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Cochon


« C'est le roi des animaux immondes, dit Grimod de la Reynière, dans l'éloge qu'il fait de cet animal ; c'est celui dont l'empire est le plus universel et les qualités les moins contestées. Sans lui, point de lard, et par conséquent, point de cuisine ; sans lui, point de jambon, point de saucisson, point d'andouilles, point de boudins noirs, et par conséquent, point de charcutiers.
« Gras médecins, continue Grimod de la Reynière, en s'élevant jusqu'au style lyrique, vous condamnez le cochon et il est sous le rapport des indigestions l'un des plus beaux fleurons de votre couronne. »
Puis retombant au style familier : « La cochonnaille, continue-t-il, est beaucoup meilleure à Troyes et à Lyon que partout ailleurs. Les cuisses et les épaules de cochon ont fait la fortune de deux villes : Mayence et Bayonne. Tout est bon en lui ; par quel oubli coupable a-t-on pu faire de son nom une injure grossière ? »
Et par quel ingrat oubli M. Grimod de la Reynière ne se souvient-il pas lui- même que c'est à la finesse de l'odorat du cochon que nous devons les truffes ; et de quelle façon le cochon est-il récompensé pour chaque truffe qu'il trouve, et qu'il permet à l'homme de mettre dans son panier ? Et comment n'admire-t- on pas la persistance de l'intrépide chercheur et sa patience gastronomique qui a sur lui cette bienheureuse influence de toujours le tromper, non pas dans sa recherche, mais dans son résultat ; il persiste toujours à chercher pour être battu et voit la truffe lui passer devant le grouin.
Au reste, au mot truffe nous nous étendrons plus longuement sur ce produit que les savants ont placé entre le règne minéral et le règne végétal, ne sachant auquel des deux l'appliquer.
Le cochon était la principale nourriture des Gaulois, aussi en avaient-ils des troupeaux considérables.
Les Romains les faisaient cuire entiers et de différentes manières ; une de ces manières consistait à les faire bouillir d'un côté et rôtir de l'autre.
La seconde s'appelait à la Troyenne, par allusion au cheval de Troie dont l'intérieur était rempli de combattants. Celui du cochon se farcissait de bec- figues, d'huîtres, de grives, le tout arrosé de bons vins et de jus exquis ; ces mets devinrent si chers que le sénat fit une loi somptuaire pour les défendre.
Athénée parle d'un marcassin à demi bouilli, à demi rôti préparé par un cuisinier qui avait eu l'art de le vider et de le farcir sans l'éventrer ; il avait fait un petit trou sous une épaule. L'animal lavé en dedans par du vin avait été ensuite farci par la gueule. Les Egyptiens regardaient le cochon comme un animal immonde, si quelqu'un par mégarde avait touché à un cochon, il devait de suite pour se purifier entrer dans le Nil avec ses habits. Un seul jour et dans une seule circonstance, il était permis de manger du cochon, c'était au moment de la pleine lune : l'animal était alors immolé à Bacchus et à Phoebé. Tout le monde sait que les Israélites regardent la chair du cochon comme une chair immonde ; mais tout le monde sait aussi que cette prescription est plus hygiénique que religieuse ; le pays où les cochons acquièrent le plus haut degré de délicatesse, sans doute par les fréquentes occasions qu'ils ont, si l'on en croit, à tort d'ailleurs, les pères jésuites, de manger de la chair humaine est la Chine ; aussi les Chinois font-ils du cochon la base de tous les festins et leurs jambons ont-ils une qualité supérieure à ceux de tous les pays.
En 1131 mourut le jeune roi Philippe, que Louis le Gros, son père, avait associé au royaume et fait couronner à Reims. En passant dans une rue étroite un cochon s'embarrassa dans les jambes de son cheval, son cheval s'abattit et le jeune prince se heurta si vivement la tête qu'il en mourut le lendemain ; il fut alors défendu de laisser vaquer les pourceaux dans les rues ; la crainte de déplaire à saint Antoine fit que l'on excepta de cette défense ceux de l'abbaye du digne saint, mais à la condition qu'ils auraient une clochette au cou.
En 1386, par sentence du juge de Falaise, une truie fut condamnée à être mutilée et pendue, pour avoir tué un enfant.
En 1394, dans la paroisse de Roumaigne, vicomté de Morraigne, un porc fut condamné pour le même crime.
Humbert, Dauphin du Viennois, partant pour la croisade, en 1345 nous laissons aux savants à dire quelle fut cette croisade, Humbert Dauphin du Viennois fit un règlement par lequel il fixa la maison de la Dauphine, son épouse, à trente personnes ; or, pour ces trente personnes il accorda un cochon par semaine et trente cochons salés par an ; ce qui faisait trois cochons par personne.
Cuvier, ennuyé d'entendre dire que l'intérieur du corps du cochon ressemblait en tout à celui de l'homme et que les anciens chirurgiens, qui n'avaient pas le droit d'ouvrir les morts, étudiaient sur les cochons une anatomie équivalente, a écrit ces quelques lignes pour redresser l'erreur dans laquelle les historiens de la science médicale sont tombés. « L'estomac de l'homme et celui du cochon n'ont aucune ressemblance ; dans l'homme ce viscère a la forme d'une cornemuse, dans le cochon il est globuleux ; dans l'homme, le foie est divisé en trois lobes, dans le cochon il est long et plat ; dans l'homme, le canal intestinal égale sept à huit fois la longueur du corps, dans le cochon, il égale quinze à dix-huit fois la même longueur. L'épiploon c'est-à-dire cette partie qu'on appelle vulgairement toilette, est beaucoup plus étendu et plus chargé de graisse ; et, ce qui est très consolant pour les âmes délicates qui ne veulent avoir rien de commun avec le naturel du cochon, c'est que son coeur présente des différences notables avec celui de l'homme.
« J'ajouterai, pour la satisfaction des savants et des beaux esprits, que le volume de son cerveau est aussi beaucoup moins considérable ; ce qui prouve que ses facultés intellectuelles sont fort inférieures à celles de nos académiciens. » Civier.
Le cochon est, avec le lapin, l'animal le plus prolifique qui soit au monde. Vauban, qui était, comme on le sait, excellent mathématicien, a fait sur les cochons un traité qu'il appelait : Ma cochonnerie. Il avait calculé la postérité d'une seule truie pendant douze ans.
Cette postérité se montait en enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, à 6 434 838 cochons.
Le cochon a été longtemps regardé, à Naples, comme un personnage sacré ; c'était le seul balayeur de rue qui existât dans la moderne Parthénope ; il y avait peu de maisons où un cochon ne fût attaché avec une corde assez longue pour qu'il nettoyât un diamètre de vingt-quatre pieds. Aussi les cochons étaient-ils, ceux qu'on laissait libres, du moins, de toutes les fêtes.
Un des frères du roi de Naples, nommé le prince Antoine, dont la réputation s'expliquera par un mot de son frère, disait devant le roi, en parlant du marquis de Sal... « Nous sommes amis comme cochons. » Et le roi lui répondait en haussant les épaules :
« Vous êtes encore plus cochon qu'ami. »
Le prince Antoine fut surpris dans la chambre d'une paysanne, par un des frères de la jeune fille armé d'un bâton ; il voulut se sauver par la fenêtre, où était appliquée une échelle, mais au bas de l'échelle il trouva le second frère armé d'un second bâton ; il ne lui fallait pas passer par les verges du balai, mais par le manche ; les deux frères s'en donnèrent si bien et vengèrent si galamment l'honneur de leur soeur sur le dos du prince Antoine, que celui-ci en mourut douze ou quinze jours après ; on lui fit un enterrement en grandes pompes, qui partit du palais du roi et s'achemina vers Sainte-Claire, l'église des tombes royales. Mais l'étonnement fut grand lorsqu'on vit un énorme cochon, dont personne ne réclamait la propriété, prendre le haut du pavé et servir de conducteur au cortège ; on fit tout ce qu'on put pour le chasser, mais rien au monde ne put parvenir à le faire dévier de sa route ; arrivé à l'église Sainte-Claire il s'arrêta de lui-même, et monta les sept ou huit marches qui conduisent à l'intérieur de l'église. Alors on fit de nouveaux efforts pour éloigner l'animal immonde ; mais celui-ci sembla défendre ce qu'il paraissait regarder comme son droit ; le suisse s'avança en le menaçant de sa hallebarde, dont il allait peut-être le percer lorsqu'une voix dans la foule s'écria :
« Malheureux ! ne voyez-vous pas que c'est l'âme du prince Antoine ? »
Il ne fallut que cet éclaircissement pour faire connaître les droits du cochon, à qui l'église fut ouverte et qui assista à toute la cérémonie mortuaire avec la tranquillité d'une âme qui sait qu'elle peut compter sur des prières.
Le cochon est de tous les animaux celui qui est le plus employé dans la cuisine ; car dans presque tous les mets, soit entrées ou rôtis, on se sert de lard et de jambon ; les autres parties de cet animal sont moins recherchées ; cependant la hure est un mets fort distingué, quand elle est apprêtée par un homme qui connaît bien son état ; les pieds se servent à la Sainte-Menehould ou farcis de truffes ; les oreilles se servent en menu de rois, et les poitrines s'emploient dans bien des ragoûts ; il faut choisir le porc jeune et gras, mais bien prendre garde que sa chair ne soit envahie par des parasites qu'on appelle trichines ; la science moderne a appris que cette invasion des trichines n'était rien autre chose que la ladrerie.
Dans cet animal, il n'y a rien à jeter : de son sang on fait du boudin, de ses intestins des andouilles, des débris de ses chairs des saucisses et des fromages de cochon.
Terminons par une boutade poétique et porcine du cuisinier lyrique Rouyer :

                    Entre Pâques et Pentecôte,
                    Que de Jambons l'on mangera !
                    Aussi chacun, en aimable hôte,
                    Sur ce mets, son mot contera.
                    
                    Citons la réponse naïve
                    Faite par un gourmand abbé,
                    A qui disait un gai convive :
                    - « si dans la religion juive
                    Vous viviez... ; pour vous prohibé
                    Ce Jambon gras, à chair exquise !...
                    - Oui ; pour en manger bel et bien,
                    Si j'étais enfant de Moïse,
                    Je me ferais vite chrétien ! »
                    Bonne riposte à l'Esculape
                    Grondant le bel esprit Beautru,
                    Qui fait de ses draps une nappe
                    Sur laquelle est un Jambon cru :
                    - « Quelle qu'en soit la provenance,
                    Cuit ou non cuit, mon ordonnance
                    Vous défend, malade piteux,
                    Ce jambon mauvais pour la goutte !...
                    - Pour Elle, oui, docteur, oui, sans doute ;
                    Mais qu'il est bon pour le goutteux ! »

Cochon Hure de
Le célèbre Beauvilliers et l'illustre M. de Courchamps donnant exactement la même recette pour la hure de cochon ou de sanglier, nous croyons ne pouvoir faire mieux que de nous joindre à ces deux grands maîtres – en l'art de manger. Coupez votre hure jusqu'à la moitié des épaules, c'est-à-dire plus longue qu'on ne la coupe ordinairement ; flambez-la, de manière qu'il n'y reste aucune soie ; nettoyez le dedans des oreilles en y introduisant un fer presque rouge, pour en brûler les poils qui s'y trouvent ; cela fait, lavez bien cette hure, épluchez-la de nouveau, ratissez-la et désossez-la ; prenez garde de n'y faire aucun trou, surtout à la couenne de dessous le nez ; la chair qui provient des parties charnues, telles que celle des épaules, étendez-la dans les parties de votre hure, où il n'y en a pas, afin que les chairs soient égales partout ; ensuite mettez-la dans un grand vase de terre ; faites une eau de sel, laissez-la refroidir, tirez-la à clair et versez-la dans votre vase sur la hure, afin qu'elle trempe entièrement ; mettez-y une poignée de graines de genièvre, quatre feuilles de laurier, cinq ou six clous de girofle, deux ou trois gousses d'ail coupées en deux, une demi-once de salpêtre en poudre, du thym, du basilic et de la sauge ; couvrez votre terrine d'un linge blanc et mettez dessus un autre vase qui le couvre le plus possible ; laissez-la mariner huit ou dix jours. Ensuite égouttez-la ; faites une farce pour en garnir votre hure. A cet effet, prenez de la chair de porc, ôtez-en la peau et les nerfs ; mettez à peu près la même quantité de lard assaisonné de sel fin et de fines épices ; hachez le tout très menu, en sorte qu'on ne puisse distinguer le lard d'avec la chair ; mettez votre farce dans un mortier, pilez-la bien ; incorporez, l'un après l'autre, cinq ou six oeufs entiers ; faites l'essai de cette farce, et remédiez à ce qui pourrait y manquer. Votre farce achevée, étendez votre hure sur une nappe blanche ; ôtez les ingrédients qui ont servi à lui donner du goût. Vous aurez coupé du lard en grands lardons que vous aurez assaisonnés avec sel, poivre, quatre épices, des aromates pilés, persil et ciboules hachés et que vous aurez incorporés le mieux possible avec vos lardons ; arrangez de nouveau vos chairs dans la peau de la hure ; garnissez-la de ces lardons, posés en long de distance en distance, bien entremêlés avec la chair et la farce, de l'épaisseur d'un pouce, mettez-y la langue que vous aurez échaudée et épluchée ; faites un autre lit de lardons, et entre ces lardons, placez des truffes épluchées et coupées en long, entremêlées de pistaches que vous aurez émondées ; faites ainsi plusieurs lits, jusqu'à l'emploi entier de votre farce, de vos truffes, de votre lard et des pistaches. Votre hure remplie, cousez-la avec une aiguille à brider ; ménagez-lui bien sa première forme ; enveloppez-la dans une étamine neuve et cousez-la, attachez les deux bouts avec de la ficelle ; foncez une braisière avec des parures de boucherie, surtout de veau, des oignons, des carottes, trois feuilles de laurier, deux bouquets de persil et ciboules, quelques clous de girofle, de l'ail et trois bouteilles de vin rouge de Bourgogne ; achevez de mouiller avec du bouillon, il faut qu'elle trempe dans son assaisonnement ; faites-la partir ; couvrez-la avec deux feuilles de fort papier beurré : couvrez la braisière de son couvercle ; rnettez-la sur une paillasse, avec feu dessus et dessous ; faites-le cuire cinq à six heures, cela dépendra de la grosseur de la pièce et de la jeunesse de l'animal dont elle provient ; pour vous assurer si elle est cuite, sondez-la avec une lardoire ; si elle entre facilement retirez votre braisière du feu, laissez votre hure dedans et ne la retirez de son assaisonnement que quand elle sera presque tiède ; laissez-la refroidir dans son étamine. Après déballez-la, retirez la graisse qui pourrait se trouver dessus, ôtez les ficelles, parez-la du coté du chignon, dressez-la sur une serviette et servez.

Hure de cochon à la manière de Troyes.

Appropriez, désossez comme ci-dessus. Seulement remplacez la farce dont vous remplissiez votre hure par des truffes et des pistaches.
Jambon au nature.
Procurez-vous un bon jambon, ceux de Westphalie sont les meilleurs et en général plus estimés que ceux de Bayonne ; parez-le c'est-à-dire enlevez le dessus des chairs et sur le bord du lard ce qui pourrait être jaune, ôtez l'os du quasi, coupez le bout du jarret et mettez votre jambon tremper, après l'avoir égoutté en enfonçant une lardoire dans la noix ce qui vous décidera de laisser dessaler plus ou moins longtemps ; cela fait, mettez-le dans un linge, nouez-en les quatre bouts, arrangez-le dans une marmite ou une braisière, proportionné à sa grosseur ; mouillez-le avec de l'eau, mettez-y quatre ou cinq carottes, autant d'oignons, quatre clous de girofle, trois ou quatre feuilles de laurier, deux ou trois gousses d'ail et un ou deux bouquets de persil, thym et basilic ; faites-le partir et cuire ensuite à petit feu, par poids de 500 gr ; lorsque vous soupçonnerez qu'il est cuit, sondez-le avec la lardoire : si elle s'enfonce facilement, c'est que sa cuisson est faite ; retirez-le ; dénouez et renouez le linge pour serrer davantage ; votre jambon à moitié refroidi levez-en la couenne près du combien ; parez-le et panez avec de la chapelure passée au travers d'un tamis ; mettez une serviette sur un plat et dressez-le dessus.

Jambon braisé.
Parez, ôtez le bord du lard, coupez le manche, désossez l'os du quasi, faites dessaler, mettez dans un linge, liez et posez dans la braisière foncée de boeuf, veau, carottes, oignons, ciboule, persil, clous de girofle, laurier, thym, etc Mouillez, faites partir, arrosez mi-cuit d'une bouteille de vin blanc Champagne mêlé d'eau-de-vie ou préférablement Madère pur. Ne couvrez pas, laissez réduire ; égouttez, levez la couenne, glacez avec sauce de veau réduite. Servez sur légumes, ad libitum.
C'est, modifiée légèrement, la recette Beauvilliers.

Jambon à la broche.

Dessalez, parez, mettez dans une terrine avec oignon, carotte, laurier, cassis, un litre de Malaga ou Marsala voir plus haut ; fermez dans un linge, laissez mariner un jour et une nuit ; faites cuire à la broche arrosé de sa marinade. Levez la couenne, panez et servez sur anglaise et sur la marinade tamisée.

Echinée de cochon.
Prenez-la comme vous feriez d'un carré de veau, ôtez-en l'arête jusqu'au point des côtes et deux heures avant de la mettre à la broche, saupoudrez-la d'un peu de sel dessus et dessous ; faites-la bien cuire, et servez-la sous une sauce poivrade voir Poivrade.

Côtelettes de cochon, sauce Robert.
Coupez, aplatissez, parez, salez, faites griller et vous servirez avec une sauce Robert.

Oreilles de cochon, en menu du roi.
Flambez, nettoyez au fer presque rouge, ratissez, lavez, faites blanchir et cuire dans une braisière ; laissez refroidir ; coupez par filets agrémentés d'oignons en filets cuits au beurre et au blond de veau et dont vous verserez la sauce, en servant, sur vos oreilles de cochon avec adjonction d'un filet de vinaigre.

Oreilles de cochon à la purée.
Comme ci-dessus. Puis braisez avec bouillon, carottes, oignons, persil, ciboules, thym, laurier et basilic, égouttez, dressez et masquez avec purée de pois voir Pois verts ou de lentilles.

Queues de cochon à la purée.
Procédez à l'égard de ces queues comme il est dit à l'article précédent pour les oreilles.

Pieds de cochon à la Sainte-Menehould.
Lorsque le roi Louis XVI s'enfuit de Paris pour se faire arrêter à Varennes, dix brochures parurent pour exposer les causes de cette arrestation ; une entre autres de cet enfant terrible de la Révolution que l'on appelait Camille Desmoulins insinue que le roi fugitif n'avait pu résister au désir de manger des pieds de cochon à la Sainte-Menehould, ceci était un mensonge qui, dans la situation où il était fait, prenait les proportions d'une calomnie. Louis XVI ne s'arrêta à Sainte-Menehould que le temps d'y être reconnu par le fils du maître de poste Drouet qui, lui-même, sella son cheval et partit par des chemins de traverse, afin d'arriver avant le roi à Varennes ; il le précéda en effet de quelques minutes, et le roi fut arrêté en face de l'hôtel.
Ceci posé et c'est toujours la place de poser une vérité, revenons à nos pieds de cochon.
Flambez ce qu'un cochon peut avoir de pieds, c'est-à-dire quatre, en général ; ratissez-les, lavez-les à l'eau chaude, faites qu'ils soient bien propres, fendez- les en deux, rapprochez les morceaux l'un contre l'autre ; entortillez-les de ruban de fil, appelé ruban à tabliers, exactement comme si un perruquier faisait une queue ; cousez les deux bouts du ruban, faites-les cuire dans une braise ou dans du bouillon, comme les queues à la purée. Egouttez-les, laissez-les refroidir, ôtez-en les rubans, séparez ces morceaux ; trempez dans du beurre fondu, panez-les, faites-les griller, et servez à sec.

Cochon Petit salé aux choux.
Nous pourrions évoquer les ombres des Grecs et des Romains pour prouver que le chou a mérité les suffrages des premiers peuples de la terre. Et par exemple Caton, ennemi irréconciliable des médecins, médicastre lui-même, traitait toute sa maison avec le chou, sans distinction de maladie, et chose merveilleuse, ses gens ne s'en trouvaient pas plus mal. A l'exception d'Auguste, tous les empereurs, jusqu'à Vespasien, furent gourmands. Mais il faut le dire à la louange de ce stupide Claude, ce fut lui qui releva le chou par l'amour qu'il portait au petit salé. « Pères conscrits, s'écria-t-il un jour en entrant au sénat, dites-moi, je vous prie, est-il possible de vivre sans petit salé ? » Et l'honorable compagnie de répondre aussitôt : « Oui, seigneur, plutôt mourir que de se passer de lard. »
Dès ce moment les sénateurs, pour faire la cour à Claude, se régalèrent de petit salé aux choux.
Pour faire le petit salé, vous coupez des poitrines de cochons en morceaux ; frottez-les de sel fin comme le lard, ajoutez-y un peu de salpêtre, arrangez-les au fur et à mesure les uns après les autres dans un pot, ayez soin de les bien fouler pour éviter qu'elles ne prennent le goût d'évent ; bouchez les vides que pourra laisser le sel, recouvrez le vase d'un linge blanc et fermez le plus hermétiquement possible et servez-vous-en au bout de huit ou dix jours pour mettre sur des choux ou sur ce que vous voudrez.

Langues de porc fourrés fumés.
Prenez des langues de porc dont vous ôtez une partie du cornet, échaudez-les pour leur ôter la première peau, mettez-les dans un vase en les serrant bien l'une contre l'autre, et les salant avec du sel et un peu de salpêtre ; joignez-y du basilic, du thym, du laurier, du genièvre et quelques échalotes, si vous voulez, couvrez le pot comme il est indiqué au petit salé, mettez-le de même dans un endroit frais pendant huit jours ; au bout de ce temps, retirez-les de la saumure, faites-les égoutter, emballez-les dans des boyaux de cochon, de boeuf ou de veau, liez-en les deux bouts, faites-les fumer, et quand vous voudrez vous en servir mettez-les cuire dans l'eau avec un peu de vin, un bouquet de persil et ciboules, quelques oignons, thym, laurier, basilic ; laissez refroidir et servez.

Cervelles de cochon.
On les prépare comme les cervelles de veau voir Veau, en ayant soin de les faire accompagner en les servant d'une sauce relevée soit à l'estragon, soit au Cari des Indes.

Saucissons dit de Bologne.
Les saucissons se font de la même manière que les cervelas dits mortadelles voir Cervelas mortadelles.

Emincé de porc frais à la minute.
Coupez des filets mignons de porc en forme d'escalopes que vous posez dans une poêle ou sur une tourtière après les avoir saupoudrés de mie de pain assaisonnée de fines herbes, sel et poivre ; mettez du beurre dans une casserole et passez-y des échalotes hachées, mouillez avec le jus des côtelettes, sel et poivre, faites lier avec du beurre manié de farine et ajoutez une cuillerée de moutarde à votre sauce au moment de servir.

Rôtie au lard.
Coupez les deux extrémités d'un petit pain mollet et piquez-le d'une extrémité à l'autre avec des languettes de filets mignons de porc frais et de petit lard ; coupez votre pain en tranches et trempez ces tranches dans des oeufs battus, faites cuire à petit feu et servez à sec ou à la sauce piquante.
Cochon de lait.
Article copié dans un vieux formulaire.
En choisissant un cochon de lait, vous devez avoir soin de le prendre court, gras et jeune, c'est-à-dire qu'il n'ait pris pour nourriture que le lait de sa mère et alors il doit être bon ; préférez les tonquins aux autres espèces, ils sont beaucoup plus délicats. Quand vous voudrez le tuer prenez-lui le corps entre vos genoux, en lui serrant le grouin dans la main gauche, et vous lui enfoncez le couteau au bas de la gorge, ce qu'on appelle le petit coeur : il est nécessaire que le couteau soit étroit de lame et fort pointu ; dirigez-le bien droit afin d'atteindre l'animal au coeur.
Prenez garde de l'épauler, car alors il serait difficile à échauder, et comme il saignerait peu, les chairs en seraient noires et moins délicates ; vous aurez fait chauffer une chaudronnière d'eau un peu plus que tiède, vous aurez eu la précaution d'avoir un peu de poix-résine. Avant de tremper votre cochon dans l'eau ayez soin de lui casser les défenses de crainte qu'elles ne vous blessent en l'échaudant ; trempez-lui la tête dans cette eau ; si le poil des oreilles commence à quitter retirez votre eau du feu et trempez en entier votre cochon ; mettez-le sur la table et la résine près de vous ; posez votre main à plat sur cette résine ce qui vous donnera l'aisance de bien approprier votre cochon, frottez-le, trempez-le plusieurs fois dans l'eau, afin qu'il n'y reste aucun poil, déchaussez-le c'est-à-dire ôtez-lui les sabots, videz-le et prenez garde de faire l'ouverture trop grande, ôtez-lui tout ce qu'il a dans le corps, hors les rognons, passez votre doigt entre le quasi, pour lui faire sortir le gros intestin, supprimez-le, ciselez-lui le chignon, faites-lui quatre incisions sur la croupe pour lui retrousser la queue entre la peau et les chairs, passez-lui trois brochettes, une dans les cuisses pour lui assujettir les pieds de derrière comme ceux d'un lièvre au gîte, une autre à travers la poitrine pour lui trousser les pieds de devant, et une autre auprès des rognons pour l'empêcher de faire le dos de chameau ; cela fait, mettez-le dégorger dans l'eau fraîche, égouttez-le, laissez-le se ressuyer et mettez-le à la broche ; s'il lui restait quelques poils, flambez-les avec du papier ; lorsqu'il aura fait trois ou quatre tours de broche, frottez-le d'huile avec un pinceau de plumes pour que la peau soit croquante ; faites cette opération plusieurs fois pendant le temps de la cuisson, quand il sera cuit, décrochez-le, faites-lui une incision autour du cou, afin que la peau reste croquante et servez-le très chaudement.

Cochon de lait farci à l'anglaise.
La seule différence de celui-ci d'avec le précédent est que la farce sera faite avec le foie haché, de la mie de pain trempée dans le lait, du beurre, de la tétine, des oeufs, des jaunes surtout, des assaisonnements épicés, etc.
Cochon de lait en galantine.
Echaudez un cochon, comme il est indiqué plus haut, faites-le dégorger, égouttez-le, désossez-le, à la réserve des quatre pieds et prenez garde de trouer sa peau ; faites une farce cuite, de volaille ou de veau, étendez la peau de votre cochon sur un linge blanc, mettez-y de cette farce l'épaisseur d'un doigt, garnissez-la de gros lardons de lard et placez entre ces lardons des filets de truffes, des filets d'omelettes et des jaunes d'oeuf entiers, des filets de pistaches, des filets d'amandes douces et des filets de noix, de jambon cuit, couvrez le tout d'une même épaisseur de farce et continuez ainsi jusqu'à ce que la peau soit bien remplie sans être trop tendue ; surtout faites en sorte de conserver à la tête de l'animal, ainsi qu'à son corps, leurs premières formes ; cousez-le avec une grosse aiguille et du meilleur fil de Bretagne, fixez les quatre pieds comme pour le mettre à la broche, frottez-le de jus de citron, couvrez-le de bandes de lard, emballez-le dans une étamine neuve que vous coudrez en attachant les deux bouts, formez une braise avec les os et les débris de ce cochon, quelques lames de jambon cru, un jarret de veau partagé en deux, deux gousses d'ail, deux feuilles de laurier, du sel, carottes, oignons et un bouquet de persil et ciboules ; posez dessus le même cochon que vous mouillerez avec du bon bouillon et une bouteille de vin de Graves ; faites-le partir, retirez-le sur les bords du fourneau, faites-le aller doucement pendant trois heures, laissez-le refroidir dans sa cuisson, ensuite déballez-le, ôtez les bardes de lard, dressez-le sur le plat. Vous aurez passé le fond de votre braise au travers d'un tamis de soie, si ce fond n'est pas assez ambré, mettez-y un peu de jus, faites-le réduire et clarifiez comme il est indiqué à l'aspic voir Aspic, faites un cordon de cette gelée autour de votre plat, soit en diamant ou de toute autre manière, et servez pour grosse pièce à l'entremets. Recette traditionnelle.

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