Titre
De Paris à Astrakhan (également
publié sous le nom Voyage en Russie)
Année de publication
1859-1862
Genre
Récit de voyage
Collaborateur(s)
-
Epoque du récit
1858
Résumé
Ce livre est consacré à la première moitié
du voyage effectué en Russie par Dumas en 1858 et 1859 et couvre
le trajet de Paris à Astrakhan, sur la rive nord de la mer Caspienne.
La deuxième moitié est racontée dans Le
Caucase.
C'est
en juin 1858 que Dumas est invité par des amis russes séjournant
à Paris à les accompagner dans leur pays natal. Ce sera
l'occasion pour lui de découvrir un pays qui l'intéresse
depuis longtemps et qui, largement francophone en ce qui concerne ses
élites, a réservé un accueil enthousiaste à
ses oeuvres. Dumas cède donc volontiers à la pression affectueuse
de ses amis et s'embarque dans un périple de neuf mois.
Comme toujours avec ses Impressions de voyage, l'écrivain mêle
dans son texte le récit direct de son expédition et de grands
développements sur l'histoire du pays, sa géographie, sa
vie artistique, etc... Les premiers chapitres couvrent la traversée
de l'Europe occidentale et les choses sérieuses commencent avec
l'arrivée en bateau à Saint-Pétersbourg.
La ville des tsars est décrite en détail quant à
sa physionomie et ses monuments. Les rencontres qu'y fait Dumas lui donnent
l'occasion de nombreuses digressions plus curieuses les unes que les autres :
sur la chasse à l'ours, la secte des scopsi (des eunuques), l'oeuvre
de Pouchkine, etc... La forteresse de Saint-Pétersbourg est le
prétexte à d'horrifiques histoires d'exécutions.
Tout un chapitre décrit l'industrie du vol «officiel»
en Russie, depuis le pillage des biens de l'Etat par les fonctionnaires,
jusqu'au racket dont sont victimes les paysans de la part des collecteurs
d'impôts. Dumas enchaîne sur des excursions dans les environs
de Saint-Pétersbourg et en Finlande.
Vient ensuite le départ pour Moscou. Dans la capitale, Dumas, assiste
en direct à un incendie, événement tragique dans
une ville tout en bois.
L'écrivain et ses amis entreprennent ensuite de longer la Volga
et visitent Nijni-Novgorod, dont Dumas décrit la colossale foire
et où il fait connaissance des héros véritables de
son roman Le maître
d'armes (publié en 1840), puis les villes de Kazan et Astrakhan.
Traversant des contrées de plus en plus sauvages, l'écrivain
fait la connaissance des Kirghiz. Enfin, il est somptueusement reçu
par le prince kalmouk Toumaine, qui lui offre notamment le spectacle inoubliable
d'une troupe de dix mille chevaux sauvages traversant à la nage
la Volga sous ses yeux... Le voyage en Russie s'arrête là,
Dumas passant ensuite dans le Caucase.
Analyse
Rien de plus différent, dans l'écriture, que ce Voyage
en Russie et le Voyage
au Caucase qui lui fait immédiatement suite. La raison essentielle
tient au fait que Dumas a écrit Le
Caucase pendant le voyage lui-même, alors que l'expédition
russe a été écrite nettement plus tard, entre 1859
et 1862.
Conséquence: là où le deuxième récit
de voyage déborde de vie et d'impressions vécues, le premier
est nettement plus livresque. Bien sûr, on y retrouve moult anecdotes
typiquement dumasiennes sur les coutumes locales et les aventures vécues
de notre héros, reçu en prince partout où il se présente.
Mais les impressions de première main sont entrecoupées
de longs développements historiques qui n'ont rien à voir
avec des souvenirs personnels.
Le livre comprend ainsi de nombreux chapitres sur les tsars successifs,
des plus lointains comme Ivan le Terrible jusqu'à tous les souverains
récents (dans le plus grand désordre chronologique, puisque
ces chapitres interviennent en général avec comme prétexte
la visite d'un château ou d'un monument, et non pas dans un ordre
historique). De longs développements sont également consacrés
à l'histoire politique contemporaine de Dumas, qu'il s'agisse des
velléités de modernisation du pays ou des complots contre
le régime.
Tout cela est au demeurant passionnant. Et l'on ne saurait imaginer meilleure
introduction à l'histoire de la Russie jusqu'au milieu du XIXème
siècle, tant les analyses de Dumas sur la civilisation et la société
russes demeurent frappantes de justesse. Simplement, l'aspect un peu composite
du volume fait qu'il n'est pas empreint de la même fabuleuse vitalité
que l'on retrouve dans les plus grands récits de voyage de Dumas,
et notamment dans Le Caucase.
Patrick de Jacquelot
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