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Acte troisième, neuvième tableau


L'auberge du Colombier rouge. Rez de chaussée et premier étage.

SCèNE PREMIèRE

MILADY, écrivant au premier étage.

ATHOS, au rez de chaussée; L'HôTE.

ATHOS, en simple cavalier.
Mais il me semble qu'il n'y a rien de si extraordinaire dans ce que je vous dis là. J'attends deux de mes amis; nous désirons nous griser ensemble; nous avons peur qu'on ne nous dérange pendant cette respectable opération, et nous voulons vous louer cette chambre.

L'HôTE
Non, ce n'est pas cela que j'avais compris; j'avais compris que vous me demandiez toute la maison, entendez-vous bien ? et, comme le premier est déjà occupé...

ATHOS
Eh bien, oui, par une femme, vous me l'avez dit, nous sommes trop galants pour déranger les dames, que diable ! Que cette dame reste où elle est... et, pourvu que nous puissions disposer de cette chambre...

L'HôTE
Très bien ! de cette façon là, tout s'arrange, mon Dieu ! et, moyennant une pistole...

ATHOS
La voilà... Montez nous du vin.

L'HôTE
Combien de bouteilles ?

ATHOS
Tant que vous voudrez.

L'HôTE, à part.
Fameuse pratique ! (Il sort.)

ATHOS
Elle est ici, je l'ai vue entrer. J'entends marcher au dessus de moi...

MILADY, allant à la fenêtre.
Le cardinal avait dit: « A dix heures et demie... » (Dix heures sonnent.) Allons, ce n'est pas lui qui est en retard, c'est moi qui suis en avance.

PORTHOS, arrivant du dehors, à Athos.
Chut !

ATHOS
Eh bien ?

PORTHOS
Aramis a fait le signal.

ATHOS
Alors ils viennent ?

PORTHOS
Oui.

ATHOS
Soit.

PORTHOS
Maintenant, est ce que vous ne pourriez pas me dire, Athos...?

ATHOS
Inutile... Je voudrais seulement savoir une chose..

PORTHOS
Laquelle ?

ATHOS
C'est comment je pourrai entendre ce qui se dira là-haut.

L'HôTE, rentrant.
Voilà le vin.

ATHOS
Merci. Nous sommes chez nous, et personne ne tous dérangera ?

L'HôTE
Non... Ah ! seulement une recommandation.

ATHOS
Laquelle ?

L'HôTE
Ne faites pas de feu dans le poêle.

ATHOS
Et pourquoi cela ?

L'HôTE
Vous allez comprendre. Je suis un homme d'esprit, moi; j'ai fait d'une pierre deux coups: avec le poêle, je chauffe le rez de chaussée; avec le tuyau, la chambre au dessus; mais, hier, le tuyau est tombé, oui, dans une bagarre, dans une dispute, dans une batterie, de sorte que, si vous faisiez du feu, vous l'enfumeriez...

ATHOS
Qui ?...

L'HôTE
La petite dame du premier, qui a retenu la chambre au-dessus pour elle toute seule.

ATHOS
Pour elle toute seule ?

L'HôTE
Oui, et pour un cavalier qui doit venir la rejoindre.

ATHOS
Chut ! cela ne nous regarde pas.

L'HôTE
Bravo ! voilà votre vin; si vous n'en avez pas assez, vous en redemanderez.
(il sort; à la porte, il rencontre Rochefort.)

SCèNE II

Les mêmes, ROCHEFORT, à la porte du fond; puis LE CARDINAL, avec deux Gardes.

ROCHEFORT
Ici, l'ami !

L'HôTE
Qu'y a t il ?

ROCHEFORT
Cette auberge est celle du Colombier rouge ?

L'HôTE
Vous voyez bien...

ROCHEFORT
Vous avez, dans une chambre au premier, une femme qui attend.

L'HôTE
êtes vous celui...?

ROCHEFORT
Non...

L'HôTE
Eh bien, alors ?...

ROCHEFORT
Silence ! (Il va au fond, et, s'adressant au Cardinal, qui attend dehors, enveloppé d'un manteau et escorté de deux Gardes.) Venez, monseigneur.

LE CARDINAL
Elle est arrivée ?

ROCHEFORT
Elle attend Votre Eminence.

LE CARDINAL
Indiquez moi le chemin.

L'HôTE
Oh ! il n'y a pas à se tromper; prenez cet escalier, suivez le balcon extérieur, la première porte à gauche.

LE CARDINAL
Merci !
(Il monte.)

ROCHEFORT, à L'HôTE.
Maintenant, mon ami, allez à vos affaires.

L'HôTE
A mes affaires ?

ROCHEFORT
Oui, vous devez en avoir; allez !

MILADY, à la fenêtre.
Venez, monseigneur, par ici!...
(Athos a écouté à la porte. Aramis frappe à la fenêtre de gauche.)

ATHOS
Voyez qui frappe à la fenêtre, Porthos.

ARAMIS, dehors.
Moi... Aramis.

ATHOS
Ouvrez, Porthos.
(Aramis rentre par la fenêtre.)

PORTHOS
Pourquoi rentrez vous par la fenêtre ?

ARAMIS
Parce que c'était dangereux de rentrer par la porte.

ATHOS, à Aramis.
Avez vous vu le chef de la troupe ?

ARAMIS
Oui; aux rayons de la lune, il a ouvert son manteau, un seul instant, mais cela a suffi.

ATHOS
C'est le cardinal, n'est ce pas ?

ARAMIS
C'est le cardinal.

PORTHOS
Le cardinal ?... Oh !

ATHOS
Et les autres ?

ARAMIS
Le comte de Rochefort, et deux gardes de Son éminence; et, comme ils sont là, je suis rentré par la fenêtre, afin de n'être pas vu d'eux.

PORTHOS
Je comprends ! et quand je pense que cela ne me serait pas venu à l'idée, à moi.

ATHOS, écoutant.
Il est là haut... Porthos, enlevez le poêle et mettez le où vous voudrez.

PORTHOS
Le poêle ?

ATHOS
Faites, je vous prie.
(Porthos enlève le poêle.)

MILADY
Oh ! nous sommes bien seuls, monseigneur, ne craignez rien.

LE CARDINAL
N'importe ! on ne saurait prendre trop de précautions.

ATHOS, écoutant par le tuyau.
Un véritable tuyau d'orgue.

ARAMIS
Vous entendez ce qu'ils disent ?

ATHOS
Je n'en perdrai pas un mot.

PORTHOS
Ah ! je comprends ! voilà pourquoi vous me disiez...

ATHOS
Porthos, buvez ce vin ou videz les bouteilles par ta fenêtre.

PORTHOS
Vider les bouteilles ?

ARAMIS
Il faut que nous ayons l'air d'avoir bu.

PORTHOS
Oui, oui, oui.

LE CARDINAL
Asseyons nous, Milady, et causons.

ATHOS
Chut !

MILADY
J'écoute Votre éminence.

ATHOS
Oh ! cette voix !

LE CARDINAL
Vous connaissez l'importance de la mission que l'on vous confie ?

MILADY
Oui; mais daignez me donner mes instructions clairement, monseigneur; je tiens à justifier votre confiance.

ATHOS
Fermez la porte au verrou, Aramis.

LE CARDINAL
Vous allez partir pour Londres.

MILADY
Si vous m'envoyez près du duc de Buckingham, monseigneur, prenez garde ! c'est moi qui, rue de la Harpe, lui ai présenté le mouchoir que devait lui présenter la petite Bonacieux... Il pourra bien me reconnaître.

LE CARDINAL
Peu importe ! il n'y aura même point de mal qu'il sache que vous êtes à moi.

MILADY
Alors, c'est une négociation à découvert que j'entreprends, et je puis me présenter franchement et loyalement à lui ?

LE CARDINAL
Oui, franchement et loyalement... comme toujours.

MILADY
Parlez, monseigneur; je suivrai à la lettre les ordres de Votre Eminence.

ARAMIS, à Porthos, qui a débouché une bouteille.
Chut, donc, Porthos !

PORTHOS
Mais Athos m'a dit de vider les bouteilles, je les vide.

LE CARDINAL
Vous irez trouver Buckingham de ma part; vous lui direz que je sais tous les préparatifs qu'il fait, mais que je ne m'en inquiète guère, attendu qu'à son premier mouvement je punis la reine !

MILADY
Croira t il Votre éminence en mesure d'accomplir cette menace ?

LE CARDINAL
Vous lui direz que j'ai des preuves, et, quand il saura que cette guerre qu'il entreprend peut coûter l'honneur et même la liberté à la dame de ses pensées, je vous réponds, moi, qu'il y regardera à deux fois.

MILADY
Et si, cependant, il persiste ?

LE CARDINAL
Ce n'est pas probable.

MILADY
C'est possible.

LE CARDINAL
S'il persiste ?... Eh bien, je mettrai mon espoir dans un de ces événements qui changent la face des Etats.

MILADY
Votre éminence veut parler du coup de couteau de Ravaillac ?

LE CARDINAL
Justement.

MILADY
Mais Votre éminence ne craint elle pas que le supplice de Ravaillac n'épouvante ceux qui auraient eu un instant l'intention de l'imiter ?

LE CARDINAL
Il y a, en tout temps et dans tout tes pays, surtout si ces pays sont divisés de religion, comme l'Angleterre, par exemple, il y a, dis je, des fanatiques qui ne demandent pas mieux que de se faire martyrs.

MILADY
Ah ! vous croyez que l'on pourrait trouver de pareils hommes ?

LE CARDINAL
Tenez, justement, le bâtiment que vous allez prendre à Boulogne pour aller à Londres est un sloop marchand, commandé par un homme de cette sorte.

MILADY
Vous le connaissez pour un ennemi de milord ?

LE CARDINAL
Oh ! de longue main.

MILADY
Comment s'appelle t il ?

LE CARDINAL
Felton.

MILADY
Ah !

LE CARDINAL
Ce Felton, sous son masque de puritain, cache une âme de feu: il ne faudrait qu'une femme jeune, belle, adroite, pour monter la tête à un pareil homme.

MILADY
Oui... et cette femme peut se rencontrer ?

LE CARDINAL
Eh bien, une pareille femme, qui mettrait le couteau de Jacques Clément ou de Ravaillac aux mains de ce fanatique... cette femme sauverait la France !

MILADY
Oui; mais elle serait la complice d'un assassinat.

LE CARDINAL
Que lui faudrait il pour la rassurer ?

MILADY
Je crois qu'il lui faudrait un ordre qui ratifiât d'avance tout ce qu'elle croirait devoir faire pour le bonheur de la France.

LE CARDINAL
Le tout est de trouver cette femme.

MILADY
Je la trouverai.

LE CARDINAL
Alors cela va à merveille, si l'homme est trouvé par moi et la femme par vous.

MILADY
Oui, il ne reste que l'ordre.

LE CARDINAL
Un ordre dans le genre de celui ci ?
(Il écrit un ordre.)

MILADY
Oui; et, maintenant que j'ai reçu les instructions monseigneur à propos de ses ennemis, je veux dire les ennemis de la France, Son Eminence me permettra t elle de lui dire deux mots des miens ?

LE CARDINAL
Vous avez donc des ennemis ?

MILADY
Oui, monseigneur, et des ennemis contre lesquels vous me devez tout votre appui; car je me les suis faits en servant Votre Eminence.

LE CARDINAL
Nommez les moi.

MILADY
Il y a déjà cette petite intrigante de Bonacieux.

LE CARDINAL
Ah ! ah ! la reine se doutait de quelque chose à son sujet; car elle l'a fait partir cette nuit pour le couvent des Carmélites de Béthune...

MILADY
Des Carmélites de Béthune ?

LE CARDINAL
Vous connaissez le pays ?

MILADY
Je l'ai habité... L'autre ennemi...

LE CARDINAL
Ah ! il yen a deux ?

MILADY
L'autre, Votre éminence le connaît bien... C'est notre mauvais génie à tous deux; c'est celui qui, dans la rencontre avec les gardes de Votre Eminence, a blessé si cruellement M. de Jussac... C'est celui qui, lorsque tout était préparé pour prendre le duc dans cette maison de la rue des Fossoyeurs, est venu mettre en fuite les agents de Votre Eminence et nous a fait manquer le coup.

LE CARDINAL
Ah ! je sais de qui vous voulez parler.

MILADY
Je veux parler de ce misérable d'Artagnan.

LE CARDINAL
C'est un hardi compagnon !

MILADY
Il n'en est que plus à craindre.

LE CARDINAL
Mais il me faudrait des preuves de ses intelligences avec Buckingham.

MILADY
Des preuves ? J'en aurai dix.

LE CARDINAL
Oh ! mais, alors, c'est la chose la plus simple; donnez moi ces preuves, et je l'envoie à la Bastille.

MILADY
Et ensuite ?

LE CARDINAL
Quand on est à la Bastille, il n'y a pas d'ensuite.

MILADY
Monseigneur, troc pour troc, existence pour existence, homme pour homme; donnez moi d'Artagnan, je vous donne Buckingham.

LE CARDINAL
Je ne sais ce que vous voulez dire, Milady; mais, comme j'ai le désir de vous être agréable, voici le papier que vous m'avez demandé.

MILADY
Merci, monseigneur.

PORTHOS
Avez vous entendu ?

ARAMIS
Oh ! l'atroce créature !

ATHOS
C'est bien, ne bougez pas.

PORTHOS
Quoi ?

ATHOS
Le reste me regarde !

ARAMIS
Vous sortez ?

ATHOS
Oui; mais restez ici.

PORTHOS
Vous vous chargez donc...?

ATHOS
Je me charge de tout.

ARAMIS
Devons nous écouter encore ?

ATHOS
Oui, si cela peut vous intéresser. (Il sort par la fenêtre.)

LE CARDINAL, qui a repris son manteau.
Eh bien, c'est donc convenu, madame ?

MILADY
C'est convenu, monseigneur.

LE CARDINAL
Vous avez une chaise de poste ?

MILADY
A cent pas d'ici.

LE CARDINAL
Des relais sont préparés tout le long de la route, le sloop du capitaine Felton vous attend; si vous avez bon vent, vous pouvez être arrivée à Londres demain au soir.

MILADY
J'y serai.

LE CARDINAL
Aussitôt arrivée, vous me donnerez de vos nouvelles et me direz ce que vous avez fait pendant la route.

MILADY
Par qui ?

LE CARDINAL
Que cela ne vous inquiète pas: au moment où vous aurez besoin d'un messager, ce messager se présentera.

MILADY
Comment le reconnaîtrai je ?

LE CARDINAL
Il vous dira: La Rochelle.

MILADY
Et je répondrai ?

LE CARDINAL
Portsmouth. Vous pourrez lui remettre votre lettre.

MILADY
C'est bien. Adieu, monseigneur.

LE CARDINAL
Au revoir, madame.

MILADY, à son tour, fait ses préparatifs et lit le billet.
« C'est par mon ordre et pour le bien de l'état que le porteur du présent a fait ce qu'il a fait. RICHELIEU... »
(Parlé.) Pas de date, à merveille ! avec cela, la vengeance est sûre et n'est plus dangereuse...
(Pendant ce temps, Richelieu est descendu, a rejoint ses compagnons, qui s'éloignent avec lui. D'Artagnan et Porthos restent au rez de chaussée.)

SCèNE III

ATHOS. MILADY, ARAMIS, PORTHOS.

ATHOS entre au premier étage et referme la porte sur lui.

MILADY
Qui êtes vous, et que voulez vous ?

ATHOS
A nous deux ! (Il laisse tomber son manteau, et lève son feutre. Milady fait un pas en arrière.) Ah ! je vois que vous me reconnaissez.

MILADY
Le comte de la Fère !

ATHOS
Oui, Milady, le comte de la Fère en personne, qui revient tout exprès de l'autre monde pour avoir le plaisir de vous revoir... Asseyons nous, madame, et causons, comme dit M. le cardinal.

MILADY, tombant sur un fauteuil.
Oh ! mon Dieu !

ATHOS
Vous êtes donc le démon sur la terre ? Heureusement, avec l'aide de Dieu, les hommes ont parfois vaincu le démon. Vous vous êtes déjà trouvée sur mon chemin, et je croyais vous avoir terrassée, madame; mais ou je me trompais, ou l'enfer vous a ressuscitée...

MILADY
Ah !
(Elle s'enveloppe dans sa coiffe.)

ATHOS
Oui, l'enfer vous a ressuscitée, l'enfer vous a faite riche, l'enfer vous a donné un autre nom, l'enfer vous a refait même un autre visage... Mais il n'a effacé ni la souillure de votre âme, ni la flétrissure de votre corps.

MILADY
Monsieur !
(Elle se lève, Athos reste assis.)

ATHOS
Vous me croyiez mort, n'est ce pas ?

MILADY
Mais, enfin, qui vous ramène vers moi ? que voulez vous ?

ATHOS
Je veux vous dire que, tout en restant invisible à vos yeux, je ne vous ai pas perdue de vue.

MILADY
Vous savez ce que j'ai fait ?

ATHOS
Non seulement ce que vous avez fait, mais encore ce que vous voulez faire.

MILADY
Oh !

ATHOS
Vous doutez ?... Bien ! écoutez alors. Vous êtes passée en Angleterre; en quittant la France, vous y avez épousé lord de Winter, baron de Clarick; au bout de deux ans, il est mort..d'une maladie singulière, qui laisse des taches bleues par tout le corps: par cette mort, vous êtes devenue la tutrice de votre fils et l'héritière de lord de Winter; puis vous êtes revenue en France, vous vous êtes mise au service du cardinal; c'est vous qui avez porté à Londres la fameuse lettre de la reine qui a fait venir milord Buckingham à Paris; c' est vous qui avez porté, rue de la Harpe, le mouchoir qui devait faire tomber le duc dans un piège; c'est vous qui, croyant recevoir dans votre chambre le comte de Vardes, y avez reçu le chevalier d'Artagnan, auquel vous en voulez, moins encore d'avoir surpris votre terrible secret, que de n'avoir pas tué lord de Winter, votre beau frère, dont votre fils se fût trouvé l'héritier; c'est vous, enfin, qui venez, dans cette chambre, assise sur ce même fauteuil où vous êtes assise, c'est vous qui venez de prendre, avec le cardinal, l'engagement d'assassiner M. de Buckingham, en échange de la promesse qu'il vous a faite de laisser assassiner d'Artagnan.

MILADY
Mais vous êtes donc Satan ?

ATHOS
Peut être; mais, en tout cas, écoutez bien ceci: assassinez ou faites assassiner M. de Buckingham, peu m'importe ! je ne le connais pas, et, d'ailleurs, c'est un Anglais; mais ne touchez pas du bout du doigt à un seul cheveu de d'Artagnan, qui est un fidèle ami que j'aime et que je défends, ne touchez pas à quelqu'un des siens, ou, je vous le jure par la mémoire de mon père, le crime que vous aurez tenté de commettre ou que vous aurez commis, sera le dernier.

MILADY
M. d'Artagnan m'a cruellement offensée; M. d'Artagnan mourra.

ATHOS
Ne répétez pas cette menace, madame.

MILADY
Il mourra ! lui, d'abord; elle, ensuite.

ATHOS
Oh ! prenez garde, voilà le vertige qui me gagne ! (Il tire un pistolet de sa ceinture, et froidement.) Madame, vous allez à l'instant me remettre le papier que vous a signé le cardinal; ou, sur mon âme, je vous fais sauter la cervelle.

MILADY
Non !

ATHOS, levant son pistolet.
Vous avez une seconde pour vous décider...
(Milady tire le papier de sa poitrine et le laisse tomber en grinçant des dents.)

ATHOS, le ramasse et lit.
« C'est par mon ordre et pour le bien de l'état que le porteur du présent a fait ce qu'il a fait. RICHELIEU... » (Il reprend son manteau et son feutre.) Et, maintenant que je t'ai arraché les dents, vipère ! mords, si tu peux.

MILADY, se tordant de rage.
Ah !
(Athos s'élance hors de la chambre.)

ARAMIS
Que diable cette femme peut elle être à Athos ?

PORTHOS
Je crois que c'est sa tante.

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