Titre
Le séducteur et le mari
Année de publication
1842 (Marchant)
Genre
Théâtre (drame en trois actes, en prose : Théâtre
des Délassements comiques, 5 novembre 1842)
Collaborateur(s)
Charles Lafont
Epoque du récit
Toulouse, 1839
Résumé
Ferdinand de Livry, aristocrate d'ancien régime, a épousé
Pauline, la fille d'un soldat de Napoléon. Après beaucoup
d'hésitation, il la présente à la Marquise sa mère
qui adopte la jeune femme avec sincérité, et se désole
seulement de ne pouvoir embrasser l'enfant du couple, pensionnaire à
l'extérieur de Toulouse pour des raisons de santé (Acte
I). Mais la vérité est tout autre. En Angleterre, quelques
années auparavant, Ferdinand a sauvé de la déchéance
et du déshonneur Pauline, victime d'un aventurier qui l'avait abandonnée,
donnant en même temps son nom à l'enfant qu'elle portait.
Le hasard des circonstances remet en présence Pauline et son séducteur,
qui se fait appeler M. de Fontenay. Contre son départ définitif,
il exige qu'on lui remette l'enfant. Ferdinand, mis au courant, garde
sa confiance en Pauline (Acte II). Mais celle-ci se rend chez le séducteur,
pour le supplier. Trouble de Ferdinand. La Marquise intervient à
son tour, prête à charger M. de Fontenay devant les tribunaux
parce qu'il a ruiné une de ses amies dont elle vient d'avoir le
témoignage. De Fontenay cède, promet de disparaître,
mais il est tué en duel par un comparse qui l'avait provoqué
à la suite d'un quiproquo (Acte III).
Analyse
Avant de renvoyer à ces comédies légères et
divertissantes avec lesquelles on le confond encore souvent, le terme
vaudeville autrefois désignait des chansons gaies, qu'on insérait
parfois entre des répliques au théâtre. Dumas en écrivit
deux, expressément, La
Chasse et l'amour, La
Noce et l'enterrement ; mais Jean-Claude Yon en recense bien davantage
dans l'article qu'il a consacré à "Dumas vaudevilliste"
dans Le Rocambole n° 36, et pas seulement
des comédies mêlées de chants comme Le
Mariage au tambour ou Sylvandire.
Ainsi le genre prit-il forme. Curieusement ce drame "bourgeois",
si l'on se réfère à l'esthétique de Diderot
remise à l'honneur plus tard par Dumas, ou "moderne",
si l'on reprend l'expression qu'il utilisa lui-même à propos
d'Antony, écrit avec
Charles Lafont, qui venait de composer avec lui deux ans auparavant Jarvis
l'honnête homme, relève partiellement de ce genre. Non
seulement le bouffon de l'histoire, Clodion, entonne-t-il un air dès
le premier acte, mais Ferdinand ou Pauline eux aussi, à des moments
particulièrement pathétiques. Il est à noter qu'en
l'absence de musique de scène, ces airs étaient souvent
empruntés à des uvres lyriques en vogue dont l'origine
est indiquée en didascalie. Drame ou vaudeville, alors ? Les personnages
du drame semblent doublés en effet par de vrais personnages de
vaudeville, le ridicule Clodion et son égérie Mme de Melcourt,
qui ne voient pas ce qui se trame, interfèrent cependant plus ou
moins adroitement avec l'action principale, et, au final, jouent les deus
ex machina : c'est Clodion, et non Ferdinand, qui tue en duel M. de
Fontenay à la toute dernière scène, évitant
ainsi au "mari" de porter la responsabilité de la mort
du "séducteur", le père d'un enfant qu'il a adopté.
Drame-vaudeville, donc, pourquoi pas ? Il y en eut assez fréquemment
; ainsi, ce Jeune homme charmant, "drame-vaudeville"
en cinq actes, de Paul de Kock et Varin, créé au Théâtre
de la Gaîté le 13 août 1839, dont l'intrigue recoupe
à ce point Le séducteur et le
mari, y compris pour le duel final qu'on peut se demander s'il
n'a pas peu ou prou inspiré nos auteurs. La pièce n'eut
qu'une édition, chez Marchant en 1842, avec une impression de piètre
qualité qui rend par moment la lecture conjecturale. D'après
Quérard, le manuscrit de la pièce aurait subi "les
mêmes vicissitudes" que celui de Paul
Jones : il ne précise pas lesquelles, mais on peut penser que
le manuscrit là aussi fut confié en gage à un créancier
peu scrupuleux qui en dessaisit l'auteur et le fit jouer contre son gré.
François Rahier
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