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Chapitre XXXV
Un courant d'air à Naples. Les églises de Naples.

Malgré la fatigue de la journée, notre excursion sur la terre classique de Virgile, d'Horace et de Tacite avait eu pour nous un tel attrait que nous proposâmes, Jadin et moi, pareille excursion à Pompéi pour le lendemain : mais à cette proposition Barbaia jeta les hauts cris. Le lendemain, Duprez et la Malibran chantaient, et l'impresario ne se souciait pas de perdre six mille francs de recette pour l'amour de l'antiquité. Il fut donc convenu que la partie serait remise au surlendemain.
Bien nous en prit, comme on va le voir, de n'avoir fait aucune opposition contre le pouvoir aristocratique du czar de Saint-Charles.
Nous étions rentrés à minuit dans Naples par le plus beau temps du monde : pas un nuage au ciel, pas une ride à la mer.
A trois heures du matin, je fus réveillé par le bruit de mes trois fenêtres qui s'ouvraient en même temps et par leurs dix-huit carreaux qui passaient de leurs châssis sur le parquet.
Je sautai à bas de mon lit et je crus que j'étais ivre. La maison chancelait. Je pensai à Pline l'Ancien, et ne me souciant pas d'être étouffé comme lui, je m'habillai à la hâte, je pris un bougeoir et je m'élançai sur le palier !
Tous les hôtes de monsieur Martin ­ir en firent autant que moi ; chacun était sur le seuil de son appartement, plus ou moins vêtu. Je vis Jadin qui entrebâillait sa porte, une allumette chimique à la main et Milord entre ses jambes.
- Je crois qu'il y a un courant d'air, me dit-il.
Ce courant d'air venait d'enlever le toit du palais du prince de San-Teodoro, avec tous les domestiques qui étaient dans les mansardes.
Tout s'expliqua : nous n'avions pas la joie d'être menacés d'une éruption : c'était tout bonnement un coup de vent, mais un coup de vent comme il en fait à Naples, ce qui n'a aucun rapport avec les coups de vent des autres pays.
Sur soixante-dix fenêtres, il en était resté trois intactes. Sept ou huit plafonds étaient fendus. Une gerçure s'étendait du haut en bas de la maison. Huit jalousies avaient été emportées ; les domestiques couraient après dans les rues, comme on court après son chapeau.
On se contenta de balayer les chambres qui étaient pleines de vitres brisées ; car d'envoyer chercher les vitriers, il n'y fallait pas songer. A Naples, on ne se dérange pas à trois heures du matin. D'ailleurs, c'eût été de la besogne à recommencer dix minutes après. Il était donc infiniment plus économique de se borner pour le moment aux jalousies.
J'étais un des moins malheureux : le vent ne m'en avait arraché qu'une. Il est vrai qu'en échange il ne me restait pas un carreau. Je me barricadai du mieux que je pus et j'essayai de me coucher ; mais les éclairs et le tonnerre se mirent de la partie. Je me réfugiai au rez-de-chaussée, où le vent ayant eu moins de prise, avait causé moins de dégât. Alors commença un de ces orages dont nous n'avons aucune idée, nous autres gens du nord ; il était accompagné d'une de ces pluies comme j'en avais reçu en Calabre seulement ; je la reconnus pour être du même royaume.
En un instant la Villa Réale ne parut plus faire qu'un avec la mer ; l'eau monta à la hauteur des fenêtres du rez-de-chaussée et entra dans le salon. Aussitôt après on vint prévenir monsieur Martin que ses caves étaient pleines et que les tonneaux dansaient une contredanse dans les avant-deux de laquelle il y en avait déjà cinq ou six de défoncés.
Au bout d'un instant, un âne chargé de légumes passa, emporté par le torrent ; il s'en allait droit à un égout, suivi de son propriétaire, emporté comme lui. L'âne s'engouffra dans le cloaque et disparut ; l'homme, plus heureux, s'accrocha à un pied de réverbère et tint bon : il fut sauvé.
L'eau qui tombe en une heure à Naples mettrait deux mois à tomber à Paris ; encore faudrait-il que l'hiver fût bien pluvieux.
Comme cette histoire d'âne emporté m'ébouriffait singulièrement et que j'y revenais sans cesse, on me raconta deux aventures du même genre.
Au dernier coup de vent, qui avait eu lieu il y avait six ou huit mois, un officier, enlevé de la tête de sa compagnie, avait été emporté par un ruisseau gonflé dans l'égout d'un immense édifice appelé le Serraglia ; on n'en avait jamais entendu reparler.
A l'avant-dernier, qui avait eu lieu deux ans auparavant, une chose plus terrible et plus incroyable encore était arrivée. Une Française, madame Conti, revenait de Capoue dans sa voiture. Surprise par un orage pareil à celui dont nous jouissions dans le moment même, elle avait voulu continuer son chemin, au lieu d'abriter sa voiture dans quelque endroit où elle eût pu rester en sûreté. A la descente de Capo-di-Chino, elle trouva son chemin coupé par une rue qui descend vers la mer. Cette rue était devenue, non un torrent, mais un fleuve. A cette vue, le cocher s'effraie et veut rétrograder. Mme Conti lui ordonne d'aller en avant, le cocher refuse, un débat s'engage, le cocher saute à bas de son siège et abandonne sa voiture. Pendant ce temps, le fleuve avait grossi toujours, il déborde à flots dans la rue transversale où est madame Conti ; les chevaux s'effraient, font quatre pas en avant, sont enveloppés par les vagues qui se précipitent de Capo-di- Monte, et de Capo-di-Chino ; au bout d'un instant, ils perdent pied et sont emportés, eux et la voiture ; au bout de vingt pas la voiture est en morceaux. Le lendemain, on retrouva le cadavre de madame Conti.
Au reste, à Naples il y a un avantage : c'est que deux heures après ces sortes de déluges il n'y paraît plus, si ce n'est aux rues qui sont devenues propres, ce qui ne leur arrive jamais qu'en pareille circonstance. Il y a cependant un officier chargé du nettoyage des places ; mais cet officier est invisible : on sait qu'il s'appelle portulano, voilà tout.
J'oubliais de dire que, sans doute pour ne point s'exposer aux accidents que nous venons de raconter, dès qu'il tombe une goutte d'eau à Naples, tous les fiacres se sauvent, chacun tirant de son côté. Ni cris, ni prières, ni menaces ne les arrêtent ; on dirait une volée d'oiseaux au milieu desquels on aurait jeté une pierre. Mais aussi, dès qu'il fait beau c'est-à-dire quand on n'a plus besoin d'eux, ils reviennent s'épanouir à leur place ordinaire.
Une autre habitude des cochers napolitains est de dételer les chevaux pour les faire manger ; ils leur mettent la botte de foin dans la voiture et ouvrent les deux portières ; chaque cheval tire de son côté comme au râtelier. S'il vient une pratique pendant ce temps-là, le cocher lui fait signe que ses chevaux sont à leur repas, et la renvoie à son confrère.
Le temps étant rafraîchi et les rues devenues propres, nous voulûmes profiter de ce double avantage, et nous décidâmes, Jadin et moi, que nous emploierions la matinée à des courses à pied. Nous avions fort négligé les églises, qui sont en général d'une fort médiocre architecture.
Nous commençâmes par la cathédrale : c'était justice. Au-dessus de la grande porte intérieure, suspendu comme celui de Mahomet entre le ciel et la terre, est le tombeau de Charles d'Anjou. J'ai conté son histoire dans le Speronare. C'est ce prince qui voulut que sa femme eût un siège pareil à celui des trois reines ses soeurs, et qui, pour arriver à ce but, fit rouler du haut en bas de l'échafaud la tête de Conradin. En face de ce roi meurtrier, est un roi meurtri, mais dans un modeste tombeau, comme il convient à un prince hongrois qui se mêle de venir régner sur les Napolitains. Ce tombeau est celui d'André. Le cadavre qui y dort était de son vivant un beau et insoucieux jeune homme qui, un matin, par caprice sans doute, eut la ridicule prétention de vouloir être roi parce qu'il était le mari de la reine. Le lendemain du jour où cette billevesée lui était passée par la tête, il trouva la reine si occupée d'un ouvrage qu'elle exécutait qu'il s'approcha jusqu'à son fauteuil sans être vu. Elle tressait des fils de soie de différentes couleurs, et comme André ne pouvait deviner le but de ce travail :
- Que faites-vous donc là madame ? demanda-t-il.
- Une corde pour vous pendre, mon cher seigneur, répondit Jeanne avec son plus charmant sourire.
De là vient sans doute le proverbe : « Dire la vérité en riant. » Trois jours après, André était étranglé avec cette charmante petite cordelette de soie que sa femme, comme elle le lui avait dit, avait pris la peine de tresser elle même à cette intention.
De la cathédrale nous passâmes à l'église Saint-Dominique. Là, du moins, c'est plaisir : on se retrouve en plein gothique, on sent que le monument est consacré au fondateur de l'Inquisition : il est triste, solide et sombre.
C'est dans cette église qu'est le fameux crucifix qui parla à saint Thomas. L'image miraculeuse est de Masuccio Ier. Le saint craignait d'avoir fait quelque erreur dans sa Somme théologique, et il était venu au pied du crucifix, tourmenté de cette crainte, quand le Christ, voyant les inquiétudes de son serviteur, voulut le rassurer et lui dit : Bene scripsisti de me, Thoma ; quam ergo mercedem recipies. Tu as bien écrit sur moi, Thomas, et je te promets que tu en recevras la récompense.
Quoique le cas fût nouveau et étrange, le saint ne se démonta point.
- Non aliam nisi te, Domine ! répondit-il. Je n'en veux pas d'autre que toi même, mon Seigneur.
Et le saint se sentit soulever de terre, en présage que bientôt il devait monter au ciel.
Ce qui m'attirait surtout dans l'église Saint-Dominique, c'est sa sacristie avec ses douze tombeaux renfermant les douzes princes de la maison d'Aragon. Quand je dis ses douze tombeaux, je devrais dire ses douze cercueils : les cadavres sont couchés à visage découvert, aussi bien embaumés que possible par les Gannals de l'époque. Le dernier roi de la dynastie manque à la collection : il est venu, comme on sait, mourir en France.
Au milieu de ces tombeaux, il s'en trouve deux autres qui, pour ne pas être des tombeaux de roi, n'en sont pas moins fort curieux. L'un est celui de Pescaire, qui assiégea Marseille de compte à demi avec le connétable de Bourbon, et qui, chassé par les Marseillais, prit une si sanglante revanche à Pavie. Au-dessus de sa bière est son portrait ainsi que sa bannière déchirée, et une courte et simple épée de fer, qu'on dit être celle que François Ier lui rendit deux heures avant d'écrire à sa mère le fameux : Tout est perdu fors l'honneur..
L'autre tombeau qui est tout bonnement une énorme malle dont le sacristain a la clef dans sa poche, renferme, à ce qu'on assure, le corps d'Antonello Petrucci, pendu dans la conspiration des barons. Que ce soit véritablement Antonello Petrucci, c'est ce que le moindre petit savant, c'est ce le plus infime topo litterato, comme on appelle généralement cette race à Naples, peut nier ; mais, ce qui est incontestable, c'est que c'est un pendu, témoin son cou disloqué, sa bouche de travers et tous les muscles de sa figure encore crispés. Quoique mis avec une certaine recherche, le cadavre porte encore l'habit avec lequel il a été exécuté. Je suis forcé de dire que le seigneur Antonello Petrucci m'a paru fort laid. Il est vrai que de son vivant il était probablement mieux. La potence n'embellit pas.
De Saint-Dominique nous passâmes à Sainte-Claire, Sainte-Claire a aussi sa collection de morts illustres. L'église, tout entière avait été peinte par Giotto Guitto, qui faisait avec le roi Robert de si bonnes plaisanteries, et qui lui représentait son peuple, non pas, comme le cheval sans frein qu'il a choisi pour emblème, mais sous la forme d'un âne qui cherche un bât. Eh bien ! cette église peinte par Giotto, il s'est trouvé un autre âne bâté qui l'a fait badigeonner tout entière, afin de lui donner du jour ; tout entière, je me trompe : une belle Vierge, une sainte madone, une de ces figure tristes et candides comme les faisait Giotto, a échappé au vandalisme.
C'est à Sainte-Claire que dorment les Angevins : ce bon vieux roi Robert, qui couronna Pétrarque, le pendant de notre roi René, dort là, une fois en chair et en os, deux fois en marbre : assis et avec son costume royal ; couché et dans son habit de Franciscain.
Jeanne est à quelques pas de lui : cette belle Jeanne qui fila la fameuse corde conjugale que vous savez. Elle est là avec une grande robe bien montante, toute parsemée de fleurs de lis de France. Au fait, n'était-elle pas du sang de cette chaste mère de saint Louis, que les indiscrétions poétiques de Thibaut ne purent parvenir à compromettre, tant sa vertu était une croyance publique, populaire et presque religieuse ? Seulement le sang s'était tant soit peu corrompu en passant des veines de l'aïeule dans celles de la petite-fille.
Malheureusement pour la mémoire de Jeanne, de laquelle on n'est déjà que trop porté à médire, on a eu l'imprudence d'enterrer à quelques pas d'elle le fameux Raymond Cabane, le mari de sa nourrice, ce misérable esclave sarrasin devenu grand sénéchal, et qui payait les honneurs dont l'accablait sa maîtresse en faisant des noeuds coulants aux cordes qu'elle tressait.
Maintenant, si l'on veut continuer de passer cette royale et funèbre revue, il faut aller de Sainte-Claire à Saint Jean-Carbonara. C'est une jolie petite église de Masuccio II, qui, à part ses souvenirs historiques, mériterait encore d'être visitée. Là est le mausolée de Ladislas et de sa soeur Jeanne II. Vous savez comment l'un est mort et comment l'autre a vécu. Pourquoi diable aussi un conquérant, un ambitieux, qui veut être roi d'Italie, s'avise-t-il de devenir amoureux de la fille d'un médecin de Pérouse !
Florence avait peur d'être conquise comme Rome venait de l'être ; elle eut l'idée de s'entendre avec le médecin. Un jour la fille toute éplorée, vint se plaindre à son père de ce que son royal amant, commençait à l'aimer moins. C'était une singulière confidence entre un père et une fille. Mais il parait que cela se passait ainsi en l'an de grâce 1314.
La fille suivit ponctuellement les instructions paternelles : huit jours après, l'amant et la maîtresse mouraient empoisonnés : c'était alors une belle chose que la médecine.
Près de lui, comme nous l'avons dit, est sa soeur Jeanne II. A Naples, selon toute apparence, ce nom portait malheur, aux maris d'abord, aux femmes ensuite, puis, par-ci par-là, aux amants. Demandez à Gianni Carracciolo, qui est enterré à dix pas de sa maîtresse.
Celui-là, il faut lui rendre justice, fit tout ce qu'il put pour ne pas s'apercevoir que sa souveraine l'aimait, et pour ne pas se trouver seul en présence de Jeanne, dans la crainte d'être amené à lui déclarer ses sentiments. La chose en était devenue impertinente pour la pauvre femme. Aussi n'en voulut-elle pas avoir le démenti. Ce que femme veut, Dieu le veut, dit le proverbe. Or, Jeanne voulait être aimée, et voulait entendre l'aveu de cet amour. Seulement elle s'y prit singulièrement pour que le proverbe ne mentit pas.
Un soir qu'on parlait au cercle de la reine de ces antipathies instinctives que les hommes les plus braves ont pour certains animaux, et que chacun disait la sienne : celui-ci l'araignée, celui-là le lézard, un autre le chat, Carracciolo, interrogé, répondit que l'animal qui lui était le plus antipathique dans la création était le rat. Un rat, il l'avouait l'eût fait sauver à l'autre bout du monde. Jeanne ne dit rien, mais elle tint compte de la chose.
Le surlendemain, comme Carracciolo se rendait au conseil, et que, pour s'y rendre, il traversait un long corridor du palais habité par les dames de la reine, un domestique parut tout à coup à l'extrémité de ce corridor avec une cage pleine de rats. Carracciolo ne fit attention ni à la cage, ni aux hôtes, qu'elle contenait, et continua de s'avancer ; mais lorsqu'il ne fut plus qu'à quelques pas du valet, celui-ci posa sa cage à terre, ouvrit la porte, et tous les rats en sortirent, courant à droite et à gauche, avec la vélocité que l'on connaît à ce charmant animal.
Carracciolo avait dit vrai : il avait une haine, ou plutôt une terreur profonde pour les rats. Aussi, à peine les vit-il faire irruption hors de leur domicile, qu'il perdit la tête et se sauva comme un fou, frappant à toutes les portes. Mais toutes les portes étaient fermées à l'exception d'une seule qui s'ouvrit. Carracciolo se précipita dans la chambre et s'y trouva en présence de sa souveraine. Le pauvre courtisan en fuyant un danger imaginaire était tombé dans un danger réel.
Il n'eut pas lieu de regretter sa fortune. La reine le fit tour à tour grand sénéchal, duc d'Avellino et seigneur de Capoue. Il avait bien demandé à être prince de cette dernière ville ; mais comme c'était le titre réservé aux héritiers présomptifs de la couronne, la reine avait refusé. Il s'était alors rabattu sur le duché d'Amalfi et la principauté de Salerne ; mais cette dernière concession souffrait aussi, à ce qu'il paraît, quelque petite difficulté, car un jour que cette éternelle demande avait amené une discussion plus vive que d'habitude entre Jeanne et Carracciolo, l'amant oublia la distance que Jeanne avait franchie pour arriver jusqu'à lui, et appliqua sur la joue de sa royale maîtresse un soufflet de crocheteur.
Il en est des soufflets de crocheteur comme des baisers de nourrice ; on les entend de loin. Une certaine duchesse de Suessa, ennemi jurée de Carracciolo, entendit le bruit de cet insolent soufflet ; elle entra chez Jeanne comme Carracciolo en sortait, et trouva la reine pleurant de honte et de douleur.
Les deux femmes restèrent enfermées ensemble une partie de la journée. Quand les femmes veulent se mettre à la besogne, elles vont plus vite que nous autres ; aussi en deux heures tout fut-il résolu, principal et accessoires, faits et détails.
Le lendemain matin, comme Carracciolo était encore au lit, il entendit frapper à sa porte. Carracciolo, comme on le comprend, n'était pas sans défiance : c'était la première fois qu'il levait la main sur la reine, et ce malheureux soufflet qui lui était échappé l'avait tracassé toute la nuit. Aussi, avant d'ouvrir commença-t-il par demander qui frappait.
- Hélas ! répondit un page dont la voix était bien connu de Carracciolo, car c'était le page favori de Jeanne, c'est la reine qui vient d'être atteinte d'apoplexie, et Son Altesse ne veut pas mourir sans vous voir.
Carracciolo calcula à l'instant même qu'au moment de la mort de la reine il pouvait arracher d'elle ce qu'il n'avait jamais pu obtenir de son vivant, et il ouvrit la porte.
Au même instant, cinq ou six hommes armés se précipitèrent sur lui, et, sans qu'il eût le temps de se mettre en défense, le renversèrent sur son lit et le massacrèrent à coups de hache et d'épée ; et après s'être assurés qu'il était bien mort, ils sortirent sans que personne fût venu les déranger dans leur sanglante exécution.
Trois heures après, quand on entra chez le grand sénéchal, on le trouva couché à terre, à moitié vêtu, une seule jambe chaussée, les assassins l'ayant laissé juste dans l'état où la mort l'avait saisi.
Prenez l'un après l'autre tous ces rois, toutes ces reines et tous ces courtisans, et vous n'en trouverez pas un sur quatre qui soit mort de la façon dont Dieu a destiné l'homme à mourir.

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