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Acte deuxième, quatrième tableau


Chez d'Artagnan.

SCèNE PREMIèRE

D'ARTAGNAN, puis PLANCHET.

D'ARTAGNAN, fouillant dans les armoires.
Des bouteilles vides et des assiettes propres, voilà ce qui s'appelle un ménage bien tenu!... Planchet !

PLANCHET, entrant.
Monsieur ?

D'ARTAGNAN
Je voudrais déjeuner.

PLANCHET
Monsieur voudrait déjeuner ?

D'ARTAGNAN
Oui; qu'as tu à me donner ?

PLANCHET
Moi ? Rien !

D'ARTAGNAN
Comment, rien ?... Drôle !

PLANCHET
Rien absolument.

D'ARTAGNAN
Ah çà ! mais oubliez vous, monsieur Planchet, que j'ai fort ruai dîné hier ?

PLANCHET
C'est vrai, M. le chevalier a fort mal dîné.

D'ARTAGNAN
Et que j'ai déjeuné à peine ?

PLANCHET
Monsieur a déjeuné à peine, c'est vrai.

D'ARTAGNAN
Et vous croyez que je me contenterai de cet ordinaire là ?

PLANCHET
Le fait est que, depuis quelque temps, l'ordinaire est triste.

D'ARTAGNAN
C'est bien; donnez moi mon épée.

PLANCHET, à part.
Son épée!... Est ce que...?

D'ARTAGNAN
Je vais déjeuner chez Aramis... Je suis sûr que son laquais est plus soigneux que vous, monsieur Planchet... Ah ! si j'avais Bazin à mon service au lieu de vous avoir!... (Voyant Planchet qui lui présente une lettre.) Eh bien, qu'est cela ?

PLANCHET
Une lettre de M. Aramis.

D'ARTAGNAN
Ah ! ah !...que dit il ? (Lisant.) « Mon cher chevalier, mon coquin de libraire ne m'ayant point apporté hier, comme il me l'avait promis, le prix de mon poème, et ce misérable Bazin n'ayant pas su se créer un crédit dans le quartier, j'irai vous demander à déjeuner ce matin. Vous savez combien je suis sobre: une tasse de chocolat, des confitures et quelques pâtisseries suffiront. ARAMIS.»

PLANCHET
Le fait est qu'on ne peut pas être moins exigeant.

D'ARTAGNAN
Tu diras à Aramis que j'étais sorti quand sa lettre est arrivée; je vais déjeuner chez Porthos... Qu'est ce encore ?

PLANCHET
Une lettre de M. Porthos.

D'ARTAGNAN
Donne ! (Lisant.) «Mon cher d'Artagnan, j'ai perdu cette nuit, dans un infâme tripot, mon quartier de rente... » (A part.) Que diable va t il faire là ?... (Il lit.) Hier, toute la journée, j'ai vécu de croûtes fort dures... » (A part.) Tant mieux ! (Il lit.) «J'irai partager ce matin votre déjeuner; tâchez qu'il soit copieux, car j'ai faim... »

D'ARTAGNAN
C'est absolument comme moi... Ah ! j'ai une dernière ressource.

PLANCHET
Quoi, monsieur ?

D'ARTAGNAN
Mon chapeau ! Je n'ai pas de temps à perdre.

PLANCHET
Pour quoi faire ?

D'ARTAGNAN
Pour me sauver... Tu diras à Porthos que sa lettre est arrivée trop tard, et que je déjeune chez Athos...

PLANCHET, lui présentant une troisième lettre.
Monsieur!... Une lettre de M. Athos.

D'ARTAGNAN
C'est peut être une invitation. (Lisant.) « Mon cher chevalier, j'ai vidé hier ma dernière bouteille de vin d'Espagne..» (Parlé.) Vraiment, monsieur Planchet, votre conduite envers moi, je ne veux pas la qualifier... Enfin, M. Bonacieux, notre propriétaire, a une foule de bonnes choses dans sa boutique... en liqueurs, confitures, petites salaisons ?...

PLANCHET
Oui, monsieur; mais nous avions promis de payer la première quinzaine d'avance.

D'ARTAGNAN
Et ?...

PLANCHET
Nous l'avons oublié.

D'ARTAGNAN, lisant.
« Or, vous savez que je puis me passer de manger... » (Parlé.) Il est bien heureux ! (Lisant.) « Mais non de boire... Faites donc tirer de votre cave ce que vous avez de mieux en madère, en porto et en xérès.» (Parlé.) C'est comme cette petite fruitière à qui je vous avais ordonné de faire la cour...

PLANCHET
Monsieur, elle m'a donné mon congé avant hier, et, hier, elle m'a remplacé par un laquais de M. de la Trémouille.

D'ARTAGNAN
Vous vous êtes laissé supplanter ? Lâcheté ! (Continuant la lecture de sa lettre) « Et, si votre cave, par hasard, se trouve vide, envoyez en chercher à L'hôtellerie de la Pomme de pin; c'est là qu'on trouve le meilleur.»

PLANCHET
S'il n'y avait que L'hôtelière ! Mais L'hôtelier a déclaré qu'il ne fournirait plus rien que contre pistoles.

D'ARTAGNAN, regardant Planchet.
Monsieur PLANCHET, j'ai remarqué que, dans nos moments de détresse, et ces moments se représentent plusieurs fois dans le mois, monsieur Planchet ! j'ai remarqué que votre humeur ne souffrait aucune altération.

PLANCHET
C'est vrai, monsieur; j'ai un charmant caractère.

D'ARTAGNAN
Monsieur Planchet, j'ai remarqué, en outre, que vous supportiez la faim sans que votre physique en souffrît...

PLANCHET
C'est que j'ai un bon estomac, monsieur.

D'ARTAGNAN
Monsieur Planchet, vous avez des ressources inconnues.

PLANCHET
Moi, monsieur ?

D'ARTAGNAN
Tenez, dans ce moment, à l'heure où je vous parle, vous n'avez pas faim.

PLANCHET
Oh ! monsieur, si l'on peut dire ! Tenez, regarde mes dents.

D'ARTAGNAN, avec doute.
Hum !

PLANCHET, vivement.
Monsieur sort ?

D'ARTAGNAN
Oui.

PLANCHET
Et si les amis de monsieur viennent ?...

D'ARTAGNAN
Qu'ils attendent.

PLANCHET
Monsieur n'a pas d'autres ordres à me donner ?

D'ARTAGNAN, marchant sur PLANCHET.
Avec cela que vous les exécutez bien, les ordres qu'on vous donne, butor ! drôle ! maraud !
(il serre le ceinturon de son épée et sort.)

SCèNE II

PLANCHET, seul.
Il a faim!... Aussi, c'est inouï, ces mousquetaires ! au lieu d'avoir de l'ordre, de l'économie, de penser aux temps de disette pendant les jours d'abondance, cela joue, cela boit, cela mange; et puis, quand l'argent est dépensé, il faut se serrer le ventre. Je n'ai pas faim!... comme c'est injuste, les maîtres ! C'est à dire, au contraire, que je meurs de faim et que je n'attendais que le moment de sa sortie pour déjeuner. (Il tire d'une de ses poches une cuisse de poulet entourée de papier, et, de l'autre poche, une bouteille de vin.) Ah ! voilà les seuls bons moments que j'aie dans la journée !

SCèNE III

PLANCHET, D'ARTAGNAN.

D'ARTAGNAN, qui a fait une fausse sortie et qui a vu Planchet faire ses arrangements.
Psitt ! (Planchet se retourne effaré.) A votre santé, monsieur Planchet !

PLANCHET
Ouf !
(Il cache la bouteille et la cuisse de poulet avec son corps.)

D'ARTAGNAN
Eh bien, mais que faisiez vous donc là ?

PLANCHET
Monsieur, je buvais un verre d'eau, tout en cassant une croûte.

D'ARTAGNAN
Un verre d'eau ?
(Il prend le verre des mains de PLANCHET, le regarde, verse une goutte de vin sur son ongle.)

PLANCHET
D'eau rougie, monsieur.

D'ARTAGNAN
Monsieur Planchet, vous sentez la volaille.

PLANCHET
C'est vrai; j'ai un peu mordu dans une cuisse de dinde.

D'ARTAGNAN, tirant Planchet, qui est obligé de démasquer la table.
Ah ! ah ! maître Planchet, nous faisons noces et festins, à ce qu'il paraît; çà, voyons, comment le laquais mange t il de la volaille et boit il du vin, tandis que le maître en est réduit à se serrer le ventre ?... (Planchet s'éloigne et gagne la porte.) Halte ! et répondez moi !

PLANCHET
Eh bien, M. le chevalier avait deviné juste; j'ai des ressources inconnues.

D'ARTAGNAN
Ah ! ah !

PLANCHET
Une industrie particulière.

D'ARTAGNAN
Voyons votre industrie, monsieur Planchet; je ne serai pas fâché de la connaître.

PLANCHET
Monsieur sait que cette chambre est située juste au dessus du magasin d'épiceries de M. Bonacieux.

D'ARTAGNAN
Oui, je sais cela. Après ?

PLANCHET
Eh bien, j'ai découvert un ancien judas.

D'ARTAGNAN
Comment, un ancien judas ?

PLANCHET
Il paraît que cette chambre était celle de M. Bonacieux, et, pour voir d'ici ce qui se passait dans son magasin, il avait pratiqué une trappe.

D'ARTAGNAN
Malheureux ! j'espère bien que vous ne descendez pas par cette trappe pour faire vos provisions ?

PLANCHET
Fi donc, monsieur ! descendre, moi ? Ce serait voler ! Non, monsieur, ce sont les provisions qui montent.

D'ARTAGNAN
Ah ! elles montent ?

PLANCHET
Oui, monsieur.

D'ARTAGNAN
Et comment montent elles ? Expliquez moi cela.

PLANCHET
Vous voulez le savoir ?

D'ARTAGNAN
Oui.

PLANCHET, ouvrant le judas.
Monsieur veut il me faire l'honneur de se pencher et de regarder ?

D'ARTAGNAN
Mais... s'il y a quelqu'un dans le magasin ?

PLANCHET
Oh ! non, monsieur, à cette heure ci, il n'y a jamais personne.

D'ARTAGNAN, penché.
Oui, je vois.

PLANCHET
Et que voit monsieur ?

D'ARTAGNAN
Je vois du pain sur une huche, des bouteilles de liqueur, des jambons fumés.

PLANCHET
Monsieur voit bien tout cela ?

D'ARTAGNAN
Oui ! oui !

PLANCHET
Eh bien, attendez un peu, monsieur. (Prenant une hallebarde dans un coin.) Je vais avoir l'honneur d'offrir à monsieur un pain tendre et un jambon fumé.
(Il enfonce la hallebarde par le judas.)

D'ARTAGNAN
Ah ! ah ! celui ci !... Diable ! est ce que, jusqu'à présent, on se serait trompé sur la destination des hallebardes ?

PLANCHET, qui a piqué un pain et un jambon.
Vous avez vu, monsieur, la seule manière de s'en servir.

D'ARTAGNAN
Bon ! voilà le pain et le jambon; mais le vin, monsieur Planchet, le vin ?

PLANCHET
Monsieur, le hasard a fait que j'ai beaucoup connu un Espagnol qui avait voyagé dans le nouveau monde.

D'ARTAGNAN
Quel rapport le nouveau monde peut il avoir avec le vin que vous buviez à votre santé quand je suis entré, monsieur Planchet ?

PLANCHET
Au Mexique, les naturels du pays chassent le tigre et le taureau avec de simples noeuds coulants qu'ils lancent au cou de ces terribles animaux.

D'ARTAGNAN
Monsieur Planchet, je ne vois pas jusqu'à présent...

PLANCHET
Monsieur va voir... D'abord, je ne voulais pas croire que l'on pût en arriver à ce degré d'adresse, de jeter à vingt ou trente pas l'extrémité d'une corde où l'on veut; mais, comme mon ami plaçait une bouteille à trente pas, et, à chaque coup, lui prenait le goulot dans un noeud coulant, Je me livrai à cet exercice, et, aujourd'hui, je lance le lasso presque aussi bien qu'un homme du nouveau monde. Si M. le chevalier veut en juger ?
(Il tire une corde de sa poche.)

D'ARTAGNAN
Mais oui, je serais curieux d'assister à cet exercice.

PLANCHET
Eh bien (jetant la corde), tenez...
(Une bouteille remonte prise par le goulot.)

D'ARTAGNAN
Mais c'est de la liqueur, et non pas du vin.

PLANCHET
Monsieur le chevalier, avec une bouteille de liqueur que je vends deux livres, j'achète quatre bouteilles de vin de Bourgogne à dix sous la pièce. Maintenant, monsieur, permettez moi de vous offrir le rôti.
(Il va prendre une ligne.)

D'ARTAGNAN
La friture, tu veux dire ?

PLANCHET
Non, monsieur, le rôti.

D'ARTAGNAN
La friture ?

PLANCHET
Si la fenêtre de M. le chevalier donnait sur un étang, sur un lac, sur une rivière, je pêcherais des brochets, des cartes, des truites; mais la fenêtre donne sur un poulailler, je pêche des poulets. Monsieur va voir comme cela mord. (Il jette une ligne et tire une poule.) On n'a que le temps de jeter la ligne... Voilà !

D'ARTAGNAN
Monsieur Planchet, vous êtes un drôle !

PLANCHET
Monsieur...

D'ARTAGNAN
Mais, vu l'urgence de la situation, je vous pardonne. Allez plumer cette poule et la faire rôtir... Tenez, on a frappé; ce sont probablement nos amis.

PLANCHET
Oui, ce sont eux, probablement.

D'ARTAGNAN, à part.
Le drôle est plein d'inventions ingénieuses; c'est un trésor qu'un pareil laquais.

PLANCHET, reculant tout effarouché.
Monsieur ! monsieur !

D'ARTAGNAN
Eh bien, qu'as tu ?

PLANCHET
C'est M. Bonacieux, notre propriétaire.

D'ARTAGNAN
Oh ! oh ! vous aurait il vu jeter le lasso ou pêcher à la ligne, monsieur Planchet ?

PLANCHET
Je ne sais pas, monsieur; mais, à tout hasard, fourrez moi cette poule dans ma poche.

BONACIEUX, dans l'antichambre,
Hum ! hum !

D'ARTAGNAN
Ma foi, tant pis, arrive qu'arrive !... Entrez, monsieur Bonacieux, entrez.
(Bonacieux entre. Planchet sort furtivement.)

SCèNE IV

D'ARTAGNAN, BONACIEUX.

BONACIEUX
Monsieur le chevalier, je suis bien votre serviteur.

D'ARTAGNAN
C'est moi qui suis le vôtre, monsieur... Planchet, un fauteuil!... Eh bien, où est il donc ? Excusez moi, monsieur, mais je suis servi par un drôle qui mérite les galères.
(Il approche un fauteuil.)

BONACIEUX
Ne vous donnez pas la peine, monsieur. J'ai entendu du parler de vous comme d'un chevalier très honnête et surtout très brave.

D'ARTAGNAN
Monsieur...

BONACIEUX
Et cette dernière qualité m'a décidé à m'adresser à vous.

D'ARTAGNAN
Pour quoi faire ?

BONACIEUX
Pour vous confier un secret.

D'ARTAGNAN
Un secret ? Parlez, monsieur, parlez.

BONACIEUX
Il s'agit de ma femme.

D'ARTAGNAN
Monsieur a une femme ?

BONACIEUX
Qui est lingère chez la reine, oui, monsieur, et qui même ne manque ni de jeunesse, ni de beauté. On me l'a fait épouser voilà bientôt trois ans, quoiqu'elle n'ait qu'un petit avoir, parce que M. de la Porte, le portemanteau de la reine, est son parrain et la protège.

D'ARTAGNAN
Eh bien, monsieur ?

BONACIEUX
Eh bien, ma femme a été enlevée hier comme elle sortait de sa chambre de travail.

D'ARTAGNAN
Ah ! votre femme a été enlevée ! et par qui ?

BONACIEUX
Je ne pourrais le dire sûrement, monsieur; mais, en tout cas, je suis convaincu qu'il y a dans cet enlèvement moins d'amour que de politique.

D'ARTAGNAN
Moins d'amour que de politique... Mais que soupçonnez vous ?

BONACIEUX
Je ne sais pas si je dois vous dire ce que je soupçonne.

D'ARTAGNAN
Monsieur, je vous ferai observer que je ne vous demande absolument rien, moi; c'est vous qui êtes venu, c'est vous qui m'avez dit que vous aviez un secret à me confier; faites donc à votre guise. (Se levant.) Il est temps encore de vous retirer.

BONACIEUX
Non, monsieur, j'aurai confiance en vous... Je crois donc que ce n'est pas à cause de ses amours que ma femme a été arrêtée.

D'ARTAGNAN
Tant mieux pour vous.

BONACIEUX
Mais à cause d'une plus grande dame qu'elle.

D'ARTAGNAN
Ah bah ! serait ce à cause des amours de mademoiselle de Combalet ?

BONACIEUX
Plus haut, monsieur, plus haut.

D'ARTAGNAN
De madame de Chevreuse ?

BONACIEUX
Plus haut, monsieur, beaucoup plus haut.

D'ARTAGNAN
De la...?

BONACIEUX
Oui, monsieur.

D'ARTAGNAN
Et avec qui ?

BONACIEUX
Avec qui, si ce n'est avec le duc de...?

D'ARTAGNAN
Avec le duc de...?

BONACIEUX
Justement.

D'ARTAGNAN
Mais comment savez vous cela, vous ?

BONACIEUX
Ah ! comment je le sais, voilà...

D'ARTAGNAN
Pas de demi confidence (se levant), ou, vous comprenez...

BONACIEUX
Je le sais par ma femme, monsieur, par ma femme elle-même.

D'ARTAGNAN
Comment cela ?

BONACIEUX
Ma femme est venue, il y a quatre jours; elle m'a confié que la reine, en ce moment ci, avait de grandes craintes, attendu que la reine croit...

D'ARTAGNAN
Qu'est ce qu'elle croit...?

BONACIEUX
Elle croit que l'on a écrit à M. de Buckingham en son nom.

D'ARTAGNAN
Bah !

BONACIEUX
Oui, pour le faire venir à Paris, et, une fois venu à Paris, pour l'attirer dans quelque piège.

D'ARTAGNAN
Mais votre femme, qu'a t elle à faire dans tout cela ?

BONACIEUX
On connaît son dévouement pour la reine et l'on veut l'éloigner de sa maîtresse, ou avoir les secrets de Sa Majesté, ou la séduire pour se servir d'elle comme d'un espion.

D'ARTAGNAN
C'est probable; mais l'homme qui l'a enlevée, le connaissez-vous ?

BONACIEUX
Je ne sais pas son nom; mais ma femme me l'a montré un jour; c'est un seigneur de haute mine, dents blanches, une cicatrice à la tempe.

D'ARTAGNAN
Mais c'est mon homme !

BONACIEUX
Votre homme ?

D'ARTAGNAN
Oui, probablement; et, si c'est mon homme à moi, je ferai d'un coup deux vengeances; mais où rejoindre cet homme ?

BONACIEUX
Je n'en sais rien.

D'ARTAGNAN
Voua n'avez aucun renseignement ?

BONACIEUX
Si fait, cette lettre.

D'ARTAGNAN
Donnez. (Il lit.) « Ne cherchez pas votre femme; elle vous sera rendue quand on n'aura plus besoin d'elle; si vous faites une seule démarche pour la retrouver, vous êtes perdu... » Voilà qui est positif; mais, après tout, ce n'est qu'une menace.

BONACIEUX
Oui, monsieur, mais cette menace m'épouvante; je ne suis pas homme d'épée du tout, et j'ai peur de la Bastille.

D'ARTAGNAN
Hum ! c'est que je ne me soucie pas de la Bastille, non plus, moi; s'il ne s'agissait que d'un coup d'épée, passe encore.

BONACIEUX
Cependant, monsieur, j'avais bien compté sur vous en cette occasion

D'ARTAGNAN
Vrai ?

BONACIEUX
Vous voyant sans cesse entouré de mousquetaires à l'air fort superbe, et reconnaissant que ces mousquetaires étaient ceux de M. de Tréville, et, par conséquent, ennemis du cardinal, j'avais pensé que vous et vos amis, tout en rendant service à notre pauvre reine, seriez enchantés de jouer un mauvais tour à M. le cardinal.

D'ARTAGNAN
C'est bien tentant, je le sais.

BONACIEUX
Et puis j'avais pensé encore... comme, depuis que vous êtes chez moi, distrait sans doute par vos grandes occupations, vous aviez oublié de me payer mon loyer...

D'ARTAGNAN
Ah ! c'est là...

BONACIEUX
Retard pour lequel je ne vous ai pas tourmenté un seul instant... j'avais pensé, dis je, que vous auriez égard à ma délicatesse.

D'ARTAGNAN
Comment donc ! cher monsieur, croyez bien que je suis plein de reconnaissance pour un pareil procédé.

BONACIEUX
Comptant, de plus, tant que vous me ferez l'honneur de demeurer mon locataire, ne jamais vous parler de votre loyer à venir... (D'Artagnan fait un geste.) Et ajoutez à cela, comptant encore, si, contre toute probabilité, vous étiez gêné en ce moment, vous offrir une cinquantaine de pistoles.

D'ARTAGNAN
Oh ! jamais, monsieur, je ne puis accepter... (Bonacieux lui fourre l'argent dans sa poche.) Mais, pour me faire une pareille offre, vous êtes donc riche ?

BONACIEUX
Sans être riche, je suis à mon aise; j'ai amassé quelque chose comme deux ou trois mille écus de rente.

D'ARTAGNAN
Cher monsieur Bonacieux, je suis tout à votre service.

BONACIEUX
Je crois que l'on frappe chez vous, monsieur le chevalier.

D'ARTAGNAN
Ah ! pardieu ! vous tombez à merveille ! mes amis viennent me demander à déjeuner; votre affaire sera délibérée en conseil.

BONACIEUX, à Planchet, qui rentre.
Mon cher monsieur Planchet, entretenez votre maître dans ses bonnes dispositions à mon égard, et nous nous reverrons monsieur Planchet ; je ne vous dis que cela. Messieurs, votre humble serviteur.
(Entre Porthos.)

D'ARTAGNAN
Mon cher Porthos, je vous présente la perle des propriétaires... M. Porthos, un de mes meilleurs amis.

PORTHOS, bas.
Il est bien mal mis, votre propriétaire...

D'ARTAGNAN, de même.
Pour un épicier mercier, je ne trouve pas.

BONACIEUX
Monsieur, je n'ai pas besoin de vous dire que ma maison tout entière est à votre service.
(Il sort.)

PORTHOS
Mousqueton, prenez mon manteau.

D'ARTAGNAN, revenant après avoir accompagné Bonacieux.
Ah ! ah ! vous n'êtes donc plus enrhumé, Porthos ?

PORTHOS
Où étiez vous donc hier au soir, que l'on vous a cherché partout: ici, au cabaret et chez M. de Tréville, sans vous trouver ?

hôtelier, entrant, et ayant entendu la question de Porthos.
Porthos, mon ami, vous êtes d'une indiscrétion incroyable Où était il ? A ses affaires, sans doute; quand vous prenez le chemin de la rue aux Ours, vous, aimeriez vous que l'on demandât à Mousqueton où vous allez ?

PORTHOS
Rue aux Ours... Quand je vais rue aux Ours...

Hôtelier
Vous allez où vous voulez, et cela ne regarde personne (A Athos, qui entre.) N'est ce pas, Athos ?

ATHOS
A moins qu'il n'ait découvert de ce côté là quelque cave bien garnie, auquel cas ce serait un crime de n'en point faire part à ses amis. Avons nous du vin, Planchet ?

PLANCHET
Oui, monsieur, et digne de vous, je l'espère...

ATHOS
Alors, tout va bien.

PORTHOS
Vous aimez donc bien le vin, Athos ?

ATHOS
Ce n'est pas le vin que j'aime, c'est l'ivresse.

PORTHOS
Je ne comprends pas... A table !

ATHOS
Grimaud, je vous donne congé.

PORTHOS
Allez, Mousqueton !

Hôtelier
Partez, Bazin !

D'ARTAGNAN
Maintenant, causons.

ATHOS
C'est buvons que vous voulez dire ?

D'ARTAGNAN
Planchet, descendez chez mon propriétaire, M. Bonacieux, et priez le de nous envoyer cinq ou six bouteilles de vins étrangers, et particulièrement du vin d'Espagne.

PORTHOS
Ah çà ! vous avez donc crédit ouvert chez votre propriétaire ?

D'ARTAGNAN
Oui, à compter d'aujourd'hui, et soyez tranquilles ! si le vin est mauvais, nous en enverrons quérir d'autre.

Hôtelier
Il faut user et non abuser, d'Artagnan.

ATHOS
J'ai toujours dit, moi, que d'Artagnan était la forte tête de nous quatre.

PORTHOS
Mais, enfin, qu'y a t il ?

D'ARTAGNAN
Il y a que Buckingham est arrivé à Paris, sur une fausse lettre de la reine; que M. le cardinal est en train de faire un mauvais parti à Sa Majesté, et que la femme de notre propriétaire, filleule de M. de la Porte et confidente de la reine, a été enlevée.

ATHOS
Eh bien ?

D'ARTAGNAN
Eh bien, M. Bonacieux voudrait retrouver sa femme.

ATHOS
L'imbécile !

Hôtelier
Moi, il me semble que l'affaire n'est pas mauvaise et que l'on pourrait tirer de ce brave homme une centaine de pistoles.

PORTHOS
Une centaine de pistoles ! corbœuf ! c'est un joli denier !

ATHOS
Oui; maintenant, il s'agit de savoir si une centaine de pistoles valent la peine de risquer quatre têtes.

D'ARTAGNAN
Chut !

PORTHOS
Quoi ?

Hôtelier
Silence !

BONACIEUX, dans l'escalier.
Messieurs ! messieurs !

D'ARTAGNAN
Eh ! c'est mon digne propriétaire.

SCèNE V

Les mêmes, BONACIEUX.

BONACIEUX, ouvrant la porte.
Messieurs ! à moi ! à l'aide ! au secours !
(Tous se lèvent, excepté Athos.)

PORTHOS
Qu'y a t il ?

BONACIEUX
Il y a, messieurs, qu'on veut m'arrêter... quatre hommes, là, en bas; sauvez moi ! sauvez moi !

PORTHOS
Corbœuf ! arrêter un propriétaire qui a de si bon vin !

D'ARTAGNAN
Un moment, messieurs, ce n'est point du courage qu'il nous faut ici, c'est de la prudence.

PORTHOS
Cependant nous ne laisserons pas arrêter ce brave homme.

ATHOS
Vous laisserez faire d'Artagnan, Porthos.

D'ARTAGNAN, faisant entrer les Gardes qui venaient pour arrêter Bonacieux.
Entrez, messieurs, entrez; vous êtes ici chez moi, c'est à-dire chez un fidèle serviteur du roi et de M. le cardinal.

SCèNE VI

Les mêmes, UN EXEMPT. GARDES.

L'EXEMPT
Alors, messieurs, vous ne vous opposerez pas à ce que nous exécutions l'ordre que nous avons reçu.

D'ARTAGNAN
Tout au contraire, messieurs, et nous vous prêterons main forte, si besoin est.

PORTHOS
Mais que dit il donc là ?

ATHOS
Tu es un niais, Porthos; tais toi.

BONACIEUX, bas, à d'Artagnan.
Mais vous m'aviez cependant promis...

D'ARTAGNAN
Silence ! nous ne pouvons vous sauver qu'en restant libres, et, si nous faisons mine de vous défendre, on nous arrête avec vous.

BONACIEUX
Mais il me semble cependant qu'après...

D'ARTAGNAN
Messieurs, je n'ai aucun motif de défendre l'homme que vous réclamez; je l'ai vu aujourd'hui pour la première fois, et encore à quelle occasion... Il vous le dira lui même; Il est venu toucher le prix de mon loyer... Est ce vrai, monsieur Bonacieux ? Répondez ! (Bas.) Répondez donc !

BONACIEUX
Oui, messieurs, c'est la vérité pure... Mais monsieur ne vous dit pas...

D'ARTAGNAN, bas.
Silence ! silence sur moi et sur mes amis ! silence sur la reine surtout ! ou vous perdrez tout le monde sans vous sauver. (Haut.) Hein ! qu'est ce que vous dites ?... Parlez donc haut... Vous m'offrez de l'argent ?... Vous voulez me corrompre ? Moi, vous défendre ? moi, m'opposer à l'exécution des ordres de Son Eminence ? Vous êtes encore un étrange maraud ! Tentative de corruption sur les gardes de Sa Majesté ! Oh ! emmenez le, messieurs, emmenez le ! car, en vérité, cet homme a perdu la cervelle.

L'EXEMPT
Allons, allons, l'ami, venez avec nous et pas de résistance.

D'ARTAGNAN
Monsieur l'exempt, ne boirai je pas à votre santé, et ne boirez vous point à la mienne ?
(Il remplit deux verres.)

L'EXEMPT
Ce sera bien de l'honneur pour moi, monsieur le garde.

D'ARTAGNAN
Donc, à la vôtre, monsieur !

L'EXEMPT
A la vôtre et à celle de vos amis !

D'ARTAGNAN
Et par dessus tout... à celle du roi et du cardinal.

BONACIEUX
Et quand on pense que c'est avec mon vin !

L'EXEMPT
Allons, en route ! (Se retournant.) Messieurs, votre très humble serviteur.
(Les Gardes sortent, emmenant Bonacieux.)

SCèNE VII

D'ARTAGNAN, ATHOS, PORTHOS, hôtelier.

PORTHOS
Mais quelle diable de vilenie avez vous donc faite là, d'Artagnan ? Fi ! quatre mousquetaires laisser arrêter au milieu d'eux un malheureux qui crie à l'aide ! un gentilhomme trinquer avec un recors ! Je m'y perds, ma parole d'honneur ! Comment ? vous approuvez ce qu'il vient de faire ?

ATHOS
Je le crois parbleu bien ! non seulement je t'approuve, d'Artagnan, mais encore je te félicite.

D'ARTAGNAN
Et maintenant, messieurs, que vous voilà lancés dans une aventure qui peut faire notre perte ou notre fortune... plus que jamais, jurons fidélité à notre devise: «Tous pour un, un pour tous.»

PORTHOS
Cependant je voudrais bien comprendre...

ATHOS
C'est inutile.

Hôtelier
Voyons, étendez la main, et jurez, Porthos.

D'ARTAGNAN
Tous pour un !

TOUS ENSEMBLE
Un pour tous !

D'ARTAGNAN
Maintenant, messieurs, vous le savez, liberté entière.

PORTHOS
J'ai rendez vous chez une certaine grande dame... Planchet, accommodez moi mon collet... mon manteau.

Hôtelier
Moi, j'ai affaire chez un célèbre théologien.

PORTHOS
Et vous, Athos ?

ATHOS
Moi, comme je ne m'occupe ni d'amour ni de théologie... je reste.

Hôtelier et PORTHOS, à d'Artagnan et à Athos.
Eh bien, au revoir !

D'ARTAGNAN et ATHOS
Au revoir !

SCèNE VIII

D'ARTAGNAN, ATHOS.

D'ARTAGNAN
Bravo ! restez Athos; d'ailleurs, il y a encore du vin dans les bouteilles, et ce serait de l'ingratitude que de vous en aller.

ATHOS
Allons, d'Artagnan, mettez vous bien là en face de moi.. à moins que, comme hôtelier, vous n'ayez quelque thèse à soutenir, ou, comme Porthos, quelque grande dame à promener.

D'ARTAGNAN, tristement.
Ah ! mon cher Athos !

ATHOS
Un soupir ?... Buvez, d'Artagnan, et prenez garde à ces soupirs là.

D'ARTAGNAN
Pourquoi ?

ATHOS
D'Artagnan, prends garde ! (Il boit.)

D'ARTAGNAN
Vous dites ?

ATHOS
Je dis que tu es amoureux,

D'ARTAGNAN
Imaginez vous, Athos, une femme...

ATHOS
Un ange, n'est ce pas ?

D'ARTAGNAN
Non, un démon.

ATHOS
C'est moins à craindre.

D'ARTAGNAN
Oh ! mais c'est inutile.

ATHOS
Qu'est ce qui est inutile ?

D'ARTAGNAN
Je voulais vous demander un conseil.

ATHOS
Eh bien ?

D'ARTAGNAN
Ce sera pour plus tard.

ATHOS
Parce que tu crois que je suis ivre, d'Artagnan; mais je n'ai jamais les idées plus nettes que dans le vin. Parle donc, je suis tout oreilles.

D'ARTAGNAN
Non, ce n'est point parce que vous êtes ivre, mon cher Athos; c'est que, n'ayant jamais aimé...

ATHOS
Ah ! ça, c'est vrai, je n'ai jamais aimé. (Il boit.)

D'ARTAGNAN
Vous voyez bien, cœur de pierre !

ATHOS
Cœur tendre, cœur percé !

D'ARTAGNAN
Que dites vous ?

ATHOS
Je dis que l'amour est une loterie où celui qui gagne, gagne la mort... Avez vous gagné ou perdu, d'Artagnan ?

D'ARTAGNAN
Je crois que j'ai perdu.

ATHOS
Alors vous êtes bien heureux; croyez moi, d'Artagnan, perdez toujours.

D'ARTAGNAN
Un instant, j'avais cru qu'elle pouvait m'aimer.

ATHOS
Et elle en aime un autre, n'est ce pas ? Retiens bien ceci: il n'y a pas un homme qui ne se soit cru aimé par sa maîtresse et qui n'ait été trompé par sa maîtresse.

D'ARTAGNAN
Oh ! elle n'était pas ma maîtresse.

ATHOS
Elle n'était pas ta maîtresse, et tu te plains ? elle n'était pas ta femme, et tu te plains ? Buvons.

D'ARTAGNAN
Mais alors, philosophe que vous êtes, instruisez moi, soutenez moi; j'ai besoin de savoir et d'être consolé.

ATHOS
Consolé de quoi ?

D'ARTAGNAN
De mon malheur, pardieu ! j'aime et l'on ne m'aime pas.

ATHOS
Votre malheur fait rire, d'Artagnan, et je suis curieux de savoir ce que vous diriez, si je vous racontais une histoire d'amour.
(Il boit.)

D'ARTAGNAN
Arrivée à vous ?

ATHOS
Ou à un de mes amis, qu'importe !

D'ARTAGNAN
Dites, Athos, dites.

ATHOS
Buvons, nous ferons mieux.

D'ARTAGNAN
Buvez et racontez.

ATHOS
Au fait, cela se peut, les deux choses vont à merveille ensemble... Un de mes amis... un de mes amis, entendez-vous bien ? pas moi, mais un comte de ma province, c'est à-dire un comte du Berry, noble comme un Rohan ou un Montmorency, devint amoureux, à vingt cinq ans, d'une jolie fille de seize ans, belle comme les amours; elle ne plaisait pas, elle enivrait.

D'ARTAGNAN
C'est comme elle.

ATHOS
Ah ! voilà que vous m'interrompez.

D'ARTAGNAN
Non, non, continuez, Athos !

ATHOS
Elle vivait dans une maison isolée, entre le village et le château, avec son frère, qui était curé; tous deux étaient étrangers; ils venaient on ne sait d'où; mais, en la voyant si belle, en voyant son frère si pieux, on ne songeait pas à leur demander d'où ils venaient. Au reste, on les disait de bonne naissance. Un jour, le frère disparut, ou fit semblant de disparaître. Mon ami, qui était le seigneur du pays, aurait pu la séduire ou la prendre de force... Qui serait venu à l'aile d'une jeune fille ignorée, inconnue ? Malheureusement, il était honnête homme; il l'épousa, le niais, le sot, l'imbécile !

D'ARTAGNAN
Puisqu'il l'aimait, il me semble...

ATHOS
Attends donc!... A la mort de son père, qui arriva six mois après, il l'emmena dans son château, et en fit la première dame de sa province; il faut lui rendre cette justice, elle tenait parfaitement son rang... Buvons !

D'ARTAGNAN
Eh bien ?

ATHOS
Eh bien, un jour qu'elle courait la chasse avec son mari, elle tomba de cheval et s'évanouit; le comte s'élança à son secours, et, comme elle étouffait dans ses habits, il les fendit avec son poignard et lui découvrit l'épaule. (éclatant de rire.) Devine ce qu'elle avait sur l'épaule, d'Artagnan !

D'ARTAGNAN
Dame, puis je savoir.?

ATHOS
Une fleur de lis!... L'ange était un démon, la pauvre fille avait volé les vases sacrés dans une église.

D'ARTAGNAN
Horreur ! Et que fit votre ami ?

ATHOS
Le comte était un grand seigneur, il avait sur ses terres droit de justice basse et haute, il acheva de déchirer les habits de la comtesse, il lui lia les mains derrière le dos et la pendit à un arbre.

D'ARTAGNAN
Ciel ! un meurtre, Athos ?

ATHOS
Pas davantage; mais nous manquons de vin, ce me semble ?

D'ARTAGNAN
Non, voilà encore une bouteille pleine.

ATHOS, buvant.
Bien ! Cela m'a guéri des femmes belles, poétiques et amoureuses... Dieu vous en accorde autant !

D'ARTAGNAN
C'était donc vous ?

ATHOS
Ai je dit que c'était moi ?... Alors au diable le secret !

D'ARTAGNAN
Et elle est morte ?

ATHOS
Parbleu !

D'ARTAGNAN
Et son frère ?

ATHOS
Son frère, je m'en informai pour le faire pendre à son tour; mais on ne put jamais le retrouver. C'était sans doute le premier amant et le complice de la belle; un digne homme ! qui avait fait semblant d'être curé... pour marier sa maîtresse et lui faire un sort... Il aura été écartelé, je l'espère.

D'ARTAGNAN, tombant sur la table.
Oh ! mon Dieu ! mon Dieu !

ATHOS, regardant d'Artagnan.
Du vin, Planchet ! Ah ! les hommes ne savent plus boire, et cependant celui ci est un des meilleurs.
(Planchet entre avec deux bouteilles de vin.)

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