Le grand dictionnaire de cuisine Vous êtes ici : Accueil > Accueil > Bibliothèque
Page précédente | Imprimer

Pomme


Les pommes se mangent crues ou en compotes, confitures, marmelades. On en fait aussi un cidre agréable, généreux et de bonne conservation. On se sert principalement, pour cette boisson, des amères, mélangées d'environ un tiers de douces.
Les provinces de France les plus abondantes en pommes sont la Normandie, l'Auvergne et le Vexin français ; la Bretagne en fournit en assez grande quantité.
Les meilleures pommes qu'on mange en hiver sont la reinette, le court-pendu, la pomme d'api et le calville dont il existe trois espèces : la blanche, la rouge et la claire. Le calville rouge, c'est-à-dire celle qui a la peau et une partie de la chair rouges, est la meilleure des trois ; elle renferme un suc doux et convient à ceux qui ont des aigreurs dans l'estomac, pourvu toutefois qu'on en mange peu. La reinette convient particulièrement aux bilieux. Mais, de toutes les pommes, le court-pendu est la meilleure ; sa saveur est très agréable, sa chair délicate et son odeur très douce.
La pomme d'api qui doit toujours se manger crue, est la plus petite et la plus dure de toutes les pommes ; elle renferme une eau savoureuse, très propre à rafraîchir la bouche et à éteindre la soif, mais sa chair est lourde et difficile à digérer.
Le suc de la pomme crue, suivant Gallien, bout et fermente dans l'estomac comme le vin qui sort de la cuve. Ce suc est composé de parties extrêmement fines mais indigestes qui, par le moyen des artères, se distribuent par tout le corps, de sorte qu'il est difficile, si l'on mange beaucoup de pommes crues, que la fermentation excessive, jointe à la crudité de leur suc, ne trouble la circulation du sang et que les principaux viscères n'en souffrent. Simon Pauli savant médecin, qui aimait beaucoup les pommes et qui avait coutume d'en manger tous les jours, dit qu'il eut pendant vingt ans de très fortes palpitations de coeur dont il modérait le progrès en se faisant souvent saigner et en mangeant moins souvent des pommes crues. Il ajoute que lorsqu'il en mangeait beaucoup le soir, il ne manquait point d'être attaqué, la nuit, une ou deux fois, de cauchemar ou d'insomnie.
Un de nos plus célèbres Normands, Bernardin de Saint-Pierre, donne ainsi, dans une ingénieuse fiction, l'origine des pommiers de sa province :
« La belle Thétis, dit-il, jalouse de ce que, à ses propres yeux, Venus eût remporté la pomme qui était le prix de la beauté, sans qu'on l'eût admise à la concurrence, résolut de s'en venger. Un jour donc que Vénus, descendue sur cette partie du rivage des Gaules, y cherchait des perles pour sa parure et des coquillages pour son fils, un triton lui déroba sa pomme, qu'elle avait mise sur un rocher, et la porta à la déesse des mers ; aussitôt Thétis en sema les pépins dans les campagnes voisines, pour y perpétuer le souvenir de sa vengeance et de son triomphe. Voilà, disent les Gaulois celtiques, la cause du grand nombre de pommiers qui croissent dans notre pays et de la beauté singulière de nos filles. »
On sait aussi quel rôle joue la pomme dans l'histoire. Pour éviter les frais qu'occasionnaient les noces, Solon ordonna que les nouveaux époux ne mangeraient qu'une pomme avant de se mettre au lit, la première nuit du mariage, ce qui n'était guère substantiel et réconfortant pour les pauvres époux.

Pommes au beurre.
Videz une vingtaine de belles pommes à l'emporte-pièce ; tournez-en neuf ou dix pour en ôter la peau comme pour une compote ; faites-les cuire aux trois quarts dans un sucre léger, égouttez-les, faites une marmelade des autres pommes en les faisant cuire dans une casserole avec un peu de beurre, de cannelle et un verre d'eau jusqu'à ce qu'elles soient fondues ; étendez sur votre plat une partie de cette marmelade avec un peu de compote d'abricots, arrangez vos pommes dessus et emplissez de beurre le trou qui est au milieu, garnissez les intervalles avec le reste de la marmelade, glacez-la avec du sucre en poudre, faites cuire au four, donnez belle couleur, bouchez le trou des pommes avec des cerises ou des confitures, et servez chaud.

Miroton de pommes.
Vous épluchez des pommes et vous en ôtez le coeur, puis vous les coupez par tranches, les faites mariner pendant trois ou quatre heures dans une terrine avec du sucre et de la cannelle en poudre, un demi-verre d'eau-de-vie et un jus de citron, égouttez-les. Mêlez ensemble et mettez dans un plat qui puisse aller au feu, de la marmelade de pommes et d'abricots, rangez les pommes autour et dessus en forme de dôme ; mettez le plat au four et laissez cuire jusqu'à ce qu'il ait pris belle couleur.

Pommes au riz.
Videz et tournez une dizaine de belles pommes et faites-les cuire comme celles au beurre ; faites blanchir un quart de riz que vous mettrez crever dans du lait en l'arrosant petit à petit ; ajoutez un zeste de citron vert, un peu de sel et du sucre en suffisante quantité ; quand votre riz est ferme, supprimez le citron, garnissez votre plat de riz, ranger vos tranches de pommes dessus, remplissez les intervalles avec du riz, faites cuire au four jusqu'à belle couleur.

Pommes meringuées.
Mettez dans une croûte à flan ou sur un plat une couche de marmelade de pommes que vous recouvrez de blancs d'oeufs fouettés en neige et sucres ; puis vous formez sur le plat, à l'aide d'un cornet de papier dont vous aurez coupé le bout et que vous aurez rempli du restant de blanc d'oeuf, des petites meringues ; saupoudrez de sucre, mettez à four doux et laissez prendre belle couleur à vos pommes.

Pommes meringuées Formule de M. Carême
Otez-les coeurs et pelez trente-six belles pommes de reinette, choisissez les plus hautes que vous coupez droites avec un coupe-racine, ayez soin que le coeur des pommes se trouve parfaitement au milieu et faites-les cuire un peu fermes dans six onces de sucre clarifié ; après cela vous versez le sirop dans le reste des pommes que vous aurez émincées et vous les faites cuire comme de coutume, en desséchant un peu plus la marmelade, où vous mêlez le tiers d'un pot d'abricots ; et après l'avoir passée au tamis, vous en mettez une cuillerée dans le plat d'entremets en formant une couronne sur laquelle vous placez droites les dix pommes tournées, de manière qu'elles forment un puits au milieu, vous garnissez le coeur des pommes avec de la marmelade d'abricots et avec le reste de la marmelade vous masquez le dessus et le tour des pommes, mais arrangez-vous de façon que le dessus soit bien uni et très égal en hauteur, que le tour soit uni et droit, de même que l'intérieur du puits doit être garni de marmelade, afin que les pommes ainsi masquées forment une couronne parfaite et ayant un vide au milieu.
Cette partie de l'opération terminée, vous mettez l'entremets au four doux et dès qu'il commence à se colorer d'un rouge clair, vous fouettez deux blancs d'oeufs bien ferme et mêlez avec deux cuillerées de sucre fin, vous les versez dans le milieu des pommes, mais quand le puits est plein, vous avez soin de dresser le reste de blanc d'oeuf, en formant une meringue bien bombée sur laquelle vous semez du sucre écrasé un peu fin ; le sucre étant fondu, vous remettez les pommes au four ; ayez l'attention, en semant le sucre sur la meringue, de ne pas en mettre sur les pommes.

Pommes au beurre et à la gelée de pommes.
Autre formule du même praticien. Otez les coeurs et tournez quinze pommes d'Afrique ; vous faites cuire en deux fois dans six onces de sucre clarifié ; épluchez ensuite douze pommes de reinette coupées par quartier, versez dessus le sirop que vous aurez fait réduire au soufflé ; puis deux onces de beurre tiède et le quart d'un pot d'abricots ; le tout étant bien mêlé, vous placez la casserole feu dessus et dessous et cuisez les pommes comme les précédentes ; pendant leur cuisson, vous coupez chaque pomme d'api en deux et en travers, vous les moulez dans un moule en dôme bien légèrement beurré, ensuite vous achevez d'emplir le moule en y versant les pommes au beurre ; vous renversez l'entremets sur son plat et mettez, dans le milieu de chaque moitié de pomme d'api, une belle cerise ou un gros grain de verjus confit. Vous masquez parfaitement l'entremets de lames de gelée de pommes de Rouen, ce qui rend les pommes d'un glacé brillant et séducteur.
En place de pommes d'api, vous pouvez cuire au sirop dix pommes de reinette coupées par quartier.
Pour les pommes au beurre et aux macarons, vous préparez et dressez l'entremets de même que le précédent, mais vous le masquez de marmelade d'abricots au lieu de gelée de pommes, et servez par-dessus deux onces de macarons écrasés, vous placez ensuite une cerise dans chaque milieu des pommes d'api, et servez.
On dresse également ces sortes de pommes au beurre dans des casseroles d'argent et toujours en procédant de même qu'il est décrit plus haut.
On dresse encore ces bons entremets dans des croûtes de vol-au-vent et de tourtes d'entremets glacés, ainsi que dans des croustades de pâte fine en forme de flan.

Charlottes de pommes.
Pelez et coupez en quartiers une vingtaine de belles pommes de reinette de France, supprimez-en les coeurs et mettez les tranches de pommes dans une casserole avec un peu de beurre, de cannelle, de citron et un verre d'eau. Couvrez la casserole, placez-la sur un feu doux et laissez cuire les pommes sans les remuer, laissez-les légèrement s'attacher pour leur donner un goût de grillé, ajoutez-y du sucre, un peu d'excellent beurre, faites réduire le tout en le mêlant et continuez jusqu'à ce que cette marmelade ait pris consistance, ôtez alors la cannelle et le citron. Coupez des tranches de mie de pain mollet, larges de deux doigts à peu près, garnissez-en le fond et le tour d'un moule ; mettez dans l'intérieur la marmelade de pommes, que vous entremêlez de marmelade d'abricots, afin de rendre l'entremets plus délicat ; puis quand le moule est rempli, vous le recouvrez de tranches de pain et le faites cuire environ vingt minutes dans un four ou sur des cendres rouges, faites prendre belle couleur à la charlotte, renversez le moule sur un plat et servez. N'oubliez pas de prendre du beurre clarifié pour beurrer votre pain.

Pommes à la crème.
Pelez des pommes et laissez-les entières, épépinez-les et mettez-les cuire à moitié avec du sucre comme pour une compote. Quand elles sont à moitié cuites, vous les retirez et les mettez dans un plat, puis vous faites une crème avec huit jaunes d'oeufs, un peu de farine, eau de fleur d'oranger, citron confit haché, crème et sucre. Faites prendre cette crème sur le feu, qu'elle soit épaisse, mettez-en sur vos pommes, saupoudrez de sucre par-dessus, arrangez-y les tranches de citron confit, faites cuire cette crème au four qu'elle soit bien colorée, et servez chaudement.

Pommes à la portugaise.
Pelez cinq ou six belles pommes de reinette et supprimez-en le coeur en ayant soin de ne pas les casser. Mettez du sucre en poudre et deux cuillerées d'eau dans un plat d'argent ou dans une croûte de flan ; placez-y les pommes dont vous remplacez le coeur par du sucre en poudre et faites cuire au four ou sous le four de campagne.

Pommes à la Régence.
Pelez vos pommes, videz-les sans les endommager, remplissez-les de marmelade d'abricots, enveloppez-les d'une pâte très mince, frottez-les avec de l'oeuf battu ; ayez une pâte à feuilletage très mince, découpez-la en petites bandes très petites, enveloppez-en les pommes en tournant de façon à leur donner la forme de la pomme, arrêtez le bout avec un petit morceau de cannelle, faites cuire au four sur une tourtière beurrée comme une tourte ; quand elles sont cuites, glacez-les à l'ordinaire dessus et autour avec du sucre et servez chaudement.

Pommes au sec.
Les pommes qu'on tire le plus ordinairement au sec sont le calville rouge et la reinette coupée par quartier. Quand elles sont bien confites et refroidies, on les met égoutter, puis on les dresse à l'ordinaire et on les poudre de sucre.
Si ce sont des pommes conservées au liquide et que vous vouliez après en faire sécher, faites cuire d'abord du sucre à perlé dans lequel vous leur ferez prendre quelques bouillons et vous les tirerez ensuite au sec mieux que si vous n'aviez pas pris cette précaution, le séchage étant difficile sans cette précaution, à cause de l'humidité qui les décuit dans la suite.

Recette précédente | Recette suivante

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
Haut de page
Page précédente