Le grand dictionnaire de cuisine Vous êtes ici : Accueil > Accueil > Bibliothèque
Page précédente | Imprimer

Lièvre


Quadrupède trop connu pour que nous ayons besoin de faire sa description matérielle ; j'ajouterai seulement quelques observations sur son intelligence, qui met parfois en défaut celle des chasseurs et même des chiens.
Le lièvre se chasse au chien d'arrêt, mais surtout au chien courant ; si on le chasse au chien d'arrêt, il part devant vous : c'est au chasseur, selon son adresse ou sa maladresse, de le tuer ou de le manquer.
Si on le chasse au chien courant, il fait deux tours dans la plaine ou dans la forêt, un qui dure vingt-cinq minutes à une demi-heure, l'autre qui dure trois quarts d'heure à une heure et demie : c'est ce que l'on appelle son petit et son grand parti.
Par quelle fatalité le lièvre revient-il toujours à son lancer, soit après son premier, soit après son second parti, ce qui fait que c'est presque toujours près de l'endroit où il a pris chasse qu'il revient se faire tuer ?
Il fait assez franchement et sans ruser sa première randonnée ; mais à la seconde il ruse, et, quoique son répertoire ne soit pas aussi complet que celui du renard, il arrive parfois à dérouter les chiens et à désappointer le chasseur. Une de ses premières ruses est, arrivé à un endroit où de grandes herbes ou des ronces lui offrent un refuge, qu'il trace aussi exactement qu'avec un compas un cercle de vingt-cinq ou trente pas de diamètre ; fait trois ou quatre tours sur le premier tracé de son cercle ; puis, réunissant toutes ses forces, fait un bond de côté et se rase.
Les chiens, arrivés au point où il a quitté la ligne droite pour prendre la ligne courbe, en font autant que lui et suivent sa trace en tournant en rond ; mais là, toute piste leur échappe. Le bond prodigieux qu'a fait l'animal a interrompu la voie ; les chiens, déroutés, continuent de hurler, mais comme des animaux qui appellent le chasseur à leur aide. Le chasseur arrive, en effet ; mais aussitôt que le lièvre l'entend, il repart, reposé et tout prêt à une course plus longue qu'aucune de celles qu'il vient de faire.
J'ai vu un lièvre employer les mêmes ressources ; mais, au lieu de sauter à terre et de chercher un refuge dans les ronces, sauter sur un arbre courbé et aller se dérober dans une touffe de feuilles.
Ce fut mon chien d'arrêt qui le dénicha et qui, par la fixité de son regard, me le dénonça.
Je tuai donc un lièvre branché, comme j'aurais fait d'un faisan ou d'une gelinotte.

Levraut à l'anglaise.
Dépouillez un levraut jeune et tendre sans lui couper les pattes, et, pour qu'il reste en son entier, échaudez-lui les oreilles comme celles d'un cochon de lait ; retirez-lui, par une petite ouverture, les poumons et le sang ; prenez le foie, ôtez-en l'amer, hachez-le très menu, faites une panade un peu desséchée avec de la crème, pilez-la avec le foie, mettez autant de beurre qu'il y a de panade, quatre jaunes d'oeufs crus, sel, poivre et fines épices ; coupez un gros oignon en petits dés, faites-le cuire à blanc et joignez-le à votre farce, avec une pincée de petite sauge que vous aurez passée au tamis ; mêlez le tout et incorporez-y le sang du levraut ; goûtez cette farce si elle est de bon goût, remplissez-en le corps de votre levraut, cousez-le, cassez-lui les os des cuisses et fixez-lui les pattes de derrière sous le ventre ; donnez une attitude à la tête et aux pattes de devant, comme s'il était au gîte ; mettez-le à la broche en lui conservant cette position ; lardez-le, enveloppez-le de papier, faites-le cuire environ cinq quarts d'heure ; avant de le retirer du feu, ôtez-lui le papier, supprimez-en le lard, et servez-le avec une saucière remplie de gelée de groseilles fondue au bain marie.

Lièvres et levrauts rôtis.
Dépouillez et éventrez votre gibier, frottez-le de son sang et faites-le refaire sur la braise ; piquez-le ensuite de menu lard et mettez-le à la broche, faites cuire et servez chaudement avec une sauce douce faite avec du sucre et de la cannelle, ou une sauce au vinaigre avec sel, poivre et oignons piqués de clous de girofle.
Lièvre à la bourgeoise.
Prenez un lièvre dont vous coupez les membres ; mettez le sang à part, lardez la viande avec du gros lard, faites-le cuire avec du bouillon, une chopine de vin blanc, un bouquet de persil, ciboules, ail, clous de girofle, muscade, thym, laurier, basilic, sel et gros poivre ; faites cuire le tout à petit feu. Pilez très fin le foie du lièvre, passez-le au tamis avec une goutte de bouillon et mêlez le sang avec. Quand ce ragoût est cuit à propos et la sauce tout à fait réduite, mettez-y le sang et le foie passés, faites lier la sauce sans qu'elle bouille, ajoutez-y un peu de câpres entières, et servez.

Levrauts à la suisse.
Coupez-les par quartiers, lardez-les de gros lard, faites-les cuire avec du bouillon, un verre de vin blanc, sel, poivre et bouquet de fines herbes. Quand la sauce sera assez liée, ôtez-les du feu et servez-les avec un jus d'orange, après les avoir assaisonnés d'un ragoût fait avec le foie, le sang et un peu de farine mêlés, avec un peu de vinaigre, quelques olives, et un peu de câpres entières.

Civet de lièvre.
Dépouillez et videz un lièvre, coupez-le par morceaux, en ayant soin de conserver le sang dans un endroit frais. Faites un roux avec un peu de farine et de beurre, faites revenir dans ce roux quelques morceaux de petit salé ou de lard, mettez-y votre lièvre et mouillez-le quand il sera chaud, avec moitié bouillon, moitié vin rouge ; ajoutez-y du sel, poivre, bouquet garni, une gousse d'ail, un oignon piqué de deux clous de girofle et un peu de muscade râpée. Quand le lièvre sera à moitié cuit, vous y joindrez le foie et le poumon. Faites cuire à grand feu jusqu'à réduction des trois quarts. Ayez alors deux douzaines de petits oignons que vous glacez dans une casserole avec un peu de beurre, un demi-verre de vin blanc, jusqu'à belle couleur blonde ; ajoutez aussi des champignons et des fonds d'artichauts coupés en morceaux ; faites aussi, en même temps, frire à l'huile de petits croûtons de mie de pain.
Toutes ces garnitures préparées, vous liez votre civet avec le sang que vous aviez en réserve ; dressez alors votre lièvre sur le plat, couronnez-le avec les petits oignons glacés, versez la sauce dessus, ajoutez les champignons, les fonds d'artichauts, le petit salé ; garnissez le tout avec vos petits croûtons frits, et servez chaudement.

Levraut à la broche.
Prenez un levraut bien jeune et bien tendre, coupez les deux pattes de devant près de la jointure. Dépouillez-le, videz-le, passez votre doigt entre ses quasis pour le mieux nettoyer, crevez les diaphragmes, retirez les poumons et le foie et mettez-les avec son sang dans un vase ; coupez à moitié les pattes de derrière, passez-en une dans le jarret de l'autre, rompez les cuisses vers le milieu, refaites votre lièvre sur le feu, essuyez-le, frottez-le entièrement de son sang avec votre main, piquez-le ou lardez-le, mettez-le à la broche, faites-le cuire environ trois quarts d'heure, retirez-le et servez-le avec une sauce poivrade que vous lierez avec son sang, en ayant soin de ne pas la laisser bouillir.

Levraut au sang.
Prenez cinq pigeons en vie, tuez-les, mettez le sang sur une assiette, avec un jus de citron pour empêcher qu'il ne tourne, échaudez les pigeons et troussez- les, les pattes en dedans, faites-les blanchir et passez-les avec du beurre, joignez-y un bouquet garni, une tranche de jambon, un ris de veau blanchi, des champignons, truffes. Mouillez avec un peu de réduction et de bouillon, faites cuire et assaisonnez de bon goût, puis liez-le avec le sang, en le remuant sur le feu pour l'empêcher de tourner et sans le laisser bouillir. Laissez refroidir, prenez ensuite un levraut que vous dépouillez et videz en mettant son sang avec celui des pigeons avant que le ragoût soit lié ; levez la chair du levraut par filets, hachez-la avec un peu de jambon cru, du persil, ciboules, champignons, ail, liez cette sauce avec cinq jaunes d'oeufs et mêlez cette farce avec autant de petit lard coupé en morceaux et haché ; foncez ensuite une poupetonnière de bardes de lard, mettez-y la farce, faites un trou dans le milieu pour y mettre le ragoût de pigeons, l'estomac en dessous, recouvrez-le de la même farce et de bardes de lard, mettez un couvercle sur la poupetonnière et faites cuire au four ; égouttez-le de sa graisse, dressez-le dans le plat que vous devez servir, en prenant garde de la rompre, et saucez avec un coulis au vin de Champagne.

Levraut sauté à la minute.
Dépouillez, videz et coupez par morceaux un jeune levraut, mettez-le dans une casserole avec beurre, sel, poivre, épices, faites cuire à un feu vif en remuant tous les morceaux l'un après l'autre afin qu'ils cuisent également. Lorsqu'ils sont fermes et qu'ils résistent sous la pression des doigts, ajoutez d'abord fines herbes, échalotes et persil hachés, quelques champignons, puis une cuillerée à bouche de farine, un verre de vin blanc et un peu de bouillon. Retirez votre ragoût quand il est sur le point de bouillir, et servez.

Terrine de lièvre ou de levraut.
Dépouillez un lièvre, ôtez-en la peau et levez-en les filets, piquez-les d'un moyen lard bien assaisonné, mettez deux ou trois bardes de lard au fond d'une terrine, et quelques tranches de jambon, assaisonnez de sel, poivre, fines épices, arrangez les filets de lièvre dans la terrine et assaisonnez dessus comme dessous, ajoutez des truffes vertes et quelques champignons, couvrez ces filets de tranches de boeuf bien battues avec des bardes de lard, couvrez la terrine de son couvercle, mettez de la pâte autour et faites cuire feu dessus et dessous, sans que le feu soit trop vif. Le tout étant cuit, vous découvrez la terrine, vous ôtez les tranches de boeuf et de lard, dégraissez la sauce, voyez si elle est d'un bon goût, jetez dedans une essence de jambon, et servez chaudement.

Pâté de lièvre
.
Désossez un lièvre par morceaux, piquez les chairs avec des lardons assaisonnés de sel, poivre, épices, échalotes et persil hachés, faites cuire à moitié avec du beurre ; hachez le foie avec une livre de lard gras ajoutez un oignon, une échalote, le quart d'une gousse d'ail, persil, thym et laurier hachés à part, épices, poivre, sel, un petit verre d'eau-de-vie ; faites une masse compacte d'un lit de farce d'abord, puis de jambon et autres viandes, de volailles, faites cuire deux heures ou mettez-le en terrine à votre choix.

Pâté de levraut en fusée.
Désossez votre levraut et levez-en tous les filets, hachez-les très fin, ajoutez persil, ciboules, champignons, une pointe d'ail, une livre de lard râpé, dix jaunes d'oeufs ; faites une farce avec trois quarterons de lard coupé en petits dés, du jambon coupé de même, une chopine de crème, sel, fines épices mêlées, maniez le tout ensemble, dégraissez votre pâté, mettez au fond des bardes de lard, la viande dessus, couvrez de bardes de lard et d'une abaisse de même pâte et faites cuire environ deux heures.

Côtelettes de lièvre à la Melville
.
Recette empruntée à M. Legogué, ancien chef des cuisines de lord Melville, ministre de la marine anglaise.
« Si je donne la recette de ce mets, dit cet excellent cuisinier, ce n'est point parce que j'en suis l'inventeur, et que ces côtelettes portent le nom de l'honorable seigneur à qui j'ai eu l'honneur de les servir plusieurs fois ; amour- propre d'autrui à part, les côtelettes de lièvre, telles que je vais les décrire, méritent de paraître sur une bonne table et c'est à ce titre qu'elles trouvent naturellement leur place dans ce livre. Et qu'on ne s'imagine pas que la confection de ce mets va exiger le sacrifice de cinq ou six lièvres, comme je lis par exemple dans un livre de haute cuisine que, pour une blanquette de lapereaux, il faut lever les filets de dix lapereaux ; non, il ne nous faudra que deux moitiés de lièvre : il est vrai que ces deux moitiés sont les parties de devant et qu'il est absolument nécessaire de se procurer deux lièvres, mais les deux autres moitiés, les parties de derrière ne seront point perdues, comme nous le dirons tout à l'heure. Revenons maintenant à nos côtelettes.
Dépouillez et videz deux lièvres dont vous conservez le sang. Enfoncez le couteau le long de l'épine du dos jusqu'à la cuisse et alors, glissant les doigts entre les os et le filet, détachez le filet sans cependant séparer de la cuisse la partie, c'est-à-dire le gros bout qui y tient ; passez la pointe du couteau sous cette partie, en appuyant le pouce sur la peau nerveuse, et faites comme si vous tiriez à vous le filet, la peau nerveuse reste et le filet se trouve aussi détaché et paré tout à la fois. Lorsque vous avez levé de cette manière les quatre filets, vous les étendez sur une table et vous les partagez chacun en trois morceaux ; vous les coupez en biais, de telle sorte qu'ils aient un gros bout et un bout plus fin et plus allongé ; vous les aplatissez bien légèrement et vous les parez en leur donnant la forme de côtelettes, ce qui est facile, puisqu'ils sont coupés en biais.
Prenez alors le petit os qui se trouve dans l'aileron des poulets, taillez-le en pointe par un bout et faites-le entrer dans la côtelette. Faute d'os de poulet, servez-vous des petits os qui sont sur les côtes du lièvre et qui imitent assez bien les véritables os des côtelettes de mouton ou d'agneau.
Les côtelettes de lièvre étant ainsi préparées, assaisonnez-les de poivre et de sel, passez légèrement sur chacune d'elles un pinceau de plumes trempé dans un jaune d'oeuf battu, panez-les de mie très fine. Ayez du beurre fondu bien chaud ; trempez-y les côtelettes, panez-les une seconde fois, passez légèrement dessus la lame d'un couteau pour les lisser ; mettez du beurre fondu dans un plat à sauter ; placez-y les côtelettes de lièvre et faites-les sauter comme des côtelettes ordinaires.
La sauce qui convient à ces côtelettes ainsi préparées se fait de la manière suivante : foncez une casserole avec des tranches d'oignons et des lames de carottes ; prenez les débris sur lesquels vous avez levé les filets, divisez avec le couperet les morceaux qui seraient trop gros, et mettez-les dans la casserole. Mouillez d'un verre de vin blanc et ajoutez une gousse d'ail, deux clous de girofle et un bouquet garni ; faites suer le tout, quand il ne reste plus de mouillement, vous y versez une cuillerée à pot de bouillon pour obtenir l'essence qui s'est formée et que vous passez à travers un tamis après une demi-heure de cuisson, si vous avez de l'espagnole vous la travaillez avec cette essence ; si vous n'en avez pas, vous mouillez un peu plus les débris et vous faites un petit roux. Au moment de servir, vous liez l'une ou l'autre sauce avec le sang que vous avez mis en réserve.
Quant aux quatre cuisses qui nous restent de nos deux lièvres, elles ne seront pas perdues comme nous l'avons dit ; nous en ferons un civet ou nous les apprêterons de toute autre manière, et vous voyez que notre plat de douze côtelettes à la Melville peut se confectionner sans une dépense bien considérable. Or, ce que nous voulons dans notre cuisine, c'est que tout y soit aussi bon que possible avec les moyens les plus simples et les moins dispendieux.

Filets de lièvre piqués. Recette du même.
Après avoir levé les filets comme il est dit ci-dessus, vous les piquez entièrement, vous leur donnez une forme arrondie ou en serpenteau, et vous les couchez dans une casserole sur des bardes de lard minces. Vous les garnissez de lames de carottes et de tranches d'oignons et les assaisonnez d'un peu de thym, d'une feuille de laurier, de deux clous de girofle, de poivre et de sel. Mouillez-les avec du bouillon, couvrez-les d'une feuille de papier beurré et faites-les cuire doucement, feu dessus et dessous, pendant trois quarts d'heure. Glacez-les, si c'est nécessaire, et servez dessous soit une sauce poivrade ou piquante, soit une litière quelconque, champignons ou chicorée.


Filets de lièvre marinés et sautés.
Les filets étant piqués, mettez-les, pendant huit jours, dans une marinade faite de la manière suivante : sel, poivre, deux feuilles de laurier, thym, persil en branche, oignons coupés en tranches, quatre clous de girofle, un verre de vin blanc sec et un demi-verre de vinaigre à l'estragon. Quand vous voulez employer ces filets, égouttez-les sur un linge blanc de manière à les sécher, et faites-les sauter comme les côtelettes sautées.

Recette précédente | Recette suivante

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
Haut de page
Page précédente