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Scène 2

                              SCENE II

Les mêmes, Oxenstiern, de Brahé, portant le manteau royal, la couronne et le sceptre ; Guème, Steinberg.

                              Christine.
          Salut, messieurs, salut !
Vous venez me trouver, et je sais dans quel but.
Je voudrais des Suédois redevenir la reine :
Dieu le sait ;... mais sa main loin du trône m'entraîne,
Et ce sceptre des rois, que je trouvai si beau,
N'est plus qu'un ornement à mettre en mon tombeau.
Vous arrivez trop tard...

                              De Brahé.
                              Pour le pouvoir suprême
Il n'est jamais trop tard, madame ;... car Dieu même,
Lorsqu'il s'agit d'empire, et de peuple et de rois,
Avant de les frapper, y regarde à deux fois ;
Et souvent on l'entend, quand on croit l'heure prête,
Dire au soleil : « Reviens ! » dire à la nuit : « Arrête ! »
Voilà ce que pour vous peut faire son pouvoir,

                              Oxenstiern.
Madame, puissions-nous un jour encore vous voir
Au trône, où vous attend la Suède dévouée...

                              Christine.
A son bonheur toujours Christine s'est vouée ;
Mais pour chacun il vient un moment solennel
Où l'on ne pense plus qu'au bonheur éternel.

                              De Brahé.
Oui ; mais laissez du moins placer sur votre tête
Cette couronne, afin que, si la mort s'apprête
A frapper ici-bas la femme seulement,
L'ange qui doit vers vous descendre à ce moment,
Voyant à votre front la marque souveraine,
Remonte demander s'il doit frapper la reine.

                              Christine.
Il faut pour obéir un courage bien grand ;
La couronne paraît lourde au front d'un mourant ;
Quand la tête s'incline et que la main retombe,
C'est un fardeau pesant à porter dans la tombe,
Qu'une couronne,... un sceptre... Aussi, lorsque la voix
De Dieu sur les tombeaux retentira sept fois ;
Quand les morts répondront aux paroles fatales,
Parmi les trépassés les rois seront plus pâles,
Et plus d'un paraîtra sans sceptre et sans bandeau,
Les oubliant exprès au fond de son tombeau.
Je le ferai pourtant, car mon obéissance
Ne veut pas devant Dieu douter de sa puissance.
Mais sans couronne, au moins, ne puis-je demeurer
Seule un instant encore ?...

                              Guême, montrant les messagers.
                              Quand pourront-ils rentrer ?


                              Christine, à demi-voix, à Borri.
Combien de temps encore avant que je ne meure ?

                              Borri, de même, à Christine.
Trois quarts d'heure, à peu près...

                              Christine.
                                        Revenez dans une heure.

                              De Brahé.
Ne nous éloignons pas, nous attendrons...
          Ils sortent.

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