rentrez à vos postes ! Ah ! vous me gardiez ? Oui, vous veillez sur moi, n’est-ce pas, bonnes gens ? Braves niais ! je ne suis pas le duc de Guise, allez, et l’on ne m’assassinera pas dans le petit couloir. D’ailleurs, ajouta-t-il tout bas, ce serait une résolution, et l’on ne prend plus de résolutions depuis que M. le cardinal de Richelieu est mort. Ah ! à la bonne heure, c’était un homme, celui-là ! C’est décidé, dès demain je jette la casaque aux orties !
Puis, se ravisant :
- Non, dit-il, pas encore ! J’ai une superbe épreuve à faire, et je la ferai ; mais celle-là, je le jure, ce sera la dernière, mordioux !
Il n’avait pas achevé, qu’une voix partit de la chambre du roi.
- Monsieur le lieutenant ! dit cette voix.
- Me voici, répondit-il.
- Le roi demande à vous parler.
- Allons, dit le lieutenant, peut-être est-ce pour ce que je pense. Et il entra chez le roi.

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