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Alouette


Les alouettes ont le double avantage d'être aimées par les gourmands et chantées par les poètes. Juliette dit à Roméo qui veut la quitter avant le jour :

          - Ne t'en vas pas encor, reste, mon Roméo :
          C'était le rossignol et non pas l'alouette
          Dont le chant a frappé ton oreille inquiète ;
          Caché dans les rameaux d'un grenadier en fleurs,
          A la nuit qui l'écoute il chante ses douleurs :
          C'était le rossignol, crois-en ta Juliette !

                              Roméo
          Non ! c'est bien le matin et c'est bien l'alouette.
          Regarde, mon amour, à l'horizon rougi
          Monter de pourpre et d'or ce rayon élargi ;
          Ce nuage qui s'ouvre et laisse passer l'aube,
          C'est l'aurore levant un des plis de sa robe.
          Tandis que, repoussée à l'occident obscur,
          Phoebé fuit éteignant ses flambeaux dans l'azur,
          Vois-tu le gai matin, éclairant nos campagnes,
          Poser son pied joyeux sur le front des montagnes ?
          Vois-tu comme un torrent la lumière accourir ?
          Il faut partir et vivre, ou rester et mourir.

                              Juliette
          Tu te trompes, ami, non ce n'est pas l'aurore,
          C'est quelque éclair furtif, c'est quelque météore
          Que le soleil, touché de notre amour si beau,
          Place sur ton chemin comme un porte-flambeau.
          Reste donc, du départ ce n'est pas encor l'heure ;
          Demeure, ô Roméo ! je t'aime tant, demeure !

                              Roméo
          Veux-tu que l'on me trouve et qu'on me tue ici ?
          Oh ! moi, je suis content si tu le veux aussi.
          Avec toi je dirai : ce n'est pas la lumière
          Que verse le matin en ouvrant sa paupière :
          C'est le pâle reflet de la soeur d'Apollon
          Dont le char argenté glisse sur le vallon.
          Ce chant qui dans le ciel éclate sur ma tête,
          Non ce n'est pas ton chant, matinale alouette !
          Oh ! moi, je ne fais pas de l'amour un remords,
          Juliette le veut, je reste.– Viens, ô mort !
          Je t'attends dans ses bras, ô sublime inconnue,
          Pâle soeur du sommeil, mort, sois la bienvenue !

                              Juliette
          Oh ! non, je me trompais, Roméo ! c'est le jour !
          Pas un instant à perdre. Oh ! fuis ! fuis ! mon amour.
          C'était bien l'alouette aux notes discordantes
          Dont le chant menaçait nos amours imprudentes ;
          C'était bien le soleil, brûlant vainqueur des nuits,
          Qui montait sur son char ; fuis ! mon Roméo ! fuis !

Les alouettes étaient recherchées sur les tables des Athéniens ; elles étaient sacrées à Lemnos, parce qu'elles avaient délivré l'île des sauterelles. L'alouette est fort délicate et estimée pour son goût. Elle n'est réellement bonne qu'au mois de novembre et les mois qui suivent jusqu'à février. Elle s'engraisse par le brouillard avec une rapidité surprenante ; elle a cela de commun, du reste, avec ses fournisseurs, mais elle maigrit plus promptement qu'eux. Rôties et bardées, les alouettes sont très agréables, mais à la suite d'un dîner solide. L'avis de Grimod de la Reynière est que l'alouette la plus grosse, ainsi que le meilleur rouge-gorge, ne sont, sous les doigts d'un homme de bon appétit, qu'un petit paquet de cure-dents, plus propres à nettoyer la bouche qu'à la remplir.
L'illustre gourmet ajoute :
« Les pâtés d'alouettes de Pithiviers sont l'un des plus délicieux mangers que puisse vergeter le palais d'un galant homme ; la croûte en est excellente et l'assaisonnement inimitable. »
Plumée, dressée, troussée, prête à mettre à la broche, enfin, l'alouette change de nom et s'appelle mauviette, Lister, médecin gourmand d'une reine gourmande, établit comme un principe que si douze mauviettes ne pèsent pas 30 grammes chacune, elles ne sont pas mangeables ; que si elles pèsent ce poids, elles sont passables ; mais que si elles pèsent ensemble 400 grammes ou plus, elles sont excellentes.
Ayez donc soin de faire peser vos mauviettes avant de les mettre à la broche.

Alouettes à la casserole.
Prenez une ou deux douzaines d'alouettes, cela dépend du nombre de vos convives, plumez-les vos alouettes et non pas vos convives, videz-les, flambez-les. Ensuite vous les mettrez dans la casserole avec un peu de beurre et vous les ferez cuire à moitié. Quand ce sera fini retirez vos oiseaux du feu pour les égoutter, videz-les et ôtez les gésiers que vous jetterez. Pilez tout le reste ensemble en y ajoutant quelques foies de volailles ou des foies gras et quelques truffes ; faites-en une farce bien fine que vous assaisonnerez convenablement avec sel, poivre, muscades, etc. ; bourrez l'abdomen de vos alouettes avec cette farce. Garnissez-en le fond d'un plat d'argent, enterrez-y vos oiseaux de manière qu'on les aperçoive à peine, et couvrez-les d'une barde de lard et d'un papier beurré. Mettez votre plat sur les cendres chaudes, placez un four de campagne au-dessus et laissez cuire pendant une demi-heure. Au moment de servir, ôtez le papier et le lard, égouttez le plat, saupoudrez-le de chapelure bien fine et soyez tranquille sur les résultats. Ce mets divin peut se manger avec une sauce quelconque. Je m'en suis souvent régalé avec de la gelée de groseille, en avalant à chaque fois une demi-bouchée de l'un et de l'autre. Méthode d'Eléazar Blaze.

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