Titre
Antony
Année de publication
1831
Genre
Théâtre
Collaborateur(s)
-
Epoque du récit
contemporaine
Résumé
Adèle d'Hervey reçoit une lettre d'Antony, son ancien amant
dont elle était sans nouvelle depuis trois ans. Alors qu'elle tente
de l'éviter, son équipage s'affole. Elle est sauvée
par Antony qui se jette à la tête des chevaux et est blessé.
Le jeune homme est emmené chez elle pour y être soigné.
Adèle, épouse et mère, ne doit pas se souvenir de
leur ancienne liaison; rassurée par le médecin, elle propose
de le faire raccompagner.
Antony,
ne voulant pas la quitter, arrache ses pansements et perd connaissance.
La convalescence dure cinq jours pendant lesquels Adèle évite
soigneusement le blessé; elle accepte tout de même de lui
accorder une dernière entrevue au cours de laquelle elle comprend
les raisons de son éloignement: sans naissance, il ne pouvait prétendre
à l'épouser et avait préféré fuir sans
toutefois calmer la furie de son amour.
Bouleversée, Adèle lui avoue ses sentiments. Mais cet amour
est un crime social et elle décide d'aller se mettre sous la protection
de son mari. Antony la poursuit et la retrouve dans une auberge près
de Strasbourg où il met tout en uvre pour l'isoler: elle
cède.
Trois mois se sont écoulés, Adèle et Antony son revenus
à Paris où la bonne société se délecte
de leur escapade. La vicomtesse de Lacy, qui croit en l'innocence de son
amie, les convie à un bal. Adèle prend conscience de la
ruine de sa réputation; ses anciens amis la jugent légère
et consentante.
Désespérée, elle retourne chez elle. Antony apprend
alors que le colonel d'Hervey est en route pour revenir à Paris.
Il se rend chez elle pour l'avertir et lui proposer de fuir ensemble.
Adèle ne peut consentir à entacher l'avenir de sa fille.
Il lui suggère une mort commune, mais elle sait que cela ne lavera
pas la tache au nom de son enfant.
Fou d'amour et de douleur il tente de l'emmener de force quand le colonel
frappe à la porte. Adèle supplie Antony de la tuer, seule
sa mort, uniquement la sienne, pourra arranger la situation. Antony la
poignarde et déclare au colonel qui surgit dans la pièce:
«elle me résistait, je l'ai assassinée!». Une
réplique finale devenue célébrissime et qui concourt
beaucoup au succès de la pièce.
Analyse
«Antony n'est point un drame, Antony
n'est point une tragédie, Antony
n'est point une pièce de théâtre, Antony
est une scène d'amour, de jalousie, de colère, en cinq actes»:
ainsi Dumas qualifiait-il cette création passablement autobiographique
(sa passion pour Mélanie Waldor, débutée en septembre
1827, a amplement inspiré Antony).
La première de la pièce au Théâtre de la Porte
Saint-Martin le 3 mai 1831, avec Marie Dorval dans le rôle d'Adèle
et Bocage dans celui d'Antony, est un immense succès. Les femmes
pleurent, hurlent, déchirent leurs mouchoirs de dentelles, rêvent
de pouvoir un jour inspirer une telle passion; les hommes s'exaltent et
applaudissent l'amour insensé et dramatique du ténébreux
héros qu'ils voudraient incarner. Le succès ne se démentira
pas: Antony demeurera l'un des plus grands
triomphes de Dumas au théâtre.
Il est vrai que l'intrigue est un souffle d'amour et de démence
grandissant. Antony, jeune, beau, intelligent, riche mais sans nom et
sans naissance, se heurte de plein fouet, et avec toute la fougue de son
désespoir et de sa misanthropie, à la haute et bonne société
parisienne qui lui refuse le bonheur. En dépit de ses qualités
qui devraient faire de lui un homme aimé et même adulé,
il se voit interdire l'amour d'Adèle parce qu'il a le malheur d'être
un enfant illégitime. Ce défaut de nom est une tare indélébile.
Aussi développe-t-il un amour instinctif et violent pour Adèle
qui l'aime pour ce qu'il est et non pour sa condition sociale. Malheureusement,
si Antony a la volonté de se heurter aux codes sociaux, Adèle
n'est pas de taille à mener le même combat. Le départ
précipité et inexpliqué d'Antony trois ans plus tôt
l'a décidé à épouser le colonel d'Hervey dont
elle a eu une fille. Cette enfant, innocente et qu'elle aime, est le vrai
obstacle à son amour pour Antony; jeune femme éduquée
selon les principes de la société parisienne, elle ne peut
se résoudre à jeter l'opprobre sur son enfant et préfèrera
la mort à la honte.
De nos jours, l'intrigue d'Antony peut
paraître quelque peu excessive. Toutefois, le rythme saccadé
et rapide de l'écriture nous emporte assez facilement; on se laisse
prendre au jeu et on ressent de la compassion pour ce jeune couple sacrifié.
Le succès de la pièce lui a valu d'être pastichée.
Voir par exemple un article complet sur Batardi.
Delphine Dubois
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