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Titre Fiesque de Lavagna

Année de publication écrit en 1828, publié en 1976

Genre Théâtre

Collaborateur(s) -

Epoque du récit 2-3 janvier 1547

Résumé Le comte Fiesque poursuit de ses galanteries Julie, la fille du doge André Doria. Horatio, frère de Julie, manigance avec le Maure l'assassinat de Fiesque, dont il se méfie; il cherche en même temps à séduire Berthe, la fille du vieux républicain Verrina. Fiesque affecte l'insouciance devant ses amis patriotes, mais il détourne les coups du Maure et l'attache à son service dans de secrets desseins (Acte I).

Fiesque continue à se faire passer pour un insensé tout en mobilisant des fidèles. Les républicains rassemblés autour de Verrina discutent du meilleur parti à prendre; le viol de Berthe par Horatio décide Verrina à se lancer dans l'action (Acte II).

Horatio médite de faire assassiner douze sénateurs le lendemain pendant qu'il fera investir la place par des mercenaires allemands. Devant Horatio et sa sœur, Fiesque continue de jouer les galants. Cependant, il demande au Maure de feindre un attentat contre lui pour mobiliser le peuple en sa faveur (Acte III).

Fiesque alors se révèle au grand jour devant les conjurés rassemblés à qui il assigne à chacun une tâche pour la nuit qui vient (Acte IV).

C'est l'insurrection: Horatio est tué, André en fuite, Fiesque est proclamé doge à son tour. Tandis que le peuple l'acclame, Verrina le conjure de refuser la pourpre, puis, convaincu de voir en lui un nouveau tyran, il le pousse à l'eau; Fiesque se noie. Devant ce coup de théâtre, le peuple versatile se prononce en faveur du retour d'André Doria. Verrina se suicide (Acte V).

Analyse Du temps des premières batailles romantiques, Dumas et Vigny opposèrent de grands modèles aux partisans d'un Pixérécourt ou d'un Delavigne: Vigny traduisit Shakespeare, et Dumas choisit Schiller. Son adaptation, reçue en lecture à la Comédie-Française, fut cependant refusée le 14 mai 1828.

Égaré, retrouvé, confié à Calmann-Lévy chez qui il disparut pendant l'occupation, le manuscrit de ce drame historique en cinq actes et en vers avait été lu par H. Parigot, qui en parle dans sa thèse Le Drame d'Alexandre Dumas père (1899).

C'est dans une bibliothèque privée que Fernande Bassan finit par en découvrir une copie, qu'elle édita en 1974, deuxième inédit de sa collection du Théâtre Complet. La conjuration de Fiesco à Gênes de Schiller, «tragédie républicaine» en grande partie inspirée de La conjuration du comte Jean-Louis de Fiesque du cardinal de Retz (1665), a été jouée sans succès à Bonn dès 1783. Pour le théâtre de Mannheim auquel il était attaché en tant qu'auteur, Schiller modifia l'année suivante la fin de sa pièce: Fiesco survit et serre dans ses bras Verrina. L'accueil du public fut aussi mitigé. Dumas, qui ignorait l'allemand et travailla sur les traductions disponibles à l'époque, ne semble pas avoir eu connaissance de cette deuxième version, d'ailleurs un peu convenue.

«Tragédie républicaine» et non conjuration républicaine, la pièce devient chez Dumas simplement «drame historique». Fiesque, membre d'une famille écartée du pouvoir dans la très aristocratique République de Gênes, servait sans doute les intérêts géopolitiques de la France et du Pape Paul III dans leur lutte contre l'empire de Charles-Quint. Le doge Andrea Doria survécut à Fiesque et continua à régir d'une main de fer la république jusqu'à sa mort à 94 ans en 1560.

Le Fiesco de Schiller joue les fous comme Hamlet, pour donner le change. Dumas et Musset s'en souviendront pour leurs Lorenzino et Lorenzaccio respectifs. Schiller et Dumas mettent bien en relief l'ambiguïté du personnage, et lui opposent le vieux républicain Verrina.

On trouve chez l'un et l'autre, à quelques nuances près, un portrait charge du Maure, stéréotype de mélodrame dont Dumas s'émancipera avec le Yaqoub de Charles VII. Là où Dumas s'éloigne de Schiller, c'est dans le traitement dramatique de l'action. La pièce de Schiller est longue et parfois confuse, même si elle atteint des sommets dans l'analyse psychologique que l'on ne retrouve pas chez Dumas. Celui-ci simplifie l'action, réduit le nombre des personnages, et surtout les décors.

Dumas, dans cette esquisse, révèle déjà un sens de la représentation qui fait parfois défaut à son illustre modèle, et propose une adaptation plutôt qu'une traduction; il remanie l'intrigue dans un esprit cornélien et s'inspire parfois de Shakespeare pour les monologues de Fiesque.

François Rahier

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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