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Cacao


Graine de la grosseur d'une petite fève, nichée dans une pulpe butyracée du fruit du cacaoyer ou cacaotier. Cet arbre croît abondamment en Amérique, produit des cosses cannelées et rayées, d'environ trois lignes d'épaisseur, renfermant trente ou trente-cinq amandes assez semblables à nos pistaches, mais plus grandes, plus grosses, arrondies et couvertes d'une pellicule sèche ; la substance de ces amandes est d'un goût amer et légèrement acerbe.
Il y a différentes sortes de cacao : le cacao de Cayenne, celui de Caracas, de l'île Sainte-Madeleine, de Berbice et de Saint-Domingue ; ils diffèrent entre eux par la grosseur et la saveur des amandes. Le gros Caraque, dont l'amande un peu plate ressemble assez à nos grosses fèves par son volume et sa figure, est le plus estimé de tous ; après lui viennent ceux de Sainte-Madeleine et de Berbice, dont l'amande est moins aplatie que celle du Caraque, et sa pellicule est couverte d'une poussière de couleur cendrée très fine. Les autres ne sont bons qu'à faire du beurre de cacao à cause de leur âcreté et de l'huile qu'ils contiennent. La différence qui existe entre nos amandes et le cacao, c'est que son germe est placé au gros bout de l'amande, au lieu que dans nos amandes européennes il est placé à l'autre bout.
Pour obtenir un chocolat de première qualité, il faut allier par parties égales les cacaos Caraque, de Sainte-Madeleine et de Berbice ; cela lui donne la dose d'onctueux et d'oléagineux qu'il doit avoir ; le chocolat fait avec le seul Caraque serait trop sec, et celui qui ne contiendrait que du cacao des îles deviendrait trop gras et trop âcre. On terre le cacao, afin de lui faire perdre son âcreté, et il faut avoir bien soin, avant de l'employer, de le dépouiller de cette enveloppe de terre qui le rend un peu moisi, ce qui n'empêche pas le Caraque, le seul qu'on soumette à cet enterrement préparatoire, de produire le meilleur des chocolats connus ; toutefois il est nécessaire, comme nous l'avons déjà dit, d'y mêler d'autres sortes pour en corriger la fadeur par une certaine âpreté qui n'est pas déplaisante. Ces cacaos sont légèrement torréfiés ; étant refroidi ce cacao s'écrase pour en séparer les enveloppes ou écorces qui se rejettent. En Suisse et en Allemagne cependant on les conserve pour faire dans l'eau bouillante une infusion que les habitants mélangent avec le lait et boivent en place du vrai chocolat. En Orient, les arilles ou enveloppes du café s'emploient de la même manière pour le café à la Sultane.
On attend pour recueillir le cacao que les fruits, parfaitement mûrs, résonnent en les agitant par le choc intérieur des semences ; alors on en fait des tas que l'on laisse sécher pendant trois ou quatre jours, afin de briser le fruit et de le débarrasser de la pulpe qui l'environne.

Torréfaction et pâte de cacao.
Vous écossez les amandes de cacao, vous en mettez environ cinquante centimètres d'épaisseur dans une poêle de fer que vous placez sur un feu de charbon pour brûler légèrement l'écorce ligneuse du cacao que vous remuez avec une grande et large spatule de bois. Cette torréfaction, qui fait perdre au cacao son odeur de moisi, doit être faite avec ménagement, sinon le cacao trop chauffé amène un commencement de décomposition et ne produit plus qu'un chocolat brun ou noir qui est plus âcre et qui, loin de posséder les vertus de celui qui serait torréfié avec précaution, ne peut donner que de mauvais résultats. Lorsque l'écorce se sépare de l'amande sans difficulté en appuyant avec les deux doigts, le cacao est arrivé au degré de torréfaction nécessaire ; vous retirez alors votre poêle du feu et vous le versez dans un tonneau, vous le mettez ensuite dans un crible assez serré pour que le moindre grain ne puisse passer sans être brisé ; vous prenez un morceau de brique que vous appuyez sur votre cacao qui en se brisant se sépare de son enveloppe ; il est préférable, pour cette dernière opération, de prendre un moulin qui a l'avantage d'abréger ce travail et de le rendre plus perfectionné ; vous passez ensuite la première et la seconde grosseur du cacao dans des cribles de diverses grandeurs, et vous le mettez dans un petit van, afin de le remuer pour en séparer les écorces ; quand la première grosseur est vannée, vous passez à la seconde, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il ne reste plus aucune ordure. Vous éviterez, en faisant cette opération avec soin, la perte de temps que vous éprouveriez si vous étiez obligé d'éplucher grain à grain votre cacao pour en séparer les enveloppes qui resteraient avec les petits morceaux, si vous n'aviez pris la précaution de le passer plusieurs fois dans les différents cribles.
Votre cacao bien nettoyé, vous en pesez, par exemple, dix livres que vous torréfiez de nouveau en le remuant sans discontinuer avec une spatule de bois très large pour le bien faire chauffer jusqu'au centre sans le griller, et vous le retirerez quand il commencera à devenir luisant. Vous le passez légèrement dans le van pour en extraire les dernières parcelles d'écorce brûlée. Il faut bien se pénétrer que la torréfaction est indispensable pour enlever l'âcreté du cacao en faisant évaporer sa première huile et servir à le broyer plus facilement.
Après le second vannage, vous remplirez un mortier de fer de charbons ardents, afin de le bien faire ; vous l'essuyez, puis vous mettez votre cacao que vous pilez promptement avec un pilon de fer jusqu'à ce qu'il soit réduit en pâte et en huile et que le pilon puisse s'enfoncer par sa seule masse au fond du mortier.

Chocolat à la vanille.façon de Paris.
Prenez, par exemple, 5 kilogrammes de pâte de cacao, 60 grammes de vanille et 5 kilogrammes de sucre. Vous incorporez 4 kilos J de sucre avec la pâte de cacao, vous les mettez en deux fois dans le mortier pendant qu'il est encore chaud, vous mélangez bien le tout en le pilant et vous retirez cette pâte quand elle est bien mêlée pour la mettre dans une terrine à la réserve de 500 grammes, que vous broyez sur une pierre à chocolat. Cette pierre doit être unie, de 43 à 48 centimètres de large sur 81 de long et 8 centimètres d'épaisseur. Vous l'affermissez sur un châssis de bois en forme de buffet garni de tôle à l'intérieur et disposé de manière à recevoir une petite poêle de braise bien allumée, suffisamment couverte de cendres pour conserver à la pâte une chaleur douce ; vous mettez à côté de ce feu la terrine dans laquelle est le surplus de votre pâte ; puis vous broyez celle qui est dessus avec un cylindre de fer poli. Lorsque votre pâte est suffisamment broyée, vous la transvidez dans une autre terrine que vous mettez de même à côté du feu pour la conserver fluide, vous en remettez de nouveau sur la pierre et vous procédez ainsi jusqu'à ce que votre pâte ait entièrement passé par cette opération. Vous aurez soin pendant ce travail de toujours entretenir le feu sous votre pierre, qui doit conserver le degré de chaleur convenable, c'est-à-dire assez chaude pour qu'on ne puisse y laisser le dos de la main qu'un instant. Vous ajoutez à votre mélange suffisamment broyé la vanille pulvérisée avec 500 grammes de sucre et tamisée. Remettez votre pâte sur la pierre, retirez-la promptement et roulez-la sur une feuille de parchemin, afin de lustrer votre chocolat ; coupez- le par morceaux, mettez-les dans les moules frappés, le plus droit possible pour que le chocolat devienne uni et luisant, et, dans le cas où il se formerait dessus des petites bulles produites par l'effet de l'air, piquez ces bulles avec une épingle, et votre tablette devient parfaitement unie. Laissez refroidir votre chocolat dans le moule, afin qu'il durcisse ; quand il s'est solidifié, il se sépare des moules facilement, il suffit pour cela de les renverser ou de les presser légèrement par les deux bouts, comme si on voulait les tordre ; de cette façon, les tablettes qui seraient attachées par quelque côté se retirent très facilement sans courir le risque de se briser. Si votre chocolat est mis trop chaud dans les moules, il se forme dessus des taches ; s'il est trop liquide, jetez deux ou trois cuillerées d'eau sur une quantité de 10 kilogrammes et remuez-le jusqu'à ce qu'il soit devenu plus épais, ce qui donne plus de facilité pour le mettre dans les moules.
Pour obtenir un chocolat qui flatte le goût, vous ajoutez au lieu de vanille 45 grammes de cannelle et 3 gr. J de macis que vous mélangez et pulvérisez avec le sucre ; si vous désirez un chocolat plus fin, retranchez 1 kilogramme de sucre sur la quantité indiquée ci-dessus. Vous enveloppez vos tablettes dans du papier blanc et vous le conservez dans un endroit bien sec, la moindre humidité le ferait moisir.
La vanille contenant une matière résineuse et balsamique et étant dans un état de mollesse perpétuelle, il est indispensable de la piler avec le sucre et autant que possible par un temps sec, parce que le sucre passe difficilement à travers le tamis par les temps humides ; il est important aussi que la vanille soit choisie fraîche et de bonne qualité. La dose que nous prescrivons ci-dessus n'est que comme exemple ; on emploie les différentes substances qui entrent dans la composition du chocolat à volonté et dans les proportions convenables à la quantité que l'on veut faire.

Chocolat à la manière de Bayonne et d'Espagne.
Ce chocolat diffère seulement de celui ci-dessus par la main-d'oeuvre ; les substances qui entrent dans sa composition sont les mêmes.
Ayez une pierre des Pyrénées, de 60 centimètres de largeur sur 80 de longueur, avec un rouleau du même grain ; ménagez une pente à cette pierre et posez-la sur une table à la hauteur de la ceinture ; faites faire quatre auges de bois mince, mettez-les sur la pierre de façon que l'ouvrier en ait une devant lui et une de chaque côté, la quatrième servira pour remplacer lorsque le cacao sera broyé ; cette pierre vous dispensera de broyer le cacao dans le mortier de fonte, car vous le mettez dessus lorsqu'il est torréfié et vous le broyez avec le rouleau en procédant comme pour le chocolat de Paris, et jusqu'à l'entier broyage de votre pâte. Quand toute votre venue est broyée, vous retirez l'auge dans laquelle est tombé le cacao broyé et vous la remplacez par une autre dans laquelle vous mettez le sucre, vous broyez de nouveau la pâte et vous serrez avec le rouleau de manière à ce qu'il n'y ait que l'huile qui tombe dans l'auge sur le sucre.
Cela fait, vous formez une pâte avec votre huile et votre sucre mêlés ; vous repassez une dernière fois cette pâte sur la pierre en y ajoutant les aromates, et vous mettez votre chocolat dans les moules.
Si vous voulez le faire sans sucre, lorsque le cacao est en huile dans les auges, vous le mettez dans des moules en fer-blanc, comme cela se pratique à Bayonne, où ce chocolat est excellent et du plus grand débit.

Chocolat à la façon de Milan ou d'Italie.
Il se fait de la même manière que le précédent ; la différence existe seulement dans la forme de la pierre qui est cintrée et cannelée. Une seule espèce de pierre est propice à ce travail ; elle se travaille aux environs de Milan, et se vend avec les deux rouleaux du même grain 300 fr. dans le pays. Le chocolat qui se fait sur cette pierre est de qualité supérieure, parce que le cacao s'y trouve mieux broyé qu'il ne saurait l'être dans un mortier de fonte qui, très chaud, ne manquerait pas d'en absorber l'huile. Aussi les ouvriers italiens apportent-ils cette pierre à Paris, et leur chocolat fabriqué avec est-il trouvé meilleur.
Vacaca chinorum.
Prenez du cacao bien torréfié et vanné et broyez-le avec soin, mêlez-y 120 grammes d'amandes de cacao, 30 grammes de vanille, 30 grammes de cannelle fine, 2 gr. J d'ambre gris et 30 grammes de sucre en poudre ; formez-en une pâte que vous renfermez dans une boite en fer-blanc ; si vous voulez aromatiser agréablement votre chocolat, mettez dedans dix à douze grains de cette composition, qui est excellente et bonne à réparer les forces perdues par épuisement. Les Chinois font un très grand usage de cette pâte et s'en trouvent très bien.

Boisson de chocolat.
Mettez dans une chocolatière une tasse de lait ou d'eau par 30 grammes de chocolat, vous faites bouillir et vous ajoutez du chocolat râpé, vous remuez ce mélange. Quand le chocolat est fondu et incorporé avec le lait ou l'eau, vous le laissez reposer dans un endroit chaud pendant environ un quart d'heure ; remuez fortement votre boisson et versez-la dans des tasses lorsqu'elle est bien mousseuse.

Falsification du chocolat.
Les falsificateurs de chocolat emploient pour le faire du petit cacao commun, duquel ils ont tiré la plus grande partie du beurre, ils y ajoutent une grande quantité d'amandes pilées, de la cassonade au lieu de sucre et du storax commun en place de vanille. Il est impossible, pour les personnes qui s'y connaissent, de confondre le bon et le mauvais chocolat ; on le falsifie également avec du beurre, de la fécule de pomme de terre ou de l'amidon.

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