Henri III et sa cour Vous êtes ici : Accueil > Accueil > Bibliothèque
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Scène 1

                              ACTE TROISIEME
L'oratoire de la duchesse de Guise.

                              SCENE PREMIERE
Arthur, Madame de Cossé, Marie.

                              Madame de Cossé, déposant sur une table de toilette un domino noir.
Concevez-vous, Marie, madame la duchesse de Guise, qui veut aller au bal de la cour en simple domino ?

                              Marie, déposant des fleurs sur la même table.
C'est que madame la duchesse n'est pas coquette...

                              Madame de Cossé.
Mais, sans être coquette, on peut tirer parti de ses avantages... A quoi servira- t-il d'être jolie et bien faite, si l'on se couvre la figure de ce masque noir, et si l'on s'enveloppe la taille de ce domino large comme une robe d'ermite ? pourquoi se pas se mettre en Diane ou en Hébé ?

                              Arthur.
C'est qu'elle veut vous laisser ce costume, madame de Cossé.

                              Madame de Cossé.
Voyez donc ce petit muguet !... Allez ramasser l'éventail de votre maîtresse, ou porter la queue de sa robe, et ne parlez pas toilette ; vous n'y connaissez encore rien... Dans trois ou quatre ans, à la bonne heure !

                              Arthur.
Tiens... Je vais avoir quinze ans.

                              Madame de Cossé.
Quatorze ans, mon beau page, ne vous déplaise...

                              Marie.
Ce domino, d'ailleurs, n'est que pour entrer dans la salle de bal. Une partie des dames, vous le savez, ne se masquent qua pour jouir du premier coup d'oeil, et reviennent ensuite en costume de ville.


                              Madame de Cossé.
Et voilà le tort... Autrefois, on conservait son déguisement toute la nuit... Par exemple, au fameux bal masqué qui eut lieu lors de l'avènement au trône de Henri II, il y a vingt-cinq ans... Je n'en avais que vingt.

                              Arthur.
Il y a trente ans, madame de Cossé, ne vous en déplaise.

                              Madame de Cossé.
Vingt-cinq ou trente, peu importe... Alors je n'en avais que quinze. Eh bien, tout le monde resta en costume, jusqu'au moment où l'astronome Lucas Gaudric prédit au roi qu'il serait tué dans un combat singulier. Onze ans après Montgomery accomplit la prédiction.

                              Arthur.
C'est bien malheureux ! depuis ce temps, il n'y a plus de tournois.

                              Madame de Cossé.
C'est effectivement quelque chose de bien fâcheux... Il ferait beau voir jouter les jeunes gens de votre époque : voilà de plaisants damerets, en comparaison des chevaliers de Henri II.

                              Arthur.
Vous pourriez même dire, en comparaison des chevaliers du roi François Ier. Vous les avez vus, madame de Cossé.

                              Madame de Cossé.
J'étais un enfant... Je ne m'en souviens pas... Un enfant au berceau, entendez vous ?
                              Marie
Mais il me semble, madame, que le baron-duc d'Epernon, le vicomte de Joyeuse, le seigneur de Bussy, le baron de Dunes...

                              Arthur.
Et le comte de Saint-Mégrin, donc !...

                              Madame de Cossé.
Ah ! vous voilà encore avec votre petit Bordelais... J'aurais bien voulu le voir, avec une armure de deux cents livres, comme celle que portait M. de Cossé, mon noble époux, quand il me couronna dame de la beauté et des amours, et brisa en mon honneur cinq lances, dont M. de Saint-Mégrin ne pourrait pas remuer la plus petite avec les deux mains... C'était au fameux tournoi de Soissons...

                              Marie.
Au fameux tournoi de Soissons ?...

                              Arthur.
Eh ! oui,... au fameux tournoi de Soissons, en 1546, un an avant la mort du roi François Ier, quand madame de Cossé était encore au berceau...

                              Madame de Cossé.
Petit drôle !... vous vous fiez bien à ce que vous êtes le parent de madame la duchesse de Guise.

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