Titre
Le capitaine Richard
Année de publication
1854
Genre
Roman
Collaborateur(s)
Paul Meurice
Epoque du récit
1809-1815
Résumé
Napoléon est devant Ratisbonne. Frédéric Staps, étudiant
bavarois, membre de «l'Union de la Vertu», est bien décidé
à libérer l'Allemagne du joug français et ce malgré
les peurs de sa fiancée Margueritte Stiller.
Dans le camp français, Louis et Paul Richard, frères jumeaux
que seul distingue leur uniforme, se retrouvent. Paul est chargé
d'infiltrer «l'Union de la Vertu» qui se réunit dans
les ruines du château d'Abensberg. Il est accompagné du major
Schlick, espion badois au service de la France. Au cours de la séance,
Staps est désigné pour assassiner Napoléon.
Cinq mois plus tard, Frédéric Staps se rend à Vienne
où s'est installé Napoléon. En chemin il rencontre
le ministre plénipotentiaire autrichien qui doit négocier
la paix avec l'empereur français, il lui avoue son dégoût
de la vie depuis qu'il ne lui est plus permis d'aimer la douce Margueritte
déshonorée par un Français.
Dans la cour de Schönbrunn, Staps tente de poignarder Napoléon:
il est immédiatement arrêté. Napoléon l'interroge
et, touché par la franchise du jeune homme, lui donne un message
pour le président de la commission chargé de le juger. Condamné
à mort, Staps demande à Paul Richard de bien vouloir, après
l'exécution, se charger de porter un médaillon à
la jeune fille qu'il représente, et de remettre au président
de la commission le papier qu'il aura dans sa main droite. Staps est fusillé.
Richard trouve dans la main du mort la grâce accordée par
Napoléon et reconnaît le portrait de Margueritte Stiller:
il est persuadé qu'il est responsable du «suicide»
du jeune bavarois.
La terrible retraite de Russie vient de commencer, les frères Richard
ont tout deux obtenu le grade de capitaine. Paul est blessé à
la jambe; Louis lui vient en aide. Ils se retrouvent isolés au
milieu de l'hiver russe. Paul avoue à son frère qu'il a
abusé de Margueritte Stiller à Abensberg et supplie Louis
d'aller lui porter sa part d'héritage. Puis il se tue. Désespéré,
Louis repart à la recherche des Français, bien décidé
à remplir les dernières volontés de Paul.
1815: Napoléon est exilé et ses anciens compagnons sont
proscrits. Louis Richard est l'un d'entre eux. A la frontière allemande,
il est caché par la jeune Lieschen dont il tombe amoureux sans
savoir qu'elle est la soeur de Margueritte Stiller. La pauvre jeune fille
n'a pu survivre au déshonneur et à la perte de Staps. Louis
est découvert par le gendarme Schlick, ancien espion, qui le reconnaît.
Malgré sa haine des Français responsables de la mort de
sa fille aînée, le père de Lieschen préfère
obéir aux supplications de sa cadette et offre la dote de cette
dernière à Schlick contre la liberté du Français.
Schlick accepte et affirme qu'il laissera le capitaine Richard s'enfuir.
A ce nom, le vieil homme reconnaît le violeur de Margueritte.
Epouvantée, Lieschen décide de renoncer au bonheur. Louis
leur apprend alors que ce n'est pas lui mais son frère jumeau Paul
qui est responsable de leur malheur. Lieschen et son père rejoindront
Louis quelque temps plus tard à Amsterdam.
Analyse
Les frères Richard sont jumeaux, il est presque impossible de les
différencier même et peut être surtout pour le lecteur.
La gémellité est abordée d'une manière intéressante.
Paul et Louis sont à la fois parfaitement semblables et en même
temps très différents, comme s'ils représentaient
la face blanche et la face noire de chaque être: Louis est incapable
d'une mauvaise action tandis que Paul, sans être foncièrement
mauvais (il ne s'agit pas du Docteur Jekyll
et Mister Hyde) est plus impulsif.
Dès le début du roman et la scène dans les ruines
d'Abensberg, on perçoit que Paul est destiné à une
mort précoce et tragique; il semble même un peu suicidaire,
comme si le fait d'avoir un double vivant était trop pesant pour
lui. D'ailleurs les deux frères sont le plus souvent séparés:
leur dualité et leur unité physique paraient bien lourde
à porter. Dans Les
frères corses, Dumas avait déjà analysé
cette dualité fascinante des jumeaux: Louis et Lucien, liés
par le côté à leur naissance, ne peuvent réellement
se séparer; ils sont un en deux êtres.
L'histoire des frères Richard est courte et occupe assez peu de
chapitres dans le roman. En effet, les évènements des dernières
années de l'Empire constituent la toile de fond à cette
aventure, et en tant que romancier historien, Dumas prend plaisir à
rédiger de longues pages sur les campagnes d'Autriche, de Russie
et de France.
Le lecteur goûtera plus ou moins ces longs passages, par contre
il devrait être séduit par les malheurs de Margueritte Stiller,
Frédéric Staps, Paul et Louis Richard. Voilà du grand
Dumas, tel qu'on le connaît et tel qu'on l'aime: ses héros
savent se battre et mourir sans broncher. L'honneur, l'amour de la patrie,
la grandeur d'âme, dirigent leurs actes et ce même après
les plus noires actions.
La séance de mise à l'épreuve de Paul Richard dans
les ruines d'Abensberg est grandiose. La mort de Staps qui tient dans
sa main la grâce de l'empereur est poignante, on admire le courage
et la noblesse d'un si jeune homme. La scène dans les neiges russes,
alors que Paul et Louis luttent contre le froid et les loups fait frissonner.
Dumas possède le rare talent de transporter son lecteur dans les
scènes qu'il décrit: c'est encore vrai dans ce petit roman
mal connu.
Dans le dernier chapitre, Dumas nous apprend comment il a eu connaissance
de cette histoire (procédé classique chez lui, mais qu'il
utilise en général au tout début du roman), puis
s'offre le luxe d'une autocritique des plus savoureuses en soulignant
le côté naïf et trop «romantique» de l'idylle
entre une jeune fille de 16 ans parfaitement innocente et un homme de
30 ans qui vient de passer la moitié de sa vie sur les champs de
bataille: la chute est un régal.
Delphine Dubois |