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Titre Monte-Cristo - première partie; Monte-Cristo - deuxième partie; Le comte de Morcerf; Villefort

Année de publication 1848, 1851

Genre Théâtre

Collaborateur(s) Auguste Maquet

Epoque du récit 1815-1838

Résumé Marseille, 28 février 1815: le jour de ses noces avec Mercédès, suspecté d'être un bonapartiste, Edmond Dantès est dénoncé par un trio d'envieux, Fernand Mondego, Danglars et Caderousse. Pour protéger son père, bonapartiste lui aussi, le procureur Villefort fait incarcérer sans jugement Edmond au château d'If où il restera 14 ans. En possession du fabuleux secret de l'abbé Faria, Edmond s'évade et prépare sa vengeance (Monte-Cristo - première partie).

Sous les traits de l'abbé Busoni il remet à Caderousse un diamant qui fera son malheur. Puis il sauve de la ruine l'armateur Morel qui avait aidé son père, et organise le retour triomphal du Pharaon, le navire qu'on croyait perdu (Monte-Cristo - deuxième partie).

Devenu Monte-Cristo, Dantès se lie avec Albert de Morcerf, fils de Fernand et de Mercédès que le traître a fini par épouser. Il dénonce Fernand, soldat félon qui a trahi le pacha de Janina allié de la France et vendu sa fille Haydée. Fernand se suicide. Mercédès supplie Edmond de ne pas tuer Albert qui l'a provoqué en duel (Le comte de Morcerf).


"Revue comique de la semaine" par Cham, dans Le Charivari du 6 février 1848. Les neufs dessins illustrent le caractère interminable de la pièce. Cliquer ici pour agrandir.

Villefort a épousé une empoisonneuse qui décime sa famille, et il découvre en l'interrogeant que le jeune bandit Benedetto révélé au grand jour par Monte-Cristo est ce fils bâtard qu'il avait tenté de faire disparaître et qui avait été sauvé par Bertuccio. Il devient fou. Dantès est vengé (Villefort).

Analyse A peine le roman Le comte de Monte-Cristo a-t-il été publié que Dumas et Maquet entreprennent leur monumentale adaptation pour le théâtre. Dumas avait obtenu le 14 mars 1846 le privilège d'ouvrir sa propre salle de spectacle et comptait l'inaugurer avec Monte-Cristo. C'est cependant La reine Margot qui fut le 21 février 1847 la première création du Théâtre-Historique. Et les Parisiens durent patienter jusqu'au 7 février de l'année suivante pour découvrir l'œuvre.

Entre temps, des parodies leur avaient été proposées, dont cet étonnant Comte de Montéfiasco, « répétition d'un drame en 30 actes et 100 tableaux » qui anticipait sur l'extrême complexité du drame à venir (voir une fiche sur cette pièce sur le site pastichesdumas.com) .

C'est en effet quatre pièces que les deux compères tirent de ce qui est un des plus longs romans de Dumas (18 volumes in-8° soit l'équivalent des Trois Mousquetaires et de Vingt ans après réunis), quatre drames en 5 actes (et 37 tableaux!) joués en deux fois deux «soirées» à trois ans d'intervalle, les 3 et 4 février 1848 d'abord, au Théâtre-Historique, puis les 1er avril et 8 mai 1851 ensuite, à l'Ambigu-Comique, Dumas ayant dû fermer son théâtre le 16 octobre précédent.

La première soirée a duré de 6 heures à minuit. Prosper Mérimée s'est fait l'écho de cette représentation mémorable dans son Histoire de l'Art dramatique: «Tout le monde s'est retiré, se promettant bien de revenir le lendemain: la nuit et le jour suivant ont fait l'effet d'un entracte un peu long, voilà tout. A la seconde soirée, on se saluait, les liaisons se formaient, l'intimité allait naître... Chacun faisait ses petits aménagements [...]; de spectateur, on devenait habitant... Quand la toile est tombé pour la dernière fois, un soupir de regret a gonflé toutes les poitrines: ‘Eh quoi? Déjà se séparer après deux jours seulement? Pourquoi ce grand Alexandre Dumas et cet infatigable Maquet se sont-ils à ce point méfiés de nous? Nous leur aurions accordé volontiers toute la semaine...»

Mais ce drame interminable, qui annonçait à sa manière les «serials» américains des années 30, le feuilleton TV et les sagas cinématographiques d'aujourd'hui, manifeste à sa façon les limites du genre. En adaptant, Dumas et Maquet taillent à vif dans la chair du roman, récrivent, mutilent. Ainsi du personnage clé de Danglars qui disparaît presque complètement, ou du bandit Zampa. Adaptateurs de leur propre roman, les deux auteurs peuvent se permettre ces belles infidèles; mais parfois aussi ils mettent simplement bout à bout des passages dialogués du roman souvent éloignés, une solution de facilité qui nuit à l'intérêt dramatique.

Quand l'œuvre est reprise, en 1867, c'est en une seule «soirée». Dumas et Maquet ont tiré les leçons de l'échec relatif de leur première version: «Combien sont-ils, les Parisiens qui peuvent être libres pour le même objet deux soirs de suite?» notaient Les Annales du théâtre. Mais cette nouvelle version, publiée l'année suivante, qui réduisait en cinq actes et douze tableaux les deux premières soirées de 1848, péchait par son souci de concision, et, s'arrêtant au moment où Dantès dérobe son relevé d'écrou et découvre la clé de l'énigme (2ème partie de Monte-Cristo, acte III, 3ème tableau), n'avait plus que l'apparence d'un prologue.

Aussi, quand Émile Blavet proposa l'adaptation des quatre soirées en un seul grand spectacle de 5 actes et 15 tableaux à la Porte-Saint-Martin le 15 mars 1894, «version nouvelle et définitive comprenant les quatre soirées», les spectateurs eurent-ils la bonne surprise de découvrir une pièce neuve là où on pouvait voir un drame vieux de près de 50 ans!

L'action est resserrée, des personnages disparaissent - Valentine, la fille de Morcerf, mais aussi sa mère l'empoisonneuse - des tableaux sont redistribués ou redécoupés (le 14ème tableau reprenant le 5ème de l'acte V de la 2ème soirée). Enfin, Danglars est châtié, mais pas comme dans le roman, où Edmond, repu de vengeance lui pardonne in extremis; là, c'est Villefort, au moment où il va instruire le procès de Benedetto, qui raconte à Monte-Cristo la fin de Danglars, ruiné, mourant de faim, avec dans les mains un billet signé «Edmond Dantès».

L'apparition, au moment du châtiment, du comte revêtu des habits d'Edmond, s'accompagne dans cette ultime version d'une mise en scène spectaculaire inventée de toutes pièces et d'un intérêt assez mince, Dantès en fakir hypnotisant – le mot est dans la didascalie – tour à tour Morcerf puis Villefort qui croient voir un fantôme!

En revanche, les commentaires du comte ponctuant chaque vengeance («Et de deux! Et de trois!») renforcent l'intensité dramatique. Après la mort de Caderousse, il s'écrie: «C'était le moins coupable. Il est le premier puni. Aux autres!» Devant Villefort devenu fou, il ne dira pas «Et de quatre!». Et ici la pièce suggère un remord, présent dans le roman, mais complètement effacé de la quatrième soirée de 1851, comme le personnage de Haydée, étrangement oublié aussi et qui revient au dernier tableau de ce dernier avatar, pour repartir avec le comte à bord du Pharaon.

Monte-Cristo sur les planches, c'était aussi le chant du cygne d'un certain théâtre; déjà se profilent les premiers Monte-Cristo filmés, qui verront le jour à partir de 1908, divisés en «actes» – 25 pour le film d'Henri Pouctal en 1925! – ou en «époques»...

François Rahier

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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