Dieu dispose Vous êtes ici : Accueil > Accueil > Bibliothèque
Page précédente | Imprimer

Chapitre XXII
Crises

Samuel et Lothario poussèrent une exclamation de surprise en apercevant Frédérique.
- Vous ici ! s'écria Samuel.
- Oui, dit Julius, Mlle Frédérique, qui, poussée par son généreux cœur, a pris la peine de venir ici pour me rendre un grand et réel service.
- Un service ? répéta Samuel en regardant Frédérique toute tremblante. Quel service ? Je ne croyais pas que Frédérique connût le comte d'Eberbach.
- Nous ne nous connaissions pas il y a une heure, répondit Julius ; mais nous avons fait connaissance, et maintenant nous sommes de vieux amis.
- Voilà une amitié nouée bien vite, fit Samuel en fixant son regard profond sur Julius.
- Mais qui ne se déliera pas si aisément, dans mon cœur du moins, et qui me tiendra obligé, tant que durera ma vie... Il est vrai que, probablement, ce ne sera guère.
Un étrange éclair passa dans les yeux de Samuel. Cet improvisateur du mal concevait subitement une idée.
- En somme, je suis curieux de savoir quelle raison si considérable a pu amener ici Frédérique sans qu'elle ait cru devoir m'en avertir.
- Tu peux et tu dois tout savoir, reprit Julius, et je te le dirai dès que nous serons seuls. Oh ! ne craignez rien, mademoiselle, continua-t-il en rassurant du geste la jeune fille inquiète, vous n'avez rien fait que de noble et de pur, et je vous engage ma parole que Samuel n'aura pour vous que des félicitations et des remerciements. De quoi s'offensera-t-il ? Je te le répète, mon cher Samuel, je ne connaissais pas plus mademoiselle que mademoiselle ne me connaissait. Ah ! je comprends maintenant l'enthousiasme de Lothario, qui n'avait fait que l'entrevoir, et je comprends aussi le soin jaloux avec lequel tu nous la cachais, méchant avare ! Mais, à présent, tu ne nous la déroberas plus. J'enfoncerai tes portes, et j'escaladerai les murs de ton jardin s'il le faut ; et, comme elle a su venir à moi sans te le dire, je saurai au besoin aller à elle malgré toi. La reconnaissance ne doit pas être moins forte que le bienfait.
- Mais reconnaissance de quoi ? demanda encore Samuel.
- Curieux obstiné ! dit Julius. Eh bien ! soit ! tu le sauras tout de suite, si tu veux venir avec moi quelques minutes dans le cabinet d'à côté.
- Pourquoi pas ici ?
- Parce qu'il y a dans cette affaire un secret, et que je ne puis parler ni devant Mlle Frédérique, ni devant Lothario.
Samuel hésita un moment à laisser Frédérique et Lothario seuls ensemble. Mais une réflexion le tranquillisa. Il était assez sûr de Frédérique pour savoir qu'après ce qu'elle lui avait dit le matin, elle serait la première à décourager les espérances de Lothario. Frédérique ne laisserait certainement personne dire un mot téméraire à la fiancée de Samuel. Et, dès lors, il valait mieux, au contraire, en finir tout de suite, et qu'elle dît elle-même à Lothario qu'il n'avait plus à penser à elle. La réponse à la lettre que Lothario avait écrite le matin serait plus significative et plus définitive, faite par Frédérique que faite par Samuel.
Cependant un surcroît de précaution ne parut pas inutile à Samuel. Il alla vers la porte du salon par laquelle il était entré avec Lothario, et il appela :
- Madame Trichter !
La vieille gouvernante entra.
- Madame Trichter, lui dit Samuel, vous allez tout à l'heure retourner à Ménilmontant avec Mlle Frédérique. Attendez ici avec elle que je sois revenu.
- Viens-tu ? dit Julius.
- Me voici.
Julius et Samuel entrèrent dans le cabinet, laissant Frédérique et Lothario tête à tête. Hélas, un tête-à-tête à trois.
La présence de Mme Trichter gênait visiblement Lothario. Dans un moment, si près de la lettre qu'il avait écrite, il ne se sentait pas le courage de parler de choses banales ; et comment parler du sujet de sa lettre devant un témoin !
Cependant, quand retrouverait-il cette occasion ? S'il la laissait échapper, était-il sûr de jamais revoir Frédérique hors de la présence de M. Samuel Gelb ? était-il sûr même de la revoir ? Et puis, l'horrible anxiété qui lui serrait la poitrine à l'idée d'apprendre l'impression que lui avait causée sa lettre l'emportait sur toute considération et sur toute crainte. Il se décida à parler.
- Mademoiselle, lui dit-il d'une voix troublée, ç'a été pour moi une grande surprise et une grande joie de vous trouver ici. Mais vous feriez ma joie bien plus grande encore si vous daigniez me permettre de profiter de cette rencontre inespérée pour vous entretenir du seul sujet qui m'occupe le cœur.
- De quoi voulez-vous parler, monsieur ? demanda Frédérique un peu réservée et froide.
- J'espère, mademoiselle que vous vous en doutez, dit Lothario balbutiant presque.
- Je vous assure, monsieur, que je ne m'en doute pas du tout.
- Vous n'avez donc pas reçu la lettre que j'ai pris la liberté de vous écrire ?
- J'ai reçu une lettre de vous, dans laquelle vous me demandiez ma bienveillance pour je ne sais quelle chose sur quoi M. Samuel Gelb devait me consulter.
- Et il vous a consultée ?
- Il n'a pas jugé nécessaire de me consulter sur une communication où il n'était pas question de moi.
- Où il n'était pas question de vous ! s'écria le jeune homme étonné.
- M. Samuel Gelb me l'a dit.
- Et vous a-t-il montré la lettre que je lui ai écrite ?
- Ce n'était pas la peine puisqu'elle ne parlait pas de moi.
- Elle ne parlait que de vous ! dit Lothario. Je sollicitais de M. Samuel Gelb l'autorisation de me présenter chez lui, et c'était... eh bien ! c'était pour lui demander votre main.
Frédérique pâlit. Samuel l'avait donc trompée ! Les pressentiments de son cœur avaient eu raison. Un flot de joie inonda son âme.
Mais aussitôt elle se souvint, et ce qu'elle avait promis lui revint à la mémoire. Elle se rappela qu'elle n'était plus libre, et qu'elle était engagée envers l'homme auquel elle devait d'être au monde.
- Merci, monsieur Lothario, dit-elle en luttant contre son émotion ; merci d'avoir songé à une pauvre fille sans nom et sans fortune, vous noble et riche, vous qui n'avez qu'à choisir entre les plus riches et les plus belles. Je suis bien profondément touchée de votre pensée, je vous assure. L'isolement où j'ai vécu jusqu'ici me rend plus précieuse et plus sensible qu'à une autre cette marque d'estime que vous me donnez.
- Eh bien !
- Mais, quelque sentiment que me fasse éprouver votre démarche, je dois vous arrêter au premier pas d'une illusion qu'il n'est pas en mon pouvoir de réaliser.
- Comment ! s'écria Lothario.
- Je ne suis plus libre, monsieur Lothario. Je ne pourrais jamais vous appartenir, par la raison que je ne m'appartiens plus.
- Je m'y attendais ! dit Lothario désolé.
Une grosse larme se forma à sa paupière, et Frédérique détourna les yeux, comme si elle craignait que l'attendrissement ne la gagnât aussi.
- Ne m'en voulez pas, dit-elle.
- Comment vous en voudrais-je ? dit Lothario. Il ne dépend pas de vous de m'aimer.
- Il ne s'agit pas d'aimer, reprit Frédérique. Je vous aimerais, que je n'en serais pas plus libre.
- Oh ! moi, dit Lothario, je crois à la toute-puissance de ceux qui aiment. Il n'y a pas d'obstacles qu'on ne surmonte, en le voulant bien.
- Il y en a, répondit-elle. Il y a le devoir, la reconnaissance, le payement d'une dette sacrée. Mais croyez que je n'oublierai jamais ce que vous avez voulu faire pour moi. De loin ou de près , je serai toujours votre sœur.
- Et la femme d'un autre, dit Lothario.
Frédérique baissa la tête, ne trouvant plus de mots pour réfuter une tristesse qu'elle partageait peut-être elle-même.
- Ah ! cela devait être, dit Lothario ; je n'ai jamais eu de bonheur. Mon père était mort quand je suis né ; ma mère est morte avant que j'aie pu la connaître. La perte de ma mère n'eût pas été complète si je ne vous avais perdue aussi.
- Monsieur Lothario !... s'écria Frédérique, comme entraînée vers lui par un mouvement qu'elle prenait pour de la compassion, et qui devait être de la sympathie.
Elle allait en dire plus, peut-être. Mais, à ce moment, Samuel et Julius entrèrent. Samuel jeta un regard rapide sur Frédérique et sur Lothario.
« Bien ! pensa-t-il en voyait l'air d'abattement de Lothario, je ne m'étais pas trompé ; elle lui a ôté toute espérance. Au reste, je saurai par Mme Trichter ce qu'ils se sont dits. »
Pendant le court entretien des deux jeunes gens, Julius, de son côté, avait tout révélé à Samuel.
- Mais comment Frédérique a-t-elle pu savoir cela ? avait demandé Samuel. J'étais seul dans mon cabinet avec l'envoyé de la Charbonnerie. La chambre de Frédérique est séparée par le palier. Aurait-elle écouté à la porte ? Mais dans quel but ? il aurait donc fallu qu'elle sût d'avance que nous allions causer de choses importantes ? Enfin, n'importe ! le fait est qu'elle a tout entendu.
- Heureusement pour moi ! dit Julius.
- Oui, certes ! car j'aurais été fort empêché de te sauver. J'aurais bien fait tout ce que j'aurais pu pour cela ; j'ai déjà commencé ; et, au risque de me compromettre, j'ai parlé pour toi et j'ai répondu de toi.
- Je le sais, interrompit Julius. Frédérique me l'a dit. Pourtant, est-ce que tu m'aurais prévenu ?
Samuel connaissait son Julius, et le ton dont la question était faite lui dicta sa réponse.
- Aurais-je pris sur moi cette sorte de trahison ? J'en doute, répondit-il. Dans mes idées, l'humanité vaut plus qu'un homme, quel qu'il soit. J'aurais bien risqué pour toi mon sang, mais non la Charbonnerie. Si brave, si loyal et si fort que je te suppose, j'aurais craint, en te révélant le péril, de te donner la tentation de l'éviter à tout prix.
- Tu aurais agi en homme, dit Julius, et j'aurais été le premier à t'approuver. Mais sois tranquille, et n'en veux pas à Frédérique de m'avoir averti, elle qu'aucun serment ne liait. Sa démarche n'a pas compromis l'association, sois-en persuadé, et je n'aurai besoin de dénoncer personne pour me tirer d'affaire. J'ai un moyen de me préserver qui ne coûtera pas un seul cheveu à un seul de tes frères. Tu peux remercier Frédérique en toute sécurité.
- à la bonne heure ! dit Samuel pensif. Maintenant, parlons d'Olympia. Est-elle partie ? L'as-tu revue ?
Julius fit comme s'il n'avait pas entendu l'interrogation.
- Mais quel ange tu nous cachais ! reprit-il. Si tu savais comme ta Frédérique a été charmante et bonne ! Quel trésor de candeur, de beauté et de grâce que cette jeune fille !
- Tu trouves ? dit Samuel d'un ton singulier.
- Dans quel ciel, démon, as-tu rencontré une pareille créature ? continua Julius. Je n'ai jamais tant cru à la parenté des âmes que depuis une heure. Il me semble que Frédérique n'est pas pour moi la première venue. Est-ce souvenir, est-ce pressentiment ? sa physionomie, l'accent de sa voix, tout en elle a remué soudain dans mon cœur des fibres que je croyais mortes.
- Comme tu t'allumes ! dit Samuel, qui écoutait et qui réfléchissait ; tu en parles comme un amoureux !
- Amoureux ! dit Julius en secouant la tête, tu sais bien que cela n'est plus de l'âge ni du caractère que m'a faits la vie. Le temps est passé. Mais il y a autre chose que l'amour. Il y a la sympathie profonde, intime, dévouée. De toutes les femmes que je connais, Frédérique est assurément celle qui répond le mieux chez moi à ce besoin d'affection... comment dirai-je ? paternelle, qui survit dans l'âme à l'amour éteint.
- L'autre jour, c'était Olympia, dit Samuel. ô la changeante nature ! La girouette de ton cœur tourne à toutes les brises.
- Non, dit Julius, Olympia, ce n'était pas la même chose. D'abord, je n'ai jamais aimé chez Olympia que le souvenir d'une morte, une ombre, un fantôme.
- Et la princesse, est-ce aussi une ressemblance que tu adorais en elle ?
- Oh ! dit Julius, ne me parle pas de ces faux caprices qui s'éveillent quand sommeille la passion vraie. Je t'ai déjà dit que, depuis Christiane, je n'avais aimé personne. Pour ce qui est de la princesse, j'ai rompu avec elle ce matin même. Quant à Olympia, elle n'est plus à Paris.
- Partie ! Tu l'as laissée partir ? dit Samuel.
- Assez sur ce sujet, je t'en prie, répondit Julius, qui devint pâle. En ce moment, Olympia roule vers Venise. Eh bien ! je ne courrai pas après elle ! Mais à quoi penses-tu, Samuel ? Tu as l'air d'un conspirateur qui médite la mort du tyran.
- Rentrons auprès de Frédérique, reprit Samuel sans sortir de sa préoccupation.
- Attends, dit Julius.
Le comte d'Eberbach alla à un meuble d'ébène ciselé de dessins charmants, l'ouvrit, et prit, dans un tiroir que fermait un secret, un admirable collier de perles fines.
- Viens, maintenant, dit-il.
Ils rentrèrent dans le salon. Julius alla à Frédérique.
- Mademoiselle, lui dit-il, voici un collier qui a pour moi ce prix unique qu'il a appartenu à ma mère, et qu'il a été porté par ma femme. Je l'aurais donné à ma fille, si Dieu m'en avait accordé une. Vous avez été pour moi si dévouée et si filiale, que je vous demande la permission de vous l'offrir. Ce sera pour votre parure de noces.
Ce dernier mot fit rougir Frédérique et lui mit aux yeux un sourire triste.
Elle voulut d'abord refuser.
- Je suis pénétrée de votre bonté, monsieur le comte, dit-elle ; mais je suis trop pauvre pour porter des bijoux de cette valeur.
Julius insista avec grâce et prière.
- Allons, Samuel, prie avec moi, et dis à mademoiselle qu'auprès de sa figure ce collier serait pauvre.
- Frédérique aurait tort de refuser après ce que tu lui as dit, intervint Samuel. Ce ne serait pas un collier qu'elle refuserait, ce serait un père.
- Voulez-vous être ma fille ? répéta Julius.
- Oh ! merci ! j'accepte, dit Frédérique en prenant le collier.
- C'est à moi à dire merci, s'écria Julius ravi. Mais, puisque vous êtes en train de m'accorder ce que je vous demande, j'ai encore quelque chose à solliciter. Je vous en prie, ne nous quittons pas aujourd'hui. J'ai cruellement souffert ce matin. Finissons du moins ensemble et dans la joie cette journée commencée dans la solitude et la douleur.
- Accordé, dit Samuel.
- Tu es un ami ! reprit Julius. Sans vous, je ne sais pas trop ce que je serais devenu. Lorsque Mlle Frédérique est arrivée, je me sentais dans un état de prostration et d'abattement où je n'étais pas encore tombé. J'ai vraiment besoin de ne pas rester seul aujourd'hui. Voici l'heure du dîner. Vous allez dîner avec moi en famille.
- Tout ce que tu voudras, répondit Samuel.
- Merci.
Julius sonna et donna les ordres. Un quart d'heure après, un domestique vint annoncer que Son Excellence était servie, et l'on passa dans la salle à manger.
Julius fut gai, mais il mangea peu. La nuit passée à la vente, le départ d'Olympia, la rupture avec la princesse, la brusque apparition de Frédérique dans sa vie, c'étaient là plus d'émotions que n'en pouvait supporter, en une seule journée, sa nature épuisée. Il était las et faible. Frédérique prenait soin de lui comme une fille, s'inquiétait de lui, le forçait à manger et à parler, et Julius, pour lui complaire, tâchait de se contraindre à l'enjouement et au sourire.
Mais tous les efforts qu'il faisait le fatiguaient encore, et il retombait de plus en plus éteint et brisé.
Ce n'était pas Lothario qui était capable de mettre de l'entrain dans le dîner. De tout ce qu'on disait, il n'entendait que ce que lui avait dit Frédérique dans le moment où ils étaient restés seuls. Elle ne pouvait être à lui ! elle était liée à un autre ! à qui ? Toutes ces idées se lamentaient dans sa tête, et il fixait sur son assiette, à laquelle il ne touchait pas, des yeux mornes et désespérés.
Samuel, seul, parlait, mangeait, vivait. Mais, sous sa verve, un spectateur attentif aurait remarqué une sorte de résolution étrange et sombre. De temps en temps, il regardait Frédérique et Julius d'un air moitié douloureux, moitié menaçant.
à la fin du dîner, Julius, à l'aide de sa volonté et l'aide du vin, s'anima un peu. Le sang remonta à ses joues pâles. Ses yeux se rallumèrent. Il causa de tout, de la diplomatie, de la cour de Vienne, de son adolescence avec Samuel et de leurs exploits à l'Université.
Il parlait avec une vivacité fébrile dont Samuel parut s'inquiéter plus que de son apathie d'auparavant.
Samuel jeta un regard sur les pommettes des joues de Julius, et eut un froncement de sourcil en les voyant si ardentes.
Heureusement, le dîner finissait.
On se leva de table, et le comte d'Eberbach offrit le bras à Frédérique pour rentrer au salon. Mais, au moment où ils venaient de passer la porte, Frédérique sentit tout à coup le bras du comte se raidir et s'arracher du sien.
Julius porta la main à son front, et murmura : « Oh ! je me sens mal, très mal ! » et, avant qu'on eût pu le retenir, tomba à la renverse.
Samuel et Lothario se précipitèrent.
Au bruit, les domestiques étaient accourus.

- Vite ! s'écria Samuel ; c'est une congestion cérébrale. Pas un moment à perdre. Portons-le sur son lit.
Samuel et Lothario prirent Julius eux-mêmes et le portèrent dans sa chambre.
Samuel dit ce qu'il fallait faire, ordonna et se multiplia. Avant qu'un médecin pût être appelé, il prit sur lui de mettre en œuvre les réactifs les plus violents, et, au bout d'une heure, Julius reprit un peu connaissance.
En ouvrant les yeux, son premier geste fut de chercher quelqu'un qui n'était pas dans la chambre.
Samuel comprit son regard.
- Tu demandes Frédérique, n'est-ce pas ? dit-il.
Un signe imperceptible de Julius répondit oui.
- Allez la chercher au salon, dit Samuel à un domestique.
Frédérique accourut.
- Sauvé ! lui dit Samuel.
- Ah ! Dieu m'a exaucée ! s'écria Frédérique.
- Vous avez donc prié pour moi ? demanda Julius d'une voix faible et lente.
- Oh ! oui, j'ai prié, et de tout mon cœur.
- Eh bien ! vous m'avez sauvé tous, vous par votre prière, toi par ta science, Samuel, et toi, Lothario, par tes soins. Tous, je vous remercie.
- Ne parle pas tant ! dit Samuel.
- Si ! un mot encore. Promettez-moi tous deux, Frédérique et Samuel, que vous ne me quitterez pas plus que Lothario. Vous voyez que, si vous n'aviez pas été là, j'étais mort. Vous êtes nécessaires à ma vie ; ne vous en allez pas, si vous voulez que je vive.
- Tu épuises tes forces avec toutes ces paroles, reprit Samuel.
- Je me tairai quand vous m'aurez promis de ne pas vous en aller.
- Voyons, nous te le promettons, répondit Samuel. Calme-toi. Nous ne te quitterons que guéri et debout.
- Merci ! dit Julius en laissant retomber sur son oreiller sa tête pâle et maigrie, mais où se dessina un sourire.



Chapitre précédent | Chapitre suivant

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
Haut de page
Page précédente