Titre
Le docteur mystérieux et La
fille du marquis. Ensemble également connu sous le nom Création
et rédemption
Année de publication
1872
Genre
Roman
Collaborateur(s)
-
Epoque du récit
Le docteur mystérieux: juillet
1785 à janvier 1793. La fille du marquis:
juin 1793 à fin 1796.
Résumé
Juillet 1785, à Argenton, dans le Berri: voici le docteur Jacques
Mérey, médecin passionné par les recherches scientifiques
et ésotériques, qui se refuse aux riches mais soigne les
pauvres et les animaux, les guérissant même miraculeusement.
Il découvre un jour, dans une misérable cabane, soignée
par un bûcheron et sa mère, une petite «chose»
complètement désarticulée et muette, une fillette
abandonnée de ses parents. Pour Mérey, il s'agit là
d'un grand défi à sa science: transformer ce tas de chair
à peine vivant en une «personne». On lui confie l'enfant
et il se met, dès lors, au travail.
Longtemps
muette et sans force, l'enfant, que Jacques baptise «Eva»
en souvenir de la première femme, reçoit, lors d'un orage,
une décharge électrique qui déclenche en elle le
«souffle de vie». De ce moment, elle se développe rapidement.
Quand un jour, par hasard, elle se met à l'orgue et joue avec grâce
sans jamais avoir appris, le médecin prédit qu'elle saura
tout faire. Il partage avec elle toutes ses connaissances et l'enfant
sauvage se transforme en une belle jeune fille qui, éperdument
reconnaissante envers le maître qui l'a «créée»,
devient également passionnément amoureuse de lui. Un amour
qu'il partagera.
Mais tout ne peut être aussi simple! Avant d'épouser le médecin,
Eva veut savoir qui sont ses parents. Jacques retourne chez le bûcheron,
qui lui révèle la vérité, mais qui va également
aller annoncer au marquis de Chazelay, riche et noble veuf, que sa fille
est guérie. Celui-ci vient aussitôt reprendre sa fille au
docteur, le chassant de sa vie.
Nous entrons alors dans la partie «historique» de ce qui semblait,
jusque là, être une simple histoire d'amour. Nous sommes
au cur de la Révolution française. Les habitants d'Argenton
élisent le docteur député; il accepte alors d'aller
siéger à Paris, pour se consoler de l'absence d'Eva. Le
marquis, pour sa part, rejoint bien sûr les rangs de la noblesse
et combat les révolutionnaires.
Jacques est ami de Danton, qui l'envoie en mission sur le front, ce qui
nous permet de suivre de près tous les détails de la Révolution
et d'assister aux combats qui se livrent en France et en Belgique. Pendant
plusieurs dizaines de pages, l'âme révolutionnaire de Dumas
et son attachement à cette cause se racontent avec forces détails.
Après quelques victoires sur les fronts extérieurs, Mérey
revient à Paris. Là, la Terreur règne; les rivalités
entre factions sont nombreuses et féroces; la guillotine punit
les traîtres. Jacques apprend que le père d'Eva a été
exécuté, la laissant héritière. Il se rend
à Argenton dans l'espoir de la retrouver, mais elle n'y est plus,
ayant dû s'exiler à Vienne. Grâce à de nombreux
subterfuges, Mérey parvient à quitter la France pour tenter
de rejoindre sa bien-aimée à Vienne... Mais comble de malchance,
celle-ci a quitté la ville quelques jours plus tôt pour rentrer
en France.
Trois
années de silence passent alors. Nous retrouvons Mérey au
théâtre, à Paris, en 1796. Par hasard, il aperçoit
Eva dans une loge. Ils se rencontrent, mais Jacques repousse Eva. Celle-ci,
désespérée, se sauve pour aller se jeter dans la
Seine... Le docteur se met à sa poursuite, la sauve, mais repousse
toujours son amour. Elle offre de devenir sa servante et de lui remettre
tous ses biens afin qu'il fonde un hospice dans le château de son
père. Comme il accepte, elle retourne s'installer dans la maison
du médecin à Argenton tandis qu'il règle la liquidation
de ses biens à Paris. C'est là qu'il découvre le
journal qu'elle lui a laissé, dans lequel elle raconte sa vie en
son absence.
On y découvre à nouveau des pages importantes de la Révolution
française. À son retour de Vienne, Eva s'est liée
avec Desmoulins et Danton, qu'elle verra disparaître. Dans ce Paris
chamboulé, elle désespère de retrouver son amour
et décide d'en finir en provoquant sa propre condamnation. Elle
insulte publiquement Robespierre et se retrouve en prison. Bien malgré
elle, elle échappe à la guillotine et se lie, en cellule,
avec Joséphine Tascher (future épouse de Bonaparte) et d'autres
femmes célèbres. Libérée, elle fait la rencontre
du vicomte de Barras dont elle devient la compagne. Et son journal se
termine là-dessus, dans la honte d'avoir faibli.
Jacques Mérey vient enfin la rejoindre à Argenton et entreprend
la transformation du château en hospice. Il fait également
construire, en secret, une jolie maison au cur du bois où
vivait Eva. Mais il demeure toujours froid et distant avec elle et lui
apprend même qu'il est fiancé.
Eva, éperdue de douleur, prend la décision de se faire religieuse
hospitalière pour se dévouer aux malades et ne plus vivre
auprès de Jacques. Le dénouement attendu se produit enfin:
alors qu'il la conduit à la chapelle où elle pense prendre
le voile, c'est un époux qui avait voulu mesurer la force de son
amour qu'elle y trouvera.
Analyse
Voilà un beau roman de Dumas! Un étrange roman, en fait,
que l'on pourrait pratiquement détacher en deux morceaux bien distincts,
l'histoire d'amour et celle de la Révolution française.
Il
y a donc, d'abord, la fantastique histoire du docteur mystérieux
et de son «sauvetage» d'Eva, qui n'est pas sans l'apparenter
à l'illustre Balsamo. Une belle histoire d'amour bien emberlificotée,
selon l'habitude dumasienne, avec revirements, coups de cur, soupirs,
poursuites, etc... Une histoire pour laquelle on espère une fin
heureuse comme dans les contes de fées, mais qui nous tient en
haleine tellement Dumas met de cynisme dans l'attitude du docteur face
à Eva. Une histoire «normale» se serait terminée
rapidement, le jour des retrouvailles; mais pour Dumas, rien ne peut être
simple et les aveux passionnés du docteur à Eva prendront
plus d'une centaine de pages avant de se faire!
Et il y a bien sûr le récit historique qui s'étale
avec toute la conviction révolutionnaire de Dumas, venant tout
à coup s'insérer dans cette histoire d'amour. Romancée
par moments, bien sûr, mais néanmoins réelle en grande
partie, cette histoire de la Révolution française permet
de pénétrer, par exemple, dans l'intimité de Danton
et de découvrir une image nouvelle, plus humaine, plus souffrante
de ce personnage marquant.
On y croise Marat et sa meurtrière, dans une vision complètement
différente de celle que l'on lit habituellement. Même le
personnage de Joséphine, longtemps avant de devenir impératrice,
paraît plus sympathique que ce que l'histoire nous laisse généralement
ressentir. Bref, cette histoire de la Révolution, à l'instar
de tant d'autres uvres de Dumas, nous permet de pénétrer
dans les coulisses de l'Histoire et de nous faire une représentation
plus vivante d'événements dont on a pourtant déjà
tant entendu parler.
Le docteur mystérieux et sa suite,
La fille du marquis, constituent donc
une très belle histoire, qui se laisse rapidement dévorer.
Elle saura plaire autant aux adeptes de romans d'amour qu'à ceux
qui préfèrent les récits historiques; bref aux inconditionnels
de Dumas qui savent goûter le mélange des deux!
Marie Douville
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