Titre
La dame de volupté ou
Mémoires de Jeanne d’Albert de Luynes, comtesse de Verrue,
surnommée la dame de volupté
Année de publication
1863
Genre
Roman
Collaborateur(s)
Comtesse Dash
Epoque du récit
1683-1700
Résumé
A 13 ans, Jeanne d’Albert de Luynes quitte la France pour s’installer
à Turin avec son époux, le comte de Verrue, sujet du duc
de Savoie Victor Amédée II.
L’autorité
et l’emprise de la mère du comte sur son fils rend très
vite la cohabitation entre les deux femmes très difficile. De plus,
la jeune femme doit faire face aux déclarations d’amour
de quelques hommes dont le duc de Savoie qui, bien que marié à
la duchesse d’Orléans, met tout en oeuvre pour la séduire.
Dès lors, effrayée, elle tente d’échapper
à cette destinée, d’abord en simulant la maladie
puis en révélant la vérité à son mari.
Finalement, poussée à bout par les persécutions résultant
de la jalousie et de la haine de l’abbé de Verrue (oncle
de son mari) dont elle a refusé les avances, elle ne peut que se
soumettre à la volonté du duc de Savoie et devenir ainsi
sa maîtresse, s’attirant par conséquent le mépris
des siens.
Commence alors pour Jeanne une période de puissance et de relatif
bonheur auprès de cet homme qu’elle n’aimera jamais
d’amour. Elle est dans ses confidences politiques et son influence
sur lui est telle qu’elle échappe de justesse à une
tentative d’empoisonnement. De cette liaison naissent deux enfants
que le duc reconnaît dès leur naissance: un garçon
Victor Amédée qui sera marquis de Suze et une fille qui
épousera le prince de Carignan (fils du frère de son père).
Les retournements de situation durant les guerres tantôt contre
la France de Louis XIV, tantôt contre l’Espagne de Philippe
V, altèrent le caractère du duc, devenu roi de Sardaigne,
qui devient de plus en plus jaloux et despote envers Jeanne. Au point
qu’elle décide de s’enfuir et de retourner en France.
Analyse
La dame de volupté se présente
en fait comme les mémoires de Jeanne Albert de Luynes qui fût
pendant environ dix ans la maîtresse de Victor Amédée
II, duc de Savoie puis roi de Sardaigne.
Dans l’avis aux lecteurs qui sert d’avant propos, Dumas
nous informe de la collaboration d’une amie qu’il ne nomme
pas mais que l’on sait être la comtesse Dash. Selon lui,
il lui a remis les mémoires de la comtesse de Verrue pour qu’elle
les revoie.
C’est donc à travers les yeux de Jeanne Albert de Luynes
que nous suivons le parcours amoureux, social, familial et politique de
Victor Amédée II. C’est un procédé
de narration comme un autre mais le rythme du récit est souvent
ralenti du fait que la narratrice se justifie de telle attitude ou parole.
Avant sa parution en France en 1863, le texte de La
dame de volupté avait déjà été
utilisé par Dumas dans son roman La
Maison de Savoie, publié de 1852 à 1856 à
Turin.
Il figure dans le troisième tome de cet ouvrage, qui comprend les
éléments suivants:
- La dame de volupté mais avec
des différences par rapport à l’édition française:
avant-propos différent, des omissions dans certains chapitres,
une quinzaine de chapitres manquants, ce qui laisse supposer qu’un
travail de réécriture a été fait entre les
deux éditions. Dans l’édition turinoise, dans son
avant-propos baptisé «avis aux lecteurs», Dumas signale
qu’il «s’est contenté de signer ce qu’il
n’a pas écrit» et que ce que nous avons sous les yeux
sont bien les mémoires écrites telles quelles par cette
femme. Mais c’est en fait un ouvrage du marquis Costa de Beauregard
qui a servi d’inspiration.
- Les sept premiers chapitres de Les
deux reines (avec quelques petites différences de style).
- Douze chapitres complètement inédits concernant Charles
Emmanuel III.
Il est somme toute assez logique que l’on retrouve les premiers
chapitres des Deux reines dans l’édition
italienne puisque, bien qu’ayant pris la fuite, la comtesse de
Verrue a entretenue une correspondance avec ses enfants ainsi que les
frères du roi. Elle peut donc continuer à nous raconter
la vie de Victor Amédée durant les années qui ont
suivi son départ, avec entre autres son abdication, son mariage
avec sa nouvelle maîtresse au désespoir de son fils, sa tentative
de reprendre le pouvoir, son emprisonnement et sa mort dans la solitude.
Cette fois, les choses sont vues avec plus de recul mais pas plus de neutralité
(on sent sous la plume comme une pointe de jalousie).
La femme qui a pris la place de madame de Verrue est montrée comme
une ambitieuse manipulatrice… C’est à croire que
ce pauvre prince qui était jugé comme autoritaire, adroit,
rusé, fin politique et habile administrateur aurait été
manipulé par ses maîtresses… Après tout, pourquoi
pas ?
Ce qui est plus étonnant, c’est la présence après
les mémoires de la comtesse de Verrue de douze chapitres inédits
qui nous racontent en partie les mêmes événements
que ci-dessus mais vus du coté de Charles Emmanuel III à
partir du moment où son père abdique en sa faveur. Avec
en parallèle une histoire de rivalité avec son frère
(le fils de la comtesse de Verrue), parce qu’ils aiment la même
femme et que Charles Emmanuel, par refus de les laisser s’aimer,
brise trois cœurs dont le sien.
Dumas nous enchante avec sa façon de nous raconter les tourments
des âmes confrontées aux passions, aux haines, à la
jalousie… C’est beaucoup plus vivant et plus prenant que
dans la partie précédente. Ce qui peut d’ailleurs
amener à se demander pourquoi Dumas a inclus les chapitres des
Deux reines dans l’édition
italienne. Cela n’était pas vraiment nécessaire puisque
même Victor Amédée nous apparaît plus sympathique
dans ces chapitres inédits. Peut-être était-ce pour
rappeler qu’il ne faut pas se fier aux apparences et qu’avant
de juger le comportement de Charles-Emmanuel (qui a par exemple fait mettre
son père en prison), il faut replacer les choses dans leur contexte.
Finalement, la souffrance de ne pas se sentir aimé et reconnu de
son père explique l’austérité et la morosité
de son règne…
Ce prince marqué par l’horreur des scènes de torture
auxquelles il a dû assister, va s’occuper pendant les dernières
années de sa vie à réorganiser les finances, l’armée,
les administrations de ses Etats. Avant de mourir, il insistera sur l’évolution
de la mentalité des peuples qui pourrait bien amener un «cataclysme
social»… (nous sommes alors en 1773).
Dans ce livre, nous faisons aussi connaissance avec la société
des Carbonari qui commence à se former vers 1731 et que l’on
retrouvera dans Les mohicans de Paris. Enfin, on peut lire la suite de
ces mémoires dans Les
deux reines.
Nicole Vougny
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