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Titre Dieu dispose

Année de publication 1850-1851

Genre Roman

Collaborateur(s) -

Epoque du récit 1829-1830

Résumé Ce récit constitue la suite de Le Trou de l'Enfer. En mars 1829, lors d'un bal costumé chez la duchesse de Berry, Julius d'Eberbach, alors ambassadeur de Prusse à Paris, rencontre son vieil ami Samuel Gelb qu'il n'a pas vu depuis vingt ans. La rencontre de Julius vient à point pour Samuel. En effet, celui-ci fait partie d'une société secrète parisienne en liaison avec celle de sa jeunesse, la Tugendbund, et pour accéder aux hautes fonctions dont il rêve depuis longtemps, il a besoin d'argent. Il renoue donc avec Julius afin de s'approprier sa fortune, d'autant que celui-ci, depuis la mort tragique de son épouse Christiane au Trou de l'Enfer, n'a plus d'autre parenté que Lothario, son neveu.

Pour hâter la mort de Julius, Samuel tente d'abord de s'allier avec Olympia, une diva dont la ressemblance avec Christiane, l'épouse décédée de Julius, est frappante. Puis il essaye de compromettre Julius en le faisant affiler aux Carbonari, société secrète qui vise à renverser Charles X au profit des libéraux. Mais Frédérique, la jolie jeune fille que Samuel a élevée, découvre par hasard cette machination et s'empresse d'aller prévenir Julius de ce qui se trame contre lui.

L'émotion provoque sur cet organisme affaibli par les souffrances et les excès une congestion cérébrale dont il est sauvé par la science de Samuel et le dévouement de Lothario et de Frédérique.

Lothario, amoureux de Frédérique, voyant son oncle hors de danger, choisit alors de s'éloigner parce que la jeune fille lui a signifié qu'elle était déjà promise. Pendant ce temps à Paris, Julius s'attache de plus en plus à Frédérique pour qui il ressent un amour paternel et décide de l'épouser afin de lui assurer fortune et avenir. D'abord réticent parce qu'il s'est rendu compte qu'il aimait d'amour la jeune fille, Samuel encourage ce projet, voyant là le moyen de récupérer la fortune de Julius après sa mort.

Cependant, une fois le mariage fait, Julius apprend par une lettre de Lothario les raisons de son éloignement. En effet celui-ci, poussé par la diva Olympia qui s'est prise d'amitié pour lui, avoue son amour pour Frédérique. Embarrassé, Julius, se sachant peu de temps à vivre, les fiance afin qu'ils s'épousent après sa mort. Mais cela ne fait pas les affaires de Samuel, qui distille alors des soupçons dans l'esprit de Julius quant à l'honnêteté des deux jeunes gens. Aussi lorsque Julius découvre la disparition de Frédérique (orchestrée par Samuel) en même temps que celle de Lothario, il pense aussitôt à une trahison. Humilié, oubliant leurs liens, il provoque en duel son neveu dès son retour.

Heureusement l'affrontement est évité grâce à l'intervention de la diva Olympia qui se fait reconnaître de Julius. Il s'agit en fait de Christiane, son épouse qu'il croyait morte. Elle lui révèle le rôle joué par Samuel dans le malheur de leur vie (voir Le Trou de l'Enfer).

Julius se comporte ensuite avec Samuel comme s'il était rongé de remords d'avoir tué Lothario, tout en cherchant le moyen de mettre fin à la malveillance de cet homme perfide. Les événements politiques et l'échec de la révolution de juillet 1830 lui en fournissent l'occasion. Déçu par ces libéraux qui remplacent un roi par un autre roi, Samuel décide de trahir la Tugendbund et d'en profiter pour tuer Julius.

Mais Julius se sacrifiera et ils mourront tous deux, l'un en ayant découvert que Samuel était son frère et l'autre que Julius était ce chef suprême dont il enviait la place depuis toujours...

Analyse Dans cette suite du Trou de l'Enfer, nous retrouvons les mêmes personnages dix-neuf ans plus tard. Le mal fait par Samuel a profondément affecté Julius, qui a tenté pendant ces années d'oublier la mort tragique de sa femme par sa conduite scandaleuse avec ses nombreuses maîtresses. Sa santé s'est considérablement détériorée et c'est un homme épuisé et n'ayant plus longtemps à vivre que retrouve Samuel. En même temps, il semble être devenu plus «imperméable» aux aléas de la vie, comme indifférent à ce qui peut lui arriver.

Pendant ces années, Samuel a eu le temps de parfaire sa connaissance de l'esprit humain. Il est resté manipulateur et mauvais mais est devenu vulnérable parce qu'il éprouve de l'amour pour la jeune fille qu'il a élevée. Il est jaloux parce qu'il se rend bien compte que cet amour n'est pas réciproque, et qu'elle éprouve envers lui simplement une profonde reconnaissance.

Frédérique, bien qu'élevée par Samuel «pour en faire une créature à sa guise», est une délicieuse jeune fille honnête, pleine de bons sentiments.

Christiane, après s'être jetée dans le Trou de l'Enfer, a miraculeusement été sauvée par Gamba un bohémien (qui est le cousin de Gretchen), qui lui a fait découvrir le chant dans lequel elle a trouvé sa raison d'être. La souffrance endurée a été telle que ni Samuel, ni Julius ne la reconnaisse physiquement et surtout moralement, même si à un moment ils ont eu des doutes.

Gretchen quant à elle, a tenu sa promesse à Christiane en cachant la filiation de Frédérique à tous et en allant visiter cette jeune fille à Paris une fois par an. On imagine sans peine les tourments de son âme en apprenant le mariage de Julius avec Frédérique...

On retrouve dans cette histoire l'envie de pouvoir de Samuel qui, à défaut de bonne naissance, a besoin d'argent pour accéder au commandement suprême de la société secrète. Tous les moyens lui sont bons pour arriver à ses fins.

Toutefois, il échouera d'une part à cause de sa jalousie (qui l'a rendu moins vigilant) et de son orgueil (il n'a pu imaginer qu'on puisse lui dissimuler quelque chose). Et aussi à cause du sacrifice de Julius qui donnera sa vie pour que les monstruosités commises aux yeux des hommes et de Dieu (épouser sa fille alors que l'on est déjà marié...) soient annulées. A cette occasion, nous découvrons la vraie personnalité de Julius et au final on se demande qui a manipulé qui...ou est-ce vraiment «Dieu (qui) dispose»? Même un personnage athée comme Samuel en vient à douter au moment de mourir.

Le Trou de l'Enfer et Dieu dispose sont deux vraiment bons romans, même si le ton employé par l'auteur est un peu inhabituel: plutôt pessimiste et cynique, Dumas nous montre là une facette de son écriture que l'on n'a pas souvent retrouvée dans ses autres écrits.

Dans la déception de Samuel suite à la révolution de 1830 on retrouve celle de Dumas par rapport aux espérances qu'il a eues ces jours là et peut-être traduit-il dans ce personnage particulièrement méchant (probablement un des plus affreux de la création de l'auteur) le mal-être de la jeunesse de cette époque. Même un personnage aussi désabusé et sans états d'âme que Samuel ne trouve pas le moyen de changer les choses et se désespère de pouvoir y arriver un jour... ce qui peut refléter les sentiments de Dumas sur cet événement et surtout sur ses suites.

Il est donc bien dommage que ces deux livres soient si difficiles à trouver aujourd'hui. Car l'écriture de ces romans est quand même plaisante de par le rythme, les personnages qui sont admirablement dépeints, et aussi les rebondissements et coups de théâtre des plus inattendus...

Nicole Vougny
© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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