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Titre Les Compagnons de Jéhu

Année de publication 1857

Genre Théâtre

Collaborateur(s) Charles Gabet

Epoque du récit automne 1799-14 juin 1800

Résumé À Avignon, de retour d'Égypte, Bonaparte et son aide de camp Roland de Montrevel apprennent les exploits des Compagnons de Jéhu, partisans vendéens qui s'en prennent aux biens de l'État dans le sud est. Charles de Sainte-Hermine, chef de la confrérie sous le nom de Morgan, a secrètement épousé Amélie, la sœur de Roland. Celui-ci et son ami anglais Sir John Tanlay rentrent à Montrevel. Morgan demande alors aux compagnons d'épargner la vie de son beau-frère (Acte I). Au retour d'une chasse, Roland et John entendent des paysans évoquer les fantômes de la Chartreuse de Seillon. Roland s'y rend seul un soir, malgré les objurgations de sa sœur qui craint qu'il n'y rencontre Morgan dont c'est le repaire. Un spectre lui apparaît en effet, mais Roland se persuade qu'il s'agit d'une machination (Acte II). Quelques semaines plus tard, Bonaparte devient Premier Consul. Roland et John se rendent à Paris lui offrir leurs services. Bonaparte propose à John d'être son plénipotentiaire auprès des anglais. Au même moment, un homme masqué demande à être reçu par le Premier Consul pour s'entretenir avec lui sur la paix en Vendée. Bonaparte accepte, c'est Morgan qui entre. Le lendemain, en dépit d'une entente probable avec le gouvernement, les Compagnons de Jéhu attaquent une dernière diligence. C'est l'occasion pour Mme de Montrevel et son fils Édouard, qui font partie des passagers, de faire la connaissance du jeune chef mystérieux (Acte III). La paix vient d'être signée entre Cadoudal et le Consulat, et Morgan demande à Amélie de s'exiler avec lui, l'amnistie ne touchant pas les irréguliers dont il fait partie. Sur ces entrefaites, Roland qui a obtenu de Bonaparte le droit de s'occuper d'une affaire qui devient personnelle avec l'attaque de la diligence où voyageaient sa mère et son frère, arrive avec la troupe. Morgan est arrêté, les Compagnons de Jéhu décimés (Acte IV). Morgan et ses compagnons survivants sont condamnés, et Amélie tente de se donner la mort, révélant du coup à Roland ce qu'il considère comme son déshonneur, il repart au front décidé à se faire tuer. Mais le brave Lord Tanlay obtient de Bonaparte la grâce des compagnons de Jéhu que le Premier Consul signe au soir de la victoire de Marengo (Acte V).

Analyse Créé au Théâtre de la Gaîté le 2 juillet 1857, quelques mois après la fin de la parution du roman éponyme dans le Journal pour tous, ce drame en cinq actes et quinze tableaux, riche en péripéties et en effets spéciaux (attaques de diligences, brouillards envahissant la scène après le passage de pseudo-spectres et tableau final sur la bataille de Marengo) a été "tiré du roman populaire de M. Alexandre Dumas" (sic) par Charles Gabet. Si l'on suit l'avis de Louis-Henry Lecomte, qui crédite Dumas, la pièce peut être classée parmi toutes celles que notre auteur écrivit avec un collaborateur mais ne signa pas, souvent pour éviter que ses droits ne disparaissent en créances. On devrait donc la distinguer des adaptations pures et simples, faites "d'après A. Dumas" (par exemple Périnet Leclerc ou Paris en 1418 d'Anicet-Bourgeois, tiré des Scènes historiques de Dumas en 1832). Mais cette œuvre de commande pâtit d'une comparaison avec son modèle : accumulation de péripéties confinant au mélo, caractères à peine esquissés, et surtout fin délibérément changée (Morgan et ses compagnons graciés par Bonaparte !). Et Dumas prendra ses distances, plus tard, dans un article du Monte-Cristo, disant avoir donné à Hostein, directeur de théâtre, des droits pour une adaptation de son roman sans savoir encore au moment où il le terminait qui serait choisi pour écrire la pièce. C'est l'unique collaboration conjecturée de Charles Gabet (1827-1904) avec Dumas. Cet auteur dramatique, davantage versé dans la comédie ou l'opérette, est resté célèbre pour avoir écrit Les Cloches de Corneville avec Planquette (1877) ; on cite aussi de lui une amusante parodie de Hugo, Ruy-Black. Cette adaptation est sa seule incursion dans le genre sérieux, et cela renforce sans doute l'opinion de Lecomte. Comment sans l'aval de l'auteur un jeune homme de 30 ans se serait-il permis de modifier ainsi l'original ? Dumas n'hésitait-il pas lui-même à adoucir la version scénique de certaines de ses œuvres adaptées de romans, comme dans Le Chevalier de Maison-Rouge par exemple, où les héros aussi échappent à l'échafaud ? Mais ici ce ne sont pas des raisons politiques qui semblent avoir prévalu. Vite écrite, montée et jouée, la pièce doit simplement être considérée comme le "produit dérivé" d'un roman à succès. Comme ces affiches de cinéma ou ces 4ème de couverture qui pour mieux vendre une œuvre, la trahissent, c'est peu de dire que la pièce édulcore la fin du roman : elle le dénature. À le relire, à mettre bout à bout le début, emprunté aux Souvenirs de la Révolution de Nodier, et la fin, qui en est la reprise romanesque presque textuelle, on retrouve l'obsession abolitionniste de Dumas. Les Blancs et les Bleus, le drame, signé par Dumas seul, tiré lui aussi des Souvenirs de Nodier, n'éludait pas la douloureuse question de la peine de mort. La pièce signée Gabet l'oublie, ce qui est gênant. Le texte n'eut qu'une édition, à la Librairie théâtrale, chez Beck, l'année de sa création.

François Rahier
© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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