Henri III et sa cour Vous êtes ici : Accueil > Accueil > Bibliothèque
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Scène 2

                              SCENE II
Les mêmes, la duchesse de Guise.

                              Arthur, courant à elle.
Oh ! venez, ma belle cousine et maîtresse ! et protégez-moi contre le courroux de votre première dame d'honneur...

                              La duchesse de Guise, distraite.
Qu'avez-vous fait ? encore quelque espièglerie ?...

                              Arthur.
Chevalier discourtois, je me souviens des dates.

                              Madame de Cossé, l'interrompant.
Madame la duchesse paraît préoccupée.

                              La duchesse de Guise.
Moi ? Non... N'auriez-vous pas trouvé ici un mouchoir à mes armes ?
                              

                              Marie.
Non, madame.

                              Arthur.
Je vais le chercher ; et, si je le trouve, quelle sera ma récompense ?

                              La duchesse de Guise.
Ta récompense, enfant ?... Un mouchoir mérite-t-il donc une grande récompense ? Eh bien, cherche-le, Arthur.

                              Marie.
Pendant que madame était retirée dans son appartement, où elle avait dit, en rentrant, qu'elle voulait rester seule, la reine Louise est venue pour lui faire une visite ; elle avait dans sa bourse le plus joli petit sapajou...

                              Madame de Cossé.
Oui, elle désirait connaître le déguisement de madame. Elle est entrée chez madame de Montpensier ; et, comme j'y étais, je connais tous les costumes des seigneurs et dames de la cour.
                              La duchesse de Guise, à Arthur, qui revient s'asseoir à ses pieds.
Eh bien ?

                              Arthur.
Je n'ai rien trouvé...

                              Madame de Cossé.
M. de Joyeuse est en Alcibiade... Il a un casque d'or massif... Son costume lui coûte, dit-on, dix mille livres tournois. M. d'Epernon est...

                              Arthur.
Et M. de Saint-Mégrin ?
                                                  La duchesse tressaille.

                              Madame de Cossé.
Ah !... M. de Saint-Mégrin ? Il avait aussi un costume très brillant ; mais, aujourd'hui, il en a commandé un autre, tout simple, un costume d'astrologue, semblable à celui que porte Côme Ruggieri.

                              La duchesse de Guise.
Ruggieri ?... Dites-moi, Ruggieri ne demeure-t-il pas rue de Grenelle, près l'hôtel de Soissons ?

                              Marie.
Oui.

                              La duchesse de Guise, à part.
Plus de doute !... c'était chez lui... J'avais cru le reconnaître...Haut. N'est-il venu aucune autre personne ?

                              Madame de Cossé.
Si. M. Brantôme, pour vous offrir le volume de ses Dames galantes... Je l'ai déposé sur cette table... La reine de Navarre y joue un grand rôle... Et puis M. Ronsard est aussi venu... il voulait absolument vous voir... Vous lui avez reproché, l'autre jour, chez madame de Montpensier, de ne pas assez soigner ses rimes, et il vous apportait une petite pièce de vers.

                              La duchesse de Guise, avec distraction.
Sur la rime ?...
                              Madame de Cossé.
Non, madame ; mais mieux rimée qu'il n'a coutume de le faire. Madame la duchesse veut-elle les entendre ?

                              La duchesse de Guise.
Donnez à Arthur, il les lira.

                              Arthur, lisant.
          Mignonne, allons voir si la rose
          Qui, ce matin, avoit desclose
          Sa robe de pourpre au soleil,
          N'a point perdu, cette vesprée,
          Les plis de sa robe pourprée,
          Et son teint au vostre pareil.

          Las ! voyez comme en peu d'espace,
          Mignonne, elle a, dessus la place,
          Là, là, ses beautés laissé choir.
          O vrayment marastre nature !
          Puisqu'une telle fleur ne dure
          Que du matin jusques au soir !

          Or donc, écoutez-moi, mignonne :
          Tandis que votre âge fleuronne,
          Dans sa plus verte nouveauté,
          Cueillez, cueillez votre jeunesse ;
          Comme à cette fleur, la vieillesse
          Fera ternir votre beauté.
                              
                              La duchesse de Guise, toujours distraite.
Mais il me semble qu'ils sont bien, ces vers.

                              Arthur
Oh ! M. de Saint-Mégrin en fait au moins d'aussi jolis...

                              La duchesse de Guise.
M. de Saint-Mégrin ?...

                              Madame de Cossé.
Ce ne sont pas des vers amoureux, toujours...
                              Arthur.
Et pourquoi cela ?

                              Madame de Cossé.
Il est probable qu'il n'a encore trouvé aucune femme digne de son amour, puisqu'il le seul, parmi tous les jeunes gens de la cour, qui ne porte pas le chiffre de sa dame sur son manteau.

                              Arthur.
Et s'il aimait quelqu'un dont il ne pût porter le chiffre ?.. Cela peut être.

                              La duchesse de Guise.
Oui,... cela peut être.

                              Madame de Cossé, à Arthur.
Mais qu'a donc de si remarquable ce petit comte de Saint-Mégrin, pour être l'objet de votre enthousiasme ?

                              Arthur.
Si remarquable ?... Ah ! je ne demande rien que d'être digne de devenir son page, quand je ne pourrai plus être celui de ma belle cousine.

                              La duchesse de Guise.
Tu l'aimes donc bien ?...
                              
                              Arthur.
Si j'étais femme, je n'aurais pas d'autre chevalier.

                              La duchesse de Guise, vivement.
Mesdames, je puis achever seule ma toilette ; je vous rappellerai, si j'ai besoin de vous... Reste, Arthur, reste ; j'ai quelque commission à te donner.

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