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Titre Filles, lorettes et courtisanes

Année de publication 1843

Genre Essai historique

Collaborateur(s) -

Epoque du récit de l'Antiquité à l'époque contemporaine de Dumas

Résumé Dumas explore dans cet ouvrage le monde de la prostitution, en s'attachant tout particulièrement à ses principales actrices et ce à travers trois catégories distinctes.

Dans la première catégorie, il évoque les «filles» parmi lesquelles il différencie les filles à carte et les filles à numéro. Les filles à cartes sont celles qui vont chercher le client dans la rue. Elles ont un bon ami, leur souteneur, que Dumas nomme également un «homme entretenu». Leur vie se partage entre le trottoir, leurs clients, la visite aux services d'hygiène et les coups du souteneur. La fille à numéro appartient à l'aristocratie des filles : elle ne cherche pas le client mais l'attend dans la maison close où elle est employée. Sa vie est tout aussi monotone que celle de la fille à carte bien que le dimanche soit le seul jour où elle peut prendre un amant, souvent en se faisant passer pour une duchesse.

Dans la seconde catégorie apparaît un type de prostituée spécifique à la ville de Paris : la «lorette», sorte de femme entretenue par plusieurs hommes, que Dumas appelle des Arthur. Plus élégantes que les filles, plus libres aussi dans le choix de leurs clients, elles sont l'âme du quartier de Notre-Dame-de-Lorette.

Enfin, dans sa dernière distinction, Dumas remonte à l'Antiquité, et notamment en Grèce, pour évoquer la figure particulière de la «courtisane». Prostituées sacrées attachées au culte de Vénus ou maîtresse d'hommes célèbres, musiciennes ou philosophes, elles incarnent la noblesse et la puissance, le plaisir lié à l'esprit, et annoncent les Marion de Lorme ou Ninon de Lenclos du XVIIème siècle, évoquées par Dumas à la fin de son ouvrage.

Analyse S'inspirant de l'ouvrage de Parent-Duchâtelet intitulé La Prostituée à Paris au XIXème siècle, Dumas propose à son lecteur un texte plein d'humour et d'amour, où se mêlent réalisme et fantaisie.

Au fil de la lecture et de la découverte des différents types de prostituées, le lecteur progresse dans la rêverie littéraire. Si le passage sur les filles tend à démystifier la prostituée en exposant sa vie monotone et son destin pathétique, celui sur les lorettes et sur les courtisanes exhibe des figures mythiques sortant soit d'un imaginaire urbain pour les lorettes, soit d'un imaginaire de l'Antiquité et du Grand Siècle pour les courtisanes.

Dumas se montre très ironique envers les figures masculines. Il se plaît à caricaturer les types de souteneurs, à se moquer des étudiants qui s'imaginent avoir les faveurs d'une duchesse alors qu'il s'agit d'une fille à numéro, à montrer l'aspect commun des philosophes et autres grands personnages de l'Antiquité qui ne semblent être éclairés que par la beauté et le pouvoir de leurs maîtresses ; ironie peut-être envers lui-même qui avoue la puissance fascinatrice de ces femmes sur l'imaginaire d'un écrivain.

Objets de fascination où se cristallisent tous les fantasmes d'un homme et écrivain qui élève à la plus haute place la courtisane philosophe, ces femmes apparaissent comme des poèmes : «C'est elle[s] qui [sont] le livre» nous dit Dumas dans le chapitre consacré aux filles. Loin d'un document statistique et sociologique comme l'est l'ouvrage de Parent-Duchâtelet, Dumas donne à son texte une dimension presque mythologique : chaque type de prostituée a une histoire, un parcours et Dumas se plaît à livrer des anecdotes, faisant même intervenir les dieux dans le chapitre sur les courtisanes grecques. La prostituée est ainsi marquée du sceau de la création.

Dumas, pour reprendre son expression à l'égard de la religion dans la Grèce antique, «poétise la chair» aussi bien en l'incarnant dans une réalité quotidienne et monotone qu'en l'idéalisant et en la faisant fée, lutin, déesse.

Audrey Gilles

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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