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Chapitre XIV


Aranjuez, 25 octobre.

Derrière nous la voiture se mit en marche à son tour, éclairée par une seule lanterne placée au milieu de l'impériale en forme de pompon. Peu à peu, au reste, la lune se levait en forme de croissant, et jetait une douce et charmante lueur sur le paysage. Ce paysage était presque effrayant à force de grandeur. A notre droite, il était borné par des monticules chargés de gazons épineux, au milieu desquels on voyait, de place en place, briller de grands lacs de sable. A notre gauche, il s'étendait démesurément, et l'oeil ne pouvait sonder les profondeurs de l'horizon. Seulement, à mille pas de nous, une ligne d'arbres qui ressortait sur le paysage en ombre plus foncée indiquait le cours du Tage. De place en place, une portion du fleuve se trouvait à découvert, et, pareil à un miroir, renvoyait à la lune les rayons qu'elle en recevait. Devant nous, la route s'étendait, sablonneuse et jaune, comme un ruban de cuir.
De temps en temps, nos mules se détournaient de leur chemin pour laisser à droite ou à gauche un précipice à fleur de terre, une crevasse imprévue, restée béante depuis quelque tremblement de terre oublié. De temps en temps aussi, nous nous retournions et nous voyions à trois cents pas, à quatre cents pas, à cinq cents pas derrière nous, car nous marchions plus vite qu'elle, trembler, comme un feu follet, la lumière de la voiture, retardée par le sable, où elle enfonçait jusqu'au tiers de ses roues. Nous franchîmes une petite colline et nous perdîmes la voiture de vue. Nous continuâmes notre chemin.
Au bout d'une demi-heure de marche la mule d'Alexandre fit un brusque mouvement à droite. Une gerçure, continuation d'un précipice, avait mordu sur la route et en barrait le tiers à peu près. Nous ne fîmes pas autrement attention à cette gerçure et nous continuâmes notre route. Nous marchâmes trois quarts d'heure encore, toujours riant, causant, et ne songeant en aucune façon au plan de la bienheureuse tragédie. Cependant cinq ou six fois je m'étais retourné, m'étonnant de ne pas apercevoir la fameuse lanterne incrustée comme l'oeil d'un cyclope au front de notre voiture. Enfin, je m'arrêtai. « Messieurs, dis-je, il faut qu'il soit arrivé quelque chose. Nous ne nous sommes pas aperçus qu'il y eût d'autre mouvement de terrain que le petit monticule que nous avons franchi, il y a tantôt trois quarts d'heure ; et cependant, depuis trois quarts d'heure toute lumière a disparu. Je crois qu'il serait sage de nous arrêter. » Nous nous arrêtâmes en faisant pirouetter les mules.
La lune était d'une merveilleuse sérénité ; on n'entendait aucun bruit dans ces vastes landes, si ce n'est l'aboiement lointain d'un chien veillant dans quelque ferme isolée. Les mules agitaient leurs oreilles avec inquiétude, et semblaient entendre quelque chose que nous n'entendions pas. Tout à coup un frémissement imperceptible passa avec le vent. C'était comme le vague écho d'une voix humaine perdue dans l'espace. « Qu'est-ce que cela ? » demandai-je.
Sans avoir rien entendu de distinct, Alexandre et Achard avaient cependant perçu quelque chose comme un son. Nous demeurâmes immobiles et silencieux comme on l'est sous l'attente d'un événement inattendu. Quelques secondes s'écoulèrent, puis le même frémissement parvint jusqu'à nous, mais cette fois plus distinct et plus perceptible. C'était comme un cri de détresse. Nous redoublâmes d'attention. Enfin nous entendîmes distinctement mon nom prononcé par une voix qui se rapprochait toujours.
« Oh ! oh ! dit Achard, c'est à vous qu'on en veut. – Ce sont nos amis, fit Alexandre. – Vous verrez, dis-je à mon tour, essayant de rire encore, qu'ils auront été arrêtés par les six bandits du duc d'Ossuna, qui leur auront défendu de crier, et que voilà pourquoi ils appellent. »
Un nouveau cri se fit entendre, mais plus distinct encore cette fois que les deux autres. « C'est bien décidément moi qu'on appelle, messieurs, dis-je ; en avant du côté de la voix. » Alexandre et moi piquâmes nos mules, afin de leur imprimer la plus grande vitesse possible. Achard nous suivit, les fouettant avec une badine.
A peine eûmes-nous fait dix pas que le même appel nous atteignit, mais cette fois avec un accent de détresse auquel il n'y avait point à se tromper. « Allons, allons, dis-je en essayant de mettre ma mule au galop, décidément il est arrivé quelque chose : répondons ! répondons ! » Nous mîmes nos mains en entonnoir, et nous poussâmes à notre tour trois cris. Mais nous avions le vent en face ; le vent prit le son et l'emporta derrière nous.
Le même cri se fit encore entendre, saccadé, haletant, et jeté comme par une voix épuisée. Un frisson nous saisit le coeur. Nous essayâmes une seconde fois de répondre, mais nous comprenions que nous luttions contre le vent. D'ailleurs, la même voix continuait d'appeler avec le même accent de plainte et de fatigue ; seulement, cette voix se rapprochait d'une manière sensible, il était évident que la personne qui criait venait en même temps au-devant de nous de toute la rapidité de sa course.
Il y avait quelque chose d'effrayant dans ce cri qui se renouvelait de dix secondes en dix secondes avec la même intonation. Nous pressâmes nos mules. « C'est la voix de Giraud », dit Achard. La voix se rapprochait sensiblement. Nous savions Giraud peu facile à émouvoir ; et forcés de reconnaître que c'était bien effectivement lui qui nous envoyait cet appel de détresse, nous en conçûmes une inquiétude plus grande que si c’eût été tout autre.
Nous courûmes dix minutes encore à peu près ; enfin, à travers l'obscurité transparente de cette belle nuit, nous commentâmes à distinguer, sur le ton clair de la route, une ombre qui venait à nous. Cette ombre, comme le divin Mercure, semblait avoir des ailes aux talons. Nous reconnûmes bientôt la silhouette de Giraud comme nous avions reconnu sa voix. « Qu'y a-t-il ? criâmes-nous tous les trois en même temps. –Ah ! C'est vous ! s'écria Giraud avec effort ; ah ! c'est vous, enfin ! » Et il arriva jusqu'à nous, haletant, épuisé, prêt à tomber de fatigue, posant, pour se soutenir, une de ses mains sur l'épaule d'Achard, et l'autre sur le cou de ma mule.
« Qu'y a-t-il ? » répétâmes-nous. Mais notre pauvre ami avait fait pour nous rejoindre de tels efforts, qu'il ne pouvait plus parler. Enfin, au bout d'un instant : « Il y a, dit-il, que la voiture a versé. – Où cela ? – Dans un précipice. – Mon Dieu ! personne de blessé, j'espère ? – Non, par miracle. » Un mouvement d'égoïsme me passa par le coeur : je jetai les yeux autour de moi pour voir si Alexandre était bien là. « Est-ce tout ? demandai-je ; car une autre pensée se présenta subitement à mon esprit. – Voilà justement, répondit Giraud, j'ai peur que ce ne soit pas tout ; c'est pourquoi j'ai couru après vous. – Alors, monte à mule, et moi, je vais aller à pied, dit Alexandre. – Non pas, je me refroidirais. – En route ! en route ! » dis-je.
Et nous prîmes notre course, retournant sur nos pas avec toute la rapidité dont Carbonara et Capitana étaient capables. Pendant tout ce retour, j'essayai de faire parler Giraud ; mais à toutes mes questions, il se contentait de répondre : « Tu verras, tu verras. » Le tu verras n'était point rassurant, il était évident que Giraud ménageait son effet.
Nous marchâmes environ une demi-heure ; nous ne comprenions pas que nous eussions fait tant de chemin. Enfin, nous vîmes, en arrivant au haut du petit monticule dont j'ai déjà parlé, une lumière qui s'agitait à deux cents pas de nous, et autour de cette lumière, des ombres qui s'agitaient aussi, et bien autrement encore que la lumière qui les éclairait. Nous imprimâmes un dernier élan à nos mules, et nous arrivâmes sur le théâtre de l'accident.
« Ah ! c'est vous, s'écrièrent nos amis. Par ma foi ! nous l'avons échappé belle ! » Je jetai un coup d'oeil rapide autour de moi. « Et Desbarolles, m'écriai-je, et Boulanger, où sont-ils ? » Tous deux sortirent la tête par la portière de la voiture. « Nous voilà ! nous voilà ! » dirent-ils. Ils s'occupaient du sauvetage des effets. Maquet recevait ces effets de leurs mains et les déposait à terre. Le zagal et le mayoral dételaient les mules retenues encore par les traits. Don Riégo était assis sur le bord du fossé, et se plaignait d'avoir un nombre indéfini de côtes enfoncées.
« Maintenant, dit Giraud, contemple le paysage. » Et il me conduisit au bord du précipice. Je fis un pas en arrière, une sueur froide me passa sur le front ! « Oh ! oui ! il y a miracle ! » répondis-je.
Ils avaient versé dans cette crevasse que la mule d'Alexandre nous avait indiquée par un écart. Un rocher qui sortait de la terre, comme une seule et unique dent demeurée à une mâchoire gigantesque, les avait retenus. L'impériale de la voiture, complètement retournée, pesait sur le rocher. Sans lui ils étaient tous précipités dans un abîme de cent pieds de profondeur.
Achard et Alexandre s'étaient, de leur côté, approchés du précipice, et le même vertige s'était emparé d'eux comme de moi. « Mais, enfin, demandai- je en me retournant vers Maquet, comment tout cela est-il arrivé ? – Demandez à Giraud ; moi, je ne puis pas dire quatre paroles de suite, j'étouffe. – Et quand je pense que c'est moi qui l'ai arrangé comme cela ! dit Giraud. – Comment, toi ? – J'avais la tête sur sa poitrine. – Sans compter que don Riégo avait le pied sur mon cou, dit Maquet. – Mais enfin, pour en arriver là ? – Oh ! la chose a été vite faite. Nous devisions de faits de guerre et d'amour, comme dit monsieur Annibal de Coconas. Desbarolles sommeillait, don Riégo ronflait. Je m'avançais tout doucement pour appuyer le pouce sur le nez de Desbarolles lorsque la voiture inclina. « Tiens ! je crois que nous allons verser, dit Boulanger. – Je crois que nous versons, ajoute Maquet. – Je crois que nous avons versé ! » dis-je. En effet, la voiture s'était couchée doucement sur le flanc. Tout à coup, comme si elle se trouvait mal dans cette position, elle se retourne ; c'était la terre qui cédait sous nous. Ici l'affaire changea de face ; nous étions la tête en bas et les pieds en l'air, nous débattant au milieu des couteaux de chasse et des fusils, Maquet dessous, moi sur Maquet, don Riégo sur moi. Le tout était entrelardé de Boulanger et de Desbarolles. « Messieurs, du calme, dit Boulanger ; je crois que nous sommes dans un précipice, que j'étais en train de regarder quand la voiture a commencé son évolution ; moins nous ferons de mouvements, plus nous avons de chances de nous tirer d'affaire. » Le conseil était bon, nous le suivîmes. Seulement, Maquet dit avec le sang- froid que tu lui connais : « Faites pour le mieux ; rappelez-vous seulement que j'étouffe, et que si cela dure cinq minutes seulement, je suis mort. » Tu comprends l'effet de la recommandation. Desbarolles, tout à fait réveillé et le seul qui fût sur ses jambes, – en vérité, il y a un Dieu pour les gens qui dorment, – Desbarolles frappa au carreau en criant au mayoral d'ouvrir. Le mayoral était occupé à dételer ses mules. Il ne fit pas plus attention à nous que si nous n'existions pas. « Ouvrez, cria Desbarolles, ou je brise votre portière ! » Oh ! pour le coup, il entendit et vint ouvrir. Desbarolles sortit le premier, sa carabine à la main. Cela nous donna un peu d'espace, et don Riégo put soulever son pied du cou de Maquet. Maquet profita de la chose pour renouveler l'air de ses poumons. Une fois dehors, Desbarolles tira don Riégo à lui. Après des efforts inouïs, Don Riégo se trouva près de Desbarolles. Alors nous fûmes tout à fait à l'aise, et Boulanger commença à son tour son ascension. Maintenant il s'agissait de me retourner et de retourner Maquet qui était presque sans connaissance. Avec l'aide de Boulanger et de Desbarolles, j'y parvins ; quant à Don Riégo, il était allé s'asseoir où tu le vois. Restait Maquet. Maquet était le plus maltraité de nous tous, aussi était-il le plus furieux. Il en résultat que la première chose que fit Maquet quand il se retrouva debout, ce fut de tomber sur le mayoral et de l'assommer de coups de poing. – Bravo, Maquet ! m'écriai-je, vous êtes de mon école. J'espère que vous vous êtes inquiété ensuite s'il y avait de sa faute ? – Etudiez les localités, dit Maquet, et vous en jugerez vous-même. »
En effet, en jetant un regard sur le chemin, l'accident, en le supposant le résultat du hasard, l'accident devenait incompréhensible. La gerçure barrait le chemin ; il était impossible que le zagal, qui conduisait les mules par la bride, n'eût point aperçu le précipice, puisqu'il l'avait côtoyé, puisqu'il avait dû nécessairement en détourner les mules pour que les mules n'y tombassent point. Puis un fait compliquait l'événement.
A peine à bas de son siège, le mayoral avait arraché la lanterne et l'avait éteinte. Ceci éclaira Maquet ; il cessa de gourmer le mayoral, le prit au collet et l'entraîna vers l'abîme. Le mayoral crut son dernier jour arrivé ; il se raidit de toutes ses forces. Mais Maquet a le poignet solide, et malgré sa résistance, le mayoral, poussé d'ailleurs à coups de crosse dans le derrière, se trouva bientôt au bord de l'abîme. Il devint livide. « Si vous voulez me tuer, tuez-moi tout de suite », dit-il en fermant les yeux. S'il eût résisté, il était probablement perdu. Cette humilité toucha Maquet qui le lâcha. « Maintenant, dit-il en le lâchant, il faut prévenir Dumas. Nous ne sommes encore qu'au commencement de la pièce. Un homme de bonne volonté qui ait conservé la jouissance de ses jambes et de ses poumons pour courir après Dumas ! – Je m'offre », dit Giraud. Et il partit.
Vous savez le reste, ou plutôt vous ne savez rien encore, madame, car le reste descendait en ce moment-là d'une petite montagne qui se découpait en vigueur à l'horizon, et que la lune peignait de lueurs d'argent. Cet horizon était fort rapproché de nous.
« Oh ! oh ! fis-je, une troupe d'hommes. Voyez. » Et j'étendis la main vers les arrivants. « Trois, quatre, cinq, six, sept », compta Giraud. En ce moment, le canon d'une carabine refléta un rayon de la lune, qui, après avoir brillé, disparut comme un éclair. « Bon, ils sont armés, cela va être drôle. – Aux fusils ! messieurs, aux fusils ! » dis-je à voix basse, mais cependant si intelligible qu'en un moment chacun fut armé. Achard, qui n'avait pas de fusil, sauta sur un couteau de chasse. Alors on se souvint que les fusils n'étaient point chargés.
Les hommes étaient encore à cent pas de nous, on pouvait les compter, ils étaient sept. « Messieurs, dis-je, nous avons trois minutes, c'est-à-dire le temps qu'il nous faut pour charger trois fois ; du calme, et chargeons. » Tout le monde s'était réuni autour de moi. Desbarolles, le seul dont la carabine fût prête à faire feu, se tenait à quatre pas en avant de nous. Alexandre était à mes pieds, cherchant des cartouches dans son nécessaire de toilette ; lui seul avait un fusil à système. Tous les autres chargeaient à la baguette.
Les hommes étaient à vingt pas de nous quand j'eus fini de charger. Je fis aussitôt claquer le ressort des deux chiens. A ce bruit, qui s'entend si bien en pareille circonstance, et dont la signification n'est jamais douteuse, ils s'arrêtèrent. Alexandre en avait déjà fait autant ; Maquet, prêt le troisième, suivit notre exemple. Nous nous trouvions avoir dix coups à tirer. Trois de nous étaient chasseurs, et n'auraient certes pas manqué leur homme à la distance où nous nous trouvions.
« Maintenant, dis-je à Desbarolles, monsieur l'interprète juré, faites-moi le plaisir de demander à ces braves gens ce qu'ils désirent, et insinuez-leur que le premier d'entre eux qui fait un pas de plus est un homme mort. »
En ce moment, soit innocemment, soit à dessein, le mayoral, que nous avions forcé d'éclairer sa lanterne, la laissa tomber à ses pieds. Pendant ce temps, Desbarolles traduisait en espagnol le compliment que je l'avais chargé d'adresser à ces messieurs.
« Bien, dis-je lorsqu'il eut fini, et que nous eûmes vu que la traduction avait fait son effet. Maintenant, faites comprendre au mayoral que nous avons besoin d'y voir clair, et que ce n'est par conséquent pas le moment d'éteindre une seconde fois sa lanterne. » Le mayoral comprit sans qu'on eût besoin de lui rien traduire, il se hâta de ramasser son falot.
Il se fit un moment de silence solennel : nous étions séparés en deux groupes, se reliant l'un à l'autre par Desbarolles placé à quatre pas de nous et à quinze pas de nos adversaires, et se tenant dans la position d'une sentinelle qui reconnaît une patrouille.
Le groupe espagnol était dans l'ombre, notre groupe au contraire était éclairé par la lanterne tremblante. La lumière qui s'en échappait faisait étinceler le canon des fusils et la lame des couteaux de chasse.
« Maintenant, Desbarolles, continuai-je, veuillez demander à ces messieurs quelle bonne fortune nous procure l'honneur de leur visite. » Desbarolles traduisit ma demande.
« Nous venions pour vous porter secours, répondit celui qui paraissait le chef de la bande. – Oh ! c'est charmant ! répondis-je ; mais comment ces messieurs ont-il su que nous avions besoin de secours, puisque ni le mayoral ni le zagal ne nous ont quittés ? – Tiens, au fait, c'est vrai », dit Desbarolles. Et il reproduisit ma question en castillan.
Il était difficile d'y répondre ; aussi nos officieux coureurs de nuit n'y répondirent-ils point. « Dis donc, papa, dit Alexandre, il me vient une idée : si nous volions ces messieurs ? – Ce petit Dumas est plein d'imagination, dit Giraud. – Ma foi ! dit Achard, pendant que nous y sommes, autant vaudrait les éventrer tout de suite. – Vous entendez la chose dont il est question, continua Desbarolles. »
Nos visiteurs ne répondirent rien ; ils étaient abasourdis.
« Il est question de vous éventrer, si vous ne reprenez pas immédiatement le chemin par lequel vous êtes venus. » Cette déclaration jeta un certain trouble dans la bande.
« Mais, s'écria le chef, nous ne venons point à mauvaise intention, tout au contraire. – Que voulez-vous ! nous avons l'esprit très mal fait, nous autres ; nous ne voulons être aidés que lorsque nous demandons qu'on nous aide. » Ils firent un mouvement de retraite.
« Messieurs, dit le mayoral, permettez que ces messieurs m'aident à relever ma voiture. – Rien de mieux ; mais qu'ils attendent que nous soyons partis. – Où cela ? – De l'autre côté de la montagne. » Le mayoral leur dit quelques mots en espagnol. « C'est bien, répondirent-ils ; nous nous éloignons. » Puis ils ajoutèrent le sacramentel « Vaya usted con Dios ». Et ils disparurent derrière la montagne. « Allons, dit Giraud en posant sa carabine à terre, voilà une scène dont je ferai le sujet de mon premier tableau. »

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