Titre
Le vingt-quatre février ou
L'auberge de Schawasbach
Année de publication
1850
Genre
Théâtre
Collaborateur(s)
Zacharias Werner
Epoque du récit
1808
Résumé
L'action se déroule en Suisse au début du XIXème
siècle, dans une auberge de montagne. Ruinés, condamnés
pour dettes, l'aubergiste et sa femme vivent sans doute leur dernière
nuit de liberté: demain viendront les archers. Ils n'attendent
plus de miracle, persuadés l'un et l'autre de leur damnation.
Ils ressassent un passé lourd de malheurs, de crimes: un vieillard
encombrant dont on s'est débarrassé sans doute en
le tuant et qui les a maudits, le meurtre d'une fillette en bas
âge par son frère, insensé tourmenté par la
vue du sang, et chaque fois un 24 février.
Quand sonne l'heure fatidique et qu'un nouveau jour commence, un nouveau
24 février, un voyageur frappe à la porte. C'est le fils,
assagi, enrichi surtout, qu'on ne reconnaît pas et qu'on tue pour
le voler. On se pardonne autant qu'on peut... Quand l'aube point, les
deux réprouvés voient venir les archers en se confiant à
la miséricorde divine.
Analyse
Dumas reconnaît avoir «imité» ce drame noir de
la tragédie de l'Allemand Zacharias Werner parue sous le même
titre - Le vingt-quatre février
- en 1810. C'est peu ou prou l'intrigue de base du célèbre
mélodrame de Benjamin, Saint-Amant et Paulyanthe, L'Auberge
des Adrets (1823) que l'acteur Frédérick Lemaître,
qui y incarnait le célèbre bandit Robert Macaire, avait
fini par détourner en une farce grand guignolesque.
Dans un tout autre registre, Balzac avait publié en 1831 L'auberge
rouge qui deviendra un fleuron des Études
philosophiques de la Comédie humaine,
autre histoire de soif de l'or poussant au meurtre du voyageur
isolé, et de rédemption finale sous la hache du bourreau,
en l'occurrence ici le couperet de la guillotine.
Au-delà des conventions du mélo aux effets parfois outranciers,
l'auberge isolée, la scène de l'égorgement
du fils par le père, la reconnaissance, le pardon final, au-delà
aussi du thème tragique de la fatalité, qui relève
davantage ici d'une hérédité à la Zola
que de la métaphysique, c'est de la faute que traite Dumas
dans ce drame noir, de la manière dont on s'en renvoie la
responsabilité de génération en génération,
les pères maudits par leurs pères maudissant à leur
tour leurs enfants de la faute et de l'expiation surtout,
qui passe ici par le châtiment suprême.
On retrouve en filigrane le thème de la peine de mort longuement
développé par Dumas dans l'épilogue et la postface
du Comte Hermann,
pièce publiée quelques mois auparavant, un thème
qui va le préoccuper de plus en plus dans les années à
venir et se préciser dans le sens de l'abolitionnisme comme en
témoignent les articles de son journal italien L'indipendente
en 1866 (voir le Cahier
Alexandre Dumas numéro 31, 2004, consacré à Dumas
et la peine de mort), un thème majeur du romantisme social.
Curieusement, au XXème siècle, deux uvres d'Albert
Camus dont on sait qu'il fut aussi un fervent abolitionniste, reprennent
l'histoire de l'auberge sanglante: dans L'étranger
(1942), Meursault découvre en prison un lambeau de journal relatant
le fait divers; et la pièce Le malentendu
(1944) développe l'histoire en la tirant vers l'absurde de la condition
humaine. Un peu plus tard Claude Autant-Lara en fera une farce grinçante
au cinéma avec Fernandel et Françoise Rosay (film L'Auberge
rouge, 1951).
François Rahier
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