Titre
Joseph Balsamo. Premier volume de la
série Mémoires d' un médecin
qui comprend en outre Le
Collier de la reine, Ange
Pitou et La Comtesse
de Charny.
Année de publication
1846-1849
Genre
Roman
Collaborateur(s)
Auguste Maquet
Epoque du récit
Dernières années du règne de Louis XV, soit de 1770
à 1774.
Résumé
Dans ce premier volume de la série, on suit les manœuvres
du personnage éponyme qui veut apporter le bonheur aux hommes en
sapant les monarchies du monde pour instaurer des gouvernements basés
sur la souveraineté populaire, et cela en commençant par
la monarchie française. Ses moyens sont colossaux: sorcier, magnétiseur,
il est à la tête de puissantes sociétés secrètes
s'étendant à tous les continents et dont les membres appartiennent
à toutes les couches sociales.
Balsamo
est accompagné de:
- son maître, l'alchimiste Althotas obsédé par la
quête de l'ingrédient final d'un élixir de vie qui
doit rallonger son existence alors qu'elle touche à son terme:
les trois dernières gouttes de sang artériel d'une vierge
ou d'un enfant.
- son «épouse», Lorenza Feliciani, qu'il a enlevée
au couvent et dont il utilise le talent de médium pour ses fins
personnelles. Lorenza le hait, sauf dans les moments où il la plonge
par magnétisme dans un sommeil artificiel et où elle l'aime.
La route de Balsamo croise celle de la famille de Taverney:
- le vieux baron, arriviste, orgueilleux et immoral
- son fils Philippe, gentilhomme loyal empreint de philosophie, ce qui
lui vaut l'exécration de son père.
- sa fille Andrée, dont la beauté n'a d'égal que
la vertu.
La famille, bénéficiant de la bienveillance de la dauphine
Marie-Antoinette nouvellement arrivée en France, la suit à
Versailles. Mais le baron de Taverney voit plus grand: il veut, à
son insu bien sûr, mettre sa fille Andrée à la place
de madame du Barry dans le lit royal, avec l'aide de son vieil ami le
duc de Richelieu.
Le clan Du Barry voit d'un très mauvais œil l'arrivée
de cette beauté à la cour où elle attire les regards
d'un roi plus soucieux de ses plaisirs que des affaires de l'Etat. Car
si Andrée venait à prendre la place de la favorite, cela
signifierait la ruine de leur influence. Mais un autre problème
empoisonne leur existence: l'opposition du ministre Choiseul et de sa
sœur madame de Grammont, qui souhaite prendre la place de la comtesse
Du Barry.
Après une vaine tentative des Choiseul pour empêcher la
présentation officielle à la cour de la maîtresse
royale, cérémonie qui conforte sa position, les Du Barry
les évincent avec l'aide de Balsamo. En écartant tout ce
que le régime a de bon (Choiseul étant le ministre le moins
impopulaire ) et en encourageant la corruption et le vice, ce dernier
contribue en effet à ternir l'image de la monarchie, préparant
ainsi 1789.
Au milieu de ces conflits d'intérêts, le duc de Richelieu
intrigue, soutien tantôt du clan Du Barry, tantôt de Taverney,
tantôt des parlementaires, selon la tendance qui favorise ses intérêts;
il voit avec dépit le portefeuille de Choiseul qu'il ambitionnait
échoir à son neveu, le duc d'Aiguillon, et tente de riposter
par le biais des parlementaires, que Louis XV rappelle à l'ordre
par lit de justice.
Andrée, qui est également un médium dont se sert
Balsamo, est devenue lectrice de Marie-Antoinette. Elle est bien loin
de se douter du rôle qu'on veut lui faire jouer. Gilbert, ancien
domestique de son père, est fou amoureux d'elle et la suit jusqu'à
Versailles, passant son temps à l'espionner. Mais elle le traite
avec indifférence et froideur. Progressivement, la haine se substitue
à l'amour dans le cœur de Gilbert.
Ce jeune homme, fervent adepte de philosophie, rencontre Rousseau qui
le prend sous son aile; en outre, il est constamment en butte à
son ancienne maîtresse, Nicole Legay, perfide femme de chambre d'Andrée.
Leurs relations ne sont que rapports de force. Jalouse de sa maîtresse
qu'elle soupçonne d'entretenir une liaison avec Gilbert, elle se
fait payer par Richelieu pour livrer Andrée au roi; mais le guet-apens
échoue, et avec l'involontaire complicité de Balsamo, Gilbert,
excédé du mépris de la jeune fille, la viole.
Enceinte, Andrée se retire de la cour et accouche d'un fils que
Gilbert enlève à la naissance. Philippe se lance à
la poursuite du jeune homme et l'abat.
Quant à notre magnétiseur, après maintes confrontations
houleuses avec la jeune femme, il connaît brièvement l'amour
auprès de Lorenza jusqu'à ce qu'Althotas la tue pour obtenir
son sang sans savoir qu'elle est devenue la maîtresse de son élève.
Une fois détrompé, il provoque un incendie dans lequel il
périt. Balsamo n'aura désormais plus d'autre raison d'être
que de diriger sa puissante société secrète.
Analyse
Joseph Balsamo est un roman vivant, prenant,
avec une intrigue dense qui prime sur l'Histoire; on passe des aventures
d'un personnage à celles d'un autre au moyen d'un ingénieux
enchevêtrement des parcours respectifs. Incontestablement, c'est
l'un des meilleurs titres de la série.
La
fatalité, thème si cher à l'auteur, est présente
tout au long du récit et préfigure les catastrophes futures (affaire
du collier, Révolution): corruption des grands, prédictions
et manœuvres de Balsamo, mouvements et infiltrations de la société
secrète, l'innocence impuissante face à l'acharnement du
destin... Globalement, le récit se partage entre le monde de la
cour (le roi, le clan Du Barry, Richelieu, Andrée), celui des serviteurs
(Gilbert, Nicole) et celui de Balsamo (activités secrètes,
Lorenza, Althotas).
On peut cependant regretter des clichés tels ceux liés à
Louis XVI: goût pour la serrurerie, impuissance... La réalité
est autrement plus complexe que cette peinture simpliste du dauphin. De
même Louis XV apparaît simplement comme libertin.
Le thème de l'occultisme se décline sur deux plans: d'une
part par le biais de la société secrète de Balsamo
dont les ramifications touchent toutes les couches de la société
et qui bénéficie de fonds illimités; d'autre part
au travers des expériences d'Althotas et du pouvoir magnétique
de Balsamo. C'est dans ce tome que le thème du magnétisme
est le plus exploité; même si on le retrouve dans la suite
de la série, il y est moins présent. Les travaux de Balsamo
découlent des expériences du médecin allemand Franz
Anton Mesmer qui prétendait avoir découvert le magnétisme
animal et guérir par l'hypnose.
Dans ce volume, le personnage éponyme nous apparaît comme
un être humain à part entière, avec ses tourments
et ses bonheurs au même titre qu'Andrée ou Gilbert. Dans
les autres livres de la série, il n'apparaît plus que comme
l'organisateur de la chute de la monarchie française, et l'homme
s'efface. En outre, son rôle apparent s'amoindrit considérablement:
on ne distingue plus guère que l'ombre inquiétante du chef
des Illuminés, présente derrière les grandes crises.
Gilbert, quant à lui, est à la fois un héros et un
anti-héros: travailleur, incorruptible, intègre et courageux
face au danger d'un côté; sombre, sinistre même, voyeur,
cruel, vindicatif, orgueilleux de l'autre. Si de prime abord il peut apparaître
attachant, son crime lui interdit finalement toute sympathie; et même
si par la suite il apparaît comme un personnage positif, cela ne
saurait faire oublier son crime de jeunesse.
Laëtitia Phénix
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