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Titre La tour Saint-Jacques

Année de publication 1856

Genre Théâtre

Collaborateur(s) Xavier de Montépin

Epoque du récit 1413-1418

Résumé Raoul de la Tremblaye est dénoncé comme bâtard par son cousin Jacques qui le chasse. Pendant ce temps, la reine Isabeau intrigue en profitant de la folie du roi Charles VI. Nicolas Flamel, médecin et notable, soutient le peuple de Paris indigné par les exigences anglaises. Raoul le rejoint; la Reine jette son dévolu sur lui (Acte I).

Sous le pont au Change, Jacques de la Tremblaye, qui veut se débarrasser de son cousin, recrute un assassin. Raoul est secouru par Odette (Acte II)... dont il s'éprend. Flamel leur demande de l'aider à sauver le roi. Toujours l'objet des attentions de la reine, Raoul est nommé lieutenant des gardes. Flamel conduit Odette chez le roi. La présence de la jeune fille paraît atténuer sa démence. Survient la reine, dont cette rémission n'arrange pas les projets. Raoul lui défend d'entrer. La reine veut le faire arrêter. Par un escalier dérobé, Flamel attire Raoul dans la tour Saint-Jacques qui est un lieu d'asile (Acte III).

Devant la Cour des Miracles, Jasmyn Tonneau, roi d'Argot, met aux voix l'admission de Raoul au droit d'asile. L'assassin pénètre de nuit dans la tour. Trompé par l'obscurité, il tue Flamel au lieu de Raoul. Raoul est arrêté, convaincu du meurtre (Acte IV).

Sur le point d'être exécuté, il est gracié par Charles VI qui le confirme dans ses titres. Le roi refuse les conditions infamantes que prétendent lui imposer les Anglais. La pièce se termine par le retour triomphal du Dauphin à Paris le 25 février 1418 (Acte V).

Analyse Dernier avatar de la collaboration Dumas–Nerval, ce drame, créé au Théâtre impérial du Cirque le 15 novembre 1856, ne doit pourtant rien à la plume du poète, retrouvé pendu à l'aube du 26 janvier de l'année précédente à une grille de la rue de la Vieille-Lanterne, dans le quartier du Châtelet. Rien, ou presque...

Cette rue est toute proche de la tour Saint-Jacques de la Boucherie que Gérard visitait souvent, préoccupé de découvrir le sens des animaux symboliques qui la surmontent. Et il y a ces quelques feuillets qu'il consacra 25 ans auparavant à Nicolas Flamel: les fragments du drame – qui faisait du personnage un alchimiste pactisant avec le diable – avaient été confiés à Paul Lacroix qui les publia en 1855 dans Le Rêve et la Vie avec d'autres inédits.

Dumas avait-il lu ces fragments à l'époque, en avait-il discuté avec Nerval, ou les découvrit-il lors de leur publication? Toujours est-il qu'on en retrouve la trace dans deux scènes. Au début de l'acte IV, Dumas peint Dame Pernelle attendant Flamel qui tarde à rentrer, on retrouve la même scène dans le premier fragment de Nerval; chez Nerval, cependant, Pernelle est tendre et soumise, chez Dumas c'est plutôt une épouse acariâtre.

Un peu plus tôt Dumas avait conduit Flamel devant la cour du roi d'Argot pour plaider la cause de Raoul. Le dernier fragment de Nerval conduit aussi Flamel devant une sorte de cour des miracles, dans un cabaret également. Mais il s'agit davantage d'allusions ou de citations que d'emprunts au manuscrit de Nerval, une sorte d'hommage ou de dédicace secrète aux mânes de l'ami disparu.

Partiellement inspirée des Scènes historiques (publiées par Dumas en 1831 et 1832 et qu'il devait réunir plus tard dans Isabel de Bavière), la pièce n'est pas une des meilleures de notre auteur, loin de là. Très longue et manquant d'unité (elle noue ensemble plus ou moins bien trois ou quatre intrigues), elle accumule les scènes manquées: la passion subite d'Isabeau pour Raoul, mal ficelée, l'attaque bourguignonne à laquelle on pourrait s'attendre à assister dans un drame à grand spectacle, et dont nous avons à peine un écho, l'assassinat de Flamel enfin, au 4ème acte, qui prive la pièce d'un caractère important.

Située en plein cœur du quartier des boucheries, elle fait l'impasse aussi sur le mouvement insurrectionnel mené aux côtés des bourguignons par le boucher Simon Caboche; ces «écorcheurs», qui firent vaciller la royauté en 1413, auraient été un atout de plus pour un drame mettant l'accent sur les scènes de rue ou de foule.

La pièce vaut surtout pour ses prouesses techniques, rendues possible par les dispositifs scéniques du Théâtre impérial du Cirque, le pont au Change qui domine la scène à l'acte II puis s'abaisse pour permettre aux spectateurs de suivre les évolutions de deux personnages, les différents compartiments de la maison en pan coupé de Flamel à l'acte IV où se jouent en simultané plusieurs scènes.

Elle vaut aussi pour ses rassemblements populaires, plus proches du pittoresque que de l'épopée cependant, et ses scènes de truandaille, bien mieux venues, où Dumas tente de retrouver l'esprit de la cour des miracles du Hugo de Notre Dame de Paris.

À noter qu'une parodie en un acte et trois tableaux, jamais imprimée, a été jouée le 20 décembre 1856 au Théâtre des Délassements Comiques sous le titre La Cour de Saint-Jacques la Boucherie; elle était signée G. Bondon.

François Rahier
© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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