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Chapitre LXXV
Interrogatoire et confrontation

Lorsque, à sa grande joie, il se sentit sur ses pieds et sur le pont, le maire de la Logerie se trouva en face d'une forme humaine dont il ne pouvait distinguer les traits, cachés qu'ils étaient sous les plis d'une épaisse cravate de laine, qui s'enroulait autour du collet de son capot de toile cirée, mais qu'à l'attitude humble et respectueuse que prenait près de lui le mousse qui avait signalé leur arrivée, il reconnut devoir être le capitaine.

– Qu'est-ce que cela ? dit ce dernier au pêcheur en promenant sans aucune espèce de cérémonie, sur la figure du métayer, la lumière du fanal qu'il avait pris des mains du mousse.

– ça vient de la part de qui vous savez, répondit le second.

– Allons donc ! reprit le capitaine, à quoi te servent tes écubiers si tu as pu croire qu'un jeune homme de vingt ans pouvait être taillé sur un gabarit comme celui-là ?

– Je ne suis pas M. de la Logerie, en effet, dit Courtin, qui avait saisi le sens de ce jargon maritime ; je suis seulement son métayer et son homme de confiance.

– à la bonne heure ! c'est déjà quelque chose, mais ce n'est pas tout.

– Il m'a chargé...

– Mais, nom d'un phoque, je ne te demande pas de quoi il t'a chargé, méchant terrien ! fit le capitaine en lançant sur le pont un long jet de salive noirâtre qui gênait l'explosion de la colère qui commençait à l'animer ; je te dis que c'est déjà quelque chose, mais ce n'est pas tout.

Courtin regarda le capitaine d'un air étonné.

– Comprends-tu, oui ou non ? demanda celui-ci. Si c'est non, dis-le vite, et l'on va te reconduire à terre avec les honneurs que tu mérites, c'est-à-dire avec une bonne cinglée de garcettes sur le bas des reins.

Courtin alors comprit que Mme de la Logerie, selon toute probabilité, était convenue avec le maître du Jeune-Charles d'un signal de reconnaissance ; ce signal, il l'ignorait. Il se sentit perdu, il vit s'écrouler tous ses plans, il sentit s'évanouir toutes ses espérances, sans compter que, pris au piège comme un renard, il allait apparaître sous son véritable jour aux yeux du jeune baron.

Le maire de la Logerie essaya de se tirer de ce mauvais pas en effaçant immédiatement de son visage toute trace d'intelligence, et en simulant cette naïveté du paysan qui va parfois jusqu'à l'idiotisme.

– Dame, mon cher monsieur, dit-il, je n'en sais pas davantage, moi ! Ma bonne maîtresse m'a dit comme ça : « Courtin, mon ami, tu sais que le jeune baron est condamné à mort. Je me suis entendue avec un brave marin pour le faire conduire hors de France ; mais voilà que nous avons été dénoncés, à ce qu'il paraît, par quelque traître. Cours dire cela au capitaine du Jeune-Charles, que tu trouveras en face de Couéron, derrière les îles. » Je suis accouru, moi ; je n'en sais pas davantage.

En ce moment, un vigoureux ohé ! parti de l'avant du navire, vint distraire le capitaine de la réponse énergique qu'il méditait probablement. à ce cri, il se tourna vers le mousse, qui, son falot à la main, écoutait, bouche béante, la conversation de son patron et de Courtin.

– Que fais-tu là, lascar, canaille, failli chien ? s'écria-t-il en accompagnant ces paroles d'une pantomime qui, grâce à la rapidité d'évolution du jeune aspirant à l'amiralat, l'atteignit dans les parties charnues et l'envoya rouler jusqu'au panneau. C'est comme ça que tu es à ton poste ! Puis, se tournant vers le second :

– Ne laissez pas accoster sans avoir reconnu, dit-il.

Mais il n'avait pas achevé, que le nouveau venu, qui s'était servi de la corde par laquelle on avait hissé Courtin – corde qui était pendante – se montra inopinément sur le pont.

Le capitaine alla ramasser la lanterne qui s'était échappée des mains du mousse et qui, par un hasard providentiel, ne s'était point éteinte, et, ce fanal à la main, il se dirigea vers le visiteur.

– De quel droit montez-vous à mon bord sans dire gare, vous ? s'écria-t-il en saisissant l'étranger au collet.

– J'y monte parce que j'y ai affaire, à votre bord, répondit celui-ci avec l'assurance d'un gaillard sûr de son fait.

– Que veux-tu, alors ? Voyons, parle vite !

– Lâchez-moi d'abord. Vous êtes bien sûr que je ne me sauverai pas, puisque je viens de moi-même.

– Mais, mille millions de phoques ! dit le capitaine, te tenir au collet ce n'est pas te fermer la bouche.

– Je ne puis parler quand je suis gêné dans mes entournures, répliqua le nouveau venu sans s'intimider le moins du monde du ton de son interlocuteur.

– Capitaine, dit le second en intervenant dans le débat, sacredié ! m'est avis que vous n'êtes pas juste. à celui qui veut louvoyer, vous demandez le pavillon, et à celui qui est tout prêt à hisser ses couleurs, vous faites des nœuds à sa drisse.

– C'est vrai, répondit le capitaine en lâchant le nouveau venu, que nos lecteurs ont sans doute déjà reconnu pour le véritable envoyé de Michel, c'est-à-dire pour Joseph Picaut.

Celui-ci fouilla dans sa poche, y prit le mouchoir qu'il avait reçu des mains du jeune baron, et le présenta au patron du Jeune-Charles, qui le déplia et en compta les trois nœuds avec autant de conscience qu'il l'eût fait d'une somme d'argent.

Courtin, duquel on ne s'occupait plus, avait vu la scène et n'en perdait rien.

– Bien, dit le capitaine, tu es en règle. Nous allons causer tout à l'heure ; mais auparavant, il faut que j'expédie le particulier de l'arrière. – Toi, Antoine, ajouta-t-il en s'adressant à son second, conduis ce gaillard-là à la cambuse et verse-lui un boujaron de schnik .

Le capitaine revint à l'arrière, et trouva Courtin, qui s'était assis sur un paquet de cordages. Le maire de la Logerie tenait sa tête entre ses mains, comme s'il n'eût pas prêté la moindre attention à la scène qui venait de se passer sur l'avant ; il semblait accablé, quoique, en réalité, comme nous l'avons dit, il n'eût pas perdu un seul mot de la conversation qui avait eu lieu entre le capitaine et Joseph Picaut.

– Oh ! faites-moi reconduire à terre, monsieur le capitaine ! s'écria-t-il du plus loin qu'il vit venir celui-ci. Je ne sais ce que j'ai ; mais, depuis quelques minutes, je me sens tout malade, et il me semble que je vais mourir.

– Bon ! si tu es comme cela pour un méchant bout de marée, tu en verras de dures avant que tu aies passé la ligne !

– Passé la ligne, Jésus Dieu !

– Oui, mon bonhomme ; ta conversation me semble pleine d'agrément et je suis décidé à te garder à mon bord pendant le petit voyage de long cours que je vais entreprendre.

– Rester ici ! s'écria Courtin en feignant plus d'effroi qu'il n'en éprouvait réellement ; et ma ferme ? et ma bonne maîtresse ?

– Quant à ta ferme, je m'engage à te faire voir des pays où tu pourras ; étudier des fermes modèles, et, quant à ta bonne maîtresse, je me charge de la remplacer avantageusement.

– Mais pourquoi cela, mon bon monsieur ? d'où vous vient cette résolution subite de m'emmener avec vous ? Songez que rien qu'à ce bout de marée, comme vous le disiez tout à l'heure, voilà déjà ma tête qui tourne !

– Cela t'apprendra à faire poser le capitaine du Jeune-Charles, méchant haricotier que tu es !

– Mais en quoi vous ai-je donc offensé, mon digne capitaine ?

– Voyons, dit l'officier, qui paraissait décidé à couper court au dialogue ; réponds franchement : c'est la seule chance qui te reste de ne pas aller, à mille lieues d'ici, servir de déjeuner aux requins. Qui est-ce qui t'a envoyé à moi ?

– Mais, s'écria Courtin, c'est Mme de la Logerie. Quand je vous dis que je suis son métayer, et cela aussi vrai qu'il n'y a qu'un Dieu au ciel...

– Mais, enfin, continua le capitaine, si c'est Mme de la Logerie, elle t'a bien donné quelque chose pour te faire reconnaître : un billet, une lettre, un bout de papier ; si tu n'as rien, c'est que tu ne viens pas de sa part ; si tu ne viens pas de sa part, c'est que tu es un espion, et, dans ce cas-là prends garde ! dès que la chose sera reconnue, je te traiterai comme on traite les espions.

– Ah ! mon Dieu ! fit Courtin paraissant se désespérer de plus en plus, je ne puis cependant pas me laisser soupçonner ainsi.

Tenez, voilà des lettres à mon adresse qui se trouvent par hasard sur moi, et qui vous prouvent que je suis bien Courtin, comme je vous l'ai dit ; voilà mon écharpe de maire... Mon Dieu ! qu'ai-je donc encore qui puisse vous convaincre que j'ai dit la vérité ?

– Ton écharpe de maire ? s'écria le capitaine. Mais comment se fait-il donc, drôle, si tu es fonctionnaire public, si tu as fait serment au gouvernement, comment se fait-il que tu sois le complice d'un homme qui a porté les armes contre le gouvernement et qui est condamné à mort ?

– Eh ! mon cher monsieur, parce que je suis si fort attaché à mes maîtres, que mon attachement pour eux l'emporte sur mon devoir. Eh bien, s'il faut vous le dire, c'est justement comme maire que j'ai su que vous alliez être inquiété cette nuit, et que j'ai fait part à Mme de la Logerie du danger qui vous menaçait.

C'est alors qu'elle m'a dit : « Prends ce mouchoir, va trouver le capitaine du Jeune-Charles. »

– Elle t'a dit : « Prends ce mouchoir ? »

– Oui, elle m'a dit cela, foi d'homme !

– Mais où est-il, ce mouchoir qu'elle t'a dit de prendre ?

– Il est dans ma poche, donc.

– Mais, imbécile, idiot, bélître, donne-le donc, ce mouchoir !

– Que je vous le donne ?

– Oui.

– Oh ! je ne demande pas mieux, moi. Le voilà !

Et Courtin tira un mouchoir de sa poche.

– Mais donne donc, failli chien ! s'écria le capitaine en lui arrachant le mouchoir des mains, et en s'assurant, par une investigation rapide, que trois de ses coins étaient noués.

– Mais, animal stupide, bête brute, continua le capitaine, Mme de la Logerie ne t'avait-elle pas dit de me donner ce mouchoir ?

– Si fait, répondit Courtin d'un air de plus en plus niais.

– Eh bien, alors, pourquoi ne me l'as-tu pas donné ?

– Dame, fit Courtin, parce qu'en arrivant sur le pont, j'ai vu que vous vous mouchiez avec vos doigts, et que je me suis dit : « Dieu merci, si le capitaine se mouche avec ses doigts, il n'a pas besoin de mouchoir. »

– Ah ! fit le capitaine en se grattant la tête avec un reste de doute, ou tu es un rude manœuvrier, ou tu es un crâne imbécile. En tout cas, comme il y a plus de chance pour l'imbécile, c'est à celui-là que je m'arrête de préférence. Voyons, redis-moi carrément la cause pour laquelle tu viens et ce que t'a chargé de me dire la personne qui t'envoie à moi.

– Voici mot pour mot les paroles de ma bonne maîtresse, monsieur...

– Voyons ces paroles.

– « Courtin, m'a-t-elle dit, « je puis me fier à toi, n'est-ce pas ? » – Oh ! que oui, lui ai-je répondu. – « Sache donc que mon fils, que tu as recueilli, soigné, gardé, caché chez toi au risque de ta vie, devait s'évader cette nuit, à bord du navire le Jeune-Charles. Mais, comme j'en ai eu vent et comme tu me le dis toi-même, il paraît que tout a été découvert. Tu n'as que le temps d'aller prévenir le digne capitaine qu'il n'attende plus mon fils, qu'il se sauve au plus vite, car on doit le prendre cette nuit pour avoir concouru à l'évasion d'un condamné politique, et puis encore pour beaucoup d'autres choses... »

Maître Courtin soudait cet appendice à la phrase qu'il avait préparée, présumant, d'après la physionomie du capitaine du Jeune-Charles, que celui-ci pouvait bien avoir à se reprocher d'autres peccadilles que celle pour laquelle Courtin venait le prévenir qu'il était recherché.

Peut-être sa perspicacité n'était-elle pas en défaut, car le digne marin demeura pensif pendant quelques instants.

– Allons, suis-moi, dit-il enfin à Courtin.

Le métayer obéit passivement : le capitaine le conduisit à sa chambre, l'y fit entrer et en ferma la porte à double tour.

Quelques instants après, Courtin, qui était demeuré dans l'obscurité, et qui, en somme, était assez inquiet de la tournure qu'allait prendre cette affaire, entendit un bruit de pas qui retentissaient sur le pont du navire et qui s'acheminaient vers la chambre du capitaine.

La porte s'ouvrit : le capitaine entra le premier ; il était suivi de Joseph Picaut, derrière lequel marchait le second, sa lanterne à la main.

– Ah ça ! voyons, dit le patron du Jeune-Charles, il s'agit de nous entendre une bonne fois pour toutes. Tâchons de débrouiller cet écheveau de fils qui me paraît passablement emmêlé, ou, par la coque de mon bâtiment ! je vous fais brosser les épaules à coups de garcette jusqu'à ce que le diable lui-même en ait les larmes aux yeux.

– Moi, j'ai dit tout ce que j'avais à dire, capitaine, fit Courtin.

Picaut tressaillit à cette voix ; il n'avait pas encore vu le métayer et ignorait complètement sa présence à bord.

Il fit un pas pour bien s'assurer que c'était lui.

– Courtin ! s'écria-t-il, le maire de la Logerie ! Capitaine, si cet homme sait notre secret, nous sommes perdus !

– Et qu'est-il donc ? demanda le capitaine.

– C'est un traître, un espion, un mouchard !

– Morbleu ! dit le capitaine, il ne faudra pas, sais-tu bien, que tu me le répètes cinquante fois pour me le faire croire : le drôle a dans la physionomie quelque chose de louche et de faux qui ne me revient pas du tout.

– Ah ! continua Joseph Picaut, vous ne vous trompez pas, je vous le donne pour le plus damné pataud et, par conséquent, pour la plus franche canaille du pays de Retz.

– Qu'as-tu à dire à cela ? demanda le capitaine. Voyons, mille carcasses, dis !

– Oh ! rien, reprit Picaut ; je le défie bien de rien répondre.

Courtin continuait de garder le silence.

– Allons, allons, décidément, dit le capitaine, je vois qu'il faut employer les grands moyens pour te faire parler, mon drôle !

Et, à ces mots, le patron du Jeune-Charles tira de sa poitrine un petit sifflet d'argent pendu à une chaîne de même métal, et en fit sortir un son aigu et prolongé.

à ce signal de leur capitaine, deux matelots entrèrent dans la chambre.

Alors un sourire diabolique se dessina sur les lèvres de Courtin.

– Bon ! dit-il, voilà justement ce que j'attendais pour parler.

Et, prenant le capitaine, il l'emmena dans un coin de la chambre et lui dit quelques mots à l'oreille.

– Et c'est vrai, ce que tu me dis là ? demanda le patron du Jeune-Charles.

– Dame, fit Courtin, il est bien facile de vous en assurer.

– Tu as raison, dit le capitaine.

Et, sur un signe de lui, le second et les deux matelots saisirent Joseph Picaut, lui arrachèrent sa veste, et déchirèrent sa chemise.

Le capitaine alors s'approcha de lui, lui appliqua une tape vigoureuse sur l'épaule, et les deux lettres dont avait été marqué le chouan lors de son entrée au bagne, se dessinèrent, parfaitement visibles, sur sa chair marbrée.

Picaut avait été si violemment et si subitement assailli par les trois hommes, qu'il n'avait pas pu se défendre d'abord ; il n'avait pas plutôt vu de quoi il était question, qu'il avait fait des efforts inouïs pour échapper aux étreintes qui l'enlaçaient ; mais il avait été dompté par cette triple force, et il ne pouvait plus que rugir et blasphémer.

– Liez-lui pieds et pattes ! s'écria le capitaine s'en rapportant, pour juger de la moralité de l'homme, au certificat que celui-ci portait sur l'épaule, et arrimez-le-moi dans la cale entre deux barriques.

Puis, se retournant vers maître Courtin, qui poussait un soupir de soulagement :

– Je vous demande bien pardon, mon digne magistrat, lui dit-il, de vous avoir confondu avec un drôle de cette espèce ; mais soyez tranquille, je vous réponds que, si l'on met le feu à votre grange avant trois bonnes années d'ici, ce ne sera pas lui qui l'y aura mis.

Puis, sans perdre de temps, il remonta sur le pont, et Courtin, à sa grande satisfaction, l'entendit appeler tout son monde et donner l'ordre d'appareiller.

Une fois convaincu du danger qu'il courait, le digne marin paraissait si pressé de mettre le plus d'espace possible entre la justice et lui, que, s'excusant auprès du maire de la Logerie de ne pas même lui faire la politesse d'un petit verre d'eau-de-vie, il le fit descendre dans le bateau en lui souhaitant un heureux voyage et en le laissant maître d'aller toucher la rive où bon lui semblerait.

Maître Courtin coupa aussi directement qu'il put le courant du fleuve ; mais, si rapide que fût sa marche, au moment où son bateau froissait le sable de la berge, il put voir le Jeune-Charles qui s'ébranlait lentement, et dont les voiles se déployaient les unes après les autres.

Courtin, alors, s'était caché dans cette même anfractuosité du rivage où il avait aperçu le pêcheur, et avait attendu.

Au bout d'une demi-heure à peine qu'il était là, il vit arriver Michel et, à son grand étonnement, ne reconnut Bertha ni dans l'une ni dans l'autre des deux personnes qui l'accompagnaient.

Mais, en échange, il reconnut Mary et Petit-Pierre.

Ce fut alors qu'il se félicita doublement de sa ruse, si heureusement secondée par le hasard, qui avait, comme pour contribuer à sa réussite, amené là Joseph Picaut, et qu'il se disposa à profiter de la bonne fortune que le Ciel lui envoyait.

On comprend facilement que tout le temps que Michel, Mary et Petit-Pierre restèrent sur le rivage, il ne les perdit pas un instant de vue ; que, lorsque tous trois s'embarquèrent à la recherche du navire, il les suivit des yeux dans tous les tours et les détours qu'ils firent exécuter à la barque, et qu'enfin, lorsqu'ils regagnèrent Nantes, il les suivit avec des précautions telles, que, pendant tout le chemin, aucun des trois fugitifs ne s'aperçut qu'il était épié.

Et, cependant, si bien qu'il prît ses précautions, c'était lui que Michel avait aperçu au coin de la place du Bouffai ; c'était lui qui avait marché derrière les proscrits jusqu'à la maison où il les avait vus entrer.

Lorsqu'ils eurent disparu, il ne douta point que, pour cette fois, il ne connût la cachette de Petit-Pierre ; il passa devant la porte, tira de sa poche un morceau de craie, fit une croix sur le mur, et, certain d'avoir le poisson dans son filet, il pensa qu'il n'avait plus qu'à le tirer à lui et à étendre la main pour toucher ses cent mille francs.

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