Titre
Le Marquis de Brunoy
Année de publication
1836 (La France dramatique, Barba)
Genre
Théâtre (pièce en cinq actes, Théâtre
des Variétés, 14 mars 1836)
Collaborateur(s)
Théaulon et Jaime (Ernest Rousseau), et Armand Dartois
Epoque du récit
sous le règne de Louis XV
Résumé
À Versailles, le jeune Marquis de Brunoy, fils d'un financier anobli,
s'apprête à faire son entrée à la Cour, chaperonné
par sa tante la Comtesse. Il a lu les philosophes, et veut réconcilier
la noblesse et le peuple. Une querelle avec de jeunes seigneurs au sujet
de ses origines l'amène à repartir en province en compagnie
de sa cousine Adélaïde et de son frère de lait Gros-Jean
(Acte I). Trois mois après, le marquis a donné tous ses
biens aux villageois de Brunoy et veut faire de son domaine un Versailles
pour le peuple. Avec ses ouvriers il travaille dur. Survient sa tante
qui intrigue pour le marier à la fille d'un riche seigneur envieux
de ses terres ; il feint d'y consentir mais prend le nom de Nicolas Tuyau
(Acte II). La signature du contrat tourne à la farce, le marquis,
que l'on prend pour fou, léguant par exemple son domaine au roi
d'Angleterre (Acte III). Prétendant honorer le Comte de Provence,
petit-fils de Louis XV et futur Louis XVIII, qui lui rend visite (et à
qui, à l'insu du jeune homme, ses adversaires ont demandé
une lettre de cachet), Brunoy fait marquis tous ses paysans, donnant à
chacun un quartier de terre et un blason. Le Comte, prince philosophe,
trouve beaucoup de sagesse dans sa prétendue folie et confond ses
adversaires (Acte IV). Mais comparaissant au Châtelet, après
une dernière extravagance, Brunoy est déclaré fou,
"interdit" (c'est-à-dire mis sous tutelle) et menacé
d'enfermement. Le Comte de Provence laisse cependant planer l'idée
d'une grâce royale (Acte V).
Analyse
Curieux ouvrage en vérité ! Baptisé simplement "pièce"
et non "comédie" ou "drame" ou "tragédie"
comme c'est l'usage à l'époque - c'est la seule uvre
du corpus à y déroger - ce Marquis
de Brunoy est crédité par Quérard, et, à
sa suite, par Glinel puis Reed. Mais sur le manuscrit du répétiteur
et des parties musicales conservé à la Bibliothèque
musicale de la ville de Genève, figure l'appellation "vaudeville
en 5 actes". La pièce table sur un fond historique : Armand
de Montmartel (qui se fit appeler par défi pour la noblesse Nicolas
Tuyau), était le fils d'un grand financier considéré
comme un des personnages les plus riches de France après le roi,
et qui avait fait de son château de Brunoy en Ile de France un petit
Versailles. Le "fameux marquis de Brunoy", dit la chronique,
était connu pour ses extravagances, mais davantage portées
vers une religiosité macabre et des beuveries avec ses laquais
; ici les auteurs en font un avocat des Lumières plaidant pour
l'abolition des privilèges : "Ils ne m'ont pas laissé
descendre jusqu'à eux, dit-il en parlant des nobles à ses
gens, je me suis élevé jusqu'à vous. [
] L'aristocratie
des concierges est intolérable quand celle des marquis n'existe
plus", rajoute-t-il (acte II, scène 2). Il fut effectivement
"interdit" mais gracié, puis exilé en Normandie
où il mourut en 1781. Le travail de Théaulon, Jaime et Dumas
est fort tributaire d'un article de Léon Gozlan, secrétaire
de Balzac, paru dans La Revue de Paris
l'année précédente (nouvelle série, année
1835, tome 21), le cinquième, consacré au "Marquisat
de Brunoy", d'une série intitulée "Les Châteaux
de France", repris ensuite dans le volume Tourelles
en 1839. Les dialogues et les situations sont parfois textuellement repris.
On doit sans doute à Dumas seul l'échange imaginaire entre
Brunoy et le Comte de Provence au dernier acte, où le marquis,
justifiant le legs de ses terres au roi d'Angleterre, prophétise
la révolution à venir et l'exil du futur Louis XVIII dans
ce qui sera une de ses terres d'accueil. Théaulon de Lambert (1787-1841)
était un auteur de théâtre prolixe, proche de Louis
XVIII, ce qui peut expliquer le côté très positif
de prince philosophe (ou "despote éclairé" façon
Voltaire) qu'on donne au Comte de Provence dans la pièce. On sait
peu de choses sur Ernest Jaime, que Glinel après Quérard
appelle aussi Ernest Rousseau (1804-1884) ; c'est la seule collaboration
créditée de ce vaudevilliste qui travailla avec Léon
Halévy et fut aussi l'un des 35 auteurs avec Dumas de La
Tour de Babel (1834). Frédérick Lemaître jouait
Brunoy. Le texte fut édité la même année dans
La France dramatique (Barba) sur mauvais
papier et, visiblement, à partir d'un manuscrit où une partie
des indications scéniques faisaient défaut. En revanche,
les vaudevilles qui l'agrémentent, en général chantés
sur des airs à la mode, sont parfois crédités "M.
Masset" qui composa pour la scène une musique nouvelle
François Rahier
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